NATURALISTE ET PHILOLOGUE SA VIE ET SON OEUVRE
L'homme et le savant. |
Charles Gueit dit dans la biographie que nous avons déjà citée :
Il y a soixante-dix-ans, le mouvement littéraire et scientifique était moindre que de nos jours.
Les hommes d'étude vivaient solitaires.
Chacun se complaisait à travailler dans le silence, restant dans sa paisible obscurité, sans chercher à en sortir.
Honnorat était bien le prototype des hommes d'étude de la province.
Il avait ses amis, mais ses relations restaient circonscrites. Aussi, caché derrière ses collections entomologiques,
ses livres de science et ses herbiers, il travaillait pour enrichir son cabinet, à la fois muséum et laboratoire,
vraie retraite de savant.
L'abbé Léon Sibour,qui avait assisté à quelques-uns de ces entretiens, les a fort agréablement racontés dans des
lettres adressées à une femme d'un esprit très distingué,
Mme.A. de S.-S ,nièce d'un ancien archevêque d'Aix.
Voici comment s'exprime l'abbé Léon Sibour en parlant d'Honnorat :
Le musée d'Honnorat, se trouvait au rez-de-chaussée de la maison qu'il habitait, 71 boulevard Gassendi, à Digne,
dans une grande salle où l'on voyait toutes les curiosités naturelles qu'il avait recueillies au cours de ses excursions dans les régions alpestres.
Ses collections, admirablement tenues, étaient considérables. Il en faisait généreusement bénéficier des correspondants et les amateurs qui venaient lui rendre visite, ce qui lui avait valu la qualification de
Providence des naturalistes
Philippe Breton, ingénieur de grande distinction, qui avait visité son cabinet en 1841, nous dépeint ainsi le studieux docteur :
Honnorat fut un linguiste choqué par la fausse acception d'un mot. Il ne manqua jamais de relever une expression fautive et on en trouve de fréquents exemples dans son Dictionnaire.
C'est un fait constaté et digne de remarque qu'il y a certainement chez les esprits supérieurs adonnés aux études scientifiques un besoin inné de précision mathématique. Ils n'admettent pas que, même au point de vue littéraire, on puisse s'écarter de l'absolue vérité scientifique.
D'ailleurs, si la fable de La Cigale et la Fourmi, qualifiée irrévérencieusement de "maigre historiette", est sévèrement jugée c'est parce que "la vérité rejette comme invention insensée ce que nous dit le fabuliste", le fin et mordant caricaturiste Granville, qui a illustré le texte de La Fontaine, est pris également à partie pour avoir dessiné une cigale "grand chapeau en cabriolet, guitare sous le bras, jupe collée aux mollets par la bise, à effigie parfaite de sauterelle".
C'est à Honnorat que l'on doit la découverte de diverses notes manuscrites émanant du neveu de Gassendi, ce qui a permis à notre savant de rectifier les fausses dates données par la Gallia Chritiana sur les dates de la naissance et de la mort de Pierre Gassendi.
De nombreux articles biographiques sur le
Dr. Bayle, Gaspard Laurent, savant médecin;
Thomas-Joseph Antoine, avocat, député;
Ed. de Laplane, l'historien de Sisteron;
Hyacinthe Corriol. Il termine en apostrophant ainsi ces pessimistes qui croient qu'il est de bon ton de déblatérer contre le pays, ses habitants, ses productions et son climat :" Hé! faquins, qu'y venez-vous faire, nous n'avons pas été vous chercher !". G. BAYLE. Les félibres, assemblés à Digne, sont venus, le 10 mai 1888, faire un pieux pèlerinage sur la tombe du savant auteur du Dictionnaire provençal-français
Note (1) Mémoire couronné par l'Académie de Marseille . 1er prix de la fondation du Maréchal de Villars.1913. Note (2) On nous a rapporté de lui cette maxime :"Un homme est-il ignoré, pauvre ou malheureux, il n'a plus de parents ni d'amis. Note (3) Mgr Auguste Sibour était chanoine de Nîmes lorsqu'il fut appelé au siège de Digne le 30 septembre 1839, en remplacement de Mgr.Miollis, prélat qui a laissé dans les Basses-Alpes une renommée de sainteté, de charité et de bonhomie rustique. Note (4) L'abbé Léon Sibour, cousin de l'évêque de Digne, était à cette époque secrétaire général de l'archevêché d'Aix. Note (5) Ces lettres ont été publiées dans les Annales des Basses-Alpes. Note (6) Vie de Monseigneur Sibour, archevêque de Paris, ses oeuvres, sa mort, par Poujoulat, p. 126-128. Note (7) Le cabinet d'Honnorat était dans le local qui sert aujourd'hui de cuisine à l'hôtel Boyer-Mistre. Note (8) A la mort d'Honnorat, Marrot, géologue, proposa à la ville de Digne d'acquérir à un prix dérisoire ses splendides collections locales : Note (9) Son érudition de philologue l'avait aussi justement fait appeler le plus Provençal des Provençaux. Note (10) Lettres sur Digne (Annales des Basses-Alpes, août 1841). Note (11) L'Ecole du Peuple, journal hebdomadaire, n° du 10 février 1861. Note (12) Commune de Saint-Geniez-en-Dromont, à 13 kilomètres de Sisteron. Note (13) Histoire de Sisteron, par Ed. de Laplane. Digne, veuve A. Guichard, 1843, t I, p. 28. Note (14) Histoire de Sisteron, par Ed. de Laplane. Digne, veuve A. Guichard, 1843, t I, p. 29. Note (15) Histoire de Sisteron, par Ed. de Laplane. Digne, veuve A. Guichard, 1843, t I, (notes) p. 35. Note (16) Honnorat a publié le fac-similé d'une inscription découverte à Gréoux. Note (17) Honnorat était membre correspondant de l'Académie de médecine, secrétaire-archiviste de la Société centrale d'agriculture des Basses-Alpes (Annuaire du département des Basses-Alpes, 1840, p. 160). Note (18) pièce justificative n° 7. Note (19) Dictionnaire provençal-français, p. 326. Note (20) Dictionnaire provençal-français, p. 355. Note (21) Discréditer est un barbarisme en français; Dictionnaire provençal-français, p. 687, etc., etc. Note (22) J.-H. Fabre, Souvenirs entomologiques, 5° série, p. 216-217. Note (23) J.-H. Fabre, Souvenirs entomologiques, 5° série, p. 355. Note (24) Discours sur la vie et les vertus de Mgr. de Miollis, évêque de Digne, par le chanoine Bondil. Appendice, p. 272. Note (25) Annales des Basses-Alpes,t. I, p. 340 et 341; t.IV, p.33 à 52; 72 à 74. Note (26) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 122-127. Note (27) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 128-139. Note (28) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 157-158. Note (29) Annales des Basses-Alpes, t. I, 1838, p. 95 et suiv.; t. II, 1839, p. 140-142. Note (30) Annales des Basses-Alpes, t. III, 1840, p. 30-32. Note (31) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 159-173. Note (32) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 199-206. Note (33) Annales des Basses-Alpes, t. II, 1839, p. 332-334. Note (34) Annales des Basses-Alpes, t. I, 1838, p. 265. Note (35) Annales des Basses-Alpes, t. I, 1838, p. 171. Note (36) Annales des Basses-Alpes, t. I, 1838, p. 361. Note (37) Annales des Basses-Alpes, t. I, 1838, p. 371. Note (38) Résumé de ce célèbre procès. Digne, imprimerie Guichard, 1834. Note (39) Larousse, Dictionnaire du XIX° siècle. Note (40) Bibliothèque de Digne et de Grenoble. Note (41) Annales des Basses-Alpes, 1841, p. 239-256. Note (42) Histoire d'Allos chapitre 32.. Note (43) Le Glaneur des Alpes, 25 novembre 1849. Note (44) Hommes remarquables des Basses-Alpes, par une Société de gens de lettres. Digne, Repos, 1850, p. 178. Note (45) A.Richaud, Le docteur S.-J. Honnorat, p. 100. Note (46) Lettre à Madame de *** qui m'a prié de lui faire connaître de quelle manière la troisième Restauration a été reçue à Digne. Note (47) Sous forme de brochure petit in-8° de 13 pages. Note (48) Nous possédons l'une de ces lettres, datée du 11 janvier 1846 et adressée à M. Maurel et à sa famille. Note (49) Voir Chapitre III.Cliquer pour aller au Chapitre III de laprésente biographie. Note (50) pièce justificative n°3. Note (51) Voir chapitre I de la présente biographie. Note (52) Voir pièce justificative n°8. Note (53) Bulletin Soc. Scient. et Litt. des Basses-Alpes, t. III, p. 475. Note (54) M. André Honnorat, député de l'arrondissement de Barcelonnette. Note (55) Copie par Jules Laure, peintre de talent, né à Grenoble en 1806. Note (56) Pour indiquer d'un mot combien la haute valeur scientifique d'Honnorat était reconnue et appréciée, il suffira, pensons-nous, de rappeler ici qu'il était en relations avec les savants les plus considérables de son époque : Note placée à la fin de l'ouvrage par L.-A.-DESSALLE :
A ces réunions qu'il présidait et où toutes les questions étaient discutées, Mgr. Auguste Sibour connaissant les aptitudes, le mérite particulier de tous ses invités,
désignait celui auquel telle ou telle tâche revenait, et après le développement d'une question un débat libre s'établissait.
Un médecin de Digne, dont le cabinet d'histoire naturelle offre la principale curiosité de la ville et qui est
un savant de parfaite modestie et de bon aloi, résout avec autorité les problèmes qui touchent aux Basses-Alpes,
aux dialectes variés et à l'histoire de la Provence.
Quelle patience il a fallu à cet homme et quel amour pur pour la science pour tracer paisiblement son sillon, l'espace de quarante ans,
au fond de sa vallée, sans jamais regarder ni à droite ni à gauche ! Son cabinet serait riche partout.
Il mérite d'être visité par tous ceux que le goût des sciences naturelles ou historiques amène dans ces montagnes.
Il possède un herbier provençal très complet et admirablement tenu. On croirait voir des plantes fraîches et vivantes.
Sa collection d'insectes est fort belle et nous avons vu aussi chez lui une collection de fossiles des Alpes, à quelques-uns desquels la science
a donné le nom du laborieux docteur.
Nous avons trouvé M. Honnorat occupé à mettre la dernière main à un dictionnaire de la langue d'oc :
immense compilation qui renfermera plus de quatre-vingt mille articles et qui suppose dans son auteur non seulement la connaissance de tous
les dialectes du Midi, mais encore celle de toutes les langues néolatines. Cette oeuvre, si elle peut être menée à bonne fin, fera le plus
grand honneur à celui qui a eu le courage de l'entreprendre.
Ce sera aussi pour
Digne un monument glorieux.
Devant qui l'homme à peine ose lever la tête,
Tant Dieu lui paraît grand, tant il se sent petit !
(V.Hugo.)
La paléographie, cet art si ardu de de déchiffrer les écritures anciennes, n'était pas étrangère à Honnorat.
En voici une preuve :
Parmi les nombreux et précieux vestiges des temps reculés que possède le département des Basses-Alpes, on trouve sur le pittoresque rocher de Chardavons la fameuse inscription gallo-romaine de la Pierre écrite.
Cette inscription, qui a donné lieu à des erreurs singulières et sur laquelle ont disserté tant d'hommes illustres depuis Gassendi et Peiresc jusqu'à Bouche, l'historien de Provence, prévôt de Chardavons, a été étudiée avec soin par Honnorat, qui en a donné un fidèle fac-similé reproduit par Ed. de Laplane. L'auteur de l'Histoire de Sisteron, tirée de ses archives, s'exprime ainsi au sujet de cette reproduction :
Dans ses productions variées, on peut l'appeler un maître impeccable et un homme de science. Aussi les académies, les sociétés savantes lui ont-elles offert spontanément de le compter parmi leurs membres.
Sa modestie lui a fait noblement décliner cet honneur et c'est toujours contre son gré que son nom a été prononcé avec éloges.
Il était sobre, spirituel et simple dans ses goûts. L'anecdote suivante montrera la gaieté de son caractère. Revenant un jour de la chasse aux papillons, il apprend qu'il est appelé au tribunal comme témoin. Il s'y rend sans changer de vêtements et les souliers couverts de boue. Le président, nouvellement installé à Digne, croyant s'adresser à un campagnard, lui demande en patois quelle était sa profession :
"Siou médecin de moun mestié", lui répond Honnorat en riant de la méprise dont il était l'objet, et le magistrat de se confondre en excuses.
Nous en citerons quelques-uns :
Bugla. Selon l'auteur de la Statistique des Bouches-du-Rhône, on donne dans ce département le nom de bugla à la vipérine commune, Echium vulgare Lin.
Le nom de bugla étant consacré à une plante (bugle rampante Ajuga reptans Lin.; bugle pyramidale, Ajuga pyramidalis Lin.; bugle de Genève, Ajuga genevensis Lin.) depuis des siècles ne peut être donné à une autre sans s'exposer à l'inconvénient de tout brouiller.
De nos jours, si nous jetons un rapide coup d'oeil sur l'oeuvre du grand observateur que Darwin a appelé l'Homère des insectes, l'entomologiste J.-H. Fabre, dont toute la Provence a célébré le glorieux jubilé, nous voyons avec quel esprit incisif il critique notre bon La Fontaine qui, dans la fable de La Cigale et la Fourmi, "récit de valeur fort contestable, où la morale est offensée tout autant que l'histoire naturelle", nous présente "dans un conte de nourrice dont le mérite est d'être court" une cigale suppliante, affamée, "contraire à toute saine notion".
C'est également lui qui publia une Histoire généalogique de Gassendi d'après l'histoire qu'en a faite, année par année, son fidèle serviteur et secrétaire de La Poterie, dont honnorat possédait le manuscrit
original.
En dehors des travaux dont nous avons parlé au cours de cette étude, mentionnons quelques-uns de ceux parus dans les Annales des Basses-Alpes, dont Honnorat fut le principal rédacteur.
Il suffit de feuilleter cette publication pour se faire une idée de ses vastes connaissances. Quelle variété dans ces articles !
Quelle quantité de renseignements et de faits concernant le pays bas-alpin !
Citons en première ligne sa Généalogie de Gassendi dont nous venons de dire un mot. Ensuite :
Charles Gueit a indiqué aussi qu'il possédait une pièce de vers qu'Honnorat écrivit lors de l'arrivée de Louis XVIII et une autre dédiée à une petite fille âgée de sept ans.
Honnorat affectionnait beaucoup la ville de Digne où il était venu se fixer peu de temps après avoir terminé ses études médicales. Dans une très intéressante description intitulée :
Digne, avantages et désavantages que présente son séjour, il commence par faire connaître de la manière la plus impartiale ce qu'il y a de bien et de mal dans cette petite cité qui, "sans être ni un Eden, ni un Elysée, ne mérite cependant pas les reproches et les malédictions de ceux qui, dans le fond, sont heureux d'y venir".
Il morigène ensuite avec esprit les fonctionnaires qui ne cessent de gémir d'être obligés d'habiter cette calme préfecture qu'ils considèrent comme un exil d'où ils ont hâte de partir, et il les questionne ainsi :
Nous lui demanderons si notre mouton, notre veau, notre porc frais, nos lièvres, nos perdrix, nos grives, nos oeufs, notre lait, nos fruits, nos légumes n'égalent pas l'avantage d'avoir du poisson plus abondamment ?
Si nos montagnes en nous offrant des sites variés et agréables, ne sont pas préférables à la monotonie des plaines ?
Si notre position un peu élevée, qui nous met à l'abri des inondations et de plusieurs maladies graves, ne vaut pas mieux que la plaine toujours menacée ?
Si la tranquillité de notre atmosphère peut faire regretter les ouragans qui désolent les pays plats, etc.,etc. ?
car il y aurait encore bien de choses à demander.
Nous soutiendrons à celui qui vient du Nord qu'un climat plus doux est plus sain, des fruits abondants et un beau ciel sont plus que suffisants pour contrebalancer les avantages que pouvait lui offrir son pays. Nous demanderons à l'habitant de Paris si tout ce que nous avons dit en faveur de notre séjour n'est pas capable de lui faire oublier, momentanément au moins, les brouillards, les boues, le bruit, le tracas, les barricades et les séditions toujours imminentes de sa capitale ?
Les agréments qu'elle offre ne sont d'ailleurs que pour le riche, tandis que ceux qu'on trouve ici appartiennent à tout le monde, etc......
"Cette réponse, ajoute-t-il, dispense de toutes les autres."
Honnorat était propriétaire du quartier Sainte-Brigitte, à Allos, qu'il a possédé jusqu'en 1847. Il visitait avec bonheur cette terre de ses aïeux et, lorsqu'il partait pour revenir à Digne, il la bénissait avec émotion, à la manière des patriarches.
M. le Dr. Romieu, maire de Digne, toujours si bien documenté sur l'histoire de cette ville, nous a assuré qu'il tenait de son beau-père, le Dr. Fruchier, qui avait beaucoup connu Honnorat, que notre savant, dont le désintéressement était proverbial, allait chaque année aliéner un morceau de ses propriétés pour combler le déficit que causait dans sa caisse son esprit de charité.
C'est même ce grand désintéressement qui, selon nous, le conduisit à accepter -lui esprit indépendant-
la fonction de directeur des postes à Digne; fonctions qui, en le délivrant momentanément des soucis matériels du struggle for life
lui permit de se consacrer davantage à ses chères études.
Il géra cet emploi de 1816 jusqu'en 1830, époque à laquelle
Joseph Bernard, alors préfet des Basses-Alpes, lui écrivit, en lui notifiant sa destitution :
"Il est facheux, Monsieur, qu'un homme aussi distingué, aussi probe et aussi exact à remplir ses fonctions se soit déclaré l'ennemi
d'un ordre de choses aussi évidemment utile à tout le monde."
A propos de cette destitution, nous croyons utile de faire ici la remarque
suivante :
Dans la notice - peut-être un peu sommaire même pour un Dictionnaire - qu'il consacre à Honnorat, le Larousse Mensuel illustré
(tome V, p. 155) s'exprime ainsi :
"...Ardent royaliste, il combattit en 1815 dans l'armée du duc d'Angoulême..."
Cette affirmation par trop catégorique a été puisée dans une note biographique que l'on trouve dans l'ouvrage :
"Hommes remarquables des Basses-Alpes".
On lit, en effet, dans cet article, qui a été vraisemblablement rédigé par l'abbé Feraud, rédacteur en chef de cette publication :
" En 1815, lorsque le duc d'Angoulême leva une armée dans le Midi, M. Honnorat en fit partie jusqu'à la capitulation."
Observons tout d'abord que plusieurs écrivains ont, à diverses reprises, adressé à l'historien des Basses-Alpes, M. l'abbé Feraud,
le reproche d'avoir avancé des faits dont l'inexactitude a été reconnue par la suite. L'erreur que nous relevons tendrait à démontrer que Feraud
n'exerçait pas toujours un contrôle suffisant sur les propos qu'il avait pu recueillir.
En ce qui concerne cet épisode de la vie d'Honnorat, le souci de la vérité nous oblige à dire que le rôle joué en cette circonstance par
le savant lexicographe et naturaliste paraîtra bien invraisemblable à ceux qui, comme nous, ont étudié avec conscience la vie du Dr. Honnorat.
Les profondes convictions religieuses et royalistes d'Honnorat auraient pu, certes, l'inciter à combattre par la plume
pour la défense de ses idées et des Bourbons. Mais, c'est bien mal connaître ce pacifique et infatiguable travailleur de la pensée que de le croire
capable de s'être enrôlé, les armes à la main, dans les rangs d'une armée royaliste.
Il nous paraît inadmissible que ce sage philosophe, ce médecin compatissant et dévoué, cet homme débonnaire dont les manifestations politiques
ne s'étendaient pas au-delà d'un petit cercle d'amis, dans le chef-lieu des Basses-Alpes où il résidait et qu'il ne quittait pas,
soit entré dans les rangs d'une force armée. Il suffit de réfléchir qu'à la suite d'une rencontre avec le parti adverse Honnorat se serait exposé
à causer des blessures, peut-être à donner la mort à son semblable, pour comprendre toute l'invraisemblance d'une telle hypothèse.
L'existence toute entière d'Honnorat proteste contre une semblable inexactitude. Le fait relaté par le rédacteur de la notice n'est étayé
d'aucune preuve, nous ne saurions donc le considérer que comme une simple conjecture sans valeur historique.
Il convient, en effet, de dire, et nous insistons particulièrement sur ce point, qu'on ne trouve dans les relations des faits qui se sont
déroulés en 1815 aucune mention de cet enrôlement. Les archives départementales ne possèdent aucun document où il soit fait allusion au rôle
joué par Honnorat. On admettra avec nous qu'il est étrange de ne rencontrer nulle part aucune indication sur la part prise par Honnorat aux
mouvements de l'armée royaliste.
Nous n'avons nous-même, au cours des longues recherches entreprises à diverses sources en vue de la
documentation de notre étude, pu recueillir aucune information du prétendu enrôlement d'Honnorat.
Il nous sera donc permis d'affirmer qu'il nous faut considérer comme une erreur historique le rôle prêté à Honnorat à l'époque des Cent Jours
par l'auteur de la notice parue dans les Hommes remarquables des Basses-Alpes.
Il y a lieu de considérer comme entachée d'inexactitude cette phrase de
l'un des biographes d'Honnorat :
"Dans cette prise d'armes des royalistes du Midi, Honnorat dut
faire partie de la petite armée qui opérait sur la rive droite du Rhône, sous les ordres du duc d'Angoulême, et qui fut dispersée par Grouchy."
Cette conjecture n'est nullement justifiée et la vérité historique ne peut se baser sur une proposition dubitative. Honnorat ne s'est pas plus
enrôlé dans l'armée qui opérait sur la rive droite du Rhône que dans les corps royalistes qui se trouvaient ailleurs.
Disons aussi qu'on ne connaît qu'un seul écrit politique du Dr. Honnorat qui ait été livré à la publicité. Encore ne s'agit-il que d'une lettre particulière écrite par Honnorat à une femme de qualité pour donner les détails qui lui étaient demandés "sur les réjouissances que nous avons faites à Digne à l'occasion de la naissance de S.A.R. Monseigneur le Duc de Bordeaux" (1820).
Nous ferons remarquer, du reste, qu'Honnorat avait l'habitude de recourir à l'imprimerie lorsqu'il avait une même réponse à faire à diverses personnes. Ainsi, après la douloureuse maladie qui le tint longtemps alité, il adressa, en janvier 1846, une lettre imprimée à toutes les personnes qu'il voulait remercier de l'intérêt qu'elles lui avaient porté.
Enfin, pour clore les observations que nous suggère l'article du Nouveau Larousse illustré, ajoutons encore qu'il conviendrait, selon nous, de mentionner dans la liste des travaux scientifiques du Dr. Honnorat le Catalogue des plantes de Provence, qui a coûté au zélé botaniste de longues années de travail et qui n'a été publié qu'en partie dans les Annales des Sciences et de l'Industrie du Midi de la France, la plus grande partie de ce catalogue étant restée à l'état de manuscrit (N° 1149 de la Bibliothèque de Grenoble) pour les raisons que nous exposons d'autre part.
Honnorat fut, en outre, par arrêté préfectoral du 6 octobre 1830, relevé de son emploi de médecin des prisons de la ville de Digne.
Ce nouveau coup de l'adversité n'altéra en rien la sérénité de son caractère. La mort l'avait frappé si cruellement à maintes reprises en enlevant à son affection une épouse adorée et onze enfants sur les treize qu'il avait eus, que c'est en vrai philosophe qu'il accepta cette nouvelle épreuve et se remit avec ardeur à ses études.
L'excès de travail auquel il s'était livré toute sa vie avait altéré profondément sa santé et, en 1845, c'est-à-dire un an avant la publication de son Dictionnaire, une attaque d'apoplexie lui paralysa le côté droit. Il eut cependant l'énergie d'en corriger lui-même les épreuves et de tracer d'une écriture tremblante, pendant ses dernières années, environ 2.000 mots ou observations pour combler les lacunes qu'il découvrait.
Ses auteurs favoris étaient Boileau, La Fontaine, Molière, et il se complaisait dans la lecture de ces grands écrivains.
Nous avons dit combien son esprit précis, méthodique, ne pouvait souffrir de voir présenter les données scientifiques sous une forme inexacte, et nous avons indiqué que cette aversion pour tout ce qui n'était pas exposé de manière rigoureusement conforme aux données de la science, avait été la cause de la polémique regrettable au cours de laquelle J.-J. Jullien, son contradicteur, avait été injurieux à son égard.
Ces vilenies ne furent pas les seules commises envers Honnorat. Il était dit que rien ne devait manquer à sa gloire, pas même les basses et grossières injures à son adresse personnelle et à l'adresse de sa fille qui le soignait avec un dévouement filial.
Honnorat ayant, paraît-il, lacéré une affiche apposée sur les murs de la ville de Digne par les soins du journal socialiste "L'Indépendant", cette feuille publia, dans son numéro du 27 avril 1850, un article des plus violents que nous ne croyons pas devoir reproduire ici.
Quelle triste chose qu'une rancune politique capable d'aveugler à un tel point et qui permet de déverser de si basses injures sur un savant qui a consacré une vie entière de travail à élever un monument impérissable à la langue provençale !
Après avoir été pendant sept années privé de l'usage de ses membres, la paralysie terrassa enfin Honnorat et, le 30 juillet 1852, la mort vint mettre un terme à ses souffrances. A son chevet se trouvaient ses confrères qui l'avaient soigné avec intelligence et dévouement.
Ses funérailles furent émouvantes. On vit derrière son cercueil des représentants de toutes les classes de la société. Les pauvres surtout, qu'il avait soignés toute sa vie et qu'il avait aidés de sa bourse, faisaient cortège à sa dépouille mortelle. Tous les assistants étaient unanimes à louer ses vertus et à déplorer sa perte.
Le Journal des Basses-Alpes du 5 août 1852 lui consacra les lignes suivantes que nous nous faisons un devoir de retracer ici :
Nous avons vainement feuilleté la collection du Journal des Basses-Alpes en vue de retrouver la notice biographique annoncée. A notre grand regret, il nous a été impossible de la découvrir. Le vénérable adjoint au maire de Digne qui, ainsi que nous l'avons indiqué, avait bien connu Honnorat, nous a rapporté qu'il croyait avoir entendu dire que cet article nécrologique n'avait pas été publié par suite du départ ou du décès du rédacteur qui avait entrepris de faire la notice.
M. Antoine Colomb nous a également confirmé qu'Honnorat était aimé et apprécié par tous. Il était, nous disait-il, la familiarité franche, la justesse même. Très gai dans la conversation (grand buveur de café, par parenthèse), il ne faisait jamais parade de son savoir; il avait tous les bons côtés de l'homme de bon sens et d'intérieur. C'était un excellent homme dans toute l'acception du mot et sa mort fut un véritable deuil pour la cité de Digne.
Honnorat repose dans l'ancien cimetière de la ville de Digne, situé de l'autre côté du torrent du Mardaric. Une large dalle de pierre recouvre sa tombe sur laquelle on lit l'épitaphe suivante qui résume toute sa vie :
SIMON-JUDE HONNORAT
Doceur en Médecine
Né à ALLOS le 3 avril 1783
Savant modeste
Ami des pauvres
Mort à Digne le 31 juillet 1852
Laissant pour héritage
à son pays
un monument de sa langue
aux malheureux
le souvenir de ses bienfaits
à ses enfants
l'exemple de ses vertus
auprès de lui
reposent les cendres
de
Rose-Marie-Véronique GARIEL
sa charitable épouse
Il y a quelques années seulement, la mousse et des plantes diverses dérobaient complètement à la vue la tombe du Dr. Honnorat. Un arbuste, après avoir pris racine entre la dalle et la grille d'enceinte, s'était vigoureusement développé au point de recouvrir entièrement la concession de son feuillage. Nos investigations personnelles en vue de retrouver la sépulture du Dr. Honnorat nous avaient permis de constater combien il était difficile de reconnaître l'emplacement exact de sa tombe. Aujourd'hui il n'en est plus ainsi : le pieux souvenir du petit-neveu du savant bas-alpin, auquel nous avions signalé cette déplorable situation, a remédié à ce regrettable état des choses. La tombe du Dr. Honnorat sera désormais entretenue.
Le Dr. Honnorat revit pour nous dans le portrait où est si finement marquée sa physionomie douce et souriante. Ce portrait, qui orna pendant un grand nombre d'années la salle des mariages de la ville de Digne, a été donné, il y a peu de temps, par la Municipalité au Musée de Digne, et il figure en bonne place dans l'intéressante salle réservée aux souvenirs bas-alpins. C'est une très belle copie du portrait original conservé dans la famille Gandalbert.
Disons en terminant que chez le Dr. Honnorat la science fut intimement liée à la vertu.
Ce fut non seulement un homme de grand mérite, mais un noble et beau caractère.
Son nom restera toujours honoré comme celui d'un homme dont la vie toute de travail aura été utile à son pays et à la science.
Nous serons heureux si les laborieuses recherches que nous avons dû entreprendre et les efforts que nous avons faits en vue de mettre en relief la belle et haute intelligence du Dr. Honnorat, peuvent contribuer à mieux faire connaître le savant modeste auquel la Provence et le département des Basses-Alpes en particulier peuvent se glorifier d'avoir donné le jour.
Mais la fortune, ses talents et ses vertus l'ont-ils placé dans les circonstances opposées, chacun veut lui appartenir.
Il est le cousin, l'allié, l'ami de tout le monde".
Nommé archevêque de Paris le 11 juillet 1848, Mgr.Sibour fut assassiné dans l'église Saint-Etienne-du-Mont, le 3 janvier 1857.
Nommé représentant du peuple à l'Assemblée nationale de 1848, il devint plus tard évêque de Tripoli (1857).
Ce recueil, devenu très rare, renferme une partie de l'histoire des Basses-Alpes en 8 vol.in-8°.
Au plafond de ce cabinet étaient suspendus des crocodiles empaillés.
L'aspect de la partie de l'hôtel actuel qui constituait la petite maison d'Honnorat n'a pas changé, nous dit M. Vial, libraire à Digne, qui a eu l'obligeance de nous donner ces renseignements.
Voir aussi pièce justificative n° 6.
minéralogique, botanique, entomologique, zoologique et archéologique, pour en former le noyau d'un musée qui depuis aurait rendu d'immenses services à l'instruction publique
et prévenu la dispersion aux quatre vents du ciel de toutes sortes d'objets précieux pour la science. La ville de Digne refusa.
Sans aller aussi loin que l'aimable érudit félibre, M. Victor Lieutaud, qui a écrit en parlant de Peyresc :
"Sa bibliothèque et ses collections d'un prix inestimable comme celles d'Honnorat, de Laplane et de
tant d'autres savants de nos pays, servirent à allumer un nombre considérable de poêles et furent dilapidées"
(Bull. Soc. Scient. et Littér. des Basses-Alpes, III, p.380),
car nous avons la preuve que la bibliothèque
d'Honnorat fut vendue à Grenoble (voir pièce justif. n°5)
il paraît à peu près certain que les collections (voir pièce justif. n° 4)
n'ayant pas trouvé d'acquéreurs furent jetées à la voirie.
Dans une lettre, datée du 18 octobre 1886, l'abbé Féraud, l'historien des Basses-Alpes, disait :"La belle collection de lépidoptères fut dispersée à tous les vents."
Un témoin oculaire, M. Vial, imprimeur à Digne, nous a affirmé que l'on trouverait la majeure partie des fossiles de la collection d'Honnorat dans les fondations de l'hôtel
Boyer-Mistre qui fut élevé sur l'emplacement de la maison du docteur.
La destruction est pire que l'oubli et nous ne pouvons que nous écrier avec M. Casimir Mariaud :"Comment ! un savant travaille durant toute une longue et laborieuse carrière à amasser une superbe collection, à organiser, à classer pour les hommes d'étude de l'avenir tout un muséum d'histoire naturelle;
il laisse des manuscrits où il a mis sa pensée, son savoir, sa science; des travaux qui ont été le but de sa vie,
sa consolation, son amour, pour doter son pays d'une oeuvre durable, et un jour, par ignorance ou par impiété,
n'importe, tout est détruit, dispersé, livré au vulgum pecus ! O honte ! Ayons donc le courage de préserver
du naufrage les épaves de la science, des lettres et des arts ! Ces restes sont sacré, car c'est en eux qu'on retrouve la gloire d'un pays ! (Bull.Soc. Sc. et Litt. des Basses-Alpes, III, 1887-188, p.23).
D.-J.-M. Henry (Recherches sur les antiquités des Basses-Alpes, p. 100) dit que ce monument peut être considéré comme le dernier ouvrage des Romains en Provence, parce qu\'il fut élevé à l\'époque où cette province commença à être envahie par les barbares.
Marcellin Boyer de Fons Colombe a donné une bonne dissertation sur cette inscription (Annales des Basses-Alpes, t.I, p. 12).
Il convient de mentionner au nombre de ses travaux concernant la médecine, les manuscrits suivants qui n'ont pas été publiés :
Cet opuscule est introuvable; nous en possédons un exemplaire.
On remarquera que le registre de l'état civil porte que le décès du docteur Honnorat a eu lieu le 30 juillet 1852, tandis que l'épitaphe gravée sur la pierre tombale indique, très probablement par suite d'une erreur du marbrier, la date du 31 juillet 1852.
M.A. Richaud écrit, p. 112 de son étude sur le docteur Honnorat :
"A propos de ce portrait d'Honnorat, nous avons plus d'une fois entendu parler d'un autre portrait qui serait plus remarquable encore, mais nul ne sait où il se trouve.Notre conviction est que ce produit mystérieux n'existe pas.
L'existence de ce portrait ne saurait être mise en doute et nous apportons à ce sujet l'affirmation très nette de notre excellent ami, M. André Honnorat, petit-neveu du docteur Honnorat.
Le député des Basses-Alpes, qui a eu fréquemment l'occasion de voir le portrait dans sa famille, nous a dit :
Le portrait authentique du docteur Honnorat est dans la famille Gandalbert, à Lille.
Celui qui est au musée de Digne n'est qu'une copie de ce portrait."
Mme. Gandalbert était la fille du docteur Honnorat.
La délivrance de Lille a appris à M. André Honnorat que sa cousine, Mme. Rommel-Honnorat, petite-fille du docteur Honnorat, était décédée dans cette ville pendant l'occupation allemande."
les botanistes De Jussieu, De Candolle, Dominique Villars, Loiseleur-Deslongchamps, Requiem;
les entomologistes Latreille, Boisduval, général comte Dejean;
les géologues et paléontologistes de Blainville, d'Orbigny, Cordier, Léveillé, etc..
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Langage de la Vallée
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