MONOGRAPHIE BAS-ALPINE
HISTOIRE D'ALLOS
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours
par
L'Abbé J.-E. PELLISSIER
Vicaire général de Mgr. l'Evêque de Digne

Itte terrarum mihi praeter omnesAngulus ridet.
Plus que tout autre ce petit coin
de terre a pour moi des charmes.
(Horace.)

Et pius patriae facta referre labor.
Redire le passé de son pays est
une oeuvre de piété filiale.
(Ovide.)

TABLE DES MATIERES

TOME II


QUATRIEME PARTIE
DEPUIS LE TRAITE D'UTRECHT,EN 1713,JUSQU'A NOS JOURS

CHAPITRE Ier
1.-Notre réunion à la Provence et le duc de Berwick.
2.-Frontières naturelles rétablies, depuis les sources d'Ubaye jusqu'à celles du Var.
3.-Le chemin de Preinier et le passage des troupes.
4.-Déclarations royales de 1714 et de 1716; grenier à sel établi à Allos.
5.-Elections municipales de 1718 et de 1719.
6.-Inféodation d'Allos.
7.-Incendie de 1718.
8.-Peste de 1720; comment Allos en fut préservé.
9.-La dîme; différend entre l'évêque de Senez et la communauté d'Allos.
10.-Exemption du service militaire.
(1713-1730.)

CHAPITRE II
1.-Réparation de la voûte de l'église d'Allos; revendication du chemin de ronde
2.-Vente définitive de la montagne de Preinier
3.-Entretien des chemins
4.-Contributions et exactions, pendant les guerres de la succession d'Autriche; les Austro-Sardes à Castellane; transport du foin d'Allos à Digne
5.-Incendie d'Allos et de Notre-Dame de Valvert
6.-Une tour des remparts transformée en clocher; acquisition d'une horloge
7.-Réouverture de la plâtrière du Laus
8.-Un nouvel impôt
9.-Période de paix; revendication de la Chalenche et du Laus
10.-Suspension des élections consulaires; nouvelle loi municipale; élection restreinte
11.-Location d'une maison de ville; encore le transport des fournitures militaires; reboisement des montagnes
(1730-1767.)

CHAPITRE III
1.-Croix plantées sur les sommets de Valgelaye, pour guider les voyageurs; visite de Mgr d'Amat à Allos.
2.-Incendie d'un quartier d'Allos; nouveau projet d'annexion au Dauphiné.
3.-La pêche dans les eaux du lac d'Allos; construction d'une barque.
4.-Le Villard veut être érigé en paroisse; le chaperon des consuls d'Allos.
5.-Avènement de Louis XVI; messe de l'aurore; réfection des cadastres.
6.-La bravade; les pouvoirs du premier consul.
7.-Draps fabriqués à Allos; incendie du Seignus.
8.-Payement des fournitures de guerre; maintien des privilèges.
9.Fondation d'une mission; suppression du bailliage.
10.-Cahier des doléances; menace des brigands; confédération de la vallée du Verdon.
(1767-1789.)

CHAPITRE IV
1.-La révolution française; nouvelle organisation municipale; suppression du consulat.
2.-Projet de séparer le hameau de la Foux de la commune d'Allos.
3.-Les prêtres d'Allos prêtent serment à la constitution civile du clergé; rétractation et exil du curé d'Allos.
4.-Accueil fait aux prêtres constitutionnels par les femmes d'Allos;Tante Trésor..
5.-Nouvelle et éphémère division de notre territoire.
6.-La garde nationale; plantation de l'arbre de la liberté; millésime et calendrier républicain.
(1789-1793.)

CHAPITRE V
1.-La circonscription militaire et le tirage au sort; les hommes d'Allos gardent les passages du Laus et de Rochecline; ceux de Clignon, le col de Champ.
2.-La garnison de Colmars arrête les muletiers d'Allos.
3.-Le régime de la terreur; les suspects aux arrêts; les églises fermées; les cloches et les vases sacrés brisés; tout acte religieux interdit.
4.-Prêtres réfugiés au Villard-Haut, à Baumes, aux Foulons.
5.-Les émigrés d'Allos.
6.-Les cultivateurs privés de leur liberté; saisie des pailles et foins; emprunt forcé.
7.-Mort de Robespierre; ouverture momentanée des églises.
(1789-1793.)

CHAPITRE VI
1.-Continuation de la persécution et des fêtes révolutionnaires; prêtres cachés au quartier du Foreston.
2.-Les habitants d'Allos obligés de porter du foin et de la paille à Barcelonnette et à Colmars.
3.-Un piquet de dix hommes à la cabane du Laus ; un poste de cinq hommes à Valgelaye ; appel aux armes contre les Barbets.
4.-Concordat de 1801 ; rétablissement du culte catholique ; joie des habitants d'Allos.
5.-Suppression de l'évêche de Senez ; Pierre Bès, curé d'Allos.
6.-Hyacinthe Gariel, maire ; son administration ; le hameau de Champrichard détruit par une avalanche ; entretien des routes et du collège de Barcelonnette.
7.-Allos veut un bureau d'enregistrement et repousse le projet d'annexion à Castellane.
8.-Un piéton-courrier d'Allos à Colmars ; un piéton-messager d'Allos à Barcelonnette.
(1796-1815.)

CHAPITRE VII
1.Incendie d'Allos en 1833.
2.La commune propriétaire du bois d'Autapie et du Pré du Saint-Esprit..
3.Allos depuis 1833 jusqu'en 1848; la zone des douanes.
4.L'Iscle du Verdon; menaces d'une visionnaire; achat d'une pompe à incendie.
5.Fondation d'un bureau de bienfaisance à Allos.
6.Incendie de la Foux en 1878.
7.Progrès de la vie chrétienne, après les derniers vestiges du jansénisme; progrès matériel.
8.Routes; bureau des postes; fontaines; reboisement des montagnes.
(1833-1899.)

CINQUIEME PARTIE

DESCRIPTION PHYSIQUE, PRODUCTIONS.
COURS D'EAU, LACS ET GLACIERS.
ETUDE GEOLOGIQUE DES TERRAINS. - FAUNE ET FLORE.
HOMMES REMARQUABLES.- EGLISES ET CHAPELLES.
ANCIENNES FORTIFICATIONS.
ROUTES, POSTES ET TELEGRAPHES, INSTRUCTION PUBLIQUE.
DAMES DE CHARITE, BUREAU DE BIENFAISANCE.
LANGUE ET RELIGION.

CHAPITRE Ier
1.-Topographie d'Allos; cirque formé par les montagnes.
2.-Pâturages; anciens troupeaux transhumants; vente des montagnes; le reboisement.
3.-Culture et production des vallées; élevage des bêtes à laine.
4.-Cours d'eau; canaux d'irrigation.
5.-Le lac d'Allos; ses dimensions, son déversoir; projet d'en faire un étang; barque et cabane du pêcheur.

CHAPITRE II
1.-Glaciers de la Durance, de l'Ubaye, de la vallée de Seyne et de la haute vallée du Verdon.
dépôts glaciaires à Poussendriou, au Fanguet, à la Rouine, au Bruisset et à Vacheresse;
moraines à Chaumie.

2.-Etude des terrains; le jurassique supérieur au hameau de Bouchiers, à Clignon, entre Allos et Seyne.
3.-La carrière de pierres à tailler, au pied de la Côte-Haute, Saint-Pierre, etc.., appartiennent au crétacé inférieur aptien; la mer occupait alors nos contrées.
Le fond des vallées du Verdon, de Chadoulin, de Bouchiers et les versants inférieurs de ces vallées sont des roches calcaires.
Rochegrand, Rochecline, etc.., des escarpements du crétacé supérieur.

4.-Roches de l'ère tertiaire à Montgros, au Cheval-de-Bois, à Talon, au Vallonnet, au mont Pelat, à Monier; grès d'Annot au fond du lac; il forme deux îlots.
5.-Soulèvement des Alpes; retrait de la mer.
.6.-Moyen de connaître les sous-sols des terres arables.

CHAPITRE III
1.-Faune ancienne d'Allos : Ammonites, Bélemnites, Nummulites, etc.
2.-Faune actuelle : poissons, animaux domestiques.animaux sauvages mammifères.
3.-Oiseaux de proie.oiseaux qui émigrent et ceux qui n'émigrent pas.petits oiseaux; reptiles.
4.-Flore de la vallée du Verdon.Les forêts de Lambruisse, de Chamatte, de Monier.Les éléments floristiques méditerranéens plus fréquents dans la vallée du Verdon que dans celles de la Bléone et de l'Ubaye.
5.-Flore spéciale d'Allos.Les forêts de Vacheresse, du Villard, etc...On trouve toutes les espèces alpines dans le bassin de Chadoulin.Liste générale des espèces de la région du lac.Utilité du reboisement.

CHAPITRE IV
1.-Alexandre Piny, religieux dominicain, auteur de nombreux ouvrages.
2.-Pascalis, de la Sestrière, son frère et ses deux fils.
3.-Jacques Arvel, de la Foux, chef de bataillon.
4.-Hyacinthe Gariel, conseiller à la Cour de Grenoble.
5.-Simon-Jude Honnorat, savant naturaliste et lexicographe.
6.-Alphonse Guieu, avocat à la Cour d'appel d'Aix.
7.-Le général Pellissier, député de Saône-et-Loire à l'Assemblée nationale.

CHAPITRE V
1.-Notre-Dame de Valvert, église paroissiale d'Allos.
Pourquoi a-t-elle été bâtie hors du bourg ?

2.-Elle est classée parmi les monuments historiques.
Elle remonte au XI° siècle.
Ecole d'architecture à laquelle elle appartient.
Ce qui la caractérise et la distingue des édifices religieux de la Provence.

3.-Sa toiture primitive et son ancien clocher.
4.-Sa restauration à la fin du XIX° siècle.
5.-Notre-Dame de Valvert était un prieuré-cure administré par un vicaire perpétuel.
6.-Eglises succursales de la Foux, de Bouchiers et de la Beaumelle.
7.-Chapelles et chapellenies.

CHAPITRE VI
1.-Les remparts d'Allos. Les tours du Portail-Bas, du Portail-Bouchiers, du Portail du Nord. La citadelle.
2.-Forts de la Côte-Haute et de Peyroni. Tours de la Colette et de Vacheresse.
3.-Anciens chemins établis et entretenus aux frais de la communauté.
Organisation de l'administration des ponts et chaussées. Suppression de l'impôts communal pour les chemins.

4.-Construction des routes du Détroit à Allos et d'Allos à Barcelonnette.
5.-Traîneux chasse-neige. Cables porteurs.
6.-Organisation tardive du service des postes.
7.-Une brigade de gendarmerie remplace celle des douanes.

CHAPITRE VII
1.-Il y avait autrefois des écoles temporaires jusque dans les petits hameaux.
2.-Allos a eu pendant longtemps une école de latin.
3.-Association de Dames de Charité établie par les évêques de Senez.
4.-Legs faits aux pauvres. Projet d'établir un hôpital. Etablissement d'un bureau de bienfaisance.
5.-Langue vulgaire. Spécimen du provençal tel qu'on le parlait à Allos. Particularités qui le distinguent.
6.-La foi chrétienne, prêchée dans la vallée du Verdon par trois missions successives, n'a jamais cessé d'y être vivante.


APPENDICE
1.- Visite de Mgr Jean SOANEN.Evêque de Senez ( en 1699 ).
2.- Visite de Mgr Jean-Baptiste-Charles-Marie DE BEAUVAIS (en 1775 ).
3.- Hommes Remarquables d'Allos (supplément ).
4.- Curés, Procurés, Secondaires ou Vicaires d'Allos.
5.- Maires d'Allos.


TABLE ALPHABETIQUE


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DIGNE

IMPRIMERIE CHASPOUL ET Vve. BARBAROUX
20, Place de l'Evêché, 20
1901



Choix de Lecture

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE Ier

Sélectionnez dans ce Chapitre

(1713-1730.)

 

1.-Notre réunion à la Provence et le duc de Berwick

La paix fut établie par le traité d'Utrecht, conclu entre la France (11 avril 1713) et l'Espagne (13 juillet) d'une part, et, d'autre part, l'Angleterre, le Portugal, la Savoie, la Prusse et la Hollande.

Ce traité donna la Sicile et le titre de roi à Victor-Amédée, lui restitua ce que les Français occupaient en Savoie, en Piémont, etc.., et nous rendit à la France dans des circonstances mémorables.
Le duc de Berwick survint pendant les dernières délibérations et plaida notre cause :
"A mon arrivée,
dit-il, je trouvai que les articles de paix étaient sur le point d'être réglés...Je conseillai de demander la vallée de Barcelonnette, qui nous était d'un si grand avantage pour défendre l'entrée de la Provence et du Dauphiné.
Le roi et ses ministres n'avaient nulle envie de faire la proposition, de crainte qu'elle ne retardât la conclusion de la paix, mais enfin j'insistai si fort qu'on y consentit.
Le duc de Savoie, qui, de son côté , craignait que, s'il faisait le difficile, les autres alliés ne signassent sans lui et qui, de plus, ne connaissait pas l'importance de ce qu'on lui demandait, ne fit aucune difficulté; et de cette manière la France a gagné une vallée abondante et composée de douze communautés."

Note (1)
Nous devons donc notre retour à la France, en 1713, à l'intervention d'un militaire diplomate, connaissant par expérience les avantages qu'offre la vallée de l'Ubaye au point de vue stratégique, et à l'ignorance de Victor-Amédée, à ce sujet.

2-Frontières naturelles rétablies, depuis les sources d'Ubaye jusqu'à celles du Var.

Le 30 décembre 1714, Louis XIV réunit la vallée de Barcelonnette et ses dépendances à la Provence, dont elles faisaient partie autrefois et à laquelle elles revenaient, comme à leur origine et à leur principe.
Une autre déclaration du roi du 21 février 1716 et un arrêté de son conseil d'Etat du 11 janvier de la même année réglèrent la juridiction de la vallée de Barcelonnette.

La fixation des nouvelles limites, entre nos pays et le Piémont, demanda un temps considérable et n'eut pas lieu sans difficultés.
Les commissaires spéciaux, nommés par les gouvernements de France et de Savoie, devaient établir la ligne de frontière des Alpes de manière à éviter, à l'avenir, tout prétexte de guerre.
Leur mission était, en conséquence, aussi importante que difficile, car, selon un historien de nos jours, Il n'est pas de ville en Provence qui ait plus souffert que Barcelonnette des guerres de frontières, et les communautés de son district ont naturellement partagé ses épreuves.
La convention de 1713 ne put en résoudre toutes les difficultés, et le traité conclu à Turin, le 24 mars 1760, s'en occupait encore en ces termes :
"Pour ce qui concerne la limitation établie par le traité d'Utrecht et par la convention de 1718, entre le Piémont et le Dauphiné et, successivement, entre la vallée de Barcelonnette et d'Entraunes, les neiges qui couvrent cette frontière ne nous ayant pas permis de la parcourir, dès que cet obstacle sera levé, nous nous réservons de donner des dispositions convenables."
Note (2)

Cependant notre réunion définitive à la France était un fait accompli, et chacune des parties contractantes avait pris possession des territoires qui étaient cédés et évacué les pays qui avaient cessé de lui appartenir.

Chose singulière ! Les registres des délibérations de la communauté, où l'on trouve l'histoire d'Allos, sans interruption, depuis 1709, sont muets sur cet évènement si heureux pour nous ! Il paraît que les dépenses occasionnées par le logement des troupes françaises depuis 1690, les contributions de guerre.
Note (3) et la misère des habitants paralysaient l'enthousiasme et empêchaient les réjouissances populaires.

En effet, les douze compagnies du régiment, commandé par le colonel Blansac, envoyées à Allos en 1712, y étaient encore, en quartier d'hiver, au printemps de 1713, lorsqu'on signa le traité d'Utrecht.
Le colonel avait exigé du bois pour la construction d'un corps de garde; il avait placé les chevaux de ses éqipages jusque dans les hameaux et demandé des mules aux habitants pour le transport du pain de munition de Colmars à Allos.
Ajoutons que le quartier dit de Ville était en procès avec le Seignus, Bouchiers-Villard et la Foux, à cause des logements militaires, depuis la guerre de 1690 à 1696.

Toutes ces affaires furent traitées dans le conseil du 6 novembre 1712,assemblé dans la chapelle de Saint-Joseph, près du portail bas, dit portail Brayon,et l'importante délibération de ce jour se termina par l'adoption de quelques moyens pratiques pour empêcher désormais tout différend entre la Ville et les hameaux d'Allos, comme entre cette communauté et celles d'Entraunes et Saint-Martin.

3.-Le chemin de Preinier et le passage des troupes.

Les délibérations de 1713 et des années suivantes, jusqu'en 1716, ont en général pour objet des difficultés financières que la communauté s'efforçait de résoudre, tantôt par des impositions, tantôt par des emprunts.
Contentons-nous de mentionner celle du 6 juillet 1714,où l'on s'occupa de la réparation du pont de l'Abrau qui menaçait ruine, et du chemin de Preinier, qui avait été agrandi afin que les troupes y pussent commodément passer.
Les contingents militaires qui étaient envoyés chez nous ne suivaient donc alors ni le chemin du lieutenant de Lesdiguières, venant faire le siège d'Allos, ni celui de Bachasse.

4.-Déclarations royales de 1714 et de 1716; grenier à sel établi à Allos.

L'évènement le plus important pour nous, de l'année 1716, fut la promulgation de la déclaration de Louis XIV et l'arrêté de son conseil d'Etat, pour l'organisation de l'administration française dans la vallée de Barcelonnette, d'Allos et du haut-Var.

Les habitants d'Allos, satisfaits d'une concession matérielle qui les intéressait beaucoup, en témoignèrent aussitôt à leur nouveau souverain la plus vive reconnaissance, en ces termes :
"Le roi ayant fait la grâce à cette vallée de Barcelonnette de lui accorder du sel pour l'usage de ses habitants à seize deniers la livre et, en particulier, à cette communauté de lui accorder un gabelier, sur le lieu, pour la commodité des peuples, pour estre la montagne de Barcelonnette impraticable pendant huit mois de l'année, les habitantsd'Allos, pour mériter la continuation des grâces de Sa Majesté, doivent, non seulement se donner garde d'en mal user, en versant (portant) ledit sel sur la frontière,mais encore prendre toutes les mesures imaginables pour que les faux-sauniers du Piémont et comté de Nice, etc.., ne continuent de passer dans ce territoire, pour introduire leur sel en Provence,ce qui pourrait attirer à cette communauté une augmentation du prix du sel, qui ruinerait entièrement les habitantset les obligerait à abandonner leurs biens."
Note (4)

Le conseil de la communauté d'Allos décida, enconséquence, que les particuliers convaincus d'avoir vendu du sel à des étrangers seraient contraints au payement de trois cents livres d'amende aux dénonciateurs.
Il confirma, en outre, une autre amende de deux cents livres portée, la même année, par le conseil du 13 du mois d'avril prochain passé , contre quiconque aurait aubergé et donné retraite, secours, assistance à quelque faux-saunier piémontais du comté de Nice, etc.
La communauté elle-même était obligée, sauf recours aux délinquants, de payer ces amendes aux dénonciateurs, dès qu'ils avaient constaté le délit par des preuves suffisantes.

Il paraît que ce système de repression, qui aurait pu facilement devenir un encouragement à la délation, rendait la faux-saunerie ou contrebande du sel difficile et presque impossible, parce que les habitants étaient intéressés à la combattre et à la dénoncer.
En effet, ils étaient possesseurs de troupeaux nombreux, et comment auraient-ils pu pourvoir à leur alimentation, si l'Etat avait cessé de leur procurer le sel à un prix modéré ?

Les ducs de Savoie le leur livraient, de temps immémorial, à six livres le minot
Note (5) et il y en avait, à ce prix, un dépôt chez nous, en 1654.
Noble Jean-Ange Pascalis avait promis, devant un juge ducal nommé Balthazard Furno, d'accomplir et d'observer ce qui serait nécessaire pour la conduite et la distribution des sels au banc d'Allos.
Lorsque en 1696 Victor-Amédée voulut augmenter le prix du sel, dans la partie méridionale du comté de Nice, il le diminua, au contraire, d'un liard, dans la vallée de Barcelonnette et son district.

Après le traité d'Utrecht, on eut le projet d'élever le prix du sel à dix francs le minot, mais M. de Granval, qui avait parcouru la vallée, pour étudier ce projet, déclara que les troupeaux, surtout ceux que l'on nourrit, pendant l'hiver, de fourrages secs, en consommaient une quantité considérable, qu'en le vendant à un prix plus élevé on ruinerait les habitants du pays et on écarterait de nos montagnes les bergers de basse Provence.
L'avis de M. de Granval prévalut :
Louis XIV, par l'article 14 de sa déclaration du 21 février 1716, maintint l'ancien privilège et accorda à Barcelonnette et à Allos un grenier de sel.
"Ordonnons, dit-il, qu'à la diligence de Paul Mainet, fermier général des fermes-unies, il sera incessamment établi un grenier à sel dans la ville de Barcelonnette, et un autre dans le lieu d'Allos, avec le nombre d'employés et officiers nécessaires pour la distribution du sel, qui y sera vendu et livré aux habitants de la dite vallée, à raison de seize deniers la livre, poids et monnaie de France; leur faisant défense d'user d'autre sel, pour leur pot, salière et grosses salaisons, de le verser en Dauphiné et Provence, à peine d'être punis suivant la rigueur des ordonnances."

Pour que ce privilège considérable ne fût pas une occasion d'abus, on ajouta, dans la délibération, les dispositions suivantes :
" Les consuls de chaque communauté de la dite vallée remettront sans frais aux receveurs des dits greniers, chacun en ce qui les concerne, au 1er octobre et au 1er avril de chaque année, un état signé et certifié d'eux, contenant les noms, qualités et emplois de chaque habitant et le nombre de personnes dont la famille sera composée; ensemble la quantité de bétail, à peine de vingt francs d'amende."

Pour en finir avec la question du sel, je dois dire encore ici, par anticipation, dans quelles conditions l'ont acheté nos pères, depuis 1716 jusqu'à aujourd'hui.

La guerre de la succession d'Espagne ayant fait augmenter les frais de transport en Provence,l'administration que nous appelons aujourd'hui les contributions indirectes demanda, en 1744, une augmentation du prix du sel.
Cette première augmentation fut suivie de plusieurs autres, de telle sorte que, dans la vallée de Barcelonnette, à Allos, etc.;le prix du sel était doublé en 1789, et qu'il s'élevait jusqu'à vingt-cinq francs le minot, en 1849.
On supprima alors les droits, et le commerce vend aujourd'hui le sel à vingt francs les cent kilos, ou soit à dix francs le minot.

Il y a à Allos, depuis 1895, un entrepôt de sel dénaturé.

Dans sa déclaration de 1714, qui nous réunit à la Provence, le roi de France s'exprime en ces termes:
"Nous déclarons et ordonnons que la vallée de Barcelonnetteet ses dépendances soit et demeure réunie à notre pays et Comté de Provence et au ressort de nos cours de parlement, comptes, aides et finances, à Aix.
"Voulons que les habitants desdites vallées jouissent des mêmes privilèges, immunités, franchises et libertés dont jouit notre dit pays et comté...à la charge qu'ils n'auront point d'entrée dans les assemblées des communautés de Provence et qu'ils payeront séparément leurs impositions, comme terres adjacentes.
"Donné à Versailles, le 30 décembre de l'an de grâce 1714 et de notre règne le 72eme.
Signé: Louis."

Le danger qui, après le traité d'Utrecht, comme autrefois sous François Ier, effrayait les populations du haut comté de Nice, fut donc de nouveau conjuré:
nos pays ne furent pas annexés au Dauphiné, et voici, d'après les cahiers des doléances de la ville et des communautés de Barcelonnette, dans quel régime ou gouvernement particulier elles furent maintenues :
"La déclaration du 30 décembre 1714 unit cette vallée à la Provence; mais, par ses dispositions, elle continue de l'en séparer, puisqu'elle porte qu'elle n'aura point entrée dans les assemblées des communautés de la Provence et qu'elle payera ses impositions comme les terres adjacentes.
L'intérêt et la localité (la situation particulière du pays ) furent les motifs qui déterminèrent Sa Majesté à cette séparation partielle."
Note (6)

La deuxième déclaration (21 février 1716 ) règle la juridiction de la vallée et de ses dépendances.

Si l'on veut se reporter aux chartes de Reymond-Béranger et de Balthazard de Spinellis, dont j'ai parlé plus haut, avec quelques développements, on comprendra sans peine ce que Louis XIV a conservé de ces anciennes chartes, pour tout ce qui regarde la justice, l'administration civile, la police, les impôts, etc.,

Voici huit articles de la déclaration de 1716 :
"Art.1er.- Les communautés de Barcelonnette, Allos, Jausiers, Meyronnes, Larche, Saint-Paul, Méolans, Revel, Chatelard, Lauzet, Entraunes et Saint-Martin, qui composent ladite vallée, continueront, dans l'usage où elles sont, d'élire et nommer, chaque année, des consuls, des bailes et autres officiers municipaux, et les consuls de Barcelonnette porteront le chaperon, à l'instar des autres villes royales de Provence."
Note (7)

"Art. 2.- Les consuls continueront de connaître en première instance, sauf l'appel à la juridiction du préfet, de la police, observation des statuts municipaux, des tutelles, curatelles et des inventaires.

"Art. 3.- Les consuls de Barcelonnette, les bailes des autres communautés de ladite vallée connaîtront en première instance de toutes matières réglées, personnelles et mixtes, à la charge de l'appel par devant le préfet.

"Art. 4.- Le juge ordinaire de la vallée connaîtra des mêmes matières , concurremment avec les consuls de Barcelonnette et les bailes des communautés.

"Art. 5.- Nous nous réservons la nomination du préfet, qui sera renouvelé tous les trois ans et ne pourra être originaire de ladite vallée, suivant l'usage observé jusqu'à présent.

"Art. 6.- Le préfet connaîtra par appel de toutes les causes dont la connaissance a été ci-dessus réservée au juge ordinaire, aux consuls, aux bailes, en matière civile, et concurremment avec ledit juge en première instance des matières criminelles, à la charge de l'appel au Parlement de Provence....

"Art. 8.- Le préfet, outre le logement qui lui est affecté dans le lieu de Barcelonnette, jouira de huit cents livres par an, qui lui seront payées par les communautés de ladite vallée, suivant la répartition qui en sera faite entre elles et à proportion de la force de chaque communauté.
Il sera payé aussi par lesdites communautés la somme de cent soixante livres, annuellement, pour les gages de deux soldats de justice, dont l'un est chargé de la garde des prisons....
......

"Art. 12.- Les communautés de la vallée nommeront à l'ordinaire leurs trésoriers particuliers ou receveurs, pour le recouvrement des tailles et autres impositions, lesquels seront tenus d'en porter les deniers, sans aucun divertissement, à la caisse du receveur des terres adjacentes ; et ceux des droits d'albergue, cavalcades et commis, au receveur des domaines, à la déduction de cinquante livres pour les flambeaux qu'on a accoutumé de donner aux officiers de justice pour la procession du Saint Sacrement."

5.-Elections municipales de 1718 et de 1719.

Les registres des délibérations de la communauté d'Allos nous ont conservé un récit intéressant des élections du baile, des consuls, des défenseurs et des auditeurs, en 1718 et en 1719.

Les quatre consuls, les deux défenseurs, les conseillers, ainsi que les chefs de famille, réunis en conseil général, au nombre cent neuf,
" ont tous unanimement délibéré de procéder à la nouvelle création des officiers de communauté, suivant l'usage du lieu et la disposition des règlements.
A ces fins, les quartiers qui composent cette communauté se sont tous quatre séparés, pour faire choix de leurs électeurs, et, s'étant après réunis en conseil,
"ils ont proclamé les noms de seize électeurs, dont quatre pour chaque quartier.
"Laquelle élection ainsi faite a été généralement approuvée par tous les assistants."
Note (8)

Les électeurs ont alors fait serment, entre les mains du baile, de faire choix des officiers municipaux selon Dieu et la conscience, et ils se sont, à leur tour, retirés par quartiers, pour préparer leurs bulletins de vote.

Lorsqu'ils sont revenus au milieu du conseil général, les bulletins de la section du Seignus ont été mis dans un sac et on les a fait tirer par la main d'un enfant.
La proclamation des noms a fait connaître le consul, le trésorier et les deux auditeurs de cette section.
La même opération a eu lieu pour Bouchiers et le Villard, la Foux et la Ville.

La nomination du baile et des défenseurs a été faite à part, après les quatre autres,
" et lesdits consuls et défenseurs nouvellement crées ont juré, entre les mains du sieur baile, d'exercer fidèlement leur charge et d'avoir en recommandation le service de Dieu, celui du souverain et le bien public."

6.-Inféodation d'Allos.

Le projet d'inféoder le haut comté de Nice fut annoncé officiellement à Allos par des lettres d'assignation, lues dans le conseil du 13 septembre 1716
Note (9), invitant la communauté à se faire représenter, le lendemain, au conseil général de Barcelonnette.

Joseph Pascalis, député à ce conseil, rendit compte de son mandat, à son retour de Barcelonnette.
"Il a été délibéré, dit-il, de s'opposer vivement à l'inféodation et de prendre tous les expédients convenables pour soutenir les privilèges de cette vallée et la conserver dans l'indépendance des seigneurs particuliers et unie au direct domaine du roi."

Les consuls, après avoir entendu la relation de Joseph Pascalis, reçurent une nouvelle assignation, portant expressément que le maréchal de Villars avait obtenu l'investiture de cette vallée et que, de ce chef, les habitants devaient lui payer annuellement la somme de six mille francs.
Le conseil se réunit immédiatement pour délibérer sur ce grave évènement, et voici la remarquable conclusion de sa délibération du 20 septembre 1716 :
Le sentiment de cette communauté n'est pas d'entrer dans aucune contestation avec Mgr. le maréchal de Villars, s'il est vrai qu'il ait obtenu l'investiture, mais, au contraire, de lui donner des marques de notre reconnaissance et de tâcher de mériter la continuation de sa puissante protection...;
de lui présenter humblement les justes raisons que cette communauté a de s'opposer à une inféodation à laquelle elle n'a jamais été soumise, de lui envoyer copie de tous (ses) privilèges et concessions...
et lui offrir en même temps notre consentement , aux conditions que ledit seigneur et ses successeurs laisseront jouir, à perpétuité, les habitants de tous les droits, libertés et franchises dont ils ont joui jusqu'à aujourd'hui, tant pour la justice, nomination des juges, qu'autres...;
que ledit seigneur ne pourra faire lever aucune imposition ni droits, etc.;
mais qu'elle restera toujours attachée à sa famille, et sous les autres conditions à exprimer dans une transaction en forme, qui précède (précèdera) l'exécution de ladite inféodation."

La personnalité du seigneur imposé à nos vallées et les bienfaits dont elles lui étaient redevables avaient donc subitement diminué les craintes que l'inféodation inspirait à nos pères, et ils substituaient eux-mêmes un projet de transaction à la vive opposition de la première heure.

Cependant cette opposition existait encore et ses partisans firent des démarches, à Aix, pour empêcher l'enregistrement de l'arrêt du conseil du roi, ordonnant le payement, par les douze communautés de la vallée de Barcelonnette, des six mille francs attribués au maréchal de Villars.

La communauté d'Allos, par délibération du 26 septembre 1717, promit de payer son contingent, si les autres communautés entraient, comme elle, dans cette voie d'accommodement.

Et, en effet, le 17 juillet 1718, elle paya les trois annuités échues.
L'inféodation était donc un fait accompli, mais dans des conditions qui ne promettaient pas une longue durée.

7.-Incendie de 1718.

Le 13 octobre 1718, les habitants d'Allos furent victimes d'un incendie.
Louis XV leur accorda un secours de 7500 francs, qui ne fut distribué que le 13 octobre de l'année suivante, dans des circonstances qui font honneur à la religion, à la reconnaissance et à la charité de nos ancêtres.

Tous les incendiés offrirent généreusement "la somme de 2000 livres à prendre sur le total de 7500 livres accordées par sa Majesté, pour être employées au rétablissement de la chapelle de Saint-Sébastien, aussi détruite par l'incendie,
Note (10) aux conditions que la communauté les tiendra acquittés du prix du bois qui leur a été ci-devant fourni et qu'elle leur fournira suffisamment pour se rétablir, et à condition finalement que les frères pénitents blancs, qui font leurs offices dans ladite chapelle, feront célébrer perpétuellement, tous les ans, une messe le 1er dimanche de juillet, et feront, le même jour, leurs prières ordinaires....
pour le roi et ses successeurs."
Avec la même générosité, les victimes de l'incendie donnèrent 11 livres pour habiller un pauvre mendiant étranger, nommé Pierre, qui se trouvait alors à Allos.
Note (11)

La répartition générale du 13 octobre fut présidée par le sieur Saint-Jean, délégué de l'intendant du roi dans nos contrées.

8.-Peste de 1720 : comment Allos en fut préservé.

La peste a souvent ravagé la Provence.
Nous l'avons vu régner, dit Papon, plus de dix fois dans moins de cinquante ans.
Mais celle qui dépeupla Marseille, en 1720, dépassa toutes les autres calamités.
La nouvelle de ce fléau se répandit jusque chez nous, dans les premiers jours du mois d'août, et les populations furent saisies d'effroi, comme avant 1630.
Des milices improvisées " gardaient le Verdon, avec munitions, pelles, pioches,haches, etc.,
afin d'expulser les fugitifs, ou les arrêter, leur faire faire quarantaine à leurs frais et dépens." ( Histoire de Barrême.)

Dès le 11 août, à Allos, comme à Barrême, il était défendu de recevoir personne, sans billet de santé.
"Les gardes, pour le poste du détroit ou de Saint-Roch, auront attention de faire arrêter, à vingt pas loin de leur poste, tous ceux qui s'y présenteront, et, s'ils n'ont pas de certificats visés à Colmars, il les arrêteront à leur poste jusqu'à ce que lesdits gardes soient venus avertir les consuls et qu'ils aient reçu leurs ordres."

"Les hommes commandés pour garder les postes de Siolane, Auriac, Valdemars, Autapie et les Sagnes ne laisseront absolument passer aucune personne par lesdits chemins obliques, soit que ceux qui s'y présenteront aient des billets de santé ou non, et cela par la raison qu'il n'est pas possible que lesdits gardes puissent d'eux-mêmes vérifier si les certificats sont véritables ou faux."Note (12)
Il fallait donc, pour arriver à Allos, passer par les chemins royaux de Barcelonnette ou de Colmars et avoir un certificat visé dans l'une ou l'autre de ces deux villes.

Les consuls demandèrent des fusils, de la poudre et des balles, pour armer les hommes chargés de garder les postes.

L'année 1720 s'acheva ainsi dans les alarmes, qui ne manquèrent pas de se renouveler l'année suivante et jusqu'au mois de juin 1722.

Le 12 janvier 1721, le conseil, voyant qu'il y avait toujours lieu de craindre que la maladie ne se communiquât dans cette communauté, organisa " huit compagnies, composées d'un major, de huit capitaines en chef, de huit en second, de vingt-quatre sergents, de la quantité de caporaux qui sera trouvée nécessaire et de la huitième de tous les hommes et garçons propres à monter la garde".

Le 9 février, le conseil défendit absolument " à toutes les femmes et filles de cette communauté d'en sortir et aux étrangères d'y entrer (même avec des billets de santé), parce que la bienséance défend de les faire fouiller dans les corps de garde".

Ajoutons enfin, que le 28 juin 1722, la communauté procéda à l'élection de ses officiers; et que cette élection eut lieu d'une manière très restreinte, à cause de la contagion dont elle est avoisinée et assiégée.

C'étaient les dernières nouvelles alarmantes que recevaient les habitants :
le fléau avait cessé de ravager la Provence, et chacun recouvrait la liberté et la tranquilité.

9.-La dîme; différend entre l'évêque de Senez et la communauté d'Allos.

Le conseil général d'Allos s'occupa, en 1726, d'un projet de transaction entre la communauté et Mgr. l'évêque de Senez, relativement à la dîme.
Voici quel était ce projet, d'après la délibération du 29 janvier :
"Les habitants des paroisses de la Ville, de la Foux, Bouchiers et la Beaumelle s'obligent de payer :
celle de la Ville, la rétribution du secondaire de ladite paroisse, par imposition sur les chefs de famille, sans pouvoir la rejeter sur la taille, au préjudice des habitants des paroisses susdites; et les habitants de la Foux, la Beaumelle et Bouchiers s'obligent pareillement à payer, comme ils ont fait par le passé, les gages ou rétribution de leurs curés respectivement, comme ils y sont obligés par leur sentenière d'érection de leurs cures et à tenir le corps de la communauté en général garanti et déchargé , tant desdits gages et rétribution que de l'entretien de leurs églises et maisons claustrales (presbytères ), pendant tout le temps que le corps de la communauté restera saisi de la dîme en espèces, au moyen d'une pension annuelle de 800 francs qu'elle payera au seigneur évêque."

Les habitants de Bouchiers s'opposèrent formellement à ce projet, parce qu'il ne limitait pas suffisamment les obligations qu'ils allaient contracter, en signant la transaction.
Pour triompher de leur opposition, le conseil général se contenta d'un engagement plus restreint, qui est résumé en ces termes dans la délibération du 5 février 1726 :
"Ils se sont tous volontairement obligés de payer à Hyéronime Chaix, curé actuel de Bouchiers, la somme de 200 livres et trente-quatre charges de bois par an, ou soit une charge de bois pour chaque habitant, payables, les 200 francs et le bois, la moitié à Pâques et l'autre moitié à la Toussaint.
Moyennant quoi, et les autres droits casuels accoutumés et l'entretien convenable de son habitation, le R. Hyéronime Chaix ne pourrait autre chose demander, pour ses droits:
sauf recours à (pour) la communauté, au cas qu'elle soit obligée de faire ledit payement, de lever les droits décimaux sur ladite paroisse, suivant le pouvoir qui lui en sera conféré par Mgr. l'évêque dans la transaction."

Après cet accord, la transaction fut signée, le 11 février de la même année; mais elle n'empêcha pas les nouvelles contestations qui ne tardèrent pas à se produire.
En effet, le 26 novembre 1727, le conseil de la communauté envoya à Castellane Jean-Hyacinthe Pascalis, auprès de M. l'abbé de Saléon, vicaire général du diocèse,
Note (13) afin de conférer avec lui sur les moyens à prendre pour faire cesser ces dissensions.
Le 5 juillet 1728 et le 15 septembre 1729, il délibéra sur le procès qu'il soutenait contre Hyéronime Chaix, curé de Bouchiers.

Enfin, nous lisons, dans la délibération du 12 janvier 1730, que, " pour éviter à la communauté et aux habitants des trois paroisses succursales les frais de la poursuite d'un procès, les membres dudit conseil avaient fait présenter par Me. Jean-Dominique Pascalis
un mémoire à Mgr. le Cardinal, premier ministre,
Note (14)  et supplié Son Eminence de nous accorder le sursis du jugement du procès jusqu'à ce qu'il y ait un évêque, dans le diocèse, en état de soutenir ses droits, qui sont unis à ceux de la communauté en général et à ceux des particuliers d'icelle, paroissiens desdites succusales.

Le chef-lieu était donc alors en procès avec la Foux, la Beaumelle et Bouchiers, pour la répartition de la partie de la dîme qui devait être employée au traitement des prêtres et à l'entretien des églises et des presbytères ou maisons claustrales.
Ces facheuses divisions n'offrent qu'un avantage, c'est de nous faire connaître, sous le rapport financier, l'administration communale et l'administration paroissiale, à cette époque.

Ajoutons par anticipation, comment la dîme fut perçue et employée chez nous jusqu'au jour où, vers la fin de ce siècle, elle fut abolie, comme tant d'autres choses, par la Révolution française.

Le 4 mars 1770, eut lieu, pour neuf ans, l'arrentement de la dîme de tout le territoire d'Allos, à percevoir selon l'usage, tant en grains qu'en agneaux, etc.
Mgr. d'Amat de Volx, évêque de Senez (1757-1771 ), chargea Jean-Jacques Guirand, notaire, Jean-Hyacinthe Gariel, notaire, et Joseph Guirand, médecin, d'exiger la partie des produits appelés décimaux et tous les revenus des terres appartenant au prieuré nouvellement délaissées par l'option du curé d'Allos, et de faire, chaque année, les payements suivants, savoir :
500 livres à M. le curé d'Allos;
800 livres, aux quatre secondaires;
Note (15)
90 livres, pour le prédicateur, et 1800 livres, au seigneur évêque.
Les fermiers de la dîme pourvoyaient, en outre, à l'entretien de la lampe du Saint Sacrement et laissaient jouir le clerc-sonneur de la terre qui lui est affectée pour son service.

10.-Exemption du service militaire.

La communauté d'Allos avait en même temps à défendre des intérêts encore plus importants :
ses privilèges relatifs à la justice et à la milice.

Dans le conseil du 13 octobre 1726, les consuls déclarent que plusieurs étrangers, ayant des différends avec les habitants du pays, s'adressent aux juges circonvoisins, lorsque le baile, ou juge ordinaire d'Allos, est absent ou empêché.
L'assemblée proteste unanimement contre cet abus, disant que la communauté nomme chaque année son baile, que celui-ci nomme à son tour un ou plusieurs suppléants appelés ses lieutenants, auxquels il communique sa juridiction pour le remplacer quand il y a lieu, en vertu des privilèges et des anciens usages du pays et de la déclaration du roi, réglant la juridiction de la vallée de Barcelonnette (21 février 1716.).
Elle charge les consuls d'envoyer à son procureur, à Digne et à Aix, les pièces nécessaires pour soutenir à ce sujet, les droits de la communauté.

 

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Notes : Ci-dessous les 15 notes de ce chapitre.

(1) Mémoires du maréchal de Berwick, t.II, pp. 159-160.
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(2) Annexe au traité de Turin de 1760, n° 7.
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(3) Le commandant des troupes françaises dans la vallée de Barcelonnette faisait plus d'une fois ce qu'on appelait, à cette époque, des exécutions militaires.Pour faire payer les contributions de guerre, il envoyait par exemple vingt soldats à Allos, et ils y demeuraient, aux frais du pays, jusqu'à ce que les habitants eussent payé ces contributions
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(4) Délibération de la communauté d'Allos du 10 juin 1716.
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(5) Le minot contenait la moitié d'une mine, et la mine un demi-setier.
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(6) Cahiers de doléances du 2 avril 1789.
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(7) Les consuls d'Aix portaient aussi le chaperon; mais, s'il est facile de prouver l'existence de ce privilège, puisqu'il est dit, dans les procès-verbaux des évêques de Senez, que nos consuls les recevaient en chaperon, il est bien difficile d'en préciser l'origine.
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(8) Délibération du 25 juin 1719.
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(9) Dès l'année 1697, Victor-Amédée, duc de Savoie, avait fait un essai d'inféodation. Pour subvenir à des besoins urgents d'argent, il voulut inféoder et aliéner les terres et juridictions de la vallée. Déjà, il avait disposé des pays de Larche, de Meyronnes et de Jausiers. Les peuples de la vallée invoquèrent les traités, les concessions solennellement confirmées par tous les princes à qui ils avaient successivement appartenus. Par un édit de 1700, le duc de Savoie reconnut et confirma les privilèges de la vallée. (Cahier des doléances de la ville et des communautés de Barcelonnette.)
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(10) La voûte de la chapelle de Saint-Sébastien ne fut reconstruite qu'en 1727. On employa à cette reconstruction le produit d'une amende imposée à trois particuliers qui avaient fait des dégâts dans les forêts de la communauté.
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(11) Délibération du conseil du 1er.octobre et répartition du 13 octobre 1719.
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(12) Délibération du conseil de la communauté d'Allos du 25 août 1720.p.25.
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(13) L'abbé de Saléon était vicaire général de Mgr. Soanen. Il devint administrateur du diocèse de Senez, après la condamnation de son évêque. Soanen fut condamné par le Concile d'Embrun, le 20 septembre 1727, à cause de ses erreurs, et interné par ordre du roi à la Chaise-Dieu, le 11 octobre suivant. Le pape approuva le jugement du Concile d'Embrun.
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(14) Le cardinal Fleury, évêque de Fréjus, ministre de Louis XV ( 1726-17443 ).
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(15) Le premier secondaire était vicaire à Allos; les trois autres, desservants des paroises succursales.
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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE II

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(1730-1767.)

 

1.-Réparation de la voûte de l'église d'Allos; revendication du chemin de ronde.
Nous avons dit que, pendant les guerres de 1690 à 1696, le clocher de Notre-Dame de Valvert avait été démoli et que sa chute avait ébranlé la voûte du sanctuaire.

Dans le cours des visites pastorales que Mgr.Soanen fit à Allos, en 1699 et en 1712, il ordonna de réparer cette voûte, dont le triste état pouvait causer la ruine de l'édifice, et décida qu'on emploierait à cette réparation les reliquats de comptes des confréries, les arriérés des services à la charge des chapelains et les offrandes des fidèles.

Conformément à l'ordonnance de leur évêque, les consuls d'Allos, de concert avec les notables de l'endroit,
"firent rendre compte aux marguilliers du Saint-Sacrement et de Notre-Dame de Valvert.
Ils recueillirent par ce moyen une somme d'argent assez considérable pour payer la dépense et s'entendirent avec un maître-maçon,nommé Joseph Classe, qui s'obligea moyennant la somme de 270 francs, pour son travail seulement, à faire la réparation", dont l'urgence était manifeste.
En effet, la voûte du presbytère
Note (1) était entr'ouverte; la pluie et la neige tombaient à côté du maître-autel, et c'est pourquoi, dans le conseil du 7 avril 1707, le prix fait convenu entre les consuls et le maître-maçon fut approuvé, malgré la multiplicité des affaires que la communauté avait journellement, à cause de la guerre.

Malheureusement, dans les temps troublés, la bonne volonté est souvent impuissante à faire ce que réclame le bien public.
L'église d'Allos était encore dans ce triste état en 1727.
C'est ce que nous apprend une délibération du 15 juin de cette année :
"La prorogation obtenue par la communauté pour l'interdit de l'église paroissiale étant bien près d'expirer, il est nécessaire de faire procéder aux réparations prescrites par Mgr. l'Evêque, afin d'éviter l'interdit."
On parvint enfin à reconstruire la partie de la voûte et des murailles du chevet de l'église les plus endommagées; mais cette reconstruction fut faite en grossière maçonnerie, et des pierres informes remplacèrent les colonnettes et les arceaux gracieux qui, heureusement, ont été rétablis de nos jours (1895) dans leur forme primitive.

En même temps, on achevait de démolir l'ancienne tour, pour édifier sur ses fondations la sacristie actuelle, qui n'est séparée que par un chemin de ronde d'une proprété appelée, alors comme aujourd'hui, le clocher.
Cette construction fut difficile à entreprendre et laborieuse dans son exécution, soit à cause de la mauvaise récolte de 1729, soit par suite d'autres malheurs publics.
Chose singulière, elle portait toujours le nom de clocher.
Le 2 septembre 1736, Joseph Guieu, vicaire perpétuel, disait au conseil de la communauté :
"Les murailles du clocher nouvellement construites souffrent beaucoup, à cause de la pluie, de la neige, etc., étant à découvert, outre qu'il est absolument nécessaire de faire la voûte qui doit former la sacristie, au bas dudit clocher."

Le vicaire perpétuel d'Allos se plaignait en outre, devant le conseil, de Marc-Antoine Augier,
" qui s'était approprié le chemin qui a été de tout temps autour de l'église, qui servait au passage de la procession paroissiale (dominicale) et au chemin royal, ainsi qu'au cimetière des enfants non baptisés."
Note (2)

La communauté revendiqua la possession du terrain qui servait au chemin de ronde et fit couvrir provisoirement la sacristie inachevée, en attaendant la construction de la toiture définitive qui ne fut décidée que dans la réunion du 30 mai 1737.

2-Vente définitive de la montagne de Preinier.

La communauté d'Allos avait, en même temps, à traiter une autre affaire importante, l'aliénation de la montagne de Preinier et de ses dépendances.
Cette montagne avait été vendue, le 17 avril 1716, à Pierre-Louis Laurens, au prix de 4000 francs.
Jean-Baptiste Spitalier et Louis Jacques, de Barcelonnette, firent une campagne contre cette vente, disant qu'elle avait été faite sans formalités, sans enchères et à un prix dérisoire.
Jean-Baptiste Gariel, consul, et Jean-Dominique Gariel, défenseur, leur répondirent, dans le conseil du 26 septembre 1734, que Laurens l'avait achetée pour Jean-Hyacinthe Pascalis et que le prix en fut réglé à cette somme modique pour indemniser le sieur Pascalis des dépenses considérables qu'il avait faites pendant son voyage et un séjour de quatre ans à Paris, pour solliciter la réunion de la vallée de Barcelonnette et de cette communauté à la Provence.

Malgré cela, la vente fut annulée par un arrêt de la souveraine Cour du Parlement de Provence, le 13 du mois de juin 1735, et la communauté condamnée au dépens.

Le Parlement de Provence ordonnait, en même temps, de mettre aux enchères la montagne de Preinier, ses quartiers et ses dépendances, avec la mise à prix de 6000 francs, offerte par le sieur Louis Jacques.

En exécution de cet ordre, le conseil fixa la vente au 25 juin 1737 et décida qu'elle aurait lieu selon les formes ordinaires, au plus offrant, en présence du baile, des consuls et des défenseurs.
Elle produisit 9000 francs, par conséquent un bénéfice de 5000 fr. pour la communauté.

3.-Entretien des chemins.

Il parait qu'à cette époque les rapports commerciaux entre la vallée de l'Ubaye et celle du Verdon étaient relativement considérables.
Nous lisons, à ce sujet, dans la délibération du 11 octobre 1739, que les membres du conseil appelèrent en ces termes l'attention de l'intendance de Barcelonnette sur l'état des chemins, entre Allos et Barcelonnette:
"Les chemins ont un besoin absolu de réparations, afin que tant les habitants que les voituriers de la haute Provence puissent continuer leur commerce, interrompu par la 'déformosité' desdits chemins."

Le conseil du 4 octobre 1746 décida enfin, sur l'ordre de l'autorité militaire, de faire réparer le chemin royal, "depuis le détroit jusqu'au sommet de la montagne", et de planter des pieux sur ladite montagne.
Les consuls proposèrent cette réparation, après avoir reçu avis de leurs collègues d'Entrevaux de l'arrivée de dix compagnies d'un bataillon qui devait avoir étape à la Foux.

4.-Contributions et exactions, pendant les guerres de la succession d'Autriche; les Austro-Sardes à Castellane .-. transport du foin d'Allos à Digne.

Cependant l'Europe entière avait pris les armes pour disputer ou pour défendre l'héritage de Marie-Thérèse.
C'étaient les guerres de la succession d'Autriche, dont nos ancêtres eurent à souffrir depuis 1742 jusqu'en 1748.

Le 22 juillet 1745, Leteiller, commissaire de guerre, ordonna aux habitants d'Allos de porter à Barcelonnette " six cents quintaux de foin et cent quatre vingt cinq mesures d'avoine, ' dans trois semaines pour tout délai ' ."
Cet ordre n'ayant pas eu assez tôt sa pleine et entière exécution, on envoya à Allos, dès le 22 août suivant, quatre grenadiers de contrainte pour défaut de fourniture.

Afin d'éviter les exactions militaires et civiles, on vota, quelques jours après (29 août) ,

"-une taille de cinq livres par once cadastrale :
-quarante cinq sols à percevoir dès le lendemain;
-trente sols, dès le 1er octobre prochain,
-et trente sols, dès le 8 du mois de juin aussi prochain.
De quoi tout, il sera payé :

=1° les deniers royaux échus et les six mois de l'an prochain;

=2° tous les intérêts des créanciers de la communauté;

=3° les honoraires du commandant, du préfet, du commissaire de guerre et autres débitures fixes."

Les impositions en argent et en nature furent bientôt suivies de l'impôt du sang.
Par ordre du comte de Lautrec, lieutenant général, commandant l'armée des frontières du Piémont, la communauté dut fournir, sans délai, deux compagnies de miliciens qui devaient se rendre incessamment à Larche.

Les consuls essayèrent, mais sans succès, d'obtenir que ces deux compagnies fussent chargées de la défense de la communauté d'Allos, "exposée autant que celle de Larche aux incursions des ennemis et si éloignée des autres communes de la vallée qu'elle ne pourrait les avertir à temps."
Note (3)

La sollicitude paternelle de Mgr. de Vocance, nouvel évêque de Senez (1741-1756) , faillit devenir funeste aux habitants d'Allos.
Il fit recommander aux communautés de son diocèse de mettre en réserve l'argent nécessaire pour payer les contributions de guerre qu'exigerait l'ennemi, en cas d'invasion.
Et, en effet, un corps d'armée austro-sarde, commandé par le général d'Orméa, arriva à Castellane, avant le 20 décembre 1746.
"Les vigueries de Barrême, d'Annot, de Moustiers et de Digne étaient envahies.
Ordre fut donné aux consuls des communes comprises dans leur ressort de se rendre à Castellane, pour y régler les contributions en argent et en subsistances qui devaient être fournies à l'armée."
Note (4)

Dans l'intérêt de ces diocésains, Mgr. de Vocance ne s'éloigna pas de Castellane, où résidait le général ennemi.
Le bon prélat craignait, non sans raison, qu'en présence d'un refus de contribution, motivé même par la privation de toutes ressources, l'armée ennemie ne se portât à de terribles excès, et il essaya de les prévenir.

Mais tel ne fut pas l'avis de M. de Latour, intendant de la province.
Le 18 décembre 1746, il écrivait à Pascalis de la Sestrière, commissaire de guerre, son subdélégué dans la vallée :

"Les consuls d'Allos demandent à emprunter pour payer des contributions à l'ennemi de l'Etat, au cas qu'il pénètre jusque dans ce village...
Une pareille conduite est très répréhensible.
Je vous prie de témoigner aux consuls combien je suis mécontent."

"Signé : LA TOUR DE GLENE."

Il devenait impossible d'obéir à toutes les prescriptions de l'autorité militaire.

Les communautés de la vallée, après avoir fourni, pendant l'automne de 1746, les huit mille quintaux de foin exigés par le maréchal de Bellisle, commandant de l'armée du roi en Provence, reçurent, dans les premiers jours du mois de janvier 1747, du marquis de Chevert, commandant les troupes entre le Verdon et la Durance, l'ordre de porter dans les magasins de Digne tous les foins et avoines, excepté ce qui serait nécessaire pour la nourriture des bestiaux destinés à la culture.
Cet ordre leur fut notifié par le subdélégué du général Chevert, Pascalis de la Sestrière, commissaire de guerre de la vallée, qui, pour accélérer le transport, réquisitionna non seulement les bestiaux des habitants, mais les habitants eux-mêmes, hommes, femmes, garçons et filles !

Pascalis de la Sestrière, originaire d'Allos, comme son nom l'indique, n'eut jamais, en sa qualité de commissaire de guerre, de mission plus douloureuse à remplir que lorsqu'il communiqua cet ordre inhumain à ses compatriotes.
Les membres du conseil de la communauté donnèrent, en cette circonstance critique, une preuve non équivoque de leur habileté, en se contentant de mettre à la disposition de l'autorité militaire les mulets dont ils pouvaient disposer
Note (5) et en s'adressant aux consuls de Barcelonnette et de Colmars pour gagner du temps et agir de concert avec eux.

Afin d'obtenir plus de régularité dans le transport des fourrages, l'intendance fit établir, en 1747, à Allos, ainsi que dans les autres communautés,
"une brigade de six ou sept conducteurs et de vingt mules ou mulets propres à soutenir une longue voiture."
Note (6)
Mais l'établissement de ces brigades n'ayant pas produit le résultat qu'on en attendait, l'intendant de Latour prescrivit une autre organisation:
" A l'avenir, dit-il, le transport des foins, pailles et avoines sera payé, à raison de six sols par quintal et par lieue; au moyen de quoi, les muletiers seront tenus de nourrir les mulets, ne seront plus assujettis aux brigades et ils seront assurés d'être payés exactement, à chaque voyage, dans les magasins où ils verseront les matières."

Lorsque le magasin de Barcelonnette fut suffisamment pourvu, le foin et l'avoine de notre vallée furent emmagasinés à Allos et à la Foux.
Par ordre du commissaire de guerre et de M. de Crupol, commandant les troupes de Barcelonnette, ces nouveaux magasins devaient contenir trois mille cinq cents quintaux de foin.

En même temps, on complétait l'organisation des deux compagnies bourgeoises
Note (7) que M. de Rignac, commandant le fort de Saint-Vincent, avait soumises à l'autorité de M. de Sabran, major de Colmars, lorsque la défense de la vallée du Verdon l'exigerait.
Sur l'ordre du même commandant, le conseil municipal fit construire un baracon ou cabanon au Laus, et le chemin d'Allos à cette montagne fut réparé, parce qu'on craignait d'être surpris par l'ennemi, de ce côté.

La communauté fournit, en outre, "vingt hommes, pour travailler aux chemins, depuis les Gleizolles, Maison-Méane, la redoute, jusqu'à Mélezen."
Elle mit pour condition qu'ils seraient remplacés de huit jours en huit jours.

La réparation de la route, en ces différents endroits, était urgente, parce que les Franco-Espagnols voulaient envahir le Piémont par le Col de la Madeleine et faire passer par là quarante grosses pièces de canon qu'ils avaient au plan de Fazzy.
Note (8)

La campagne de 1748 fut la dernière de cette guerre.La paix fut signée à Aix-la-Chapelle, le 18 octobre de la même année.
Mais, lorsque cet heureux événement fut connu de nos pères, ils souffraient des ravages d'un autre fléau, l'incendie du chef-lieu de leur communauté.

5.-Incendie d'Allos et de Notre-Dame de Valvert.

Cet incendie eut lieu le 15 novembre 1747.
Il fut si violent que l'église paroissiale, malgré son isolement devint la proie des flammes.
C'est ce que répondirent les consuls au commandant de Crupol, qui voulait emmagasiner beaucoup de foin à Allos, en 1748 :
Il n'y a plus dans la ville, dirent-ils, ni église, ni chapelle, ni granges, pour emplacer le foin, attendu l'incendie générale (sic), arrivée (sic) le 15 novembre dernier."

Lorsque le commissaire de guerre eut fait préparer l'évaluation des pertes considérables subies par les incendiés, son frère, messire Pascalis, prieur de Moulanès, se rendit à Paris.
Il plaida si bien la cause de ses infortunés compatriotes que Louis XV, par arrêt de son conseil du 4 juillet 1748, accorda un secours extraordinaire de 43000 livres.
Voici, d'après les registres du conseil d'Etat, ledit arrêt en sa forme et teneur :
"Le roi ayant été informé de l'incendie arrivé dans la ville d'Allos, vallée de Barcelonnette, la nuit du 15 au 16 novembre 1747, et voulant procurer un soulagement aux habitants de ladite ville qui ont souffert de cet accident et leur procurer le moyen de rétablir leurs habitations... Sa Majesté a ordonné et ordonne que, pendant treize années consécutives, à commencer la présente année 1748, le produit du tax de la capitation et du dixième, qui s'imposent annuellement sur les habitants de ladite ville, leur soit distribué...A la charge par lesdits habitants de continuer leur résidence à Allos et d'y rétablir leurs maisons incendiées."

Le roi enjoignit ensuite au sieur de Latour, premier président du Parlement, intendant de justice, de police et finance en Provence, de tenir la main à l'exécution de cet arrêté.
Le seigneur de Latour donna ses ordres à Jean-Dominique Pascalis de la Sestrière, son subdélégué à Barcelonnette, et ce dernier se transporta à Allos, où, le 3 novembre 1748, il régla, en présence des officiers municipaux, la répartition de l'indemnité royale de 43000 livres 14 sols, payable, chaque année, au moyen du produit des impositions de la communauté.

Ce don vraiment royal fut distribué à soixante et quatorze propriétaires et à quatre locataires.
Il égala les deux tiers des dommages causés par l'incendie.

On n'oublia ni l'église, ni les chapelles du chef-lieu.
L'état de répartition portait 1504 livres pour les réparations à faire au sanctuaire et à la nef de Notre-Dame de Valvert, et 1358 livres pour les chapelles de Saint-Sébastien et de Saint-Joseph.
Conformément à l'avis unanime des incendiés, cette dernière somme fut intégralement employée à Saint-Sébastien,
Note (9)" à condition que la confrérie des pénitents blancs ferait célébrer, chaque année et à perpétuité, une grand'messe, le 15 novembre, pour le roi et la famille royale, et qu'on supplierait Mgr. l'évêque de permettre qu'on donne, en ce jour, la bénédiction du Saint Sacrement."

Pour hâter la reconstruction de la chapelle de Saint-Sébastien, le conseil municipal promit d'anticiper le payement de deux annuités de l'indemnité de Louis XV, et il délibéra sur le projet de faire refondre la cloche qui avait été brisée pendant l'incendie.
Note (10)

Trois autres projets étaient, en même temps, l'objet de la sollicitude de la communauté :
la réparation de l'église paroissiale, la construction d'un clocher et l'acquisition d'une horloge.

Dès le 28 avril 1748, elle ordonnait aux consuls de se procurer le bois nécessaire pour la rédection du toit de Notre-Dame de Valvert, et, le 9 juin suivant, elle suppliait Mgr. l'évêque de Senez de ne pas exiger la reconstruction d'une muraille de cette église, avant qu'on eût replace le couvert.

6.-Une tour des remparts transformée en clocher; acquisition d'une horloge.

On se préoccupait surtout " de la construction d'un clocher, pour mettre les cloches à l'abri des injures de l'air et les placer de manière que leur son fût facilement entendu de tous les habitants de la paroisse..., et, Jean-Baptiste Paulet ayant consenti que le clocher fût placé sur la tour qu'il possède, dans la partie orientale de son jardin, à la condition neanmoins qu'il continuera de jouir de rez-de-chaussée de ladite tour, les assistants ont promis de lui payer, avant le 1er décembre prochain, la somme de cinquante livres."

On lit encore dans la délibération du 3 novembre 1748, que je viens de citer,
" que les 685 livres 8 sols 6 deniers provenant de l'indemnité accordée pour la perte du foin consummé par les flammes, dans la chapelle Saint-Joseph, ont été destinés à l'achat d'une horloge et à la construction d'un clocher".
Enfin les incendiés réunis déclarent qu'ils ajoutent à cette somme 584 livres.

Un maçon suisse, nommé Bouffe, construisit le nouveau clocher, moyennant 1150 francs et la fourniture de la chaux par la municipalité.
En même temps, Joseph Guirandy, maître horloger à Digne, préparait l'horloge tant désirée par la population.
Elle coûta 550 francs, non compris les frais de transport.

7.-Réouverture de la plâtrière du Laus

Lorsqu'on commença à réparer les désastres de l'incendie de 1747, le conseil municipal délibéra, à différentes reprises, sur les plâtrières de la montagne du Laus.
Il paraît que les habitants du hameau de Champrichard, qui avaient contracté, à prix fait, l'obligation de tenir l'une de ces carrières ouverte, étaient infidèles à leurs engagements.
Le conseil du 14 juillet 1748 chargea les consuls de les mettre en demeure de remplir leurs obligations incessamment, et, en cas de refus, de les poursuivre en justice, sans perdre un moment.

La situation était, en effet, tellement grave que le commissaire de guerre avait défendu aux habitants dont les cheminées étaient en mauvais état de faire du feu dans leurs maisons !
Afin de mettre un terme à cet état de chose, le conseil se réunit de nouveau, le 28 octobre suivant, pour examiner si le prix fait consenti par les habitants de Champrichard les obligeait encore ou non; lorsque l'un d'entre eux, Jean Rebattu,
" se présenta pour prévenir toute contestation.Il s'obligea à ouvrir la plâtrière, à la tenir ouverte pendant six ans, à partir du prochain mois de juin et à fournir du plâtre cuit à 7 sols le quintal ou le setier, au choix des habitants.
La communauté lui accorda quarante-cinq livres pour ouvrir ladite carrière et l'autorisa à prendre du bois à la forêt de Maunier."

8.-Un nouvel impôt.

Le 28 décembre 1749, les consuls d'Allos présentèrent au conseil de la communauté l'édit du roi qui établissait un impôt du vingtième sur tous les biens, dont le produit devait être versé dans une caisse générale pour l'extinction des dettes de l'Etat.
Ce nouvel impôt remplaçait celui du dixième établi par Louis XIV, pour les besoins de la guerre.
Il fut perçu en espèces par des agents royaux qui ne voulaient s'en tenir ni aux évaluations des affouagements, ni aux indications des cadastres sur le revenu des propriétés.

Cette manière de percevoir le nouvel impôt le rendit bientôt impopulaire.
Les communautés de Provence en demandèrent la transformation, par leurs remontrances de 1749 et de 1750, et il leur fut permis de faire percevoir le vingtième par leurs trésoriers, comme les autres impôts.

Au produit de la taille, qui s'élevait alors à Allos, à 1968 fr. 15 c., et à celui de la capitation ou impôt par tête, qui était de 713 fr.18 c., il fallut donc ajouter le vingtième du revenu des terres .
A partir de cette époque jusqu'en 1789, il n'y eut plus de changements notables dans les impositions payées par la communauté.

9.-Période de paix; revendication de la Chalenche et du Laus

Après l'incendie de 1747 et le traité d'Aix-la-Chapelle (1748), nos ancêtres purent enfin jouir des bienfaits de la paix.
"La vallée se trouve sans troupes",
disaient-ils dans la délibération du 2 février 1759.
La guerre de sept ans, il est vrai, n'était pas terminée; mais le théâtre de cette guerre était loin de nos contrées, et, s'il y est fait allusion dans nos archives, c'est à l'occasion des réjouissances publiques ordonnées par le duc de Villars, après la victoire remportée par l'armée française en 1757.
Cette période de tranquillité permit à la communauté de s'occuper avec soin de l'administration intérieure et de réaliser des projets très utiles.

Sur la demande motivée des habitants de Montgros, l'autorité communale mit en défense, à l'instar du défend de Vacheresse et sous les peines portées dans les statuts municipaux, le quartier nommé l'Ubac de Montgros.
Si cette mesure avait produit le résultat qu'en attendait la municipalité, les habitants du quartier auraient aujourd'hui des pâturages pour les gros bestiaux et du bois de construction sur place.

En 1757 et 1757, la communauté revendiqua la propriété de la Chalenche et s'occupa du rachat de la montagne du Laus et de ses autres dépendances.

Son droit sur le quartier de la Chalenche ne paraissant pas douteux, elle déclara à la veuve Gariel, qui le détenait, que ces terres vagues étaient occupées indûment depuis trente-huit ans
Note (11)

Le projet de recouvrer la montagne du Laus fut proposé et pour ainsi dire imposé par l'abbé Bourrillon.
Ce prêtre promit d'obtenir de la Cour d'Aix un arrêt autorisant la municipalité à racheter cette montagne par le remboursement des 16000 fr. payés par le premier acquéreur.
Il demanda pour cela 1000 francs, payables après l'obtention de l'arrêt.
Cette proposition troubla profondément le conseil, réuni pour l'entendre; les possesseurs des montagnes refusèrent de prendre part à la délibération, et Alexandre Pascalis, du Laus, attaqua violemment l'abbé Bourillon.
Il craignait qu'on l'envoyât à Aix comme député, pour provoquer l'arrêt qu'il avait promis.
Le conseil décida cependant, malgré ce violent orage, de soumettre le projet à deux avocats du Parlement.
Note (12)
Mais cette consultation demeura sans résultat pratique, et la communauté d'Allos n'a jamais pu recouvrer les montagnes qu'elle avait aliénées dans un temps de calamité publique.

10.-Suspension des élections consulaires .-. nouvelle loi municipale .-. élection restreinte.

Le 10 novembre 1747, Pascalis de la Sestrière, commissaire ordinaire des guerres et subdélégué de l'intendant de Provence, était à Allos.
Il fit comparaître devant lui les consuls existants :
Jean-Dominique Pellissier et Jean-Antoine Chaix ( les deux autres consuls étaient morts ),
pour leur donner des successeurs d'après leurs indications, et il annonça que cette manière de procéder au renouvellement de la cour consulaire serait maintenue jusqu'à ce qu'il plût au roi de rétablir la liberté de l'élection.
Cette liberté ne leur fut rendue que dix ans après.

La nomination des consuls par le roi, pendant dix ans, faisait pressentir un changement dans cette élection.
Et, en effet, le 10 juin 1764, par un arrêt de son Conseil d'Etat, Louis XV fixa la forme des conseils municipaux et la manière de procéder aux élections municipales dans la vallée de Barcelonnette.

Voici textuellement la partie historique de ce document :
" Vu par le roi, étant en son conseil, les règlements particuliers ou capitulations des dix communautés qui composent la vallée de Barcelonnette, et Sa Majesté ayant reconnu que les assemblées des conseils municipaux étaient sujettes à beaucoup d'inconvénients, attendu que tous les habitants peuvent y assister à la fois, ce qui les rend tumultueuses et contraires au bien de l'administration; à quoi Sa Majesté voulant pourvoir, elle a ordonné ce qui suit :

" Art.Ier. L'élection des officiers municipaux de toutes les communautés qui composent la vallée se fera, à l'avenir, le troisième dimanche du mois d'octobre de chaque année, et les officiers élus seront installés le 1er janvier suivant; après néanmoins, pour ce qui regarde la communauté de Barcelonnette, que le roi aura approuvé ladite élection, ainsi que cela a été pratiqué jusqu'à présent.

"Art. II. Le conseil ordinaire de la communauté de Barcelonnette sera composé, à l'avenir, des quatre consuls et des deux défenseurs en place, des quatre consuls et des deux défenseurs de l'année précédente et de dix-huit conseillers.

" Art. III. Les conseils ordinaires des communautés d'Allos, Saint-Paul et Jausiers seront composés des quatre consuls, des deux défenseurs en exercice et des quatre consuls et deux défenseurs sortant de charge et de dix-huit conseillers.

" Art. IV. Ceux des communautés de Larche, Meyronnes, Méolans, et Châtelard seront composés de deux consuls et des deux défenseurs en place, de deux consuls et deux défenseurs sortant de charge et de dix conseillers.

" Art. V. Les consuls et les défenseurs seront pris et choisis comme ils l'ont été jusqu'à aujourd'hui, et les conseillers, savoir, la moitié parmi les plus imposés et l'autre parmi les taillables indifféremment, pourvu toutefois que leur cote soit de la valeur de six cent livres tournois pour la communauté de Barcelonnette et de trois cent livres pour les autres...
..........
..........

"Art. X. En cas d'absence d'un ou de plusieurs membres qui doivent composer les conseils desdites communautés, celui de la ville de Barcelonnette pourra délibérer au nombre de vingt-deux;
ceux d'Allos, Saint-Paul et Jausiers, au nombre de quinze,
et ceux de Larche, Meyronnes, Méolans, Revel, le Lauzet et Châtelard, au nombre de douze,
à l'exception néanmoins des conseils qui se tiendront pour l'élection des officiers municipaux.

" Art. XI. Le conseil général de la vallée continuera d'être composé comme il l'a été jusqu'à présent."

Cet arrêt fut approuvé par le roi, en ces termes :
Note (13)" Nous l'avons autorisé et autorisons par les présentes lignes de notre main et nous mandons de le faire lire, publier, registrer et observer."
Il fut lu par le baile d'Allos et enregistré au conseil du 4 août 1765.

Le 20 octobre suivant, le commissaire des guerres déclara qu'il y avait lieu de le mettre à exécution pour la première fois, mais les membres du conseil se contentèrent de confirmer dans leurs fonctions les consuls et les défenseurs actuels.
En fin, ledit arrêt fut observé, dans toute sa teneur, à partir du 19 octobre 1766, avec cette particularité que chaque consul, défenseur et conseiller désignait son successeur, qui n'était définitivement nommé que par l'approbation du conseil.

Ce ne fut pas sans regret que l'on vit substituer cette élection restreinte à l'élection en assemblée générale, qui permettait à toute la communauté de nommer, chaque année, ses administrateurs et ses juges.

11.-Location d'une maison de ville .-. encore le transport des fournitures militaires .-. reboisement des montagnes.

Depuis longtemps, la communauté avait le projet de faire construire une maison de ville pour en faire le lieu des assemblées du conseil, le prétoire du baile-juge et des consuls et le dépôt des archives.
En 1745, les circonstances paraissaient favorables à la réalisation de ce projet, et on voulait ménager dans la maison à construire le logement du secondaire de la paroisse, qui était en location aux frais de la municipalité; mais les contributions de guerre et le passage des troupes avaient absorbé toutes les ressources du pays.
Le 20 janvier 1766, le conseil, réuni dans la maison de Joseph Guieu, vicaire perpétuel, délibéra de nouveau à ce sujet et chargea les consuls
" de louer un appartement convenable pour les assemblées du conseil, les audiences du baile et des consuls et les papiers de la communauté."
Note (14)

Dès lors, cessa d'exister, à Allos, un des vestiges les plus remarquables des temps passés :
l'usage de traiter les affaires communales sur la place publique, de rendre la justice aux portes de la modeste cité, sous un arbre ou sur un banc de pierre, comme faisaient les Hébreux, saint Louis, roi de France, sous le chêne de Vincennes, et les anciens juges de Barcelonnette, déclarant que le banc sur lequel ils étaient assis était leur tribunal.

Le 8 février 1767, Me.Laurens, subdélégué de l'intendant de Provence à Barcelonnette, envoya à Allos une circulaire dont les consuls donnèrent aussitôt connaissance au conseil.
C'était une ampliation des articles 7 et 8 de l'instruction du 15 décembre 1766, relative à la comptabilité des régiments en marche :

" Art. 7. Les régiments ne seront plus tenus de payer les voitures qui leur seront fournies en route; ils donneront seulement leur reçu aux officiers municipaux ou chefs des communautés.

" Art. 8. Les intendants des provinces feront payer aux chefs des communautés le prix desdites voitures par le trésorier de l'extraordinaire des guerres servant près de chacun d'eux."

Nos pères apprirent avec satisfaction ce changement dans le mode de paiement des moyens de transport fournis aux militaires, car ils réclamaient en vain, depuis vingt ans, l'indemnité qui leur était due de ce chef, depuis la guerre de la succession d'Autriche (1742- 1748).
Cette indemnité s'élevait, pour eux et pour les autres communautés de la vallée, à la somme de trois cent soixante et dix mille livres.

Le conseil général des députés de toutes les municipalités, réunis à Barcelonnette, le 15 novembre 1766, avait chargé l'abbé Pascalis, prieur de Moulanès, originaire d'Allos, l'abbé Laugier et Spitalier, de Barcelonnette, de poursuivre le payement de cette somme,
"moyennant l'abandon de dix pour cent, pour les cent mille premières livres; vingt cinq pour les secondes cent mille livres, et trente-cinq pour cent, pour les soixante et dix mille livres restantes, qu'ils ne pourront retenir qu'après que le payement du tout aura été dûment ordonnancé ".

On faisait alors des règlements aussi utiles que sévères pour empêcher le déboisement, et, si l'autorité compétente les avait fait observer jusqu'à nos jours, on ne serait pas obligé actuellement de faire des dépenses si considérables et de gêner les populations pour le reboisement des terrains en montagne.

M. de Montclar écrivait d'Aix, à ce sujet, le 10 décembre 1767, aux consuls d'Allos :
" Il vous était enjoint par divers arrêts du règlement de la Chambre des eaux et forêts, notamment par celui du 31 mai 1763, de veiller à ce qu'il ne soit fait aucun défrichement aux lieux penchants et ardus, ni au bord des rivières, ravins, torrents, et de dresser annuellement, dans le mois d'octobre, procès-verbal de ceux qui auront été faits.

" La déclaration du roi du 12 avril 1767 n'autorise les défrichements des terrains montueux et penchants qu'autant que les possesseurs desdits terrains en auront obtenu la permission de la Chambre des eaux et forêts, laquelle ne leur sera accordée qu'à la charge d'y faire une muraille ou haie vive plantée d'arbustes pour soutenir le terrain, à chaque toise de pente.
La même déclaration prononce condamnation de trois mille livres d'amende contre ceux qui défricheront des terrains ardus sans avoir la permission, ou sans avoir observé les susdites conditions."

 

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Notes : 14 notes dans ce chapitre.

(1) On appelait ainsi le sanctuaire parce que c'est dans cette partie de l'église que les prêtres ont leur place, pendant la messe et les autres cérémonies religieuses.
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(2) On arrivait donc par une porte particulière au cimetière des enfants morts sans baptême, qui était tout à fait séparé du cimetière proprement dit.
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(3) Registre des délibérations de la communauté d'Allos, 1746-1748.
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(4)Les opérations militaires dans les Alpes et les Apennins, pendant la guerre de la succession d'Autriche (1742-1748), in-8° publié, en 1886, par M. Henri Moris, archiviste des Alpes-Maritimes.
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(5) Il est dit, dans la délibération du 5 février 1747, qu'à cette époque les habitants avaient, presque tous, des juments poulinières..
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(6) Ce mot était alors synonyme de transport d'objets matériels.
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(7) Le 11 juin 1747, le conseil fit payer douze livres à Honoré Chaix, d'Allos, qui était allé chercher à Digne deux tambours pour les compagnies bourgeoises.
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(8) Opérations militaires dans les Alpes et les Apennins,par M. Henri Moris.
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(9) On n'osa pas réparer la chapelle de Saint-Joseph parce qu'elle tombait en ruine.
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(10) Le conseil déclara que cette chapelle, étant au centre du chef-lieu, était nécessaire surtout pour la prochaine mission.
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(11) La contestation relative à cette parcelle de montagne, appelée gastaille dans quelques anciens actes, a continué jusqu'à nos jours entre les nouveaux propriétaires du Laus et la commune d'Allos.
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(12) L'abbé Bourrillon était un prêtre instruit, mais insuffisamment pondéré.
Il défendit Soanen, au concile d'Embrun, avec tant d'ardeur qu'on l'accusa d'être lui-même janséniste.
Afin de n'être pas condamné, il quitta immédiatement Embrun et se réfugia à Paris.
Dans les dernières années de sa vie, il était curé de Clignon, où il mourut.
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(13) Cette date des lettres patentes de Louis XV, confirmant l'arrêt de son Conseil d'Etat, est devenue celle de cet arrêt, rendu le 2 juin 1764.
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(14) L'élection municipale annuelle, qui avait lieu jusqu'alors sur la place des aires, ou ailleurs, se fit également dans cet appartement.
Cependant l'installation des nouveaux officiers, fixée au 1er janvier, devait être faite devant la chapelle de Saint-Sébastien, en présence du baile, qui les déclarait consuls et défenseurs de la communauté, recevait leur serment et ordonnait à tous les habitants de leur obéir, pour le fait de leur charge et sous toutes les peines de droit.
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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE III

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(1767-1789.)

 

1.-Croix plantées sur les sommets de Valgelaye, pour guider les voyageurs .-. visite de Mgr d'Amat à Allos.
Les communications entre Allos et Barcelonnette ont toujours été difficiles, pendant l'hiver.

Pour ne pas s'exposer au danger des avalanches, les voyageurs suivent quelquefois les sommets de la montagne, où les pieux solidement fixés de distance en distance et portant des numéros lisibles au toucher servent de point de repaire.
Mais on voit difficilement ces pieux, lorsque le jour est obscurci par des tourmentes de neige aussi redoutables que les bourrasques de la mer.

En 1767, un habitant du hameau de Morjuan, nommé Antoine Jaubert, voulant atténuer ce danger, planta des croix dont les bras se voyaient de plus loin et permettaient, "par ce moyen, de se rendre plus facilement à Barcelonnette, dans la plus mauvaise saison".
Note (1)
La croix, signe d'espérance et de salut, fut donc désormais le guide des voyageurs, en ces lieux escarpés, et la communauté d'Allos témoigna sa reconnaissance à Antoine Jaubert en lui faisant remettre une modeste somme d'argent, "quoiqu'il n'eût rien demandé".

Mgr d'Amat de Volx, évêque de Senez (1757-1771), visita Allos en 1768.

Les consuls, les membres du conseil communal et les notables rivalisèrent avec la jeunesse pour lui faire une réception digne de leur foi et de sa haute dignité.
Le prélat trouva toute la population réunie sur le chemin de Colmars, non loin de l'église paroissiale d'Allos, et il put lire sur tous les fronts la joie la plus pure.
Les jeunes hommes, qui étaient sous les armes, le saluèrent par une décharge de mousqueterie.
"On dépensa huit livres de poudre, pour la bravade; vingt quatre sols, pour chaque homme, pendant deux jours; trente-six livres données aux domestiques du Seigneur Evêque et six livres pour les violons qui ont accompagné la jeunesse à la suite de Monseigneur."
Cette note, empruntée à la délibération du 10 juillet 1768, nous dit, avec une agréable naïveté, comment, à cette époque, on recevait les évêques, en cours de visite pastorale dans nos montagnes.

2-Incendie d'un quartier d'Allos .-. nouveau projet d'annexion au Dauphiné.

En 1769, un nouvel incendie détruisit les maisons d'un quartier d'Allos.
C'était pour la troisième fois, durant l'espace de cinquante ans, que les habitants du chef-lieu avaient à souffrir de ce fléau.
Un désastreux orage anéantit presque en même temps la récolte et amena une année de disette générale dans le pays.

Le conseil de la communauté envoya en députation à Senez Mes. Guirand et Pascalis de Valplane, notaires, chargés de remettre à Mgr l'évêque "deux rapports des dommages causés par la grêle et par l'incendie" et de solliciter son intervention pour obtenir une indemnité du roi.
Par un arrêt de son conseil d'Etat du 22 septembre 1771, Louis XV accorda aux victimes de l'incendie et de l'orage de 1769 le produit des impositions de 1771 et de 1772, dont la somme totale s'éleva à six mille deux cents francs.
Note (2)

Le projet de réunir la vallée de Barcelonnette au Dauphiné, dont nous avons déjà parlé, fut repris en 1769.
Une réunion des députés des douze communautés eut lieu à ce sujet, à Barcelonnette, le 12 du mois de décembre.
Il fut décidé qu'à cause de la gravité et de l'urgence de cette affaire il y avait lieu d'adjoindre un collègue à M. Caire, avocat à la Cour, député de la vallée, et on choisit pour cette importante mission messire Pascalis d'Allos, prieur de Moulanès, dont le dévouement et le talent étaient bien connus.

Les craintes de la vallée étaient fondées.
Le duc de Choiseul, premier ministre de Louis XV (1758-1770), écrivait, en effet, à M. de Figeac, commandant des troupes de la vallée, qu'on voulait démembrer nos pays de la Provence.
Note (3)
On savait, d'ailleurs, que le gouvernement français cherchait alors à rentrer en possession du Comtat-Venaissin et que la cession de la vallée de Barcelonnette au Dauphiné "était subordonnée, disaient les consuls d'Allos au conseil du mois de juillet 1770, à l'arrangement qui devait être pris entre la cour de France et celle de Rome", au sujet de la reddition de la ville d'Avignon et du Comtat à la France.
Cette combinaison ne produisit pas le résultat attendu :
le Comtat-Venaissin ne fut annexé à la France qu'en 1791, et nos ancêtres furent heureux de rester unis à la Provence.

3.-La pêche dans les eaux du lac d'Allos; construction d'une barque.

La communauté d'Allos disposait du droit de pêche dans les eaux du lac de la montagne du Laus, même après la vente de cette montagne.

D'après les anciens usages, nul ne pouvait pêcher dans ce lac, sans l'autorisation formelle des consuls, ni avec des filets à mailles assez étroites pour prendre les truites pesant moins d'une livre.
Le poisson ne pouvait être vendu hors du pays qu'après avoir été mis en vente, à quatre sous la livre, devant la chapelle de Saint-Sébastien, à Allos, le vendredi, depuis neuf heures du matin jusqu'à midi.
Enfin, les pêcheurs devaient offrir un repas aux consuls, à titre honorifique !

Les articles de cette réglementation étant tombés en désuétude, surtout pendant les guerres de 1742 à 1748, furent remis en vigueur, avec quelques modifications, par une délibération de 1752 et surtout par le conseil du 30 janvier 1773.

Désormais, le droit de pêcher les truites du lac fut mis aux enchères et délivré au plus offrant.
Les consuls fixaient, avant chaque enchère, le prix du poisson, le jour et l'heure de la vente à Allos, et les pêcheurs devaient leur offrir douze livres de truites, au lieu d'un repas.

Cependant Marc-Antoine Amelly, originaire d'Allos, demeurant à Salon, obtint, en 1778, l'autorisation de pêcher dans le lac de son pays.
Il fit construire une barque à ses frais et il accepta les conditions qui lui furent imposées par un règlement en dix articles, préalablement soumis à l'intendant de la Provence.
La communauté, de son côté, promit de "se départir de son droit de pêche dans le lac, avec bateau, et de l'accorder exclusivement audit Amelly et à ses ayants-droits"; mais elle stipula, en même temps, que les habitants d'Allos pourraient toujours pêcher sans bateau, "en été, à la ligne, au feu et à l'hameçon, et, avec filets, pendant l'hiver".

4.-Le Villard veut être érigé en paroisse .-. le chaperon des consuls d'Allos.

Les habitants du Villard faisaient alors des démarches pour faire ériger leur hameau en paroisse.

Les consuls, en exposant ce projet, au conseil du 1er août 1773, s'y opposèrent ouvertement.
"Si cette érection avait lieu, disaient-ils, à l'exemple des habitants du Villard, ceux du Seignus et autres hameaux feraient la même demande, ce qui anéantirait totalement le chef-lieu."

Il s'éleva à ce sujet un procès entre Mgr l'évêque de Senez et les habitants du Villard, par devant l'official de Seyne.
Note (4)
Le conseil de la communauté déclara judicieusement qu'il ne délibérerait sur cette affaire qu'après le dénouement du procès, et le projet des habitants du Villard fut, plus tard, complètement abandonné.

En reproduisant plusieurs articles de la déclaration de Louis XIV qui régla la juridiction de la vallée, j'ai dit plus haut (chapitre Ier, IV° partie) que les consuls d'Allos, comme ceux de Barcelonnette, avaient le droit de porter le chaperon.
Note (5)

En effet, les membres du conseil du 8 août 1773 en parlent comme d'un privilège déjà ancien :
"Attendu, disent-ils, que les chaperons sont en très mauvais état et hors de service, les assistants au présent conseil ont délibéré qu'à la diligence des consuls il sera pourvu à des nouveaux, en velours, à l'instar de ceux de Barcelonnette."
Et, le 19 décembre de la même année, ils ordonnent au trésorier de payer " aux sieurs Matheron et Arnaud, marchands à Barcelonnette, deux cent quarante-six livres douze sols, montant des chaperons qu'ils ont faits pour la communauté d'Allos."

Le chaperon était l'insigne de l'autorité, comme aujourd'hui l'écharpe tricolore des maires.
Les consuls de Barrême, qui ne l'avaient pas encore en 1749, le demandèrent au Parlement d'Aix.
La Cour le leur accorda, comme un moyen de se faire reconnaître et respecter dans les fréquents passages de troupes, etc.

5.-Avènement de Louis XVI .-. messe de l'aurore .-. réfection des cadastres.

Louis XV mourut en 1774, après avoir régné cinquante-neuf ans.
Son petit-fils, qui n'avait pas vingt ans, lui succéda et prit le nom de Louis XVI.
Un de ses frères, qui monta sur le trône en 1814, sous le nom de Louis XVIII, portait le nom de comte de Provence, et Clotilde, l'aînée de ses soeurs, épousa Charles-Emmanuel, roi de Sardaigne, lorsque nos ancêtres, avec tous les habitants de la vallée de Barcelonnette, sollicitaient de ce prince un édit leur permettant, dans ses Etats, la vente des draps qu'ils fabriquaient.

Déjà, dit un historien de Nice,
Note (6)"les événements couraient vers la grande révolution";
mais, avant d'arriver à cette période tumultueuse de notre histoire, même dans les pays les plus calmes et les plus reculés, relatons encore une série d'actes et de faits où se reflète, comme dans un miroir, la véritable physionomie d'une population et d'une époque.

Les consuls représentent au conseil, assemblé le 13 août 1775, que, de temps immémorial, on a eu chaque jour, dans la chapelle des pénitents, une messe à l'aurore, depuis le 1er mai jusqu'au 1er octobre, pour les ouvriers de la campagne, les voyageurs et autres personnes à portée de l'entendre...;
que la rétribution de cette messe a toujours été payée par Me Pascalis du Laus, avocat en la cour, ou par ses auteurs; que cette messe a été absolument négligée, cette année, etc."

Le conseil après avoir entendu Marc-Antoine Pascalis, chargé d'assurer la fondation, et l'abbé Bourrillon, secondaire de la paroisse, qui devait dire la messe à l'aurore, reconnut que les honoraires de cette messe étaient insuffisants et ordonna, dès le lendemain, un acte de sommation pour les augmenter.

En attendant le résultat de cette sommation, les consuls firent rechercher l'acte de fondation qui était du 31 octobre 1714.
On le trouva à Turin,
Note (7) et, l'extrait légal en fut signifié à Me Pascalis.
La communauté le mit en demeure de " faire acquitter la messe de l'aube au taux que devait fixer Mgr l'évêque de Senez."

Les consuls d'Allos s'occupaient avec le même dévouement des intérêts matériels du pays.
Le 20 avril 1777, ils "représentaient au conseil que les cadastre et livre terrier de la communauté doivent être refaits de vingt ans en vingt ans, pour connaître la valeur des fonds, qui varie toujours, pendant cet espace de temps...;
que la commune ne peut donc pas différer de faire procéder à de nouveaux cadastres."

Le conseil, par l'intermédiaire de Joseph Guieu, premier consul, et de Me Guirand, notaire, confia cette importante entreprise à Me. Léautaud, avocat à Castellane, et André Fabre, notaire à Barrême.
La convention fut signée le 18 mars 1778.
Les deux experts s'obligèrent à refaire les cadastres, selon les conditions établies par la communauté, et celle-ci s'engagea à leur payer 3300 livres et promit de choisir, dans chaque quartier du territoire, des sapiteurs
Note (8) capables de les renseigner.
Empruntons au catalogue de ces honorables sapiteurs ou indicateurs quelques noms et prénoms, parmi lesquels les habitants actuels d'Allos pourront reconnaître leurs aïeux.
Pour le chef-lieu, André Guirand, ùaître chirurgien, et Honoré Sicard; au quartier du Villard, Pierre Guieu et Jean-Ange Michel; à Bouchiers, Jean-Baptiste Honorat et Laurent Pellissier, de Vacheresse; au Seignus, Jean Guirand et Jean-Pierre Gay; à la Foux, Jean-Jacques Arvel et Dominique Pascal, etc.

Léautaud et Fabre commencèrent les opérations sur le terrain, le 7 mai, et les continuèrent pendant l'été de 1779.
Ils furent un moment arrêtés par l'inertie et l'opposition des propriétaires des montagnes, qui refusaient de produire leurs baux, tant anciens que nouveaux; mais les membres du conseil, par une sommation énergique, triomphèrent de cet obstacle, et le nouveau cadastre était terminé, après un an de travaux, le 7 mai 1780.
Pour la première fois, la communauté consentit, à regret, que les biens fonds des chapelles, des confréries, etc..., fussent encadastrés.
Note (9)

6.-La bravade; les pouvoirs du premier consul.

La jeunesse d'Allos s'organisait alors militairement, à l'occasion des fêtes patronales, comme elle le fait encore quelquefois aujourd'hui.
"A l'honneur de la fête de saint Pierre, titulaire de la paroisse, lisons-nous dans la délibération du 20 août 1780, il a été formé une compagnie qui a fait une bravade , ledit jour de saint Pierre et le jour de Notre-Dame d'août, qui est la vogue du lieu, à l'occasion de laquelle on a dépensé, en poudre, la somme de quinze livres."
Le conseil de la communauté paya cette modeste somme,
" la jeunesse s'étant constituée en une dépense assez considérable, en uniformes."

Les consuls se plaignaient, en même temps, d'un procédé qui leur paraissait blessant.
Ils reprochaient aux marguilliers du Saint-Sacrement de leur avoir refusé les cierges qu'on avait coutume de leur offrir les jours de fête, pendant la messe et la bénédiction.
Les marguilliers répondirent " qu'il n'était point dû de torche, quand les consuls se trouvaient au banc destiné pour la magistrature, sans avoir les chaperons."
Note (10)
Mais cette justification ne parut pas suffisante à la cour consulaire et, par conséquent, ne termina pas le différend.

En 1777, un arrêt du Parlement de Provence apporta un changement notable dans l'exercice du pouvoir consulaire.
Il y est statué que, "sur la requête présentée à la Cour par le procureur général du roi...,
le premier consul a seul le droit de convoquer les assemblées municipales et d'y faire les propositions...
Il est fait inhibition et défense aux seconds consuls de convoquer les conseils et de faire les propositions, à peine de cinq cents livres d'amende."

C'est la concentration des principales attributions du consulat entre les mains d'un seul, au détriment des trois autres.
"Jamais, dirent nos pères, dans la délibération du 24 août 1777, le premier consul n'a eu ce droit dans la communauté."
La plupart des conseillers, de concert avec les consuls, (le premier excepté ) délibérèrent et firent des démarches pour faire retarder l'enregistrement de l'arrêt du 15 février 1777.
C'est ce qui explique pourquoi on ne le trouve dans nos registres qu'après la délibération du 15 mars 1778.

La communauté, n'ayant pu empêcher l'exécution de cet arrêt, essaya habilement d'en neutraliser les effets, en faisant élire le premier consul alternativement dans chaque quartier.

Voici, à ce sujet, un court exposé de ce qu'il y avait à faire et de ce qui fut fait :
"Depuis quelques temps, disait J.Jacques Girard, de la Foux, défenseur, le quartier de la Ville s'est injustement arrogé le droit d'élire annuellement le premier consul et le premier défenseur, contre l'ancien usage qui est observé dans la vallée de Barcelonnette....

" Dans la communauté du Châtelard, la Condamine s'étant aussi arrogé le droit d'avoir annuellement le premier consul et le premier défenseur, au préjudice de l'autre quartier, Sa Majesté, par lettres patentes, registrées au Parlement, vient de décider que le premier consul serait alternativement dans chaque quartier.

"Lesdites lettres patentes rendues pour le Châtelard doivent également décider pour cette communauté."

L'équité recouvra enfin une partie de ses droits, et, à partir de 1779, le chef-lieu renonça à son privilège d'avoir toujours le premier consul.
Mais il n'en fut pas ainsi pour le premier défenseur :
le préfet de Barcelonnette déclara que celui du quartier de la Ville devait précéder ceux des autres quartiers.

7.-Draps fabriqués à Allos .-. incendie du Seignus.

A cette époque, on fabriquait, chaque année à Allos, plus de douze cents pièces de drap.
Ce travail se faisait en grande partie à la main et pendant l'hiver.
C'était après l'élevage et le commerce des bestiaux, la principale industrie des vallées du Verdon et de l'Ubaye.

En vertu des lettres patentes et des arrêts du conseil du roi de l'année 1780, sur la police des draps fabriqués dans notre région, on établit à Barcelonnette un bureau composé d'un inspecteur royal des manufactures, d'un plombeur
Note (11)
et de deux gardes jurés.

A cause de la distance et de la montagne qui nous séparent de Barcelonnette, l'administration provençale eut le projet d'annexer Allos au bureau de Colmars, pour la vérification et le plombage des étoffes; mais nos pères protestèrent énergiquement contre ce projet, car, outre la dépense occasionnée par le transport des draps à Colmars, chaque particulier aurait eu à payer " un billet ou acquit-à-caution, comme étant sur les quatre lieues de la frontière."
Ils firent ensuite présenter au gouvernement un placet que le ministre renvoya à l'intendant de la Provence, à Aix, et celui-ci à Me Giraud, son subdélégué à Colmars.

Pendant que ce fonctionnaire étudiait cette affaire, on comprit, chez nous, que l'intendance voulait envoyer un simple préposé chargé de plomber sur les lieux et de rapporter son registre aux gardes jurés de Colmars.
La communauté renouvela aussitôt ses instances et ses protestations, déclarant
" qu'elle ne devait pas se détacher des prérogatives de la vallée de Barcelonnette, pour se joindre à la viguerie de Colmars, qui ne jouissait pas des mêmes privilèges."
Allos et Colmars, ajouta-t-elle, ont un commerce séparé et qu'on ne peut pas unir.
"Les étoffes de la viguerie de Colmars passent presque toutes dans les pays étrangers; celles de la vallée se vendent, la plupart, dans le Lyonnais et autres provinces du royaume, et il n'en passe presque point en Piémont...
Cette communauté (d'Allos) a un intérêt essentiel d'être séparée d'avec celle de Colmars et de conserver les droits qui lui sont acquis, comme membre de la vallée."
Note (12)

Ces droits finirent par être reconnus :
un bureau de plombage des étoffes fut établi à Allos, en 1782.
Jean-Jacques Arvel et Alexandre Pellissier en furent les premiers gardes jurés et ils entrèrent en fonction dès qu'ils furent munis des coins et des plombs nécessaires et qu'ils eurent prêté serment.
Le conseil ne pouvait les nommer que pour un an.
Leur bureau était à la maison de ville.

Le hameau du Seignus-Bas fut victime d'un incendie en 1782.

Nous connaissons ce sinistre événement par un détail de comptabilité
Note (13)
et une demande de secours adressée à la municipalité.
" A l'occasion de l'incendie arrivé le 30 septembre dernier, Marie-Rose Pascal,veuve de Dominique Guirand, une des incendiées, a été des plus maltraitées, au point qu'elle a perdu généralement tous ses effets et denrées, et même les murailles de sa maison se sont écroulées en plus grande partie; de manière que, cela joint à son triste état de veuve, elle est dans l'impossibilité de rebâtir sa maison, si la communauté ne la seconde de quelques secours."

Dans moins de trois quarts de siècle, notre pays fut donc affligé de cinq incendies, dont trois au chef-lieu,
un à la Foux
Note (14)   et le cinquième au Seignus.

8.-Payement des fournitures de guerre; maintien des privilèges.

Depuis longtemps, Allos et les autres communautés de Barcelonnette réclamaient à l'Etat le payement des fournitures qu'elles avaient faites à l'armée française, pendant les guerres de la succession d'Autriche.
Elles avaient reçu, il est vrai, vers 1751, un acompte de 18.000 livres, mais il leur en était dû 370.000, d'après la délibération du 26 décembre 1766.

Enfin, par un édit du 9 février 1784, Louis XVI fixa à 180.000 livres le prix de ces fournitures,
"en payements annuels de 10.000 livres, à prendre sur les deniers royaux, applicables, savoir :
le premier payement, en faveur des pauvres, et le restant en réparation des chemins et autres utilités communales".
Sur les 10.000 livres de la première annuité, les pauvres d'Allos ne reçurent que 550 livres, malgré la protestation des consuls, qui trouvaient cette répartition peu équitable.

Les habitants de la vallée veillaient sur le maintien de leurs privilèges.

En 1784, ils faisaient des recherches sur l'exemption de la milice accordée à leurs ancêtres et sur les moyens à prendre pour faire revivre cette faveur.
Le 8 février de la même année, la communauté d'Allos voulut se joindre au reste de la vallée pour le recouvrement d'un privilège important.

On préparait en même temps une réunion des douze communautés de la vallée, à Barcelonnette,
" à l'effet de délibérer sur les moyens à prendre pour empêcher une nouvelle confirmation du préfet, absolument destructive des privilèges de cette vallée".

Les membres du conseil communal d'Allos n'étaient pas moins catégoriques dans les instructions qu'ils donnaient à Me Maurin, leur délégué au conseil général de la vallée :
"Il demandera, de concert avec les autres communautés, à Mgr le prince de Beauveau, à ce qu'il lui plaise, à l'avenir, n'accorder aucune confirmation de préfet, si elle ne lui est demandée par une délibération unanime des communautés de la vallée, qui seront convoquées, à cet effet, la dernière année de l'exercice.
Note (15)

9.-Fondation d'une mission .-. suppression du bailliage.

Hyacinthe Pascalis de la Sestrière, père du commissaire des guerres, avit fondé une mission qui devait avoir lieu, à Allos, tous les dix ans.

Il avait affecté à cette oeuvre pie le revenu annuel d'un quartier de la montagne de Poussendriou.
Aux termes de son testament, cette parcelle de montagne pastorale était cédée à la maison des Religieux Capucins de Riez, chargés d'envoyer cinq Pères Missionnaires pour chaque mission; mais, en réalité, les officiers de la municipalité en percevaient le revenu annuel, qui était de 30 francs et, la dixième année, payaient 300 francs aux Capucins.
Ils s'occupaient même de tous les détails matériels de la mission.
Le 8 mai 1785, ils annoncèrent au conseil de la communauté qu'ils avaient déjà trouvé un logement pour trois missionnaires et le mobilier indispensable.
La mission commença le 11 du même mois et dura un mois.

Par lettres patentes du 17 novembre 1787, Louis XVI supprima les bailliages des communautés de la vallée de Barcelonnette, et ces lettres furent notifiées officiellement au conseil de la communauté d'Allos, le 24 mars 1788.

Les assistants à ce conseil comprirent qu'une brèche irréparable était faite à leurs privilèges séculaires.
En effet, le baile rendait la justice sur les lieux; il était nommé par eux comme les consuls et les autres officiers municipaux.
La suppression de ce juge les mettait dans l'impossibilité d'obtenir justice, pendant la plus grande partie de l'année, ou de ne l'obtenir que moyennant des frais considérables de déplacement, dans les cas où la présence du juge sur les lieux est nécessaire.
"La communauté d'Allos, disaient ils, dans la délibération du 6 avril 1788, se trouve dans une position bien différente de celle des autres communautés de la vallée, par la montagne qui nous sépare et les neiges et les glaces qui interrompent toute communication pendant sept mois de l'année."
Ils supplièrent, en conséquence, le chancelier, l'intendant de la province et l'évêque de Senez
Note (16)
de faire rétablir, par leurs instances auprès du roi, le juge de la communauté ou de transmettre aux consuls en exercice le pouvoir du baile, comme la reconnaissance des tailles, les contestations parmi voisins sur les limites des propriétés, etc..., etc.,
Mais toutes ces démarches furent inutiles :
la juridiction des bailes disparut avec eux.

10.-Cahier des doléances; menace des brigands .-. confédération de la vallée du Verdon.

Par une circulaire du 2 janvier 1789, les consuls de Barcelonnette informaient leurs collègues d'Allos des démarches qu'il y avait lieu de faire afin d'avoir un député aux Etats généraux, pour y faire valoir les droits de la vallée.
Nos consuls répondirent que la communauté considérait ces démarches comme inutiles, dans ce moment, jusqu'à ce que la forme des Etats généraux fût réglée.
Cette assemblée n'inspirait donc pas une entière confiance à tout le monde, dans nos montagnes.

Le 25 mars de la même année, eut lieu, à l'issue des offices, sur la place du Portail-Bas,
(dit Portail de France, lorsque nous appartenions à la Savoie)
l'assemblée générale pour la rédaction du cahier de doléances, plaintes et remontrances de la communauté.
Il fut coté et signé par les consuls, ainsi que par Alexandre Pellissier, Clément Pellat, J-Joseph Michel et Jean-Hyacinthe Guirand, nommés à cet effet par l'assemblée, et ensuite confié à Jean Honorat, premier consul, et à J-Pierre Jaubert, notaire royal, qui acceptèrent la mission de le présenter, le 31 dudit mois, au conseil de la vallée de Barcelonnette.

Les habitants d'Allos se réunissaient de nouveau en assemblée générale, le 2 du mois d'août suivant, devant la maison de ville, par l'ordre des consuls et à la réquisition des défenseurs, afin de pourvoir à la défense du pays menacé d'une invasion de brigands.

Le danger, signalé par les consuls de Barcelonnette, de Digne, de Colmars, de Seyne et de Bellafaire, paraissait réel et imminent.
La vallée de Barcelonnette craignait d'être saccagée par une troupe nombreuse d'ennemis qui campainet sous les murs de Gap.
La place de Colmars venait de recevoir, par un porteur de Saint-André, une lettre des consuls de Digne, demandant du secours en hommes et en armes.
Allos demanda des fusils au commandant de Colmars, des balles et de la poudre à Barcelonnette.

Un plan de défense bien organisé s'imposait.
Sur la proposition de Pascalis de la Sestrière, on forma immédiatement deux compagnies, dont les capitaines, Pellissier et Jaubert, furent choisis à l'unanimité des voix, et on rédigea, séance tenante, un projet de confédération avec les communautés de Colmars, de Beauvezer, de Thorame-Haute et de Thorame-Basse.

Ce projet fut accepté sans discussion par toutes les communes intéressées et enregistré le 10 septembre 1789.
En voici les principaux article :
"Les compagnies d'Allos sont composées :
la première, des jeunes gens les plus alertes et de meilleure volonté, pour se rendre où besoin sera.
La seconde, dans laquelle on a compris les hommes moins jeunes et moins actifs, est destinée à se tenir en garde, au chef-lieu, et à servir de troupe auxilaire, au besoin.

"Chaque troupe sera toujours commandée par son chef particulier; mais, comme en cas de jonction il est important que ces compagnies réunies soient commandées par un seul chef, on choisira dans les cinq communautés une personne en état de conduire les opérations.
La confiance que la communauté d'Allos a en la personne de M. l'avocat Giraud lui font désirer que les suffrages de Colmars, de Beauvezer, de Thorame-Haute et de Thorame-Basse se réunissent en sa faveur.

"Comme il paraît essentiel, au moment des récoltes, de ne pas enlever les meilleurs bras à leurs foyers...,
il suffit que la communauté de Thorame-Basse établisse une vedette pour garder le défilé par où on peut la surprendre.
Colmars veillera sur le passage de Chasse, et Allos sur ceux de la Foux, Preinier et Valdemars.

" A la moindre alerte, la communauté attaquée dépêchera tout de suite aux communautés confédérées, et la compagnie des volontaires (jeunes gens ) de chacune marchera tout de suite à son secours.
Les tocsins et un coup de canon de Colmars pourront accélérer la jonction des milices bourgeoises."

Le commandant de Colmars ayant envoyé les fusils que les habitants d'Allos lui avaient demandés, nos consuls les firent réparer, avec ceux qu'ils avaient, moyennant la somme de 30 livres, payée à Antoine Michel et à Joseph Augier, maréchaux serruriers.
La compagnie des volontaires et celle des auxiliaires purent donc être armées tant bien que mal, à l'occasion de la menace des brigands , qui heureusement ne se réalisa point.

 

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Notes : ( 16 notes dans ce Chapitre.)

(1) Délibération du conseil du 22 novembre 1767.
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(2) Louis XV avait accordé 7500 francs aux incendiés de 1718 et 43000 francs après l'incendie de 1748, que les habitants d'Allos appellent encore aujourd'hui :lou gran fua .
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(3) Délibération du conseil de la communauté d'Allos, 4 mars 1770.
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(4) Seyne appartenait au diocèse d'Embrun.L'officialité de cette localité était censée plus indépendante pour juger un procès qui intéressait l'évêque de Senez.
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(5) C'était, dit le docteur Honnorat, "un ornement que portaient sur l'épaule gauche les consuls des villes, les docteurs et certains magistrats, avant la révolution de 1789."(Dictionnaire provençal-français.)
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(6) Tisserand, t. II, p. 186.
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(7) L'administration savoyarde, en se retirant de la vallée de Barcelonnette, emporta donc même des actes passés devant notaire, un an après le traité d'Utrecht.
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(8) "Sapiteur, terme de droit, personne qui connaît les localités et que les experts sont autorisés à consulter." (Dictionnaire des Dictionnaires.)
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(9) D'après la délibération du 11 novembre 1781, le nouveau cadastre fut envoyé à Castellane, et la personne chargée de le rapporter à Allos eut " à payer 143 livres, savoir : 90 livres à Colombet, maître écrivain, pour mise au net; 45 livres pour le prix de trente mains de papier, employées audit cadastre, à raison de trente sols l'une; 5 livres pour le port dudit papier d'Aix à castellane, et 3 livres pour la façon d'une caisse, pour porter le registre.".
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(10) Délibération du 5 mai 1782.
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(11) Employé chargé d'appliquer un petit sceau de plomb sur les étoffes, pour en marquer la provenance, l'aunage et la qualité.
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(12) Délibération du 3 févier 1782.
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(13) Délibération du 24 novembre 1782, autorisant le payement de 27 livres 8 sols, pour trois coups de vin fourni, par ordre des consuls, à l'occasion de l'incendie du Seignus-Bas.
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(14) Une maison fut, en effet, brulée dans ce quartier.
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(15) Délibération du 12 avril 1784.
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(16) Mgr de Castellane, qui mourut le 7 novembre 1788.
Son successeur, Mgr de Bonneval, n'arriva à Senez que le dimanche des Rameaux de l\'année 1789.
Dans l\'intervalle, M. Reynard, vicaire général, administrait le diocèse.
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Chapitres dans la Quatrième Partie

TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE IV

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(1789-1793.)

 

1.-La révolution française; nouvelle organisation municipale; suppression du consulat.
"Les Etats-Généraux, convoqués à Paris, pour le 7 mai 1789, ouvrirent leurs séances le 9 du même mois et se tranformèrent, de leur propre autorité, le 23 juin, en Assemblée constituante.

"L'une de leurs premières opérations fut l'abolition de tous les privilèges et droits féodaux.
Elle s'exécuta dans la nuit du 4 au 5 août, aux applaudissements de la noblesse elle-même, et la France entière l'accueillit avec des transports d'allégresse.
.Si la Révolution eût voulu se borner à détruire les abus, son oeuvre, ce semble, était achevée du premier coup; mais elle en voulait aussi aux institutions....

"La prise de la Bastille (14 juillet 1789) avait donné naissance à l'ère de la liberté et, par suite, à la création des gardes nationales dans toute la France."
Note (1)

Celle d'Allos prêta serment le 13 septembre suivant.
Elle se réunit, pour cela, "dans la basse-cour de Pascalis, commissaire des guerres, de cette ville; après avoir assisté aux saints offices de ce jour, sous les armes".
Les chefs et les soldats promirent de défendre les citoyens contre les perturbateurs et de maintenir la paix.

Les droits féodaux ayant disparu à Allos depuis longtemps, leur abolition n'y produit aucun effet.
Mais il n'en fut pas ainsi pour la suppression des privilèges des biens des chapelles et vicairies, que le conseil municipal fit exécuter le 2 novembre, en prescrivant à son greffier de porter les impositions de ces biens au rôle du trésorier.

Cependant Louis XVI jugea à propos de suspendre les élections consulaires, pour donner à l'Assemblée nationale le temps de voter la réorganisation municipale qu'elle préparait.
L'ordonnance royale envoyée à ce sujet, à Allos, par Med'André, est datée du 20 novembre 1789 et conçue en ces termes :
"Sa Majesté a ordonné et ordonne que, provisoirement, il sera sursis à toute élection de consuls et autres officiers municipaux, dans toutes les villes et communautés de Provence."

La nouvelle loi municipale fut promulguée au commencement de l'année 1790.
Elle abolissait le consulat, remplaçait le premier consul par un maire, lui donnait pour aides ou assesseurs quelques officiers, établissait un procureur de la commune, donnait le nom de notables aux conseillers municipaux, etc.
Les électeurs, réunis en assemblée générale, le 21 février 1790, nommèrent donc un maire, cinq officiers municipaux, un procureur et douze notables.
Dans les élections annuelles ultérieures, ils renouvelaient, par moitié seulement, les officiers municipaux et les conseillers dits notables.

2-Projet de séparer le hameau de la Foux de la commune d'Allos..

En 1790, Joseph Pascal, Michel-Ange Pin, de la Foux, et André Pellat, de la Beaumelle,
se disant la généralité des habitants de la paroisse, communauté de campagne de la Foux et de ses dépendances,
déclarèrent par écrit, le 31 mars, à la municipalité d'Allos,
qu'en exécution du décret de l'Assemblée nationale du 12 novembre dernier, sanctionné par le roi,
ils se proposaient d'avoir leur municipalité dans leur campagne et dépendances, et qu'en conséquence ils procèderont sous peu de jours à l'établissement d'icelle.

La municipalité et le conseil des notables d'Allos protestèrent énergiquement contre ce projet, qu'ils considéraient comme illégal, ruineux et impraticable.

Les événements qui se produisirent à Paris, (surtout depuis) le 14 juillet, le 10 août, le 2 novembre 1789, excitèrent une vive agitation partout.
Nous trouvons, dans les délibérations du conseil, des discours qui nous font connaître l'effervescence des esprits, même dans les pays les plus calmes, surtout à l'occasion des contributions patriotiques, dites volontaires par euphémisme, mais en réalité exigées par l'Assemblée nationale et perçues, en son nom, par les municipalités.

Allos, comme les autres municipalités de la vallée, voulut être représentée à la fête de la fédération qui eut lieu à Paris le 14 juillet 1790, jour anniversaire de la prise de la Bastille.

3.-Les prêtres d'Allos prêtent serment à la constitution civile du clergé; rétractation et exil du curé d'Allos.

L'Assemblée constituante multipliait ses décrets, avec une activité dévorante.
Le 15 janvier 1790, elle divisait la France en quatre-vingt-trois départements.
Le 15 février, elle abolissait les voeux monastiques et les ordres religieux.
Le 12 juillet, elle décrétait la constitution civile du clergé, qui supprimait un grand nombre d'évêchés, entre autres celui de Senez, et bouleversait toute la hiérarchie ecclésiastique.

Parmi les trois cents ecclésiatiques qui faisaient partie de l'Assemblée constituante, presque tous les évêques et la plupart des prêtres refusèrent de prêter serment.
Les évêques de Riez, de Sisteron, de Digne, de Senez et de Glandèves suivirent leur exemple.

Les prêtres d'Allos,
Note (2)induits en erreur par la formule du serment et l'acceptation de Louis XVI, et n'ayant pas encore reçu, à ce sujet, les instructions de leur évêque, jurèrent, le 27 février 1791, à l'issue de la messe paroissiale, en présence des fidèles assemblés, de remplir leurs fonctions avec exactitude, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi.

Le pape Pie VI condamna la constitution civile du clergé, interdit le serment exigé par le gouvernement
Note (3)et déclara que les évêques et les prêtres élus dans les formes prescrites par ladite constitution encourraient les plus graves peines, s'ils osaient exercer les fonctions épiscopales et sacerdotales.
(Brefs du 10 mars et du 13 avril.)

Mirabeau lui-même comprit que la constitution civile était un effet de l'anarchie et qu'elle produirait un schisme :
"Nous rangeons, disait-il, le schisme religieux à côté du schisme politique....;
c'est de quoi amener la fin de tout, si l'Assemblée ne se lasse pas de suivre l'anarchie."
Et Taine constate en ces termes comment les catholiques de France la réprouvèrent :
"Autour de l'ancien curé sont rangés tous ceux qui sont ou redeviennent croyants, tous ceux qui tiennent aux sacrements, etc.
Le nouveau (le curé constitutionnel) n'a pour auditeurs que des sceptiques, des déistes, des indifférents, gens de club, membres de l'administration, qui viennent à l'église comme à l'hôtel de ville ou à la société populaire, non par zèle religieux, mais par zèle politique, et qui soutiennent l'intrus pour soutenir la constitution."
Note (4)

Les habitants d'Allos supportèrent ou plutôt subirent, pendant un an, un prêtre assermenté, ancien secondaire de la paroisse, qui eut le titre de pro-curé; mais ils obligèrent les curés constitutionnels, envoyés par l'évêque du département, à se retirer.

Au premier signal du danger qui menaçait les prêtres et les fidèles, Mgr Jean-Baptiste Ruffo de Bonneval, évêque de Senez, parcourut son diocèse, dont Allos faisait partie, pour tracer à ses diocésains la ligne de conduite à suivre pendant les mauvais jours qui se préparaient.
On montre encore à Thorame-Haute la maison où il logea pendant sa dernière visite pastorale.
A Allos, Alexandre Guieu, curé ou vicaire perpétuel, comme on disait alors, pressé par les événements, avait, ainsi que ses vicaires, prêté le serment civique.
Après les explications données par son évêque, il comprit qu'il s'était trompé et il engagea ses vicaires à aller avec lui à Barcelonnette pour retirer leur serment.
Ces dernièrs, cédant à la crainte, eurent la faiblesse de laisser seul leur digne chef, dans l'accomplissement de ce périlleux devoir.

Obligé de s'éloigner de sa paroisse et de son pays, pour avoir obéi à sa conscience et à sa foi, Alexandre Guieu fixa son séjour au delà de la frontière, à Estenc, village d'Italie le plus rapproché d'Allos.
De ce lieu, situé dans la haute vallée du Var, il continuait selon son pouvoir de diriger sa paroisse, grâce au dévouement sans bornes d'un homme communément appelé dans le pays Ouncle Lima , qui, messager volontaire et intrépide, entretenait régulièrement des rapports entre le pasteur exilé et son troupeau.

Ouncle Lima appartenait à la famille de J.-Joseph Augier, forgeron.
Son zèle pour l'accomplissement de ses devoirs religieux était tel qu'il partait d'Allos pendant la nuit du samedi au dimanche, traversait la montagne du Laus et allait entendre la messe à Estenc, après une marche de six heures.

Cependant un curé constitutionnel, originaire, dit-on, du hameau du Seignus-Bas, remplissait les fonctions de pro-curé depuis le départ d'Alexandre Guieu.
Il était logé dans la maison Pascalis, de Valplane, aujourd'hui la caserne de gendarmerie, et c'est chez lui que descendit le prêtre constitutionnel envoyé par l'évêque de Digne.

4.-Accueil fait aux prêtres constitutionnels par les femmes d'Allos;Tante Trésor.

Lorsque les femmes eurent appris son arrivée, elles se présentèrent dans la maison où il était et en si grand nombre que non seulement la salle spacieuse du premier du premier étage, mais l'escalier même et le corridor étaient remplis.
Note (5)
L'une d'elles, portant la parole, lui demanda qui il était et qui l'avait envoyé.
Il répondit qu'il était leur nouveau curé et qu'il était envoyé par l'évêque de Digne.
Les femmes répliquèrent que cet évêque n'ayant pas été envoyé par le Pape, mais par le gouvernement seulement, n'était pas un véritable évêque et que les curés qu'il nommait n'étaient pas de véritables curés.

Vaincu sur le terrain du droit canonique, le curé constitutionnel essaya vainement de défendre sa cause en parlant de son dévouement, de son désir de faire du bien aux âmes, etc.; les femmes lui signifièrent qu'on ne le voulait pas, qu'il n'avait qu'à se retirer et que, s'il ne partait pas, dès le lendemain matin, elles ne répondaient pas de lui.
Note (6)
Il comprit que la situation n'était pas tenable et il partit.

André Garcin, vicaire à Revel, qui vint le remplacer, ne fut guère plus heureux.
Elu par le district de Barcelonnette, le 25 novembre 1792, il reçut ses lettres de provision de l'évêque du département, le 29 du même mois, et, le dimanche 2 du mois de décembre suivant, il s'installa à Allos, par surprise, malgré la municipalité et la population.

Mais ni cette prise de possession irrégulière, ni le certificat que lui délivra le maire, Jean Honnorat, pour ne pas se compromettre, ne le rendirent maître de la situation : l'église était fermée pour lui.

Après maintes démarches demeurées sans résultat, il adressa à Alexandre Pellissier, qui avait remplacé à la mairie Jean Honnorat, un comparant ou sommation, en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, pour obtenir les clefs de l'église, les registres des baptêmes, des mariages et des enterrements.
Le nouveau maire et les officiers municipaux,
Note (7)
"Voyant la rumeur populaire et ne voulant pas se mettre en compromis avec les paroissiens", se déclarèrent prudemment incompétents, en soumettant le cas du demandeur aux administrateurs du directoire du département.
Le directoire de Digne déclara
"la prise de possession du citoyen Garcin légale",
et son arrêté fut transcrit dans les registres de la municipalité d'Allos, le 28 décembre 1792.

La résistance changea alors d'attitude et employa d'autres armes :
la nouveau curé fut chansonné.
Mais l'honneur d'éloigner ce prêtre, dont la seule présence violentait les consciences, revient à une femme dont la foi intrépide, disait la Semaine religieuse de Cambrai en 1855,
"est un des faits les plus touchants de résistance à l'intrusion du clergé constitutionnel, pendant la période révolutionnaire".

Cette courageuse femme "s'appelait Marie-Madeleine Chaix, mais elle était mieux connue sous le nom devenu populaire de
"Tante Trésor .
Chaque matin, lorsqu'elle n'était pas empêchée par son travail, on la voyait se diriger vers la chapelle de Saint-Pierre,
Note (8)
sur le chemin de Bouchiers,et, dans ce modeste sanctuaire, édifié par nos pères en l'honneur du Prince des Apôtres, elle priait pendant une demi-heure, en union avec le pape régnant, car elle savait l'heure à laquelle il célébrait la messe à Rome.
Cet acte de foi et de liberté condamnait énergiquement le culte constitutionnel imposé par les décrets de 1790, et il attira l'attention sur elle :
elle fut dénoncée comme rebelle à la loi, et, pour avoir raison de son obstination, il fut décidé qu'on lui ferait subir un interrogatoire public par le juge du lieu.
Soit afin que cet interrogatoire fût plus imposant, soit pour procurer au besoin main-forte au juge, on fit arriver un détachement de soldats de la garnison de Colmars.

"Cette mesure de précaution n'était peut-être pas inutile, car, au jour fixé, la population entourait le prétoire, remplissait la rue et avait même envahi la toiture d'un hangar situé au midi de la Placette.
Note (9) ...
Il ne manquait plus que l'inculpée, que l'on alla chercher dans son jardin, au quartier de la Rochette.

"Tante Trésor était une petite femme, simplement vêtue et coiffée d'un chapeau de feutre à larges bords.
Elle traversa la foule d'un pas ferme et franchit le seuil de la mairie, où se trouvait le prétoire, avec l'assurance d'une âme qui ne craint que Dieu.
Elle écouta sans rien dire l'acte d'accusation porté contre elle, et, quand le magistrat chargé de l'interroger et de la juger lui eut dit que, pour faire oublier sa résistance à la loi, il fallait faire un acte public de soumission et dire à haute voix :
ça ira,
elle répondit avec énergie :
"Non, ça n'ira pas !"

"Le juge était dans un cruel embarras; il voyait devant lui une intépide femme et il n'osait pas la faire conduire en prison, dans les circonstances où il se trouvait.
Il eut recours à un expédient digne de Pilate, en renvoyant l'accusée, mais après l'avoir fait huer par l'assistance, dans le tribunal même et au dehors, autant qu'il le pouvait.
Il y avait dans l'âme de l'héroïque chrétienne quelque chose de la légitime fierté des apôtres, lorsqu'ils sortirent du tribunal juif où ils avaient été maltraités pour Jésus-Christ, et elle revint chez elle plus ferme que jamais.

"En effet, après avoir confessé sa foi au prétoire, elle la confessa même dans les rues, ayant fait attacher au haut de son chapeau de feutre ces paroles si dignes de sa constance et de notre admiration :
Je m'appelle Marie-Madeleine; je suis catholique, apostolique et romaine.
Elle finit par triompher.

Etant tombée malade quelques temps après, elle appela auprès de son lit une personne de son entourage, qui avait toute sa confiance, et la pria d'aller chez le prêtre constitutionnel et de lui dire que, s'il ne cessait pas de remplir les fonctions de curé, Tante Trésor ferait un dernier effort pour quitter son lit et irait elle-même le faire descendre de l'autel pendant la messe.
Cette personne promit, mais elle avoua, quelques jours après, qu'elle n'avait pas osé, malgré sa promesse, remplir cette difficile commission.
Sur les nouvelles instances de la malade, elle alla enfin au presbytère et dit à celui qui l'habitait indûment tout ce que Tante Trésor l'avait chargée de lui signifier.
On ne sait pas ce qui fut répondu; mais, ce qui est certain, c'est qu'André Garcin n'exerça plus aucune fonction sacerdotale dans la paroisse d'Allos."
Note (10)

5.-Nouvelle et éphémère division de notre territoire.

Reprenons maintenant, dans les archives municipales, la série des faits qui précédèrent la terreur .

Conformément aux décrets de l'Assemblée constituante, la municipalité procéda, le 24 janvier 1790, à la division du territoire d'Allos en trois sections, appelées section du Lac, du Verdon et de Valsibière.

"La première prend son commencement au rif du détroit, aboutit au pont de Verdon, d'où il tirera sur Barre-Nègre, au pied de Rochegrand, sur la pointe de Roche-Pichonne, Charquech, jusqu'à Valgelaye, terroir de Barcelonnette."

"La deuxième commence au pont de Verdon ", comprend toute la rive gauche de cette rivière, jusqu'à sa source, et la rive droite en amont du rif de Célette.

"La troisième prend au rif de la Célette et suit ( en aval ) toute la rive droite du Verdon..., jusqu'au terroir de Colmars."

Ce changement , né du désir immodéré de tout réformer, fut bientôt emporté par l'épreuve du temps.

Après avoir imposé les biens du clergé, des églises, des confréries, etc, on finit par s'en emparer, en les déclarant biens nationaux.
Les administrateurs du directoire du département n'ayant pas pu obtenir de l'Assemblée nationale, malgré leurs instances réitérées, que la vente de ces biens se fît dans les lieux où ils étaient situés, la commune d'Allos nomma Joseph Guieu et Jean-Pierre Jaubert, notaires, pour la représenter à Barcelonnette, le jour des enchères.
La nomination de ces deux commissaires eut lieu le 25 avril 1791, mais le jour de la vente n'était pas encore désigné.

6.-La garde nationale; plantation de l'arbre de la liberté; millésime et calendrier républicain.

"De toutes parts, on se mit à planter des arbres de la liberté et de la fraternité", dit l'historien de Barrême.

C'est ce que firent à leur tour les habitants d'Allos, le 14 juillet 1792, et voici en quels termes nous le dit une délibération de ce jour :
"La généralité des citoyens du canton et la garde nationale, réunis à l'heure de midi, sur la place publique, après avoir assisté à la messe, solennellement célébrée à ce sujet...,
Note (11)
ont juré d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de défendre jusqu'au dernier soupir la constitution et les décrets de l'Assemblée nationale."
Toute l'assemblée prêta ensuite son concours pour la plantation de l'arbre de la liberté, et la fête se clotura par des acclamations et des farandoles.

On associait donc encore la religion aux manifestations patriotiques; mais, en même temps, on montrait de la méfiance au clergé même assermenté, en exigeant de lui de nouveaux serments.
En effet, pendant les mois de septembre, d'octobre et de novembre 1792, tous les prêtres résidant dans le canton et, avec eux, un ancien religieux de l'Oratoire, nommé Jean-Jacques Pellissier, originaire du chef-lieu, prêtèrent le serment d'égalité dont j'ai donné plus haut la
formule.

On lit dans la délibération du 14 octobre 1792 :
L'an premier de la République.

Pendant un an (du 14 octobre 1792 au 8 octobre 1793 ), on trouve, dans toutes les délibérations, ce millésime ajouté au millésime ordinaire.
Après le 8 octobre, celui-ci disparaît, pour ne reparaître que le 27 janvier 1806.

Le calendrier républicain, établi par un décret de la Convention daté du 5 octobre 1793, a donc été en usage, chez nous, pendant treize ans et quelques mois; voici comment il faut fixer le commencement et la fin de cette période.
Le décret du 5 octobre eut un effet rétroactif, en faisant compter les années à partir du 22 septembre 1792, époque de l'équinoxe d'automne et de la fondation de la République.
Le décret de Napoléon rétablissant le culte, est de 1802; mais le retour au calendrier grégorien n'eut lieu qu'à partir du 1er janvier 1806.
Note (12)

Cependant, au milieu des fêtes publiques établies par la Convention nationale pour remplacer et faire oublier les fêtes chrétiennes, retentissait le bruit des armes.
Chaque commune devait faire l'acquisition des fusils nécessaires à sa défense.

Le conseil municipal traite, en 1793, avec un entrepreneur pour la fabrication de soixante piques et " il donne pouvoir au citoyen Jaubert, administrateur, de solliciter auprès de son frère, curé de Saint-Laurent, à Marseille, envoi de quatre-vingts fusils, au prix déterminé de 42 livres pour chaque fusil."

La communauté paie, la même année, 320 livres à Honoré Aubert, armurier, du Fugeret, pour réparation d'armes, en vertu d'un arrêté du directoire du département.

 

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(1) Histoire de Barrême, pp. 88-89.
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(2) "Alexandre Guieu, curé d'Allos; Ambroise Pellissier, son secondaire ; Dominique Pellissier, vicaire, desservant la succursale de Bouchiers; Hyacinthe Gravier, vicaire , desservant celle de la Beaumelle; Pierre-Jacques Millou, desservant celle de la Foux; Jean-Joseph Roux, prêtre chapelain, desservant la chapelle de Notre-Dame et Saint-Michel, et Jean-Dominique Augier, prêtre de cette ville, non employé."
(Procès-verbal du greffier de la municipalité.)
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(3) Outre ce serment, qui était appelé serment civique, il y eut le serment de liberté et d'égalité, ainsi formulé :
"Je jure d'être fidèle à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant."
Le serment de fidélité à la République:
"Je jure haine à la royauté, à l'anarchie, attachement et fidélité à la République et à la nation."
Enfin le le serment général, que tous les ecclésiastiques devaient prêter sans restriction .
Les diverses assemblées imposaient successivement ces différents serments aux prêtres orthodoxes, avant d'en venir à la persécution ouverte qui n'était pas loin.
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(4) Taine, la Révolution, t. I, p. 239.
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(5) Cette maison, dont le mur du levant est bâti sur les remparts touchait, au nord-est, l'ancien portail appelé Pourtaou Bouchier.
La salle dans laquelle les femmes furent reçues est au couchant, du côté de la grande rue.
Au-dessous de cette salle, au rez de chaussée, était la salle de la mairie et le prétoire du juge de paix, dont il sera parlé plus loin.
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(6) Les femmes seulement prirent part à cette manifestation, parce qu'elles étaient moins exposées que les hommes à être poursuivies et condamnées par les tribunaux révolutionnaires.
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(7) Ils étaient réunis à la mairie le 14 décembre 1792.
Le procèse-verbal de cette réunion est un document important, où on lit entre toutes les lignes que le pays repoussait André Garcin et que la municipalité était à la recherche d'un expédient pour ne pas se compromettre en le refusant.
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(8) Située à deux kilomètres environ du chef-lieu.
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(9) Ce hangar a été démoli pour agrandir la Placette et y établir une fontaine, en 1882.
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(10) Cette page extraite de la Semaine religieuse de Digne, pour laquelle je l'avais écrite en 1885, a été reproduite par la Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, le 16 mai de la même année.
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(11) C'est l'avant dernière fois qu'on parle de la messe dans les délibérations du conseil, pendant la période révolutionnaire.
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(12) Les mois de ce calendrier ont tous également trente jours,et les jours complémentaires, qui suivent le dernier mois, sont au nombre de 5 ou 6, suivant que l'année doit avoir 365 ou 366 jours...
Les mois et les jours portaient des noms nouveaux :
pour l'automne,vendémiaire, brumaire, frimaire;
pour l'hiver, nivôse, pluviôse, ventôse;
pour le printemps, germinal, floréal, prairial;
pour l'été, messidor, thermidor, fructidor.
Le mois fut divisé en trois décades, ou périodes de dix jours, dont les noms ordinaux étaient :
primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi.
Les noms des saints et des fêtes furent remplacés par des noms de fruits, de légumes, d'animaux, de minéraux ou d'instruments agricoles :
raisin, safran, châtaigne, cheval, etc.
"Les boeufs eux-mêmes, dit Chateaubriand, protestaient, par leurs mugissements, contre la décade.".
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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE V

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(1793 - 1796.)

 

1.-La circonscription militaire et le tirage au sort.-. les hommes d'Allos gardent les passages du Laus et de Rochecline.-. ceux de Clignon, le col de Champ.
"La guerre était partout :
sur le Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées, et les massacres de la Convention avaient soulevé plusieurs de nos provinces.

Pour faire face à tant d'ennemis, cette assemblée avait crée des régiments de volontaires, décrété la levée de trois cent mille hommes, établi la conscription militaire et le tirage au sort.

Le comité de salut public, qui dominait la Convention, alla plus loin :
il ordonna la levée en masse de dix-huit ans jusqu'à soixante.
Note (1)

Voici comment cet appel aux armes fut entendu par la communauté d'Allos :
"Lorsque le chef de légion de ce district (Barcelonnette) requit, le 20 août 1793, une force armée de cent hommes, pour se rendre à Barcelonnette ou à Jausiers, il en fut anvoyé sur le champ vingt, depuis l'âge de seize ans jusqu'à trente cinq ans.

"Peu de temps après, Saint-Etienne et Saint-Dalmas ayant évacués, les Piémontais se montrèrent sur nos montagnes, aux environs desquelles ils enlevèrent même plusieurs troupeaux; et, sur les observations qui furent faites au chef de légion du danger imminent, où cette commune se trouvait, d'une incursion par la gorge du lac, le chef permit à la compagnie d'Allos de se retirer dans sa commune, pour y faire le service qu'exigeaient les circonstances.

"Cette compagnie, en réquisition permanente pour la garde de la gorge du lac, fit un service très pénible, avec un petit détachement tiré d'une seule compagnie du bataillon de la Drôme, qui reste dans cette commune."
Note (2)

"Cette délibération nous apprend aussi " les fréquentes apparitions, du côté du lac, de la part des brigands et les chocs journaliers de nos patrouilles avec celles des Piémontais, sur le col de Champ, limitrophe de notre térritoire."
Note (3)

C'est sans doute à cette époque que de nombreux mannequins de paille furent placés sur les hauteurs qui dominent le lac, pour faire croire aux troupes ennemies que ces lieux étaient gardés par des forces considérables.
On se souvient encore aujourd'hui, à Allos, de ce moyen ingénieux employé pour suppléer au petit nombre des défenseurs de nos foyers.

Non seulement notre petite force armée surveillait le passage de col de Champ, mais elle faisait même des reconnaissances dans la haute vallée du Var.
C'est après une de ces incursions que la communauté témoigna sa reconnaissance aux cinquante-cinq hommes qui en faisaient partie en payant 82 livres pour "dépense cibaire ", le soir du retour de l'affaire d'Entraunes, le dernier jour d'octobre, attendu que ce détachement se trouvait (composé), en majeure partie, des citoyens des hameaux qui avaient essuyé la neige toute la journée, ne pouvant se retirer chez eux."

Le gouvernement demandait souvent des contributions pour frais de guerre.
Nos pères, ayant répondu à un de ces appels par un envoi de 300 livres, demandèrent que cette offrande fut convertie en souliers.
Note (4)

Le maire d'Allos allait acheter, à Colmars et au Villard, des étoffes, de la toile et d'autres objets pour l'équipement des volontaires.

Aux frais d'armement, d'équipement et de provisions de bouche, il fallait encore ajouter les réquisitions de chevaux et de mulets.

On lit, à ce sujet, dans les registres du directoire du district de Barcelonnette:
"Le directoire nomme les citoyens Jean-Louis Cottoleng, enregistreur pour le canton de Barcelonnette, Jean-Jacques Aubert, administrateur pour celui de Méolans, Jacques-Honnorat André, pour celui de la Bréole, Joseph Guirand, médecin, pour celui d'Allos.

"Lesquels veilleront à ce que chaque canton fournisse son contingent, d'après les bases déterminées par la loi du 18 germinal.

"Cette levée sera faite dans le délai de trois jours qui suivra immédiatement la réception du présent, et le contingent de chaque canton sera rendu, avec tous les ustensiles militaires déterminés par ladite loi, le quatrième jour, au chef-lieu du district, pour se rendre ensuite au chef-lieu du département."

Le directoire ajoute que les municipalités et les administrateurs ou commissaires négligents seront dénoncés au Comité de salut public, dont le seul nom répandait l'effroi, et qu'ils sont expressément chargés d'accompagner l'envoi de chevaux et mulets.

2-La garnison de Colmars arrête les muletiers d'Allos.

Ajoutons que les soldats étrangers au pays maltraitaient quelquefois les habitants qu'ils devaient défendre.
C'est ce qui eut lieu à Colmars, dans de révoltantes circonstances :
"Quatre muletiers d'Allos, Dominique Gariel, Joseph Pellissier, Marc Sicard et Jean Gariel, arrivés aux portes de cette ville, avec quatorze mulets, dont dix chargés de vin et quatre d'huile ou d'eau de vie..., se proposaient de faire leur route, sans entrer dans la place; mais la sentinelle les obligea d'entrer, d'après la consigne donnée par le commandant de place.
A peine entrés, tous les mulets furent arrêtés par la garde."

Sur la plainte des muletiers, le maire de Colmars intervint entre la troupe et les voituriers.
Le commandant Borthon fut intraitable, et ses soldats confisquèrent le chargement des quatorze mulets.
La force ne tenait aucun compte du droit.
La violence foulait aux pieds la justice.
Note (5)
Les habitants d'Allos, réunis en assemblée générale pour délibérer sur cette révoltante iniquité et considérant que plusieurs fois déjà ils avaient été victimes de semblables excès, adressèrent leurs plaintes à Derbez-Latour, représentant du peuple, qui rédigea, à Manosque, un arrêté en leur faveur, avec ordre de le présenter à la municipalité et au commandant de Colmars.

3.-Le régime de la terreur.-. les suspects aux arrêts.-. les églises fermées, les cloches et les vases sacrés brisés, tout acte religieux interdit.

La France était alors la proie de l'anarchie :
c'était le règne de la terreur.

On donne ce nom à l'époque de la Révolution française pendant laquelle le tribunal révolutionnaire et l'échafaud étaient en permanence.
Note (6)
Cette lamentable période historique s'étend surtout depuis la proscription des Girondins (31 mai 1793) jusqu'à la chute de Robespierre (9 thermidor, c'est-à-dire le 27 juillet 1794).

"L'invention, l'organisation, l'application de la terreur, dit Taine,
Note (7)
appartiennent en propre " au Comité de salut public, crée par la Convention, le 6 avril 1793, et composé, successivement, de neuf, de douze et de seize membres.
Le meilleur d'entre eux, ajoute le même auteur, "avait réussi à décapiter en lui le sens commun et le sens moral."

"Une centaine de représentants, envoyés par le Comité de salut public, vont et se succèdent en province, avec des pouvoirs illimités, pour établir, appliquer ou aggraver le gouvernement révolutionnaire............

"Le représentant arrive en poste au chef-lieu, présente ses pouvoirs; à l'instant, toutes les autorités s'inclinent jusqu'à terre...
Il choisit cinq ou six sans-culottes de l'endroit, les forme en comité révolutionnaire et les installe en permanence à côté de lui."

Ce député disposait de tous les pouvoirs administratifs et judiciaires.
Nous en avons une preuve dans la délibération du conseil d'Allos du 20 fructidor an III (1794).
Le secrétaire donne lecture d'un arrêté d'Isnard, représentant du peuple, en mission dans les départements des Bouches-du-Rhône et des Basses-Alpes, conçu en ces termes :
Au nom de la République française une et indivisible, les fonctionnaires publics de la commune d'Allos cesseront sur le champ leurs fonctions; ils seront remplacés par les citoyens dont les noms suivent."

Il remplaça ainsi, par un simple arrêté, le maire, les officiers municipaux, le procureur, les notables ou conseillers, le juge de paix et son greffier.

A côté des comités révolutionnaires installés par les représentants du peuple, s'établissaient partout des comités de surveillance; c'était l'armée de la terreur chargée d'enrôler les exaltés et de frapper les suspects.
A Allos, comme ailleurs, les hommes les plus honorables étaient traités en suspects, dès que la municipalité ne leur accordait pas un certificat de civisme.
Le 23 thermidor an II (1793), " ce certificat fut refusé à Hyacinthe Gariel, fils d'Hyacinthe Gariel, homme de loi, par neuf voix contre quatre, sur treize votants."

Sur un simple soupçon, on privait les citoyens de leur liberté; tantôt en les condamnant, séance tenante; tantôt en les ajournant, c'est-à-dire en laissant l'ordre d'arrestation suspendu sur leur tête; tantôt en les consignant dans le territoire de la commune ou dans leur habitation, avec ou sans gardes.
Un de nos compatriotes, se trouvant dans ce dernier cas, ne pouvait sortir, même pour un instant, sans la permission du maire ou du juge de paix de l'endroit;
Note (8)
mais, heureusement, il n'y eut, chez nous, aucune condamnation à la peine capitale.

C'est sur le terrain religieux surtout que le terrorisme exerça ses violences dans nos montagnes.

Après le bannissement des pasteurs légitimes et la confiscation de leurs biens, les prêtres constitutionnels ne jouirent pas longtemps de la tranquillité acquise par leur serment schismatique.

Les cloches furent fondues et transformées en canons; les fêtes religieuses supprimées; la messe
" et tout acte religieux interdit, sous peine de mort."
Il n'y eut plus d'autre culte public que celui de la déesse raison, sous les traits de femmes éhontées.
Durant près de trois ans, les églises et chapelles demeurèrent fermées ou livrées à toutes sortes de profanations."
Note (9)

Pendant cette période néfaste de notre histoire, les délibérations du conseil municipal d'Allos, si riches depuis 1713, sont muettes pour ce qui a rapport à la religion, parce qu'elles étaient rédigées alors sous le regard inquisiteur des agents révolutionnaires.
J'ai pu leur emprunter cependant les faits suivants :
En 1793 et 1794, André Garcin sollicita et obtint un certificat de civisme.
Ce prêtre indigne ne put mériter ce certificat que par l'apostasie.
Ce n'est, en effet, qu'en renonçant au sacerdoce et à la religion que les curés constitutionnels, comme lui, pouvaient trouver grâce devant les tribunaux révolutionnaires.

"Les officiers publics de la Beaumelle, de la Foux et de Bouchiers n'ayant pas de maison publique pour leurs opérations ",
le conseil leur céda les presbytères.
"Attendu,
dit-il, que les ci-devant églises sont fermées...,
les ci-devant maisons curiales ou presbytères desdits lieux leur seront accordées jusqu'à ce qu'elles soient livrées pour l'institution publique."

Toutes les églises du canton d'Allos étaient donc fermées, le 16 thermidor an II (1793), mais la délibération portant cette date ne nous dit pas depuis combien de temps.

L'église paroissiale du chef-lieu était devenue un magasin à fourrage pour l'armée des Alpes et d'Italie.

Elle en était tellement remplie qu'on faisiat passer les trousses (appelées barrions à Allos ) sur la barre du Christ, poutre transversale placée à la naissance de la voûte, au-dessus de la sainte table.

La profanation des églises et la défense absolue de faire aucun acte public de religion imposaient aux âmes chrétiennes les plus douloureuses privations.

J'ai recueilli, en 1855, des lèvres d'une honorable mère de famille, Suzanne Guirand, née Augier, le récit des impressions de nos ancêtres lorsqu'ils furent témoins, pour la première fois, d'un enterrement sans aucune cérémonie religieuse.
"La population, me disait-elle, était dans la consternation.
Elle se transporta sur la place du Portail-Bas et, de là, sous les jardins, en face de l'église fermée et du cimetière, pour voir passer le triste cortège.
Chacun, ajoutait-elle, revint ensuite silencieusement dans sa demeure, les larmes aux yeux et en se disant avec une angoisse inexprimable :
qu'allons-nous devenir !"

Cependant on priait avec ferveur dans les familles; on recevait les sacrements de la pénitence et de l'eucharistie, quand un prêtre pouvait les administrer, au péril de sa vie :
on pratiquait donc la religion en secret.
Quelques personnes osèrent même la pratiquer ouvertement, dans différentes circonstances.
C'est ce qui eut lieu le jour de la Toussaint 1792 :
quatre femmes, héritières de la foi et du courage héroïque de Tante Trésor, décidèrent d'ouvrir l'église paroissiale, tandis que d'autres, non moins intrépides, priaient ostensiblement dans le cimetière.

En ce temps désastreux, l'esprit du mal trouvait, même dans les meilleurs pays, des hommes pervers, capables d'exécuter tous les ordres du comité de salut public.

A Allos, l'un d'eux porta sa haine contre les vases sacrés; il brisa notamment l'ostensoir à l'aide d'une clef, dont chaque coup faisait tomber, dit-on, un rayon de cet objet sacré.

4.-Prêtres réfugiés au Villard-Haut, à Baumes, aux Foulons

Un autre, non moins criminel, prêtait son concours aux brigands nommés sans-culottes qui poursuivaient les prêtres, pour les livrer au tribunal révolutionnaire.

Le principal théâtre de leurs exploits fut le Villard-Haut, où s'étaient retirés trois prêtres, oncles du célèbre docteur Honnorat et originaires, comme lui, de ce petit village.
Les moyens qu'on employa pour s'emparer de leurs personnes et les efforts constants que firent leurs parents et les membres de la famille Michel, leurs voisins, pour les préserver du danger, forment un des épisodes les plus touchants de notre histoire.

On logea d'abord les dignes prêtres dans un petit local contigu à l'écurie de la maison Michel, afin de les soustraire par ce moyen à tous les regards du dehors.
C'est là qu'ils prenaient leurs repas, et l'on a conservé longtemps la marmite et les autres modestes ustensiles dont ils se servaient.

Outre ce réduit, il y en avit un autre plus isolé et plus sûr.
C'était une excavation entre deux maisons, recouverte d'une grande pierre qui en faisait une sorte de tombeau.
On y a trouvé vers 1840, par conséquent après environ un demi-siècle, quatre toisons de bête à laine, de couleur marron, assez bien conservées, un chapeau de paille, etc.

Mais l'air était humide et malsain en cet endroit.
Il fallait en sortir de temps en temps, et il n'était pas facile d'en dissimuler l'ouverture, en y revenant précipitamment.

Un jour, les prêtres proscrits étaient dans la maison, avec leurs parents et leurs amis, lorsqu'ils virent venir les sans-culottes.
Sans perdre un instant, ils se réfugièrent au grenier, et l'on eut à peine le temps de les couvrir d'une assez grande quantité de foin, après avoir placé des planches sur leurs corps.
La précaution était nécessaire, car les sans-culottes fouillèrent partout avec fureur, surtout dans la meule de foin, et se retirèrent avec la conviction qu'il n'y avait personne sous les planches atteintes par la pointe de leurs piques.

L'effroi causé par cette visite durait encore lorsqu'un messager ami, arrivé au déclin de l'un des jours suivants, annonça les mauvais desseins que les brigands se proposaient de réaliser, dès le lendemain.

La famille Michel conseilla à ses hôtes de se réfugier dans une maison qu'elle possédait à Baumes, et elle promit de les suivre de près, car elle se croyait menacée comme eux.

Le départ s'effectua nuitamment et au milieu des alarmes.
On était obligé de porter les petits enfants, et, pour empêcher la plus jeune de pleurer, on lui disait que, si les brigands l'entendaient, ils viendraient les tuer tous !

Le séjour des prêtres de la famille Honnorat à Baumes leur sauva la vie; ils avaient là d'excellents voisins, et personne ne supposa qu'ils eussent demandé la sécurité à ce quartier isolé et presque sauvage.

En même temps, les hommes de ces différents quartiers étaient toujours soumis aux exigences d'un service militaire pénible et dangereux.
"Chaque soir, on les faisait partir pour aller monter la garde au Lauzon, entre les Tours, à Rochecline; tandis que ceux de Clignon allaient au col de Champ, comme nous l'avons déjà dit."
On avait construit une baraque et trois guérites à Champrichard,etc.
Note (10)

Nous devons l'exposé circonstancié de ces différents événements à une femme recommandable, nommée Marie Michel, mieux connue sous le nom de Tante Marion , qui faisait faire à ses nièces et à ses neveux de longues prières pour obtenir du bon Dieu de ne jamais voir des jours semblables à ceux de la Terreur !

5.-Les émigrés d'Allos.

Les prêtres français qui avaient pris le chemin de l'exil, pour conserver la liberté de dire la messe et de porter le costume ecclésiastique, sans s'exposer au danger de perdre la vie, ne furent pas épargnés :
on les poursuivit dans leurs biens et dans la personne de leurs parents.

Nous lisons dans le catalogue des émigrés du département des Basses-Alpes les noms et prénoms de nos compatriotes :
Alexandre Guieu, ex-curé, et Charles-François Dautane père et fils.
Ils n'étaient pas seuls, car, par un arrêté du district de Barcelonnette (29 vendémiaire an IV), Juste Guieu fils, juge de paix du canton d'Allos, et Jean Honnorat, un de ses assesseurs, devaient cesser de remplir les fonctions de juge et d'assesseur,
"attendu que l'oncle du premier et le frère du second ont été portés sur la liste des émigrés !"

Les archives municipales confirment cet arrêté, et, dans la réunion du conseil du 25 brumaire an IV, Alexandre Pellissier, officier municipal, déclare, conformément à la loi du 1er floréal, contre les émigrés, que son beau-frère, Jean-Jacques Arnaud, prêtre habitué au chapitre de Toulon, fait peut-être (!) partie de l'émigration, et il en informe l'administration du département pour avoir son avis.
L'avis ne se fit pas attendre :
l'administration départementale décida que l'allié d'un émigré même douteux ne devait pas être officier municipal.

Le 2 frimaire suivant, le même conseil avait pris indirectement la défense des émigrés d'Allos, contre leurs créanciers, en certifiant qu'aucun d'eux n'était insolvable, ni en faillite.

6.-Les cultivateurs privés de leur liberté, saisie des pailles et foins, emprunt forcé.

Les cultivateurs n'étaient plus libres de disposer de leurs récoltes; les vendeurs et les acheteurs ne pouvaient fixer eux-mêmes le prix des marchandises, et un emprunt forcé pesait sur tous les contribuables.

A Allos, comme partout ailleurs, en vertu d'une réquisition du Comité de salut public, tout possesseur d'avoine devait, dans le délai de huit jours, en faire le versement dans le magasin du district.

Le conseil général de la commune nomma dix commissaires chargés de faire le recensement des foins et pailles existant actuellement dans les différents hameaux.
Il fut établi, par leurs visites domiciliaires, que le canton possédait, le 5 vendémiaire an IV, dix mille sept cent quatre-vingt-quatre quintaux de foin et sept mille deux cent quatre-vingt-quatre quintaux de paille, dont les quatre cinquièmes étaient réquisitionnés et devaient être transportés dans les magasins militaires.

En exécution de la loi de la Convention nationale du 23 septembre 1793, un arrêté du district de Barcelonnette, parvenu à Allos le 26 octobre de la même année, établit, en quatre-vingt-onze articles, un tableau du plus haut prix des marchandises et denrées de première nécessité."
L'Etat était donc, dit Taine, l'unique dépositaire et distributeur des grains, qu'il achetait seul et qu'il vendait seul, au prix fixé.

Pendant le cours de l'an IV, le conseil d'Allos délibéra souvent sur un emprunt forcé.
L'administration des Basses-Alpes, disait-il, le 4 pluviôse, décide de transmettre, dans les vingt-quatre heures,
l'arrêté "portant classification des citoyens soumis à l'emprunt forcé, au percepteur de cette commune, lequel est tenu de procéder sur le champ au recouvrement".

7.-Mort de Robespierre.-. ouverture momentanée des églises.

Cependant, le régime de la Terreur diminuait d'intensité, après la disparition de ceux qui le personnifiaient.
"Robespierre, Saint-Just, Couthon, les Jacobins à principes sont guillotinés, le 28 juillet, dit Taine; désormais, l'édifice s'effondre par grandes lézardes...
La Convention l'abolit en droit; les cultivateurs vendent à leur volonté et à deux prix, selon qu'on les paie en assignats ou en argent; ils ont repris espoir, confiance et courage."
Note (11)
Nos pères, profitant de ce premier moment de détente, essayèrent de rendre leurs églises à l'exercice du culte.
On lit, à ce sujet, dans le registre des délibérations municipales :
"Le 9 ventôse an IV, à Allos, dans la maison commune, par-devant nous, Jean Guirand et Joseph Caire, officiers municipaux, se sont présentés les citoyens soussignés, habitant ce lieu d'Allos et aux hameaux voisins, composant la ci-devant paroisse; lesquels, d'après la connaissance qu'ils ont eue de la loi du 7 vendémiaire dernier, sur l'exercice et la police extérieure des cultes, qui vient d'être affichée et publiée, désirant se conformer à l'article 7 de la section 3 de ladite loi, ont déclaré faire choix de la chapelle placée au centre de ce lieu et qui servait ci-devant aux pénitents et appartenait aux mêmes particuliers, pour y exercer leur culte, en se conformant à tout ce qui est prescrit par ladite loi."
Note (12)

Comme le chef-lieu, les sections de la Foux, de la Beaumelle et de Bouchiers firent leur déclaration pour le choix d'une église, dès qu'elles eurent connaissance de la loi qui leur permettait, dans une certaine mesure, le rétablissement du culte.
Elles désignèrent naturellement leurs églises paroissiales, heureusement conservées;
Chose singulière ! les habitants du Seignus, qui appartenaient comme le Villard à la paroisse d'Allos, agirent en cette circonstance comme s'ils composaient une paroisse et déclarèrent qu'ils se proposaient de rouvrir leurs chapelles de Saint-Jacques et de Saint-Laurent.

L'empressement avec lequel les différentes sections d'Allos se réunirent, en cette circonstance, nous dit hautement que la religion était toujours vivante dans les âmes, malgré le long et violent orage révolutionnaire qui semblait l'avoir anéantie.
Mais l'on était loin encore de la véritable liberté religieuse !

 

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Table des Matières

(1) Hubault, Histoire contemporaine, p. 84.
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(2) Délibération du 22 septembre 1793.
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(3) La tradition a conservé un souvenir très exact de ce que le conseil appelle des patrouilles.
Elle nous dit que les hommes d'Allos, en particulier ceux du Villard, montaient la garde à Rochecline, pour empêcher l'ennemi, qui arrivait par le col de Champ, de se diriger sur Clignon et Allos.
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(4) Délibération du 9 juin 1793.
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(5) Le commandant s'oublia jusqu'à menacer les voituriers de les faire arrêter et de les f;;;;;; au fort .
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(6) Mémoires du conventionnel Grégoire.
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(7) Taine, la Révolution, t. III, p. 232.
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(8) Notes historiques de Juste Guieu, avocat à Castellane et, plus tard, à Aix.
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(9) Histoire de Barrême, p. 101.
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(10) Cette baraque et ces guérites, construites à la réquisition du commandant de la vingtième demi-brigade, en garnison à Allos, coûtèrent 181 livres à la municipalité.
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(11) Taine, la Révolution, t. III, p. 515.
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(12) Les habitants d'Allos, du Villard, etc., ne choisirent pas Notre-Dame de Valvert parce qu'elle était devenue un magasin militaire rempli de foin et de paille.
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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE VI

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(1796-1815.)

 

1.-Continuation de la persécution et des fêtes révolutionnaires.-.prêtres cachés au quartier du Foreston.
La persécution continuait, en effet, de sévir chez nous.

Les presbytères de Bouchiers, de la Foux et de la Beaumelle étaient devenus des annexes de la maison commune ou maison de ville; ils servaient à la confection des actes de l'état civil.

Les lois contre les émigrés et les prêtres étaient toujours en vigueur, et nous trouvons dans les délibérations municipales des arrêtés peu différents de ceux de la Terreur :
"Tout administrateur qui ne fera pas exécuter ponctuellement les dispositions de la loi concernant les émigrés et les ministres du culte sera puni de deux ans de fers."

"Tout ministre du culte qui, après avoir fait la déclaration (serment) l'aura rétractée ou modifiée ou aura fait des protestations et restrictions contraires, sera banni à perpétuité du territoire de la République."

Et ces dispositions plus que sévères n'étaient point de vaines menaces.
La municipalité accusa "les citoyens Pierre-Jacques Millou et Jean-Dominique Pellissier, ministres du culte de cette commune, d'avoir rétracté la déclaration par eux faite, le 3 brumaire an IV, aux registres de la commune",et ces deux prêtres furent traduits à la maison d'arrêt de Digne. (23 ventôse an VI.)

La municipalité fut, en outre, mise en demeure, par le commissaire du directoire, d'opérer
"l'arrestation des agents de l'Angleterre (!),
des émigrés rentrés, des prêtres sujets à la déportation",
et, le 6 thermidor, elle ordonna à la garde nationale " de faire des visites dans toutes les maisons et des fouilles dans les bois et la campagne pour arrêter les individus désignés en la loi, s'il s'en trouvait quelqu'un".

D'un autre côté, les fêtes révolutionnaires destinées, dans la pensée de ceux qui les avaient établies, à remplacer et à faire oublier les fêtes de la religion, étaient maintenues ou rétablies.

"L'administration départementale autorisa la fête de la punition du dernier des rois français."
C'était la fête de la haine et de l'assassinat.

Un arrêté de l'administration centrale fixa au 30 nivôse la fête de la paix, pour la célébration de laquelle on réunissait au chef-lieu, dans l'enceinte à ce destinée,
Note (1) les défenseurs de la patrie, retirés dans le canton, pour cause de blessures ou d'infirmités, les pères, mères, frères et soeurs des soldats sous les drapeaux, etc...

On célébrait aussi les fêtes des époux, des vieillards, de la fondation de la République, de la souveraineté du peuple, etc...

Etaient invités à cette dernière fête, " particulièrement, trente-six vieillards, les instituteurs et les personnes qui savaient jouer d'un instrument".

La municipalité d'Allos essaya,
Note (2) comme les autres municipalités, de faire coïncider les jours de repos avec le calendrier républicain, dont le décadi prenait la place du dimanche, et elle donna à cette entreprise anti-religieuse le nom aussi ridicule que prétentieux de
victoire de la philosophie sur le fanatisme.

La situation religieuse était donc toujours lamentable.

Les prêtres fidèles à leur devoir ne pouvaient administrer les sacrements, sans s'exposer aux plus graves peines.
Les mères usaient de pieux et habiles stratagèmes pour faire baptiser leurs enfants.
Les unes les portaient dans une caisse ou dans une corbeille, comme la mère de Moïse; les autres, dans un paquet de linge; d'autres, dans du foin ou de la paille.

La tradition, qui nous aconservé ces édifiants détails, ajoute que deux prêtres étaient cachés au quartier du Foreston et qu'ils y demeurèrent assez longtemps.

2-Les habitants d'Allos obligés de porter du foin et de la paille à Barcelonnette et à Colmars.

On lit, dans une annexe de la délibération municipale du 7 germinal an V,
"qu'il n'existe plus de magasin militaire à fourrages et probablement qu'il n'en existera plus dans ce canton".

En effet, les registres des délibérations du conseil ne parlent pas de réquisitions de foin, de paille ou d'avoine, pendant quelques années.

Mais, l'an VIII, les réquisitions de cette nature recommencent, pendant la guerre d'Italie (1799- 1803).
Les habitants d'Allos furent obligés de porter des grains et du foin à Barcelonnette, pour les troupes du général Compans, chargé d'organiser la défense de la vallée.

Ils en fournissaient également au commandant de place de Colmars, qui, ayant une faible garnison sous ses ordres, chargea la garde nationale d'Allos de surveiller l'ennemi du côté du lac.

3.-Un piquet de dix hommes à la cabane du Laus .-. un poste de cinq hommes à Valgelaye .-. appel aux armes contre les Barbets.

En effet, l'ennemi ayant fait un mouvement an avant, à Saint-Etienne et à Isola, pour l'empêcher de pénétrer sur notre territoire, on décida
"de faire observer l'avenue du lac par un piquet de dix hommes, commandés par un segent et deux caporaux de la garde nationale sédentaire de cette commune; lequel piquet devait se placer, pendant le jour, à la cabane du Laus, en envoyant quatre hommes, commandés par un caporal, sur le sommet des montagnes et se retirer, dans la nuit, à Champrichard".
Note (3)

Le danger était partout sur nos frontières alpines, et un ordre du préfet des Basses-Alpes, portant appel aux armes, fut publié, le 24 floréal, dans tout le département.

Trois jours après, nos pères répondirent à cet ordre préfectoral par le quadruple arrêté suivant :
"1° La garde nationale de la commune d'Allos tiendra ses armes prêtes, pour s'en servir au premier signal.
"2° Il sera détaché de chacune des trois compagnies six hommes valides, pris parmi les plus jeunes, de dix-huit à cinquante ans.
"3° Le détachement, composé de vingt-quatre hommes, commandés par un officier, se rendra à Entrevaux, en exécution de l'arrêté du préfet précité.
"4° Il partira d'ici lundi, 29 du courant.
Chacun aura soin de se pourvoir d'un fusil, de munition autant qu'il sera possible, et de subsistance pour cinq jours."

Un mois s'était à peine écoulé, lorsque les sous-préfet de Barcelonnette annonça qu'une invasion des ennemis appelés Barbets était imminente.

Le jour même de l'arrivée de la lettre du sous-préfet, l'administration d'Allos, considérant que la situationde la commune,
au milieu des montagnes escarpées, coupées par des vallons et des bois, présente de grands moyens de défense ",
arrêta de nouvelles dispositions :
Note (4)
" Il sera établi à Valgelaye un poste de quatre hommes et un caporal, pour entretenir la correspondance avec Barcelonnette, où, tous les jours, un ordonnance ira prendre les ordres du sous-préfet, et un autre les apportera ici.

"Les chasseurs du pays sont invités à se réunir, pour former une compagnie de bons tireurs, qui sera dirigée, autant que possible, par des militaires retirés, habitués au feu."

On envoyait, en outre, des courriers au commandant de Colmars, pour avoir connaissance des démarches des Barbets, et à l'agent de Thorame-Haute, pour le tenir en garde.

En même temps, on faisait la "guerre au dimanche et à l'ancien calendrier, et le chômage obligatoire du décadi, sous peine d'amende et de prison, continuait !...

" Le directoire s'était attribué le droit de déporter, par arrêté individuel motivé, tout ecclésiastique qui troublait la tranquilité publique, c'est-à-dire qui exerçait son ministère et prêchait sa foi."
Note (5)

4.-Concordat de 1801 .-. rétablissement du culte catholique .-. joie des habitants d'Allos.

Les populations soupiraient depuis de longues années après un autre état de choses;
elles trouvaient que la Révolution était longue et que l'on donnait trop de liberté à l'arbitraire.
Note (6)
Ces légitimes aspirations devinrent enfin des réalités.
Napoléon Bonaparte, en 1799, donna à la France la constitution de l'an VIII (22 frimaire 1799) et rétablit la liberté de la religion catholique par un concordat avec Pie VII, qui fut signé le 15 juillet 1801 (26 messidor an IX).

Voici en quels termes Alexandre Pellissier, maire d'Allos, annoça cette heureuse nouvelle à son conseil municipal, le 26 nivôse de la même année :
Vous verrez, comme moi, avec joie, citoyens, et avec la plus grande satisfaction que notre religion, celle que nous tenons de nos pères, va reprendre son ancien éclat; oui, ce beau jour, tant désiré, va luire, si nous nous rendons religieux de son culte et de sa morale sublime.

" Mais cet heureux événement, après lequel nous soupirions tous, impose à chaque commune l'obligation sacrée de pourvoir au logement des ministres et aux frais d'achat des ornements nécessaires pour l'exercice matériel du culte."

Le conseil, n'ayant rien tant à coeur que de concourir de tout son pouvoir au maintien de la religion, de son culte et de ses ministres, délibéra qu'il y avait dans la paroisse d'Allos deux églises absolument nécessaires :
Notre-Dame de Valvert et Saint-Sébastien, qui a toujours servi d'église de secours pendant l'hiver; une église et un presbytère, dans chacune des trois succursales.

"A Allos, ajoutèrent les membres dudit conseil, il n'a jamais existé de presbytère, et le curé et le vicaire ont, depuis notre souvenir, reçu en argent le prix de leur logement."
Note (7)

5.-Suppression de l'évêche de Senez .-. Pierre Bès, curé d'Allos.

L'évêché de Senez fut supprimé et inclus dans celui de Digne, qui, désormais, eut les mêmes limites que celles du département des Basses-Alpes.

Mgr de Bonneval, dernier évêque de Senez, était alors à Rome, où il donna la démission de son siège entre les mains du pape.

Mgr Dessoles, nommé évêque de Digne le 29 avril 1802, fut sacré le 11 juillet suivant.

Le premier curé de la paroisse d'Allos, après le rétablissement du culte catholique, fut André-Pierre Bès, ancien religieux dominicain, originaire de Rioclar, canton du Lauzet.
On lui donna annuellement 96 francs, à titre d'indemnité de loyer.

Le vicariat d'Allos ne fut pas rétabli.

6.-Hyacinthe Gariel, maire ; son administration ; le hameau de Champrichard détruit par une avalanche ; entretien des routes et du collège de Barcelonnette.

Il y avait à cette époque, dans l'armée française qui guerroyait en Italie, deux hommes qui ont leur place marquée dans le catalogue de nos hommes remarquables :
Hyacinthe Gariel et Jacques Arvel.
Le premier faisait partie de l'état-major du général Grouchy; le second était chef de bataillon, sous les ordres du même général, dans la subdivision des Alpes; ils étaient revenus l'un et l'autre dans leurs foyers, et j'emprunte, dès à présent, à la biographie de Hyacinthe Gariel ce qu'il fit pour aider son pays à réparer les désastres de la Révolution.

Nommé maire vers la fin de l'année 1804, à l'âge de vingt-six ans, il consacra généreusement son talent, son savoir et son dévouement au service de ses concitoyens.

Le passé était désastreux, l'avenir effrayant !
Après s'être rendu compte de la situation, il déclara à son conseil ce qu'il y avait à faire pour rétablir l'ordre et équilibrer les recettes et les dépenses.
Il appela en particulier l'attention sur la conservation et la reproduction des bois dévastés impunément depuis vingt-cinq ans.
Note (8) En même temps, il réclamait le rétablissement du receveur de l'enregistrement et du vicaire ou secondaire d'Allos,
"qui serait, disait-il, assimilé, comme auparavant, au desservant des succursales".

La gestion de Hyacinthe Gariel ne se prolongea pas au delà d'une année, car il fut nommé juge du tribunal de Barcelonnette avant la fin de 1805.

C'est pendant l'hiver de cette année que le hameau de Champrichard fut en partie détruit par une avalanche.
Cet accident, aussi terrible qu'imprévu, fut causé par la grande quantité de neige qui tomba, sans discontinuer, pendant un jour et une nuit.
Quatorze personnes, dont sept de la même famille y perdirent la vie.
L'une d'entre elles, projetée dans le foyer, fut brulée vivante.
Les dévoués et courageux habitants des hameaux voisins, qui portèrent les morts au cimetière d'Allos, ne suivirent pas le chemin ordinaire, mais celui du Haut-Villard, afin de ne pas s'exposer au danger des avalanches.
C'est de Hyacinthe Gariel lui-même que j'ai appris la plupart de ces douloureux détails, dans mon jeune âge.
Sur sa demande, le préfet des Basses-Alpes accorda un secours de 1300 francs aux parents des victimes.
Ce secours fut obtenu, et la répartition en fut faite en 1806.
Note (9)

En 1807, la municipalité fut informée par le sous-préfet de Barcelonnette que la somme qu'elle avait payée pour les routes serait employée " à l'entretien de la route d'Allos à Barcelonnette, depuis la Goutette jusqu'au rif de Chancelaye" ;
mais elle protesta énergiquement contre le projet de la faire contribuer pour les chemins de Barcelonnette, du Villard, de Faucon et de Larche, tandis que rien n'était destiné pour ceux de son enclave.

"Les jeunes gens d'Allos, dit-elle, ne vont pas au collège de cette ville, qui existait avant la Révolution, ni à l'école secondaire qui y est établie depuis quelques années;
au contraire, leurs parents sont obligés, à cause de la situation du pays, de se procurer des instituteurs particuliers, à leurs frais.
Note (10)

7.-Allos veut un bureau d'enregistrement et repousse le projet d'annexion à Castellane.

En 1813, les habitants d'Allos adressèrent une pétition au ministre des finances, pour obtenir le rétablissement du bureau de l'enregistrement à Allos, ou l'autorisation de faire enregistrer leurs actes à Colmars, sur des registres particuliers.

" De tout temps, avant la Révolution, dirent-ils au ministre de l'empereur, les actes de la justice royale établie en ce canton et ceux des notaires officiels ministériels et de police avaient reçu la formalité du contrôle à Colmars.

" Après l'établissement des justices de paix, un bureau d'enregistrement fut établi dans ce canton (Allos) et y exista jusqu'au mois de mars 1797, où il fut de nouveau réuni à celui de Colmars.

" Ce dernier état de choses a subsisté jusqu'au 1er octobre 1809, lorsqu'une décision de la régie de l'enregistrement déclara que, à l'avenir, ce canton ferait partie de celui de Barcelonnette."

Cette question fut souvent l'objet des délibérations du conseil municipal et elle agita le pays, surtout à l'occasion d'un mémoire relatif à l'annexion du canton d'Allos à l'arrondissement de Castellane, qui fut adressé au ministre de l'intérieur en 1829.

Le conseil, dès qu'il en eut connaissance, protesta énergiquement contre
"l'auteur anonyme de cet écrit, qui, sous le masque du bien public, cherchait à porter une atteinte mortelle aux intérêts de ce canton".
Il ajouta que les intérêts du pays réclament impérieusement que nous fassions partie de l'arrondissement de Barcelonnette.
Il obtint que le projet d'annexion à Castellane ne fût pas pris en considération;
mais le bureau de l'enregistrement ne fut pas rétabli à Allos.

8.-Un piéton-courrier d'Allos à Colmars ; un piéton-messager d'Allos à Barcelonnette.

La chute Napoléon, en 1814, et la première restauration ne trouvèrent pas la population d'Allos indifférente.
Elle entourait la maison de ville,pendant que les membres du conseil prêtaient serment à Louis XVIII, dans la salle des délibérations, et elle manifestait son enthousiasme au nouveau souverain " par les cris répétés de :
Vive Louis le Désiré !
Vive le Père de la France !."
Note (11)

L'année suivante, lorsque Napoléon fut revenu de l'île d'Elbe, elle se voyait imposer par le préfet du département une contribution de guerre
" de 889 litres d'eau de vie pour l'approvisionnement des places forte du département, mises en état de siège, à la date du 23 mai 1815."

Le conseil supplia le préfet de ne pas exiger de la commune
" une fourniture de ce genre, qu'il était impossible de trouver dans le pays."

Le même conseil vota ensuite " un emprunt volontaire pour la solde de la garde nationale mobile " et désigna,
- toujours par ordre préfectoral - les septs hommes qui devaient en faire partie.
Note (12)

Sous le règne de Louis XVIII et de Charles X, la municipalité s'occupa souvent de l'entretien et de l'amélioration des chemins publics et des chemins vicinaux.

Elle appelait chemin public la route de Colmars à Barcelonnette, et chemins vicinaux les voies de communication entre le chef-lieu et les villages ou hameaux.

Elle était chargée de l'entretien de l'un et des autres, mais avec une différence, car le premier n'était pas toujours à sa charge.

Elle disposait pour cela des journées de prestation, d'une somme de 288 francs portée annuellement au budget et des secours accordés par l'administration départementale.
Note (13)

Le piétonnage se faisait aussi aux frais de la commune; elle fournissait un modeste traitement au courrier à Colmars, appelé piéton-courrier;
et au messager d'Allos à Barcelonnette, que l'on appelait piéton-messager.

 

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Notes : ( 13 notes dans ce chapitre )

(1) La chapelle de Saint-Sébastien, sans doute, où l'on se réunissait pour le club, mais que l'on n'ose pas nommer parce qu'elle porte le nom d'un saint.
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(2) La marque distinctive des officiers municipaux et des fonctionnaires était " un chapeau rond, orné d'une écharpe, surmonté d'une plume panachée aux trois couleurs".
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(3) Délibération du 4 frimaire an VIII.
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(4) Délibération du 18 prairial an VIII.
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(5) Taine, la Révolution, t. III, pp. 600-601.
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(6) Délibération du conseil d'Allos, 8 brumaire an VIII.
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(7) Délibération du 26 nivôse an XI.
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(8) Il voulait entourer certaines forêts d'une cloture, pour les protéger contre les troupeaux.
Le conseil municipal s'opposa à ce projet et ne voulut mettre en réserve que le plan de Montgros, qui n'avait pas besoin de clôture.
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(9) L'état de répartition existe encore; il est annexé au procès-verbal de la délibération du conseil municipal du 27 avril 1806.
Je le reproduis dans l'intérêt des familles originaires de Champrichard, qui n'ont pas disparu :
à Louis-André Gouin...........................283,10
à Sébastien Martin.............................50,00
à Jeanne-Laurent Brun.........................375,40
à Joseph Coste................................200,60
à Henriette Pascal,veuve de Jacques Bernard...390,90 Total ...................1300,00
Le hameau de Champrichard comptait donc alors huit ou dix feux.
Il n'y en a plus que deux aujourd'hui.
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(10) Délibération du 13 décembre 1840 et du 14 mai 1841.
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(11) Délibération du 3 octobre 1814.
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(12) Voici les noms et prénoms de ces gardes nationaux, dont les familles existent encore aujourd'hui :
Reynaud Dominique, de la Peyrière; Gravier Jean-Baptiste, du Brec; Pascal Jean-Baptiste, de la Foux; Pellat Joseph, du Collet; Lèbre Jean-Joseph, du Bruisset; Guirand François d'Allos; Guirand Gabriel, du Seignus-Bas.
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(13) On avait un ingénieux procédé pour secourir les pauvres qui pouvaient travailler.
On établissait des ateliers de charité, chargés de réparer les routes et sentiers.
C'est par un de ces ateliers que fut amélioré le chemin d'Allos à Fours, par la montagne de Talon.
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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE VII

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(1833-1899.)

 

1.-Incendie d'Allos en 1833.
Allos,si désastreusement éprouvé par les incendies du siècle dernier, fut de nouveau la proie des flammes, dans la nuit du 15 au 16 décembre 1833.

L'incendie commença au centre du bourg et s'étendit avec une telle violence que, le lendemain, quatre-vingt-quatre maisons étaient réduites en cendres.

La voûte de la chapelle de Saint-Sébastien fut endommagée; la cloche, complètement fondue; le clocher paroissial, qui est une tour des anciens remparts, eut la toiture brûlée.

Neuf cents personnes se trouvèrent sans abri, sans provisions, en plein hiver; grains, farines, mobilier, fourrages, tout avait été dévoré par les flammes.

La charité des habitants des hameaux fut admirable !
Chaque famille voulut recevoir sous son toît hospitalier une famille d'incendiés et pourvoir ainsi aux premiers besoins.

Pendant ce temps, la municipalité faisait connaître la triste situation au gouvernement et adressait un appel à la générosité du roi, de la reine et du prince royal, le duc d'Orléans.

Les libéralités de la famille royale et l'hiver exceptionnellement doux de 1834 permirent aux incendiés de travailler, dès la première heure, à la préparation des matériaux nécessaires pour la reconstruction de leurs habitations.

Ils entreprirent ensuite, avec confiance, de faire renaître les maisons d'Allos de leurs cendres !
C'était une oeuvre laborieuse et de longue haleine.

Les toitures de la chapelle de Saint-Sébastien et du clocher ne purent être refaites qu'après le printemps de 1835.
C'étaient cependant des réparations d'une urgence manifeste,mais il fallait, avant de mettre la main à l'oeuvre, avoir recueilli les ressources nécessaires.
Note (1)

2-La commune propriétaire du bois d'Autapie et du Pré du Saint-Esprit..

Le différend qui existait depuis longtemps entre les propriétaires de la montagne d'Autapie et la commune d'Allos était parvenu, en 1839, à sa période aiguë.
Le sous-préfet de Barcelonnette écrivit au conseil municipal de délibérer si le bois de cette montagne, appelé Bois de Hamel, appartenait ou non au sieur Vallon.
Le conseil déclara que le terrain seulement lui appartenait et que les arbres étaient une propriété communale.

Ce différend fut ensuite soumis à la décision de la justice, et le tribunal de Barcelonnette, par un jugement du 15 juillet 1840, déclara que :
"le bois de Hamel appartient à la commune d'Allos."

Jacques du Vallon, de Barcelonnette, et Marie Pinoncély, veuve Eyssautier, de Saint-Paul, propriétaires d'Autapie, interjetèrent appel, sans succès, devant la Cour d'Aix.
Les habitants d'Allos furent maintenus dans leurs droits et, aujourd'hui encore, ils sont en possession et jouissance du bois de Hamel d'Autapie.

La commune d'Allos était, à la même époque, propriétaire d'un pré appelé Pré du Saint-Esprit, dont il est fait mention dans une série de délibérations municipales, à partir du 22 octobre 1839.
Tous les neuf ans, le maire, autorisé par son conseil et par le préfet, cédait la ferme de ce pré ux enchères et au plus offrant, Félix Michel, de Chauvet, était presque toujours adjudicataire.
Il y a donc lieu de croire que le Pré du Saint-Esprit faisait partie du terroir de la Foux.

3.-Allos depuis 1833 jusqu'en 1848; la zone des douanes.

Dans la dernière partie de cette histoire, comme dans les siècles antérieurs, en m'attachant, plus que jamais, à reproduire la physionomie de la vie municipale de nos pères, je continue de faire remarquer comment ils savaient s'intéresser aux événements importants du département ou de la France et quelle influence ces événements exerçaient sur eux.

Après l'incendie de 1833, le conseil municipal adressa, avons-nous dit, une requête non seulement au roi et à la reine de France, mais au duc d'Orléans.

Le conseil qui lui succéda n'oublia oas, neuf après, lorsque ce prince fut enlevé par une mort tragique, d'adresser à Louis-Philippe une lettre de respectueuse condoléance.

L'année suivante, il envoya sa modeste offrande pour le monument élevé à Gassendi, dans le chef-lieu du département, et il souscrivit pour doter la mairie d'un exemplaire du
Dictionnaire Provençal-Français,
par notre savant compatriote le Docteur Honnorat.

Les événements politiques de 1848 firent sortir de la poussière les fusils de la garde nationale que la rouille rongeait à la mairie.
On les fit réparer par un armurier de Colmars, nommé Pierre Piron.

Un cultivateur doué d'un remarquable bon sens, mais qui n'avait certainement pas lu
la Politique tirée de l'Ecriture Sainte de Bossuet,
fit cependant une réflexion qu'on dirait empruntée à cet ouvrage :
"Si cette agitation des esprits,dit-il,n'a rien de contraire à la religion, nous pouvons être tranquilles; si elle lui est hostile, craignons !"

Le conseil municipal délibéra, en 1835, sur le projet de modifier la zone des douanes, dans le terroir du canton d'Allos.
Pour bien comprendre l'importance de cette délibération, citons les principales dispositions de la loi sur les douanes, contenues dans le décret du 25 messidor an VI :
"Art.1er.-Les particuliers dont les habitations sont situées entre les bureaux des douanes et l'étranger, qui voudront y faire arriver de l'intérieur du territoire français des bestiaux, chevaux, mules et mulets, cires, soies et autres objets, dont la sortie est défendue ou soumise à des droits, n'obtiendront des passavants pour le transport qu'autant qu'ils seront porteurs de certificats de la municipalité du lieu, constatant que les bestiaux et marchandises sont pour leur usage et consommation."

"Art.2-Ceux qui voudront faire paître des bestiaux, mules, chevaux et genisses au-delà des bureaux de la douane, placés du côté de l'étranger, seront tenus de prendre dans les bureaux des acquits-à-caution portant permission de rassembler lesdits bestiaux au retour des pacages."

Ces prohibitions gênantes vexaient les habitants " de la zone extérieure, formée par l'espace compris entre la frontière et la première ligne des bureaux et des postes douaniers".
"Elle allait du bureau d'Allos à celui de Fours, en passant par le poste de Bouchiers."

L'administration des douanes se proposait de tranférer ce dernier poste à la Foux,
"afin d'empêcher, disait-elle, les introductions frauduleuses qui se faisaient en logeant la crête des montagnes de Talon et du Cheval-de-Bois".

Le conseil municipal prévoyant que le projet de l'administration aurait pour effet d'étendre la zone extérieure et d'y faire entrer plus de trente habitants, qui se trouvaient au nord du bureau d'Allos et du côté de l'intérieur,
Note (2) repoussa ce projet et demanda le maintien de
"la ligne directe du bureau d'Allos à celui de Fours, avec des signes apparents placés de distance en distance, afin que les habitants, qui étaient déjà assez malheureux d'être près des frontières, pussent se munir d'une expédition des douanes, quand ils en auraient besoin."
Note (3)

Les bureaux d'Allos et le poste de Bouchiers furent maintenus jusqu'à l'annexion de Nice et de la Savoie à la France, en 1860.
Alors les douanes s'éloignèrent de notre région, pour se rapprocher des nouvelles frontières.

4.-L'Iscle du Verdon; menaces d'une visionnaire; achat d'une pompe à incendie.

En 1861, Désiré Eyssautier, de Faucon, propriétaire d'Autapie, revendiqua le bois d'une oseraiedépendante de cette montagne, disant que la commune d'Allos avait empiété sur ses droits en faisant couper les osiers et les buissons de la Grande Iscle du Verdon.

La commune répondit qu'elle avait exercé un droit, au lieu de faire un empiétement.
En effet, " elle était autrefois elle-même propriétaire de cette montagne.
Elle fut obligée de la vendre avec d'autres montagnes, mais la vente fut faite sous réserve des bois."
Le jugement du tribunal de Barcelonnette (15 juillet 1840 ) , confirmé par un arrête de la Cour d'Aix du 28 mai 1841, avait fait justice des prétentions de Désiré Eyssautier et maintenu la commune d'Allos propriétaire des bois d'Autapie.

L'année suivante, le conseil municipal eut à délibérer, dans sa session ordinaire du mois de mai 1862, sur
"les menaces d'incendie qui venaient si souvent effrayer la population".
Il faisait ainsi allusion, en termes discrets, aux prédictions qui troublèrent le pays et dont voci la cause :
Une visionnaire annonçait qu'Allos allait être ravagé par le feu.
Elle ne rencontra d'abord que l'indifférence et la pitié.
Mais bientôt les menaces se réalisèrent :
le feu se déclara en différents quartiers;
une maison, avec ses dépendances, devint la proie des flammes et faillit communiquer l'incendie à toutes les autres habitations.

Aussitôt, la scène changea; l'effroi succéda à l'indifférence, et les habitants furent dans de continuelles alarmes pendant plus d'un mois.
Le sous-préfet de Barcelonnette se transporta sur les lieux, pour se rendre compte de la situation.
Sur son conseil, le maire, M. Boyer, ouvrit une souscription volontaire, et, peu de temps après, on fit l'acquisition d'une pompe à incendie.

5.-Fondation d'un bureau de bienfaisance à Allos.

A cette époque, un de nos compatriotes, l'abbé Augier, voulut doter son pays natal d'un hôpital, mais il mourut sans avoir pu accomplir son dessein.
Sa soeur, Célestine Augier, qui hérita de ses biens et de ses bonnes intentions, essaya de réaliser ce pieux et charitable projet.
Par un testament olographe du 5 décembre 1866, elle institua la commune d'Allos son héritière universelle et lui imposa l'obligation d'établir un hôpital pour les malades et les infirmes de la commune.
Note (4) Un décret du 15 mai 1873 autorisa la commune à accepter le legs Augier, qui déduction faite des frais et legs particuliers à payer, se trouva réduit à la somme de 4073 fr 98 c.

L'hôpital ne put donc pas être fondé, et la commune demanda l'autorisation de distribuer, chaque année, aux pauvres une partie du produit des rentes de cette succession.

Déjà, en 1860, elle avait accepté pour les pauvres un legs de 1000 francs fait par François Michel, fabricant de draps à Vienne, originaire du Haut-Villard d'Allos.

C'étaient des pierres d'attente pour l'établissement d'un bureau de bienfaisance.

En effet, ce bureau fut établi par un décret du président de la République du 17 août 1885, en deux articles qui en caractérisent l'origine :
"Art.1.er- Est autorisée la création d'un bureau de bienfaisance à Allos (Basses-Alpes).
"Art.2.- Le maire d'Allos, au nom des pauvres de cette commune, et la commission administrative du bureau de bienfaisance, créé par l'article précédent, sont autorisés à accepter le legs fait aux pauvres de ladite commune par Michel Marie-Colette, suivant son testament du 30 septembre 1883, et consistant dans l'universalité de ses biens, pour être affectés à la création d'un bureau de bienfaisance."
Egalement en vue de cette création, M. Boyer, maire d'Allos, légua, la même année, la somme de 1000 francs à la commune.

6.-Incendie de la Foux en 1878.

Le village de la Foux fut en partie brûlé en 1878, et je trouve le récit de ce triste événement dans les délibérations du conseil municipal :
"Le 1er août 1878, un incendie a éclaté au hameau de la Foux et a dévoré six maisons et deux granges.
"L'incendie a été si rapide que les malheureux incendiés n'ont pu conserver qu'une faible partie de leur mobilier; tout le reste a été dévoré par les flammes.
Par suite de ce désastre, neuf ménages se trouvent en ce moment sans abri, et les propriétaires ne parviendront jamais à reconstruire leurs maisons, si on ne vient à;leur secours."
Note (5)
La commune leur accorda, à titre gratuit, une coupe de trois cents arbres de la forêt de Valsibière et une commission se constitua immédiatement pour solliciter et recevoir les souscriptions volontaires.
Le 25 avril 1866, une avalanche descendit de la forêt de la Valsibière, dans la vallée du Verdon, en amont d'Allos.
Cette masse énorme de neige, durcie par le froid de l'hiver, emportait tout sur son passage ; elle brisa ou déracina dix mille mélèzes.
Heureusement, aucune maison habitée ne se trouva sur son parcours.
On crut entendre un coup de canon, lorsqu'elle se détacha des flancs de la montagne, et on éprouva une secousse de tremblement de terre lorsqu'elle s'engloutit dans le Verdon.

7.-Progrès de la vie chrétienne, après les derniers vestiges du jansénisme; progrès matériel.

Vers le milieu du XIX° siècle, la vie religieuse prit un nouvel essor à Allos.

"Avant cette époque, me disait, il y a quarante ans, un de mes compatriotes, on nous prêchait une doctrine qui nous inspirait la crainte des choses les plus saintes de la religion, au lieu de nous en inspirer le désir et l'amour.
Cette crainte nous éloignait surtout des sacrements."
Les prêtres qui se sont succédé à Allos, à partir de 1847,
Note (6) ont fini par arracher les âmes aux dures et mortelles étreintes du jansénisme.
Cette hérésie a été, chez nous, plus vivace qu'ailleurs, parce qu'elle y avait été implantée par Soannen lui-même, évêque de Senez, et cultivée par son défenseur au Concile d'Embrun, l'abbé Bourrillon, dont nous avons déjà parlé.

La sage et bonne direction de ces excellents prêtres a fait vivre les habitants de notre modeste coin de terre, ille terrarum angulus, de la vie chrétienne, comme aux meilleurs temps de l'Eglise, les associant d'une manière intime à ses épreuves, à ses joies, à ses triomphes.
C'est ce qui a eu lieu, en particulier, à l'occasion de l'un des plus grands événements religieux de notre siècle :
la proclamation du dogme de l'Immaculée Conception.
La population comprenait si bien la divine opportunité de cette fête qu'elle la célébra avec un enthousiasme qui témoignait de la vivacité de sa foi.
L'illumination si spontanée et si générale du soir de ce beau jour était un gracieux et consolant symbole des merveilles que Dieu opérait dans les âmes !

La vie chrétienne se manifestait aussi par l'édification de nouveaux édifices consacrés au culte divin et par la restauration des anciens.

Le 25 novembre 1862, on inaugurait la nouvelle église et le nouveau prebytère de la paroisse de Bouchiers, construits à l'endroit le plus agréable du pays.

On reconstruisait ensuite l'église de la Beaumelle, et une addition utile était faite au presbytère de cette paroisse.
Enfin la paroisse de la Foux voyait s'élever un presbytère, à l'entrée du village, et un véritable clocher remplaçait, à côté de l'église, l'ancien et trop modeste campanile.

On s'occupait donc en même temps des temples spirituels et des temples matériels, et, si le chef-lieu semblait en retard, en ne pas faisant exécuter les travaux prévus à l'église paroissiale, nous ne devons pas le regretter, puisque, en sachant attendre, on a obtenu du ministère des beaux-arts et de celui des cultes la restauration complète et selon le style primitif de ce beau monument historique.

En même temps, la plupart des habitants d'Allos jouissaient d'un bien-être relatif satisfaisant.
Leurs maisons devenaient de jour en jour plus spacieuses, plus hygiéniques et plus agréables, même dans les campagnes.

Le produit de l'élevage et du nourrissage des bestiaux, sans les enrichir, leur rendait la vie plus facile, les attachait davantage à leurs foyers et au sol natal, et c'est ce qui explique la rareté des émigrations parmi nos cultivateurs.
M. Pin, ancien directeur de l'Ecole normale de Barcelonnette, dont le père était d'Allos et qui a herborisé longtemps sur nos montagnes, me disait, il y a dix ans, combien il était heureux de cette situation, qu'il croyait exceptionnelle.

Malheureusement, ce progrès matériel subit actuellement un temps d'arrêt, et il subira peut-être bientôt une crise dangereuse, si on ne trouve pas un moyen de protéger les éleveurs bas-alpins contre les éleveurs étrangers, africains ou autres, qui, grâce au libre-échange, leur font une concurrence désastreuse sur les marchés des principales villes de Provence.

8.-Routes; bureau des postes; fontaines; reboisement des montagnes.

Ajoutons enfin que la deuxième partie du siècle qui va finir nous a apporté, dans la vie sociale, une série d'améliorations importantes :
La transformation de la route de Colmars, à la roche dite Chaudouriara, et depuis le Détroit jusqu'aux Plans ; la construction, plus récente, de la route stratégique d'Allos à Barcelonnette; l'établissement d'un bureau des postes et télégraphes à Allos et de trois facteurs attachés à ce bureau facilite les affaires commerciales, les rapports avec Barcelonnette, chef-lieu de notre arrondissement, avec Digne, chef-lieu du département, etc...

Trois nouvelles fontaines ont été construites en 1882.
Pour l'emplacement de celle qui est sur la place, dite Placette, on a fait l'acquisition d'une cave, au-dessus de laquelle se trouvait le hangar dont j'ai parlé plus haut, en racontant la comparution de Tante Trésor devant le tribunal rvolutionnaire, en 1793.

Ce n'est pas sans regret qu'on a vu disparaître ce souvenir d'un des événements les plus remarquables de l'histoire d'Allos.
La construction des trois nouvelles fontaines fit aussi disparaître un autre vestige des temps anciens :
le Pré du Saint-Esprit, qui était devenu propriété de la commune, mais dont le nom rappelle évidemment une fondation pieuse, fut vendu, avec une autre parcelle dite de Saint-Pierre, et le montant de ces aliénations employé à payer la construction desdites fontaines.

L'administration du reboisement possède la montagne du Laus et ses dépendances depuis 1894, et elle vient de faire l'acquisition de la plupart des autres montagnes de notre territoire.
Tel est le dernier événement que j'ai à mentionner, en terminant la quatrième partie de cette histoire.
J'aurai à en prévoir les conséquences, dans la cinquième et dernière partie.

 

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Notes : ( 6 notes dans ce chapitre )

(1) Voici comment on put faire face à cette dépense :
Les habitants fournirent des prestations
la commune avait déjà reçu pour ce travail 671 francs
le préfet des Basses-Alpes accorda un secours de 1200 francs,
et on prit 1000 francs sur les fonds accordés aux incendiés.
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(2) Les habitants de la Colette-Haute, de la Colette-Basse, des Gays, des Granets, des Cloutets et autres, dépendant de la succursale de Bouchiers seraient entrés dans la zone extérieure.
Pour que la Foux, la Baume, la Beaumelle et Montgros continuassent d'être hors de la zone extérieure, la ligne projetée aurait dû passer par Saint-Pierre, le vallon de ce nom et aboutir à la fontaine de Bachasse, par conséquent, suivre l'ancien chemin d'Allos à Barcelonnette.
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(3) Délibération du 15 juin 1835.
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(4) Voici la teneur de ce testament, dans ses parties principales :
"Au nom de la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, je soussignée, Célestine Augier, voulant suivre les intentions de mon bien-aimé frère, Benonin Augier, prêtre, j'institue la commune d'Allos pour mon héritière universelle.
Je lui impose l'obligation d'employer le montant des legs à elle faits à acheter ou construire, au plus tôt, une maison, servant d'hospice pour les malades et infirmes de la commune."
Célestine Augier chargea, en outre, sa légataire universelle de payer 200 francs, montant des honoraires de messes à acquitter à son intention, 500 francs pour faire donner une mission dans les cinq années après son décès; de faire placer le portrait de son frère à l'hôpital.
Enfin elle donnait à la paroisse d'Allos la bibliothèque de son frère, pour le premier prêtre du pays qui serait ordonné après son décès, et sa pendule à la chapelle de Saint-Sébastien.
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(5) Délibération du 11 août 1878.
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(6) MM. Ebrard, de Barcelonnette; Barbaroux, de Thorame-Haute, devenu ensuite vicaire général; Signoret, des Serennes, mort à Castellane en 1897; Caire, du Châtelard, plus tard curé de Barcelonnette; Reynaud, de la Condamine, actuellement curé de Barcelonnette, etc...
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, Productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. - Faune et Flore.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE Ier

DESCRIPTION PHYSIQUE , PRODUCTIONS.

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1.-Topographie d'Allos; cirque formé par les montagnes.

Le territoire d'Allos forme, dans la vallée du Verdon, entre les sources du Var et la Bléone,
une sorte de carré de 11663 hectares de superficie, qui serait moins irrégulier si le vallon de Fours en faisait partie.

Ses limites au nord, du côté de Barcelonnette, sont les contre-forts méridionaux de Siolane, Valgelaye, le Cheval-de-Bois et Talon; à l'est, du côté du Haut Var, le mont Pelat, les Tours du Lac, la Tête de Valplane et Rochecline; à l'ouest, le pic des Trois-Evêchés, Valdemars et Autapie, qui le séparent des vallées de Seyne et de Prads; au midi, le détroit qui unit Allos à Colmars.

Cette chaîne de montagnes qui entourent le territoire de toutes parts, excepté du côté de Colmars, lui donne l'aspect d'un immense cirque à amphithéâtre.
Note (1)

Ces montagnes, autrefois presque entièrement gazonnées et boisées, ont été ravagées par le temps et par la hache des bûcherons.
Leurs cimes les plus hautes, parmi lesquelles se fait remarquer celle du mont Pelat (3050 mètres) , ont la couleur cendrée des nuages.

Rochers, âpres sommets, vieux autels de granit,
Où le nuage fume, encens de cette terre;
Vieille abside où se chante en choeur le grand mystère,
Au bout d'un autre monde où le nôtre finit.
Note (2)

2.-Pâturages; anciens troupeaux transhumants; vente des montagnes; le reboisement.

Jusqu'en ces derniers temps, les troupeaux de la Haute Provence venaient, chaque année, brouter l'herbe de ces montagnes, et le Laus seul nourrissait autrefois, six mille bêtes à laine.
La présence de ces troupeaux animait ces altitudes silencieuses; leur arrivée, comme leur départ, avait lieu sous l'escorte de gros chiens et de menons qui ouvraient la marche, portant fièrement de grosses sonnettes.
C'était presque un événement, au printemps et en automne.

Ce passé n'est plus; l'Etat a acheté les montagnes du Laus, de Valdemars, etc.., et, dès 1895, des chantiers du reboisement ont remplacé les bergers et les troupeaux transhumants.

Il est vrai que l'administration des forêts s'efforce d'arrêter les effets désastreux du déboisement et de rétablir la vie végétative, qui avait disparu en maints endroits.
Elle donne donc des espérances pour l'avenir, et déjà "elle a fait construire des maisons forestières (toutes entre 1900 et 2000 mètres d'altitude) , reliées ensemble par des sentiers muletiers, telles que celle du Laus (l'ancienne bergerie) , à une demi-heure du lac, celle de Preinier et celle de Valdemars.
Un sentier, également muletier, conduit d'Allos à chacune de ces maisons."
Note (3)

Mais, si l'administration du reboisement promet de rendre la vie à nos montagnes dénudées, en les gazonnant et en y rétablissant les forêts qui ont été détruites, elle peut donner la mort au pays, en le dépossédant des terrains communaux, qui sont une de ses ressources vitales.

La commune possède, en effet, des terrains vagues ou d'un difficile accès, où l'on fait paître le menu bétail, et de belles forêts de mélèzes, dont les herbages sont réservés aux troupeaux de vaches et d'autres gros bestiaux.
Ces forêts, utiles et agréables, sont à proximité de presque tous les quartiers.
La fraîche et puissante végétation de leurs plateaux et de leurs verdoyants coteaux fournit les meilleurs pâturages.
Si, pour empêcher les dégradations inévitables occasionnées par le séjour du gros bétail domestique, l'administration forestière voulait en faire l'acquisition, les habitants se verraient dans la nécessité d'abandonner le sol natal.
C'est pourquoi je me permets de dire à MM. les administrateurs municipaux, successeurs des anciens consuls, de prendre garde à ce danger :
Caveant consules !

Les propriétaires des prés de montagnes seront également habiles et prévoyants en ne pas les aliénant, même dans des conditions avantageuses, car l'hiver est long dans les pays montagneux, et il faut d'abondantes provisions de foin pour nourrir les troupeaux.
Ajoutons que le séjour des moutons dans les écuries donne une grande quantité d'engrais et que cet engrais naturel est le meilleur pour l'agriculture.

3.-Culture et production des vallées; élevage des bêtes à laine.

Les vallées et les plateaux des montagnes d'Allos sont cultivés, et le sol en est généralement fertile, malgré la rigueur du climat.
Note (4)

On y récolte du froment, du blé de trois mois ou froment de Russie, du méteil (mélange de froment et de seigle) , de l'orge, de l'avoine,
Note (5) beaucoup de foin et des légumes.

La culture de l'avoine est moins rémunératrice qu'autrefois, parce qu'on la cultive même dans les pays chauds et à cause de la diminution du nombre des chevaux de trait, depuis l'établissement des chemins de fer.

On a cessé de cultiver le lin, depuis quelques années, et la source d'eau chaude au-dessous des Plans, où on le portait pour le faire rouir, est abandonnée.

L'élevage et l'engraissage des bêtes à laine est toujours la principale ressource des habitants d'Allos, qui, par conséquent, ne sauraient avoir trop de sollicitude pour l'amélioration de leurs prés naturels et le renouvellement périodique des prés artificiels.

M. Flahault, professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier, botaniste distingué, qui a visité les vallées de l'Ubaye et du Haut Verdon, va plus loin :
avec l'autorité que lui donne sa science et l'étude qu'il a faite de la flore des montagnes des Alpes, il insiste sur la nécessité d'augmenter la culture fourragère et le périmètre des forêts particulières.

"L'insuffisance des prairies fauchées et des cultures fourragères, dit-il, détermine les possesseurs de troupeaux à demander du fourrage aux arbres.
On émonde, à la fin de l'été, les saules, les peupliers, les ormes, les frênes, les chênes, pour en faire sécher les branches garnies de leurs feuilles.
L'arbre remplace le pré...
Mais, toujours émondé, l'arbre, couvert de cicatrices, affaibli par la perte périodique de ses feuilles, ne produit plus une graine; il finit même par succomber.
Le nombre des arbres diminue ainsi insensiblement...

"Multiplier les prairies arrosées, cultiver des fourrages en quantité suffisante pour assurer un bon hivernage des troupeaux, c'est le seul moyen d'élever plus de bétail, qui fournira plus d'engrais pour l'amélioration du sol.
Il n'y a pas d'autre remède aux maux qui pèsent sur les populations de nos montagnes.
Rendre à la forêt tout ce qui n'est pas susceptible d'être cultivé avec profit et cultiver utilement les terres capables de produire un revenu, tel doit être le programme de l'agriculture, dans nos montagnes."
Note (6)

4.-Cours d'eau; canaux d'irrigation.

Le territoire d'Allos est sillonné par plusieurs cours d'eau, dont les principaux sont le Verdon, Bouchiers et Chadoulin.

Le Verdon prend sa source dans la montagne de la Sestrière, à environ 2500 mètres d'altitude, au sud de Siolane et au sud-est du pic des Trois-Evêchés.
Il coule vers le sud avec une telle rapidité qu'à Allos son altitude n'est plus que de 1425 mètres et de 1200 à Colmars.
Depuis le pont de l'Abrau, en amont du village de la Foux, jusqu'à celui de la Beaumelle, il s'est creusé dans le roc un lit étroit et bordé de précipices.
C'est là qu'il reçoit les minuscules et pittoresques torrents de Valboyère, de Valdemars, etc.

Le Verdon n'alimente chez nous aucun canal d'irrigation proprement dit; il faudrait élever ses eaux par des machines hydrauliques dont la petite propriété rurale ne peut faire l'acquisition, pour qu'il pût arroser les propriétés situées sur ses rives, tandis qu'il arrose le territoire de Colmars même par un canal qui remonte du côté d'Autapie jusqu'à l'oseraie ou iscle du Verdon, en face de la source des Eaux-Chaudes.

Ses deux principaux affluents sont Bouchiers et Chadoulin, deux torrents de la même importance et presque parallèles, dont le premier est en amont et le deuxième en aval d'Allos.

Bouchiers naît dans la montagne de Talon, au nord-ouest de la pyramide du Cimet (3022 mètres).
Il traverse le terroir du village dont il porte le nom, et, avant d'entrer dans la gorge profonde qui se prolonge juqu'au-dessous de la chapelle de Saint-Pierre, il reçoit le torrent de Chancelaye, dont les eaux sont utilisées pour l'irrigation.

Il y avait autrefois un canal dérivé du torrent de Bouchiers et qui arrosait un quartier d'Allos, appelé le Bruisset.
Il traversait Vacheresse, où il est devenu un sentier qui porte toujours le nom du canal.

Bouchiers arrose les terrains inférieurs du Bruisset, les Charrières, etc..,
et, depuis 1882, il alimente les nouvelles fontaines d'Allos.
C'est un cours d'eau bienfaisant; mais, afin qu'il ne devienne pas dévastateur, il importe quon l'endigue, en aval du pont de la route nationale, ou mieux encore que l'administration des forêts parvienne à en empêcher les crues désastreuses, en reboisant au plus tôt les montagnes du Cheval-de-Bois, de Preinier, etc..,

Chadoulin sort du lac par une issue souterraine, du côté du nord.

Il serpente d'abord lentement, à travers le tapis de verdure, autrefois beaucoup plus étendu, du plan du Laus; puis il se précipite de rocher en rocher et de cascade en cascade, en amont de Champrichard.
Après sa jonction, - au-dessous de ce village, presque abandonné - avec le torrent de Valplane, qui arrose le Villard, il côtoie la forêt de ce nom jusqu'au hameau du Brec-Bas, où il s'engage en bouillonnant dans les cluses étroites du bois de la Cluite.

Chadoulin alimente trois canaux d'irrigation sur sa rive droite et trois autres sur sa rive gauche.
Il fournit enfin l'eau nécessaire aux moulins à farine, aux moulins à huile et aux forges d'Allos.
Le moulin à foulons qui existait également sur ses rives a été abandonné, comme les moulins à farine de Bouchiers et de la Beaumelle.
Ce torrent rend donc à l'agriculture et à la modeste industrie d'Allos plus de services que les autres cours d'eau.
Les travaux de reboisement que l'on fait actuellement dans la montagne du Laus font espérer qu'il ne sera plus un danger pour l'église paroissiale, Notre-Dame de Valvert, comme il l'a été autrefois.

Ajoutons, pour ne rien oublier relativement à l'irrigation, qu'un canal dérivé du torrent impétueux de Ribions, qui descend de Rochecline, arrose la partie inférieure des terrains du plateau de Sainte-Brigite, tandis que la partie haute est arrosée par le canal supérieur de la rive gauche de Chadoulin.

Ribions et le torrent d'Autapie, qui coule à l'opposite, du côté du Seignus, ont leur lit presque à sec en temps ordinaire, mais ils sont redoutables par leurs débordements.
On n'a pas oublié, à Allos, que le Verdon fut arrêté pendant plusieurs heures par la quantité énorme de vase et de pierres qu'ils entrainèrent dans le lit de cette rivière, à l'occasion d'un orage de la fin du dernier siècle.

5.-Le lac d'Allos; ses dimensions, son déversoir; projet d'en faire un étang; barque et cabane du pêcheur.

Le plus grand lac des Alpes, depuis Annecy jusqu'à Nice, est celui d'Allos.
Note (7)

Son altitude, qui est de 2173 mètres , et le cirque de hautes montagnes qui l'entourent, excepté du côté du nord, en font un lac particulièrement remarquable.
Les principales de ces montagnes sont le mont Pelat (3053 mètres) , les Grandes-Tours ( 2745 et 2678 mètres ) et la Pointe de Monier (2547 mètres ).

C'est au pied des Grandes-Tours, qui se dressent à l'est et au fond du cirque, à assises régulières grisâtres et noires, d'un aspect sévère et imposant, que se trouve le bassin du lac.
Note (8)

Sa plus grande profondeur est de 53 mètres, et sa superficie de 62 hectares.
Mais ces dimensions varient avec les années et les saisons, suivant la quantité d'eau que donne la fonte des neiges, etc.

Il résulte de ces variations que les îlots qui émergent en deux ou trois endroits, lorsque les eaux sont à la hauteur moyenne, disparaissent quand elles s'élèvent plus haut.

Le lac est alimenté par la fonte des neiges et les eaux pluviales.
Il y a des truites en grand nombre et de différentes qualités.

L'écoulement a lieu par un souterrain, à travers le bourrelet ou ressaut de plus de 500 mètres de largeur qui contient ses eaux du côté du nord.
Note (9)
Les expériences faites par l'administration des ponts et chaussées et les observations réitérées des pêcheurs et des habitants du pays, constatant que lorsque les eaux du lac sont basses on les voit aller dans ce qu'ils appellent l'entonoir et s'infiltrer dans la direction de la source du Chadoulin, ne permettent aucun doute à ce sujet.

Plusieurs fois, dans la seconde moitié de ce siècle, on a eu le projet de fermer ce déversoir intérieur, pour faire du lac un grand réservoir.

En 1863, l'ingénieur en chef des Basses-Alpes, M. Grandchamp, proposait de faire étudier la construction d'un canal d'arrosage pour les plaines de Valensole, avec aménagement du lac d'Allos en réservoir d'alimentation.
Un de ses successeurs fit commencer ces études en 1875.
Le cubage des eaux lacustres fut fait avec soin, mais sans résultat, et ce projet fut abandonné.

Cependant le radeau qui avait été construit aux frais de l'administration des ponts et chaussées, pour faciliter les études, suggéra à un pêcheur l'idée de faire l'acquisition d'une barque dans laquelle les visiteurs peuvent maintenant faire la traversée du lac.

L'achat des eaux de Fontaine-l'Evêque, dans le canton d'Aups, fait par le département du Var en 1898, appela de nouveau l'attention sur le lac d'Allos; le 16 février de la même année, M. le Préfet des Basses-Alpes prescrivit une enquête publique sur ce projet, qui consistait à emmagasiner dans notre lac 41 millions de mètres cubes d'eau, pour suppléer à la perte que ferait le Verdon, le jour où il ne recevrait plus les eaux de Fontaine-l'Evêque.
Les acheteurs de ces eaux promettaient de faire une route carrossable et d'établir une ligne télégraphique d'Allos au lac, de payer à la commune une indemnité de 30.000 francs seulement, tandis qu'ils payent 800.000 francs Fontaine-l'Evêque.
Note (10)
Ce deuxième projet est demeuré également sans résultat, jusqu'à aujourd'hui.

En attendant, l'administration du reboisement a fait améliorer le chemin muletier d'Allos, surtout de Champ-Richard au Laus, a établi autour du lac une route que l'on pourra parcourir en voiture, le jour où les voitures iront au lac.

Il y a, en outre, dans la commune d'Allos et dans la montagne du Laus et de ses dépendances, quelques petits lacs qui sont comme les satellites du lac principal.

Les deux plus petits sont ceux de la Cayolle,
Note (11)  sur les bords duquel les botanistes s'arrêtent volontiers, quand ils font, de ce côté, l'ascension du mont Pelat, parce qu'ils y trouvent plusieurs plantes rares, et celui du Lausson, c'est-à-dire minuscule, dont les eaux sont sans cesse agitées par le vent qui souffle avec violence sur cette hauteur.

Le lac du Cimet, dans la montagne de ce nom, est un rectangle, mesurant environ 250 mètres de longueur et 60 de largeur.

Enfin, j'ajoute à cette énumération le lac de l'Encombret,
Note (12)  quoiqu'il appartienne à la commune de Colmars, parce qu'il est non loin des Tours du Lac d'Allos; il est de forme ronde, et sa superficie est d'environ 400 mètres.

 

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Table des Matières

(1) En 1885, j'ai été témoin, à Allos, d'un phénomène d'acoustique qu'il y a lieu de rappeler ici.
Une batterie d'artillerie tirait le canon dans la matinée du 14 juillet.
Après chaque détonation, les vibrations sonores suivaient, en s'élevant, la chaîne circulaire des montagnes et dissipèrent promptement les nuages qui annonçaient un orage.
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(2) Vers inédits de Victor Hugo.
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(3) Guide de l'Alpiniste dans la vallée de l'Ubaye, 1898.
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(4) On pourrait même dire, à cause de la rigueur du climat, car la neige, qui couvre la terre pendant près de la moitié de l'année, contribue à sa fertilité.
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(5) L'avoine offre plusieurs avantages appréciables :
1° Elle a la vertu de détruire les mauvaises herbes dans les champs où on la cultive pendant deux ou trois années consécutives;
2° Elle ne craint pas les intempéries de l'air lorsqu'elle sort de terre;
c'est ue plante des pays froids;
3° On la convertit en gruau , nommé avena, avec lequel on fait un potage que Franklin préférait à tout autre et une crème excellente pour les malades.
Plusieurs propriétaires cultivateurs d'Allos préparent du gruau d'avoine pour le commerce.
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(6) Notice sur la Flore de la vallée de l'Ubaye.
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(7) Papon dit que le lac d'Allos est le plus grand lac de Provence.
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(8) "La région dans laquelle se trouve ce bassin naturel est caractérisée par le plissement intense des assises constitutives du sol; celles-ci sont ployées en une série de plis aigus, tous plus ou moins déversés à l'ouest, c'est-à-dire isoclinaux.
Le lac est situé dans une dépression correspondant à un synclinal, c'est-à-dire à un pli concave.
Deux anticlinaux ( plis convexes ) la limitent au nord-ouest et au sud-est."
(Note sur la Structure géologique des environs du lac d'Allos, par M. Kilian, professeur de Géologie à Grenoble.).
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(9) Voici ce que dit M. Kilian de cet écoulement :
" L'anticlinal ( de l'ouest du lac ) est constitué uniquement par un bourrelet de conglomérats nummulitiques...
L'écoulement actuel du lac est souterrain...
L'eau traverse dans ce pli, nettement constaté, pour se rendre du lac à la source ( du Chadoulin ).".
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(10) Rapport de M. Périer, ingénieur en chef du département du Var, en date du 10 février 1898.
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(11) Bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes, t.VI, p. 509.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. -
Faune et Flore.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE II

Cours d'eau, lacs et glaciers.-Etude géologique des terrains.

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1.-Glaciers de la Durance, de l'Ubaye, de la vallée de Seyne et de la haute vallée du Verdon.
Dépôts glaciaires à Poussendriou, au Fanguet, à la Rouine, au Bruisset et à Vacheresse. Moraines à Chaumie.


Les glaciers des vallées de la haute Durance, de l'Ubaye, de Seyne et du haut Verdon ont été l'objet d'études sérieuses et intéressantes, depuis quelques années.

"Les dépôts de l'ancien glacier de la Durance, dit M. Haug, prennent, à la hauteur de Gap, une extension énorme; ils s'étendent sur une largeur de plus de 30 kilomètres depuis la vallée du Drac jusqu'aux environs de Gigors et de Turriers...

"Les dépôts erratiques de la Bréole et de Pontis doivent être sans doute rapportés au glacier de l'Ubaye qui se déversait dans celui de la Durance...

"Les flancs de la vallée de la Blanche, aux environs de Seyne, sont plaqués de puissants dépôts de graviers à gros éléments non calibrés, d'argiles à blocaux, de boues glaciaires...

"Le massif des Trois-Evêchés porte encore, à l'heure actuelle, sur son flanc septentrional, dans le haut de la vallée du Laverq, un glacier, réduit il est vrai à sa plus simple expression.
C'est, en dehors de la haute Ubaye, le seul glacier qui se soit conservé dans le département des Basses-Alpes."
Note (1)

Les études géologiques faites en ces derniers temps à Allos, par M. Kilian, ont constaté l'existence de dépôts glaciaires en aval de la Sestrière, au premier tournant de la route nationale qui s'élève en serpentant jusqu'au col d'Allos; aux quartiers du Fanguet et de la Rouine, près du Seignus-Bas; au Bruisset et sur les plateaux supérieurs de la forêt de Vacheresse, jusqu'au pied de Prachastel.

Ces dépôts sont évidemment les restes des moraines déposées par les anciens glaciers qui remplissaient la haute vallée du Verdon et les vallons de Bouchiers et de Chadoulin.

M. Kilian m'écrivait, en 1899 :
"Il y a eu là ( à la source et dans le vallon de Chadoulin ) , incontestablement, un glacier à une époque donnée, mais ces traces ne se voient que sur le dos d'âne de Vacheresse."

Il y a eu également des glaciers à Bouchiers et dans le haut Verdon.

Le glacier de Bouchiers a pu joindre ses moraines avec celles du glacier de Chadoulin, sur le dos d'âne de Vacheresse.

Enfin nous avons des vestiges du glacier du Verdon :
sur la rive gauche de cette rivière, au pied de la montagne de Poussendriou;
sur la rive droite, au Fanguet et à la Rouine,
et, plus loin, les moraines en amont de Colmars, au-dessous de la carrière de marbre de Chaumie.
Note (2)

Ces masses énormes, mises en mouvement par la fusion de leur partie inférieure et par leur propre poids, descendaient comme les glaciers du bassin de la haute vallée de la Durance, qui ne s'arrêtèrent qu'à Sisteron, et comme descendent encore aujourd'hui ceux de Suisse.
Ils entraînaient avec eux des rochers, des débris de toute sorte; et ils ont déposé dans les vallées des limons fertiles, à une époque où l'homme, d'après les géologues, n'avait pas encore fait son apparition dans la création.

2.-Etude des terrains; le jurassique supérieur au hameau de Bouchiers, à Clignon, entre Allos et Seyne.

Mes compatriotes me reprocheraient une omission regrettable, s'ils ne trouvaient pas dans l'histoire d'Allos quelques notions géologiques sur la structure de nos montagnes et la nature des terrains de nos vallées.

Indépendamment de l'intérêt historique qu'offre cette étude, elle fournit aux habitants des renseignements utiles sur la salubrité ou l'insalubrité du sol et des habitations, sur l'agriculture, etc..
Elle nous apprend, notamment, qu'un sol abondamment siliceux est généralement salubre; que les sols argileux, au contraire, sont suspects, parce que leur humidité facilite les fermentations malsaines; mais qu'ils sont très fertiles, et que les roches calcaires (craie, gypse, marbre, calcaires noirs, etc. ) , tenant le milieu entre la silice ( silex, sable, quartz ou cristal de roche ) et l'argile, sont plus ou moins saines, selon qu'elles sont plus ou moins compactes, etc.

"Les explorations que j'ai faites cette année, disait en 1896 M. Kilian, professeur de géologie à l'Université de Grenoble,
Note (3) m'ont permis de terminer l'étude d'une région montagneuse peu connue des touristes et moins encore des géologues; il s'agit des massifs compris entre les sources de la Bléone et celles du Var ( bassin du Verdon ) ...
Cette portion des Basses-Alpes dont nous parlons ici présente une structure fort intéressante."

Les divers terrains sédimentaires qui forment le sol et le sous-sol du territoire d'Allos se sont formés pendant les périodes secondaires et tertiaires des ères géologiques.
Note (4)
Il n'existe pas, dans la région, de formations éruptives.

Les explorations scientifiques de M. Kilian ont classé ces terrains dans les systèmes ou périodes jurassique et crétacé de l'ère secondaire et dans les systèmes éocène et oligocène de l'ère tertiaire.

Le terrain jurassique est le plus ancien des terrains secondaires de notre vallée, et ses assisses sont les plus profondes que l'on connaisse dans les environs d'Allos, mais l'espace qu'il y occupe a peu d'étendue.

Il affleure en amont du hameau de Bouchiers sous forme de calcaire jurassique supérieur, correspondant aux étages kiméridgien et séquanien, et de marno-calcaires et marnes, représentant les groupes rauracien et oxfordien.

Ces étages, formés des terrains de même âge que ceux de l'ancienne Sequanie , bassin de la Seine; de Kimmeridje et d'Oxford, villes d'Angleterre, etc.., appartiennent à la série oolithique, ainsi nommée à cause des petits grains calcaires à couches concentriques semblables extérieurement, dit Focillon, à de petits oeufs de homard, qu'elle renferme fréquemment dans le bassin anglo-parisien, mais qui font ici défaut.
Le plus ancien des terrains jurassiques de Bouchiers est l'Oxfordien marneux, de teinte foncée, à Ammonites (Perisphinctes rota ).

"Au milieu de cette région à structure isoclinale, l'érosion a mis à nu plusieurs bombements ou dômes isolés (ravin de Bouchiers , Clignon ) d'allure très tranquille.
Le Crétacé supérieur y est réduit ou complètement enlevé par l'érosion, et les assises néocomiennes et même oxfordiennes, près de Bouchiers, s'y montrent ployées en dômes très surbaissés, à contours elliptiques, alors que les couches tertiaires qui les surmontent offrent la structure isoclinale la mieux caratérisée...

"La région est limitée à l'ouest par une crête continue de calcaires jurassiques supérieurs. ( Crête des Dourbes, du Vernet, de Seyne, etc..)"
Note (5)

L'auteur des Chaines subalpines
Note (6) fait remarquer que, dans les Basses-Alpes, les calcaires du jurassique supérieur forment les crêtes saillantes plus ou moins blanches, comme celles des Dourbes, qui ferme à l'est, l'horizon de Digne, et que, dans le massif de Seyne à Saint-Vincent, ils sont couverts par des éboulis.

C'est à Bouchiers qu'affleure l'Oxfordien, sous forme marno-schisteuse, en amont de l'endroit appelé l'Abéouraïré, sur la rive droite du cours d'eau qui a donné son nom au hameau.
Les assises de cet étage sont les plus profondes que l'on connaisse dans le territoire d'Allos.
Leur altitude, comme celle des crêtes jurassiques, entre Allos et Seyne, ne peut s'expliquer que par les bouleversements géologiques ( oscillations, soulèvements, dislocations, etc..).

3.-La carrière de pierres à tailler, au pied de la Côte-Haute, Saint-Pierre, etc..,
appartiennent au crétacé inférieur aptien; la mer occupait alors nos contrées.
Le fond des vallées du Verdon, de Chadoulin, de Bouchiers et les versants inférieurs de ces vallées sont des roches calcaires..

Les terrains secondaires du système crétacé, superposés à ceux du système jurassique, occupent un espace beaucoup plus étendu.

En effet, les versants inférieurs et le fond des vallées du Verdon, de Bouchiers et de Chadoulin, ainsi que les principaux massifs de nos montagnes, sont formés de roches calcaires et marno-calcaires.

Le Crétacé inférieur est représenté par ses étages :
Le Barrémien, l'Aptien et le Néocomien.

Le Barrémien est bien caractérisé dans les calcaires gris marneux, entre le Fanguet et la Vallaou et sur la rive droite de Bouchiers, entre ce cours d'eau et le bois de Vacheresse.
M. Kilian y a trouvé des fossiles caractéristiques.

L'Aptien est assez développé à Bouchiers, à la chapelle de Saint-Pierre, au pied de Rochegrand et surtout à la carrière de pierres, à l'est de la route d'Allos à Colmars, entre Notre-Dame de Valvert et la Bastide.
Les roubines entre Allos et Montgros, appelées Barra Negra , sont des Schistes noirs de l'Aptien et du Gault, ou Argile pour les tuiles.

Le Néocomien se fait remarquer par les roches fossilifères contenant des traces de mollusques céphalopodes; Ammonites et Bélemnites.

"Il est aussi puissant et aussi complet dans l'est du département (Seyne, Mariaud, Colmars, Allos, etc..) que dans les contrées classiques de Barrême et de Sisteron......
La limite extrême de ses affleurements , du côté du nord-est, se trouve, d'après les connaissances actuelles, aux environs du Lauzanier et d'Allos, où le Néocomien supérieur à Ammonites infundibulum, Crioceras hammatoptychum, Bélemnites grasianus et Criocères se présente sous forme de calcaires noirâtres à veines spathiques...

"Les dépôts néocomiens sont particulièrement uniformes dans les environs d'Allos et de Colmars, où les divers étages, du Valanginien à l'Aptien, ne peuvent être distingués que par la présence de rares céphalopodes." (M. Kilian.)

Il y a du Valanginien sur le versant oriental du Verdon, entre Allos et Clignon, au quartier de la Chapellenie.

Enfin le même auteur, après avoir fait remarquer le type vaseux et marno-calcaire, ainsi que la teinte foncée des formations crétacées de Seyne à Saint-Vincent, à Ubaye et à Pontis, conclut en ces termes, et l'importance de sa conclusion n'échappera pas à mes lecteurs :
"Cette constatation, jointe à la découverte faite par M. Haug et par nous, en 1888, du même horizon , près de Colmars et d'Allos, recule notablement vers l'est la limite jadis attribuée à la mer du crétacé inférieur et fait voir qu'une grande partie des Alpes françaises, au sud et au sud-est du Pelvoux, était alors occupée par les eaux marines."
Note (7)

Rochegrand, Rochecline et autres roches dures sont des escarpements en calcaire du Crétacé supérieur, surmontés au sommet par du calcaire à Nummulite et du Flysch gréseux; le mont Pelat, le Cheval-de-Bois, Valdemars et autres roches plus ou moins friables sont formés de Flysch argilo-calcaire.

Le Crétacé supérieur est représenté par presque tous ses étages :
le Sénonien, le Turonien et le Cénomanien.
Note (8)

Il y a du Sénonien à Valplane, dans les forêts du Seignus, aux Gays et sur les bords du Verdon, en aval de la Foux.
Au lac d'Allos, des assises sénoniennes entourent un noyau anticlinal (pli convexe) de calcaires blancs cristallins,
Note (9) probablement un peu plus ancien.

On reconnaît le Cénomanien à la Baume et dans les marno-calcaires du sud du plan de Montgros.

4.-Roches de l'ère tertiaire à Montgros, au Cheval-de-Bois, à Talon, au Vallonnet, au mont Pelat, à Monier;
grès d'Annot au fond du lac; il forme deux îlots.


Les terrains tertiaires, composés principalement de grès, de sable, d'argile et de marnes plus ou moins calcaires
Note (10) et superposés aux terrains secondaires crétacés, comme ceux-ci le sont aux terrains secondaires jurassiques, sont représentés, dans notre territoire, par les systèmes éocène et oligocène.

Le terrain éocène, se montre :
au nord d'Allos, à Talon, au Cheval-de-Bois, au flanc de Rochegrand, jusqu'à Montgros; du côté de l'est, à la montagne de Monier; autour du lac, à la Cayolle, au mont Pelat et au Vallonnet.
Dans tous ces points, il est représenté par son facies nummulitique.

"L'étage est réduit à des conglomérats grossiers à petites Nummulites et très nombreux galets de Felsophires que surmonte au mont Pelat, une série de schistes et de dalles gréso-calcaires, à Chondrites Targionii Brongn, etc.." (M.Kilian.)

Presque toujours, à côté ou au-dessus du terrain nummulitique, se trouve le Flysch calcaire qui affleure à Tête-Noire, à Valboyère, à Valdemars, à Autapie et aux environs de la Foux, où il est noir et constitué par des schistes feuillettes, intercalés entre des couches marno-calcaires et les grès d'Annot.

Dans les terrains tertiaires qui surmontent le Crétacé, il y a des Nummulites, que nous avons remarquées au sommet de Rochegrand, de Rochecline, etc..
"On observe au lac d'Allos, dit encore M. Kilian, un conglomérat à galets de roches éruptives et petites Nummulites...
Au nord, on voit le Nummulitique se transformer peu à peu en puissante formation de calcaires marneux; les Nummulites y deviennent rares."

Dans la vallée du Verdon, comme dans la vallée de l'Ubaye, on ne distingue parfois que très difficilement le Flysch calcaire du Flysch gréseux (silex et argile), qui se fait remarquer, au col d'Allos, à la Sestrière, etc.. " par la douceur des pentes et la fertilité des vallons". (Elisée Reclus.)

M. Kilian nous fait connaître les terrains oligocènes de notre région dans quelques récentes publications,
Note (11) où il s'occupe en particulier des plis de ces terrains formant un faisceau amigdaloïde au mont Pelat et, de là, se continuant :
au nord, dans les flancs de Siolane et de Morgon, dans la vallée de Barcelonnette, et, au sud, jusqu'à Annot.

"L'Oligocène est représenté dans une grande partie de la région par les Grès d'Annot, véritables poudingues ( à Allos)..."
A l'est, règne un sytème de plis isoclinaux et déversés vers la France, se pressant les uns contre les autres, dans la région orientale, et s'empilant parfois (mont Pelat) d'une façon remarquable, en s'infléchissant fortement vers le sud-est.
Ils forment là de véritables faisceaux, et quelques-uns d'entre eux seulement (mont Pelat) se continuent au nord et vont passer sous les masses de recouvrement des Siolanes et de Morgon dans l'Ubaye.
Les plus occidentaux d'entre eux se poursuivent, au sud, vers Allons et Annot...
Aux alentours de la cuvette du lac..., les grès siliceux dits Grès d'Annot, appartenant au terrain oligocène inférieur et contenant des intercalations de poudingues également siliceux, ont une teinte grisâtre sur les cassures fraîches, mais prennent par l'exposition à l'air une couleur rose ou brunâtre...
Parfois,comme dans l'emplacement du lac, au nord-est de celui-ci et près du col de l'Encombrette, l'élément argilo-schisteux vient à dominer dans la partie supérieure de cet étage, et les grès ne forment alors que de minces bancs à texture fine, au milieu de schistes d'un brun noirâtre (Flysch gréseux).
Plus au nord, cette transformation est complète,et il est probable qu'une notable partie du Flysch gréseux de l'Embrunais correspond à cette assise.
Note (12)

"Les Grès d'Annot sont très developpés tout autour du lac d'Allos :
ils le bordent au nord, au nord-est et au sud-ouest, et forment une grande partie de son fond, ainsi que le montre la constitution de deux îlots visibles vers le milieu du lac.
Ces mêmes grès constituent les montagnes des Tours...et le Pas-du-Lausson.
On les retrouve à l'ouest (Tête-de-Monier) et au sud-ouest (Tête de Valplane)...

"Les terrains que nous venons de décrire offrent, dans la région du lac, la disposition suivante :
Ils forment une série de bandes, nord-est-sud-ouest, alternativement synclinales (plis concaves) et anticlinales (plis convexes), les assises les plus anciennes constituant les bandes anticlinales et les couches les plus récentes étant repliées dans les bandes synclinales (plis concaves)."

5.-Soulèvement des Alpes; retrait de la mer.

Pendant l'ère tertiaire, la terre continue à se séparer des eaux. (E. Cartailhac.)
La mer, qui couvrait encore les Alpes vers la fin de l'ère secondaire, tend à rentrer dans les limites qu'elle a aujourd'hui.

Le soulèvement des Alpes a lieu après celui des Pyrénées.
Note (13)
Ainsi, peu à peu, la terre se prépare pour recevoir l'homme qui doit régner en maître à sa surface (De Lapparent ) , après les multiples extensions glaciaires de l'ère quaternaire.

6.-Moyen de connaître les sous-sols des terres arables.

Je termine cette étude sommaire du sol et du sous-sol du territoire d'Allos comme je 'avais commencée, en faisant remarquer comment elle peut être utile aux cultivateurs et aux propriétaires observateurs.
Pour connaître une terre arable, il ne suffit pas d'étudier la couche superficielle; il faut aussi étudier le sous-sol.

"On comprend, en effet, que ce sous-sol, suivant qu'il est de même nature ou d'une nature différente du sol, qu'il est perméable ou imperméable, peut augmenter ou corriger les qualités et les défauts de la couche arable qu'il supporte". (Joigneaux.)

Or, la terre végétale et le sous-sol qui la supporte sont presque toujours le résultat de l'effritement et de la décomposition des roches environnantes.
L'étude géologique de ces roches est donc pour les agriculteurs intelligents un des meilleurs moyens pour connaître la nature de leurs terres et les amender, soit avec de la marne, soit par d'autres mélanges de terres et par des engrais.

Ainsi les terrains situés près du Riou, en amont du Villaes-Bas, et ceux du quartier des Bayles sont très argileux, surtout dans leurs parties concaves et au bord des ravins; leur surface est dure, et la charrue y soulève beaucoup de mottes que la herse est impuissante à briser, parce que ces terrains sont formés par l'effritement de la colline argileuse des Becs.
Pour rendre lesdites terres plus fertiles et d'une culture plus facile, il faudrait en augmenter les parties marneuses et calcaires qu'elles contiennent, par exemple, en faisant brûler sur le sol les racines des plantes avec les mauvaise herbes et en y semant des débris de maçonnerie.

 

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Table des Matières

(1) Chaines subalpines, par M. Haug , pp. 146 et 148.
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(2) En 1843, deux intrépides explorateurs, Agassiz et Desor, reconnurent que le glacier de l'Aar, canton de Berne, à 2700 mètres d'altitude, descendait en moyenne de 75 mètres par an; mais la descente est beaucoup moins lente, à une altitude inférieure.
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(3) C'est grâce à l'obligeance de ce savant professeur que j'ai pu étudier les terrains d'Allos au point de vue géologique, et je lui en exprime ici toute ma reconnaissance.
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(4) Les géologues n'ont pas trouvé, chez nous, des terrains appartenant à l'ère primaire.
J'ai déjà parlé de l'époque quaternaire, en disant qu'il y a eu des glaciers à Allos et que l'on trouve encore en différents endroits des vestiges de leurs moraines ou dépôts.
Cette époque, en effet, est caractérisée par un changement atmosphérique extraordinaire et par plusieurs phase successives d'extensions des glaciers.
De grandes nappes de glace couvrirent, à certains moments, une partie de l'Europe, et leur actio, réfrigérante modifia le climat de la France en particulier.
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(5) M. Kilian.
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(6) M. Haug, maître de conférences de géologie à la Faculté des sciences de Paris.
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(7) Bulletin de la Société géologique de France, III° série , t. 23 , pp. 771-772.
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(8) Il y a donc à Allos, des terrains de même âge que ceux de Sens ( Senones ), du Mans (Cenomanum ).
Il y a également, chez nous, le Barrémien, l'Aptien, le Néocomien, le Valenginien, l'Hauterivien, etc..., dont les types sont :
Barrême, Apt, Neufchâtel (Neocomum), Vallingin en Suisse, etc...
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(9) Les terrains qui se trouvent aux alentours de la cuvette lacustre sont les suivants, d'après leur ancienneté :
Des calcaires sénoniens (crétacé supérieur), d'un gris clair, en dalles irrégulières, avec parties massives, blanchâtres ou noirâtres, et (vers la Petite Cayolle) d'une teinte lie de vin.
Ils affleurent au nord du lac, à quelque distance, où ils constituent, en partie, le sommet du mammelon connu sous le nom de Tête-Ronde.
A l'est du lac, ils forment une bande anticlinale étirée, allant du Pas-de-Lausson vers le sud-ouest, en traversant l'extrémité sud du lac, où ils émergent en un petit îlot blanchâtre.
Au sud de ce point, existe un affleurement de calcaire blanc massif, dans lequel nous avons observé des traces de belemnitidés (Belemnitella ?)".
(Note sur la structure géologique des environs du lac d'Allos -1897-, par M. Kilian.).
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(10) Ces marnes sont quelquefois surchargées de carbonate de chaux et elles deviennent alors des calcaires plus ou moins durs.
On rencontre aussi fréquemment dans d'autres régions, dans le terrain tertiaire, des calcaires très compacts pénétrés de silice (qu'on nomme calcaire siliceux), et de véritables roches de silice vacuolaire que l'on distingue sous le nom de silex meulière (meules de moulin). (Ad.F.).
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(11) Documents pour servir à la Géologie des Alpes françaises.
Constitution géologique des massifs de la Haute Bléone, du Haut Var.
Notice explicative sur la feuille de Digne de la Carte géologique de France
.
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(12) M. Léon Bertrand est arrivé à la même conclusion pour la région des Alpes-Maritimes.
Nous avons, M. Haug et moi, adopté pour le bassin de l'Ubaye la même interprétation. (Kilian.).
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(13) Les Pyrénées, dit M. Cartailhac, surgirent à la fin de l'éocène; les Alpes, à la fin du miocène.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. -
FAUNE ET FLORE.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE III

FAUNE ET FLORE.

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1.-Faune ancienne d'Allos : Ammonites, Bélemnites, Nummulites, etc.
Les animaux et les végétaux étant les principales ressources et la vie de nos montagnes, il convient que mes lecteurs trouvent ici quelques notions sur la Faune et la Flore d'Allos.

Commençons par la partie la plus ancienne de la Faune : les Fossiles.
Les restes des animaux enfouis sous le sol, les inscrustations de leurs débris, leur empreinte, etc.,
"ne sauraient nous être indifférents, nous dit un de nos plus savants compatriotes.
Bien que, comme matière, ils ne nous disent plus rien, ils n'en doivent pas moins être considérés comme les dates, les inscriptions et les chartes des temps antérieurs...
Ils sont pour nous l'histoire matérielle des siècles qui ont précédé l'histoire écrite; ce sont ces restes qui servent aux géologues à fixer les époques, à caractériser les terrains et à distinguer les couches par la nature même de leur composition.

"Ces fossiles ou pétrifications sont si abondantes dans notre département que, sous ce rapport, il peut être considéré comme un des plus riches."
Note (1)

La haute vallée du Verdon n'est pas très riche en fossiles, il est vrai, comme Castellane,
Note (2) et d'autres régions bas-alpines, mais elle n'en est cependant pas dépourvue.
Il y a, en effet, des Mollusques céphalopodes, des Ammonites, des Bélemnites et des Nummulites.

On trouve des Mollusques céphalopodes dans les dépôts de terrains néocomiens des environs d'Allos et de Colmars.
Ces Mollusques jouent un rôle important dans les études géologiques, selon l'expression d'un auteur contemporain, même quand on ne trouve pas dans les rochers les coquilles qui les enveloppaient, mais seulement leur moulage, c'est-à-dire la partie intérieure de ces coquilles remplie d'une matière minérale qui reproduit la forme de ces animaux.

Les coquillages fossiles nommés Ammonites, à cause de leurs spirales, qui ressemblent aux cornes de Jupiter Ammon, faux dieu des Egyptiens, et les Bélemnites, ainsi appelées parce qu'elles ont la forme d'un trait, se trouvent dans les terrains néocomiens d'Allos, de Colmars, de Mariaud, de Seyne, etc.; mais M. Kilian fait remarquer qu'ils y sont plus rares que dans les contrées classiques de Barrême et de Sisteron.
J'ai déjà dit, d'après le même auteur, que la limite extrême des affleurements du même terrain est aux environs d'Allos et du Lauzanier (Larche) , où le Néocomien supérieur à Ammonites infundibulum, Belemnites grasianus et crioceras, se présente sous la forme de calcaires, etc.
On voit aussi des traces de Bélemnites au sud du lac d'Allos.

Enfin, les fossiles connus sous le nom de Nummulites, parce que la carapace ou cuirasse qui les recouvre ressemble à une pièce de monnaie appelée en latin nummus, existent dans les terrains tertiaires en maints endroits de notre territoire, aux alentours du lac, où elles sont de petite dimension, près du mont Pelat, sur Rochecline et Roche-grand.

"Les montagnes entourant la vallée du Verdon sont, pour la plupart, coiffées d'une calotte de nummulitiques, témoin d'un recouvrement général.

"Dans les environs de Colmars et d'Allos, le nummulitique repose le plus souvent sur les calcaires à Inocérames Sénoniens ; mais, en d'autres points, il repose sur le Cénomanien et sur l'Aptien, ainsi que M. Kilian et moi nous avons pu nous en assurer en septembre 1888."
Note (3)

Enfin, les mêmes géologues ont constaté l'existence, dans notre territoire et en quelques autres régions montagneuses, de Nummulites très rares dans les Alpes.
"Il faut noter, disent-ils, la présence, aux Séolanes, au Mourre-Haut, au Gerbier et près de la Cabane de Talon, de couches à grandes Nummulites (N. perforata) inconnues dans cette partie des Alpes et plus anciennes que les calcaires à Nummulites des Hautes-Alpes et des environs même du Lauzet.
Ces couches ne se retrouvent que sur le versant italien du côté de Demonte."
Note (4)

Tels sont les fossiles que l'on trouve à Allos, précieux vestiges de notre ancienne Faune,rares témoins des ères géologiques, que le docteur Honnorat appelle dates, inscriptions et chartes des siècles qui ont précédé l'histoire écrite et la création de l'homme.

2.-Faune actuelle : poissons, animaux domestiques. Animaux sauvages mammifères.

Quoique notre Faune actuelle n'offre rien de particulier, dit encore l'érudit docteur, elle ne doit pas être négligée; ce serait une lacune dans notre histoire."

Il ajoute que, "dans le lac d'Allos, il existe, sinon des espèces particulières de Truites, du moins des variétés fort remarquables qui diffèrent beaucoup de celles du lac du Lauzanier et de celles des rivières."
On les divise en Truites saumonées et non saumonées.
Celles qui ressemblent au saumon, le roi des poissons d'eau douce, ont la tête plus petite, en forme de coin, et les côtés parsemés d'un plus grand nombre de taches.

On pêche les unes et les autres à la ligne, au fusil et avec différents filets.
Pendant l'hiver, les pêcheurs percent la couche de glace qui couvre le lac, et ils font passer les filets par cette ouverture.
Il y a aussi des Truites dans le Verdon, Chadoulin et Bouchiers; celles de ce dernier cours d'eau sont les plus recherchées.

Sur les bords du Verdon, nous trouvons la Loutre, Luria, que l'on a appelée un représentant aquatique de la famille des Martres, des Belettes, etc.
Son poil, qui est estimé pour les fourrures, a la propriété de certains oiseaux aquatiques :
il ne s'imprègne pas d'eau, tant que l'animal est vivant.

La Loutre se nourrit surtout de poissons, et sa chair est un mets maigre.

Les animaux domestiques, que je me contente de nommer, sont les Chevaux, les Mules et Mulets, les Poules, etc.

Parmi les animaux sauvages mammifères, on remarque :
le Chamois, le Renard,
Note (5) la Marmotte, le Blaireau, le Lièvre, l'Ecureuil, la Martre, la Fouine, la Belette, la Taupe, le Mulot, etc.

Le Chamois est semblable à la Chèvre, mais ses jambes sont plus longues et il est d'une agilité extraordinaire.
Il habite les hauteurs, et de préférence les lieux inaccessibles.
C'est là que les chasseurs tâchent de la surprendre.
"Les Chamois vivent en société sur les montagnes de Barcelonnette, d'Allos, de Prads, de Colmars, etc."
(Docteur Honnorat.)

Le Renard, que l'on pourrait nommer Chien sauvage, est l'emblème de la ruse et de la finesse.
Il se nourrit de Lièvres, de Lapins, de Taupes, de Mulots, d'oiseaux de toute espèce, et les poulaillers où il peut s'introduire sont bientôt dépeuplés.
Il est donc plus nuisible qu'utile, et c'est pourquoi on lui fait une guerre d'extermination.

La Marmotte, en espagnol et en provençal Marmota , est de la famille des rongeurs.
Elle entre dans son terrier vers la fin du mois de septembre et y demeure pendant sept ou huit mois.
Elle se replie sur elle-même et demeure là, engourdie, vivant de sa propre graisse, qui se consume lentement, et ne faisant un peu de mouvement que lorsque la lune se renouvelle.
La chaleur du printemps la fait sortir de sa longue léthargie, et bientôt elle fait entendre ses sifflements aigus.

Le Blaireau ou Tesson a quelque ressemblance avec l'Ours et le Cochon.
Il rend des services à l'agriculture en détruisant les Hannetons, les Guêpes et beaucoup d'insectes, mais il se nourrit aussi de fruits et il dévore les oeufs des oiseaux.
On se demande cependant si ces dégâts justifient la loi ou règlement du 1er germinal an XIII, qui traite le Blaireau comme un animal nuisible.

Le Lièvre est timide et inoffensif.
Ordinairement, il dort dans son gîte pendant le jour et il se promène pendant la nuit.
C'est à l'occasion de ses courses nocturnes qu'il peut faire quelques dégâts dans les campagnes; mais il n'est pas malfaisant et, si on le tue, c'est comme gibier recherché.

L'écureuil est un petit rongeur, très commun dans nos montagnes, qui construit son nid au sommet d'un arbre élevé, et si ingénieusement qu'il préserve ses petits de la pluie. ( Docteur Honnorat.)
Il a le tort de manger les oeufs et même les petits des oiseaux.

La Martre et la Fouine ne diffèrent que par la couleur du poil qu'elles ont sous la gorge.
Ce poil est blanc chez la Fouine, et jaune chez la Martre.
L'une et l'autre dévorent le menu gibier et dépeuplent les basses-cours.

La Belette, au contraire, détruit le Mulot et autres animaux nuisibles.

La Taupe dévore également beaucoup de petits insectes nuisibles.
Si elle contrarie les agriculteurs en creusant des galeries dans le sous-sol, comme les Mulots, elle fait, en même temps, un drainage utile et dont bénéficieront les futures récoltes.
Ces petits rongeurs ne sont donc pas toujours malfaisants.

3.-Oiseaux de proie. Oiseaux qui émigrent et ceux qui n'émigrent pas. Petits oiseaux. Reptiles.

Ajoutons quelques notions sommaires sur les oiseaux sauvages, qu'il faut diviser en deux classes :
ceux qui habitent constamment chez nous et ceux que nous ne voyons que pendant la belle saison.
(Docteur Honnorat.)

L'Aigle établit son nid dans les anfractuosités des rochers de nos plus hautes montagnes, où, malgré sa vigilance et la puissance de ses serres, des chasseurs s'emparent quelquefois de ses petits.

Il est, avec le Faucon, la terreur des Poules, qui, en les voyant fondre sur elles, jettent un cri d'effroi et se cachent dans les buissons.

L'Epervier est également rapace, mais plus petit, puisqu'on donne en général ce nom à toutes les petites espèces du genre Faucon.
(Docteur Honnorat.)

La Pie, comparable à l'Epervier par sa voracité, fait de tout sa nourriture.
Elle est criarde, querelleuse, et on l'accuse d'être voleuse.
Elle n'émigre jamais, et elle rend des services à l'agriculture en dévorant beaucoup de petits animaux nuisibles.

Le Geai, criard comme la Pie, se nourrit surtout de graines, d'insectes et de baies de fruits.
Il ne marche qu'en sautant, comme quelques autres oiseaux.

Le Corbeau, solitaire et vorace, se nourrit de fruits et de petis animaux nuisibles ou utiles jusqu'à la grosseur des Levrauts (Joigneaux) ; mais sa nourriture de prédilection est la chair des cadavres.
Comme la Pie et le Geai, le Corbeau n'émigre jamais.

Le Faisan, que l'on trouve dans les forêts d'Allos, particulièrement à Valsibière, n'est pas le Faisan proprement dit que les Grecs, revenant de la conquête de la Toison d'Or, rapportèrent des bords du Phase, d'où vient le nom de Faisan qu'il faudrait orthographier autrement; c'est le Coq de bruyère ou petit Tetras, nommé Faisan de montagne dans la Haute Provence.

La Perdrix blanche ou Lagopède, que l'on rencontre à Allos, à Colmars, à Barles, à la Colle-Saint-Michel, porte le nom de Gealabra, parce que ce gallinacé habite les montagnes les plus froides.
Le nom de Perdrix blanche ne lui convient bien qu'en hiver, car, pendant l'été, son plumage est presque tout gris.
(Docteur Honnorat.)

Le Pivert ou Pic-Vert, en provençal Picatas, est un oiseau à plumage vert et jaune, dont la langue longue et visqueuse saisit facilement dans les troncs d'arbres les insectes qui y sont cachés.
Lorsque le Pivert a frappé d'un coup de bec un côté de l'arbre, il se transporte lestement sur le côté opposé pour ne pas laisser échapper les insectes qui vont en sortir.

Le Pigeon ramier (Pigeon favart) vit dans nos bois à l'état sauvage.
Il est beaucoup plus gros que le pigeon ordinaire.
On remarque son nid au sommet des mélèzes, dans les forêts d'Allos.

Disons enfin que la tribu nombreuse des petits oiseaux, comme les appelle M. Joigneaux
Note (6)   dans son excellent Livre de la ferme, n'est pas la partie la moins utile, ni la moins intéressante de notre faune, cum rerum natura nusquam magis quam in minimis, tota sit. (Pline, lib. XI, c. 2. )

Les Hirondelles, dit-il et les Gobe-Mouches font pendant le jour, autour de nos habitations, la même chasse incessante que les Chauve-Souris pendant la nuit....
Ces oiseaux prennent les insectes au vol....

"La grande division des oiseaux appelés Becs-fins détruisent une quantité incroyable d'insectes.
Ce sont les Bergeronnettes, les Rouge-Queues, les Rouges-Gorges, les Rossignols, les Fauvettes, les Roitelets, etc.

"Ces innocents petits oiseaux purgent nos jardins, nos près et nos bois des ennemis de nos cultures et remplissent nos bosquets de leur chant gracieux et varié.
Presque tous nous quittent pendant la mauvaise saison, lorsque le manque d'insectes les force à émigrer vers le sud; il ne nous reste que le Roitelet, le Rouge-Gorge, le Grimpereau, etc...
Note (7)
La disparition des insectes parfaits,pendant l'hiver, pousse les insectivores qui nous restent à la recherche des oeufs et des larves engourdies....
"Si on voit les Mésanges grignoter les bourgeons dans les vergers, que l'on ne s'effraye point :
le plus souvent, c'est que le bourgeon renferme de petites larves.
Note (8)

"Les Alouettes, quoiqu'en partie granivores, sont très friandes d'insectes.
Elles détruisent une quantité de cécydomies (mouches de Hesse) et de larves d'élatérides (taupins), ces deux fléaux du blé.
Les Grives et les Merles sont de grandes Fauvettes; elles en ont le chant et la nourriture....

"Il faut encore recommander comme grands destructeurs de larves deux oiseaux plus grands, la Huppe et le Coucou.
Le dernier a pour mission, ainsi que le rappelle le docteur Turrel, de se nourrir de grosses chenilles velues que peu d'autres oiseaux peuvent digérer, et l'on prétend qu'il en détruit cent soixante-dix par jour.

"Les petits oiseaux nommés en général Gros-Becs et granivores vivent, la plupart, de semences, de plantes sauvages ou de graines cultivées tombées à terre qui, sans eux, resteraient sans emploi, et ces oiseaux sont presque exclusivement insectivores dans leur jeune âge.
Paix donc aux Chardonnerets, Linottes, Pinsons, Becs-Croisés.....

"Les Moineaux, qui sont partout les compagnons de l'homme, sont sans doute incommodes lorsqu'ils dévalisent nos cerisiers, nos petits pois ou les céréales semées trop près des habitations; mais, d'un autre côté, on a constaté le nombre étonnant de chenilles et autres insectes nuisibles qu'un Moineau porte à ses petits, pendant les trois ou quatre couvées qu'il élève dans l'année....

"L'Etourneau est un oiseau précieux, grand amateur de chenilles, de vers et de limaçons.
On ne peut lui reprocher que son goût pour les cerises."

Parmi les reptiles, la Vipère est le seul venimeux que l'on rencontre à Allos et que l'on doive détruire, par conséquent.

Les Couleuvres et les Crapauds sont éminemment uitles pour préserver les jardins des larves et des limaçons.

4.-Flore de la vallée du Verdon. Les forêts de Lambruisse, de Chamatte, de Monier. Les éléments floristiques méditerranéens plus fréquents dans la vallée du Verdon que dans celles de la Bléone et de l'Ubaye.

Il n'est peut-être pas, en France, de vallée dont le développement soit plus complexe et plus inattendu que celle du Verdon.
Note (9)
Le voyageur qui, de la ligne ferrée de Marseille à Grenoble par Veynes, voit, au voisinage de la gare de Corbières, les grèves de la Durance s'étendre vers l'Est, au pied du plateau monotone de Riez, ne se doute pas des surprises qui l'attendraient s'il songeait à remonter la vallée qui se perd dans la Durance au voisinage de Vinon.
Le régime étrange du Verdon s'accuse au delà de Gréoulx; il s'affirme à mesure qu'on en remonte le cours.
Pour être exact, il convient de le dire, on ne le remonte qu'avec des écarts importants, destinés à tourner des difficultés insurmontables.
Si, d'ordinaire, les vallées sont les voies de la civilisation, ce n'est sûrement pas en suivant l'affluent le plus important de la Durance que les maîtres de la Méditerrannée ont imposé leur domination aux habitants de la vallée supérieure du Verdon.
Le géographe qui en suit les méandres pour en connaître le régime va d'étonnement en surprise et se croirait souvent égaré sans les cartes qui le guident.
C'est un dédale hydrographique.

M.Zürcher a bien montré comment s'est formé le relief de la région à travers laquelle les eaux du Verdon ont dû se frayer un lit;
Note (10) il explique cette énorme nappe de déjections miocènes constituant le plateau de Riez, sillonné par les eaux de l'Asse et longé par le cours inférieur du Verdon.
Il montre par quels puissants efforts orogéniques les masses rigides des dépôts calcaires et dolomitiques jurassiques, les masses flexibles des marnes et calcaires marneux jurassiques et crétacés durent se prêter à la nécessité d'occuper une moindre étendue; il établit comment l'effort de striction ralenti, puis arrêté, recommença après le dépôt de nouvelles couches.
Les portions les plus rigides furent faiblement disloquées; elles forment aujourd'hui la zone des Causses.
Les bandes les plus souples, comprimées par les premières, subirent des plissements d'une puissance extrême; après des modifications profondes contemporaines de l'édification définitive du massif des Alpes ou postérieures, elles constituent la zone des Barres.

Les cours d'eau venant des grands massifs, pour se frayer une voie vers la mer, ont emprunté successivement des dépressions d'origine diverse; elles étaient mal raccordées ou ne se raccordaient pas; c'est après un long travail et très varié, suivant la zone qu'ils avaient à traverser, qu'ils ont fini par établir leur cours actuel.

Aucun ne présente, à cet égard, plus de variété que le Verdon.
Le botaniste est, en sa présence, comme le géologue.
Il n'y voit pas une vallée naturelle, mais une série de bassins d'écoulement reliés les uns aux autres.
L'ensemble n'en saurait être étudié d'une manière synthétique par le botaniste, comme les vallées du Var ou de l'Ubaye.
Celle du Verdon est un sillon irrégulier dans les chaînes subalpines et les Préalpes de Provence, qui forment un ensemble tout à fait naturel au point de vue de la géographie botanique.

C'est à Saint-André de Méouilles que le Verdon sort de la zone des Grands Massifs, pour s'insinuer dans la zone disloquée où nous ne le suivrons pas.
Jusqu'à Thorame-Haute encore, il présente une particularité.
Tout porte à croire qu'il suivait jadis la large dépression de Thorame-Haute à la Batie, pour suivre le thalweg de l'Issole et retrouver son lit actuel près de Saint-André; le défilé de Branchaï paraît avoir été creusé tardivement.

En amont de Thorame-Haute, la vallée appartient définitivement au type le plus simple; c'est une vallée synclinale comprise entre la chaîne du Cheval-Blanc, à l'Ouest, et la chaîne à laquelle appartiennent le Cheval-de-Bois (2841 mètres), le Pelat (3053 mètres), les Grandes-Tours (2745 mètres) et la Tête-de-l'Encombrette (2682 mètres).

Cette même portion du cours de la rivière offre aux études du botaniste des conditions comparables.
Elle a une direction générale Nord-Sud; elle subit le même éclairement; elle est exposée d'une manière uniforme aux rayons calorifiques.
Les contreforts qui épaulent les deux chaînes limites ont, au contraire, un versant à l'adrech et l'autre l'ubac; il en résulte de remarquables différences entre ces deux versants.

Le noeud orographique du bassin du Verdon est le massif de Siolane; plus exactement, c'est la fourche comprise entre le pic des Trois-Evêchés et la Sestrière.
C'est la voie qu'avec raison les ingénieurs ont choisi pour établir la route d'Allos à Barcelonnette, profitant de la dépression du col de Valgelaye pour descendre au plus près dans le vallon du Bâchelard.
Les botanistes n'ont pas le même intérêt à remonter le Verdon jusqu'à ses sources.
Le cirque des montagnes qui les dominent, exposé au Sud, a fourni de temps immémorial un abri aux troupeaux, qui peuvent, à conditions égales, s'y élever plus haut et y demeurer plus longtemps qu'ailleurs.
Les arbres en ont à peu près disparu; la flore alpine s'y développe moins que sur d'autres versants, en raison de l'exposition chaude, et elle est appauvrie par le parcours des troupeaux.
Il en est de même de la crête qui se développe de la Sestrière au Cimet et de son versant méridional.
Le vallon du Bouchier, au contraire, et mieux encore le bassin du Chadoulin offrent aux botanistes les observations les plus intéressantes.
Le Cimet et le Pelat dépassent 3000 mètres d'altitude; la chaîne qui sépare le Chadoulin du Var, avec ses beaux lacs, ses crêtes abruptes et ses cimes décharnées, présente une variété de stations favorables à la diversité de la flore.
De plus, les vallées qui s'ouvrent directement sur la Méditerranée, comme celle du Var, ont un caractère floristique particulier, qui n'est pas sans influence sur les vallées les plus voisines.

C'est bien encore aux Alpes méditerranéennes ou maritimes que la flore rattache la vallée supérieure du Verdon; mais le caractère méditerranéen y est moins accusé déjà que dans la vallée du Var.
A altitude égale, on trouve plus d'espèces propres aux vallées chaudes dans le bassin du Var que dans celui du Verdon.
Par contre, les éléments floristiques méditerranéens sont plus fréquents dans la vallée du Verdon que dans celle de la Bléone ou de l'Ubaye.
Les unes et les autres appartiennent au Secteur austro-occidental du Domaine floristique des Alpes.
La vallé supérieure du Verdon, avec les vallées supérieures des Alpes maritimes, constituent un district bien défini de ce secteur, le district floristique des Alpes méditerranéennes.

Les personnes les moins familiarisées avec la géographie botanique reconnaissent sans effort que la végétation varie beaucoup avec l'altitude.

Aux environs de Saint-André et et dans tous les vallons qui aboutissent au Verdon non loin de ce bourg, la flore appartient évidemment à l'association florale du Chêne rouvre (Quercus sessiliflora var. pubescens) ; mais le chêne y est rare comme tous les arbres feuillus; le Noisetier, le Cerisier Mahaleb, l'Amélanchier sont rares en bien des points, par suite de la dénudation occasionnée par les abus d'exploitation et de pâturages.
Il existe des peuplements satisfaisants de Chênes dans la vallée de l'Issole, sur les territoires de Lambruisse ( à l'adrech) et de Thorame-Basse, entre 1000 et 1400 mètres.
Nous avons observé un Chêne buissonnant à 1470 mètres, dans la forêt de Lambruisse.
En somme, les Chênes sont rares dans le fond de la vallée et au voisinage des agglomérations.
Dans le voisinage des exploitations, ils sont presque toujours tallés en têtards.
Ils fournissent le fourrage que les près ne donnent plus.

Que le Chêne existe ou non, c'est bien l'association du Chêne rouvre qui occupe le fond de la vallée.
Le Buis, la Lavande (Lavandula vera) et le Genêt cendré sont les arbrisseaux dominants; mais depuis la limite ordinaire des cultures, vers 960 mètres, jusqu'à 1600 mètres, le Pin sylvestre a envahi la plus grande partie du territoire.
Il s'y comporte comme dans toutes les Alpes méridionales, tendant à envahir les terrains dépouillés de forêts.
Le besoin de bois et l'abus du pâturage finissent par en avoir raison, malgré sa résistance exceptionnelle; c'est ainsi que d'énormes surfaces demeurent improductives.
Les étrangers qui parcourent ce pays s'étonnent qu'il existe en France des contrées aussi abandonnées et que les représentants des Alpes dans les conseils de la nation n'agissent pas de tout leur pouvoir pour obtenir des lois une protection efficace contre la ruine des contrées qui leur confient leurs intérêts.

La forêt de la Mure (960-1370 mètres) nous donne une bonne idée de l'association du Chêne rouvre dans la vallée; l'Erable champêtre, l'Erable à feuilles d'Obier, le Genêt cendré, le Cerisier Mahaleb, l'Alisier blanc, l'Amélanchier, le Groseillier épineux, le Viorne flexible, le Buis et le Genévrier commun forment les sous-bois.
Dans les clairières et les points les plus ensoleillés, on trouve le Thym, la Sariette, la Lavande, le Lis pourpre, Silene Otites, S.italica, Helianthemum canum, H.italicum, H.polifolium, Dianthus longicaulis, Sedum nicoense,Echinops Ritro, Leuzea conifera, Melica ciliata, Aegilops ovata.
Plusieurs de ces espèces dépassent l'altitude de 1600 mètres; la Lavande atteint même 1700 mètres.

Parmi les espèces moins exigeantes au point de vue de la lumière, signalons seulement les plus remarquables :
Ranunculus monspeliacus, Hypericum hyssopifolium, Ononis cenisia, O. fruticosa, Anthyllis montana, Astragalus, Vicia onobrychioides, Lonicera Xylosteum, Carlina acaulis, Inula montana, Hieracium staticefolium, Campanula rapunculoides, Cerinthe minor, Linaria supina, Nepeta lanceolata, Allium sphoerocephalum, Lasiagrostis Calamagrostis.

Sur l'autre rive du Verdon, en face et un peu en amont de la Mure, une forêt de Chênes en bon état, en mélange avec le Hêtre, le Pin sylvestre et le Noisetier, permet d'ajouter à cette liste quelques espèces :
l'Ancolie commune, la Mercuriale vivace, le Sceau de Salomon, la Bourdaine des Alpes, le Groseillier des Alpes, l'Esparcette des rochers, la Coronille arbrisseau, avec Saponaria ocymoides, Molopospernum cicutarium, Chrysanthemum corymbosum, Teucrium Botrys et Euphorbia dulcis.
Un simple coup d'oeil jeté sur cette courte liste nous avertirait que nous sommes bien dans un pays de Chênes rouvres, alors qu'il n'existerait plus un seul individu de cette précieuse essence.

La montagne de la Chamatte nous fournit l'occasion d'étudier la zone du Hêtre; elle y occupe surtout le versant exposé au levant et l'ubac des bois d'Allons, mais aussi, à une altitude bien plus élevée, l'adrech de la Chamatte, de 1350 à 1670 mètres.
Le Framboisier, le Sorbier des oiseleurs, le Noisetier sont abondants; le Pin sylvestre, plus abondant que le Hêtre, révèle que des abus d'exploitation se sont produits pendant longtemps.
La flore herbacée est caractéristique.
Il suffit d'en signaler les espèces les plus notables.
L'anémone des Alpes et l'A. hépatique, la Valériane des montagnes; les Campanules à feuilles de pêcher, à feuilles rondes, à feuilles de lin, la Centaurée des montagnes, la Primevère officinale, le Lis pourpre, les Dianthus silvestris, Hypericum hyssopifolium, Linum suffruticosum, Alchemilla vulgaris, Saxifraga granulata, Homogyne alpina, Leucanthemum maximum, Monotropa hypopitys, Androsace Chaixi, Veronica fruticulosa, Phalangium Liliago, Allium paniculatum et Stipa pennata.

Le sommet de la Mure, de 1650 à 1775 mètres, et celui de Chamatte, de 1650 à 1880 mètres, sont occupés par des prairies d'aspect alpin et qu'un oeil peu exercé prendrait pour des prairies alpines fauchables.
Des prairies de même nature, avec la même composition florale, occupent la faîte de la plupart des Préalpes provençales, dès qu'elles approchent de l'altitude de 1600 mètres ou la dépassent.
Dans quelques cas même, la prairie pseudo-alpine couvre des sommets de plus faible élévation, comme la Blache au Nord de Castellane (1313 mètres).
Une étude attentive permet de reconnaître que l'abaissement de la limite supérieure de la végétation arborescente est normal; il ne faut pas l'attribuer à la destruction de forêts par l'imprudence de l'homme; les vents qui balaient ces sommets sont d'autant plus violents que les cimes sont plus hautes et plus isolées; ils sont d'autant plus secs, les autres conditions étant égales, qu'ils appartiennent au revers méditerranéen des Alpes.
On sait que les arbres peuvent être tués par l'excès de la transpiration sur l'absorption par les racines; c'est en exagérant la transpiration par rapport à l'absorption, que les vents froids d'hiver comme les vents secsd'été brûlent les rameaux des arbres et les ramènent sans cesse à des formes rabougries.
Ce phénomène se produit partout où les vents sont en même temps secs et forts.
Nous l'avons observé sur les bords de la mer du Nord comme sur les rivages de la Méditerrannée, sur les sommets des Préalpes comme aux cols des Alpes élevées; dans leur voisinage, la végétation arborescente atteint un niveau inférieur à celui auquel elle arrive sur les versants abrités contre les vents.

La Chamatte nous en fournit, du reste, une démonstration éclatante.
L'administration forestière y a planté des Pins Cembros, entre 1700 et 1880 mètres; le Pin Cembro est de tous les arbres des montagnes d'Europe celui qui vient volontiers le plus haut.
Dans nos Alpes, la limite supérieure dépasse de 200 mètres celle de toute autre espèce arborescente, c'est-à-dire 2400 mètres au pic de Dourmiouze, par exemple.
Or, ces arbres meurent à Chamatte, brûlés par les vents du nord, à 700 mètres au-dessous de leur limite ordinaire.

D'ailleurs, les prairies pseudo-alpines de Chamatte, de la Mure, de Lambruisse, de Cordoeil comprennent une majorité d'espèces de la zone du Hêtre avec un nombre relativement faible d'espèces alpines; ce sont à Chamatte :
Draba aizoides, Iberis saxatilis, Arenaria aggregata, Alsine Villarsii, Antennaria dioica, Saxifraga oppositifolia, Galium anisophyllum, Aster alpinus, Gregoria vitaliana, Pedicularis verticillata, Veronica Allionii, Plantago alpina.
A côté de ces espèces, signalons seulement, pour confirmer qu'il s'agit là d'une apparence de prairies alpines :
Astragalus Onobrychis, A. aristatus et Scabiosa graminifolia.
En réalité, on n'atteint la région alpine que vers les crêtes du Cheval-Blanc, du Courradour et du Grand-Goyer.

L'ubac de la forêt communale de Lambruisse possède une belle forêt de Sapins (Abies pectinata) ; au plus près du village, des abus d'exploitation d'ancienne date ont mis le Pin sylvestre à la place du Sapin.
Dans la forêt, il y a quelques enclaves jadis cultivées, abandonnées maintenant; elles sont envahies par le Pin sylvestre, sous lequel se fait un peuplement abondant de Sapin; c'est une indication précieuse.
Pour s'assurer, dans l'avenir, un revenu supérieur, la commune de Lambruisse devrait repeupler les vides en Epicéas ou en Pins sylvestres, considérés comme essences temporaires; à leur abri, le Sapin se multiplierait, et des coupes d'éclaircies échelonnées compléteraient la forêt sous sa forme normale.
Le Sapin descend jusqu'à 1025 mètres dans les alluvions de l'Issole.
Signalons seulement, dans la forêt de Sapins de Lambruisse, le Tilleul (Tilia intermedia) , la Bourdaine des Alpes, la Pivoine (Poeonia peregrina) , le Cytise des Alpes, les Saxifraga Aizoon, Prenanthes purpurea, Campanula persicoefolia, Phyteuma spicatum, Pyrola secunda, Androsace Chaixi, Veronica urticoefolia, Calamintha grandiflora, Euphorbia dulcis, Neottia nidus-avis, Luzula maxima, Melica uniflora.

Revenons à la vallée principale, pour nous engager dans sa partie supérieure entre les deux chaînes alpines.
Le Noyer (Juglans regia) est toujours largement associé aux cultures, et, jusqu'à Beauvezer, les pentes de la rive droite sont occupées par le Chêne rouvre jusqu'à 1200 mètres environ; au delà de ce village, il disparaît; nous ne le retrouverons que sur les coteaux au Nord de Colmars, en amont du fort de Savoie.
Il y forme 20 pour cent du peuplement, associé au Pin sylvestre, au Peuplier tremble, au Buis.
Avec eux, nous avons vu l'Alisier blanc, le Cytise à feuilles sessiles, le Noisetier, la Bourdaine des Alpes, le Bouleau et le Prunier de Briançon aux fruits acerbes mûrissant en automne.
Le Buis cesse définitivement vers 1400 mètres; le Chêne à 1410 mètres; le Noyer est cultivé en amont d'Allos jusqu'à 1480 mètres.

Dès qu'on s'élève un peu au-dessus de Colmars, à l'ubac surtout, on est dans la zone des forêts subalpines.
La belle forêt communale de Monier s'étend entre 1350 et 2500 mètres; elle comprend du Pin sylvestre en bas, du Sapin et de l'Epicéa dans les parties moyennes et du Mélèze, qui forme 70 pour cent de l'ensemble et occupe les hauteurs, à l'exclusion des espèces précédentes, associé seulement à quelques Pins Cembros.
Sous la futaie, les espèces les plus répandues jusqu'à 1630 mètres sont le Buis, l'Amélanchier, les Cotonéasters commun et cotonneux, le Framboisier, le Myrtille, le Cytise à feuilles sessiles, le Serpolet, Veronica urticoefolia, Lonicera Xylosteum, Oxalis acetosella, Bupleurum gramineum, Teucrium lucidum, Rosa graveolens, Campanula rotundifolia, Calamintha grandiflora.
Avec ces espèces dominantes, d'autres méritent qu'on les signale :
le Sureau à grappes, le Chêvre-feuille des Alpes, la Myrrhe odorante, la Fritillaire du Dauphiné, l'Aconit paniculé et l'Aconit tue-loup, la Rose des Alpes, l'Astragale pourpré, Hypericum montanum, Lathyrus vernus, Trociscanthes nodiflorus, Molopospermum cicutarium, Galium loevigatum, Saxifraga lingulata, Senecio soeracenicus, Bellidiastum Michelii, Maianthemum biflorum; avec cela, quelques espèces alpines.
C'est à peu près exactement la flore de la forêt de Gache, dans la vallée du Bachelard.

5.-Flore spéciale d'Allos. Les forêts de Vacheresse, du Villard, etc...
On trouve toutes les espèces alpines dans le bassin de Chadoulin.
Liste générale des espèces de la région du lac. Utilité du reboisement.


Le vallon de Clignon conduit au col des Champs (2190 mètres).
Traversons la zone forestière, où nous observons les derniers Chênes; elle a les mêmes caractères qu'au bas du bois de Monier, mais elle a été altérée par l'intervention de l'homme.
Notons encore dans les broussailles, les clairières, sur les rochers et les coteaux dénudés, au-dessus du fort de Savoie :
le Genêt cendré avec Malva Alcea, Rubus saxatilis, Lathyrus latifolius, Buphtalmum salicifolium, Echinops sphoerocephalus, Pyrola secunda, Cerinthe minor, Antirrhinum latifolium et polygonatum verticillatum.
A partir du plateau où est établi le camp des chasseurs, les aspèces alpines apparaissent et deviennent de plus en plus nombreuses; nous les retrouverons toutes dans le bassin du Chadoulin; négligeons-les pour l'instant et arrivons à Allos.

C'est la vallée du Chadoulin qui nous attire surtout aux environs d'Allos; un faible détour nous permettra de remonter le vallon de Bouchiers, pour explorer le bois de Vacheresse peuplé de Mélèzes et revenir au Chadoulin par le Brec.
Le bois de Villard et le bois de Vacheresse ont la même flore subalpine, de même composition ou peu s'en faut que le bois de Monier, près de Colmars.
Les terres à l'adrech du Brec et de Champ-Richard sont pour la plupart livrées au parcours et la flore en est appauvrie.
On y remarque que quelques espèces amies du soleil y viennent très haut, comme la Lavande (1690 mètres), la Sariette (1920 mètres), le Genêt cendré (1700 mètres).
Signalons encore Koeleria valesiaca, Onosma echioides, Ononis cenisia, Hypericum Coris, Viola biflora, Hippophae rhamnoides, Saxifraga lingulata et l'If (Taxus baccata ), representé par quelques rares exemplaires.

La cabane du Laus est à 2140 mètres; nous avons atteint la zone alpine inférieure; les espèces dominantes en sont presque toutes caractéristiques.
Telles sont :
Ranunculus montanus, Lotus corniculatus, Potentilla grandiflora, Alchemilla montana, Cirsium acaule, Thymus Serpyllum, Plantago alpina, Nardus stricta.
Les rochers plus ou moins escarpés, comme ceux que nous venons de longer sous la Tête-Ronde, les Sagnes, qui s'étendent en face même de la cabane, les éboulis sous le Tête-de-Monier ou tout autour du lac, les pelouses, les grèves limoneuses des ruisseaux se déversant dans le lac, sont autant de stations dont chacune a sa flore particulière.
Nous ne saurions les détailler ici, la liste générale en est nombreuse; mais il ne nous a pas paru que nous devions l'écourter :

Ranunculus pyrenaeus.     Bupleurum petraeum.
Anemone baldensis.     Athamanta cretensis.
Anemone alpina.     Galium helveticum.
Delphinium elatum.     Galium anisophyllum.
Aconitum Lycoctonum.     Valeriana saliunca.
Arabis alpina.     Homogyne alpina.
Hutchinsia alpina.     Adenostyles albifrons.
Viola biflora.     Adenostyles alpina.
Dianthus neglectus.     Erigeron alpinus.
Arenaria lanceolata.     Aster alpinus.
Silene acaulis.     Aronicum scorpioides.
Linum alpinum.     Arnica montana.
Hypericum Richeri.     Senecio incanus.
Helianthemum oelandicum.     Leucanthemum alpinum.
Trifolium alpinum.     Leucanthemum coronopifolium.
Trifolium badium.     Gnaphalium supinum.
Hedysarum obscurum.     Achillea nana.
Oxytropis Gaudini.     Cirsium spinosissimum.
Phaca australis.     Carduus carlinaefolius.
Sibbaldia procumbens.     Berardia subacaulis.
Dryas octopetala.     Leontodon Taraxaci.
Sempervivum tectorum.     Crepis pymaea.
Sempervivum montanum.     Saussurea depressa.
Sempervivum arachnoideum.     Hieracium glaciale.
Saxifraga rotundifolia.     Hieracium tomentosum.
Saxifraga muscoides.     Campanula pusilla.
Saxifraga oppositifolia.     Campanula Allionii.
Saxifraga Aizoon.     Phyteuma pauciflorum.
Laserpitium Panax.     Vaccinium uliginosum.
Rhododendron ferrugineum.     Salix serpyllifolia.
Primula Marginata.     Salix reticulata.
Primula farinosa.     Salix herbacea.
Soldanella alpina.     Veratrum album.
Gentiana lutea.     Allium Schaenoprasum.
Gentiana acaulis.     Juncus alpinus.
Gentiana verna.     Luzula lutea.
Gentiana campestris.     Luzula spadicea.
Gentiana nivalis.     Scirpus compressus.
Gregoria vitaliana.     Carex migra.
Swertia perennis.     Carex atrata.
Myosotis alpestris.     Avena distichophylla.
Scutellaria alpina.     Festuca violacea.
Linaria alpina.     Agrostis alpina.
Veronica Allionii.     Agrostis rupestris.
Veronica alpina     Sesleria caerula.
Veronica aphylla.     Alopecurus Gerardi.
Bartsia alpina.     Phleum alpinum.
Euphrasia alpina.     Polypodium Dryopteris.
Pedicularis rostrata.     Aspidium Lonchitis.
Armeria alpina.     Cystopteris fragilis.
Ixyria digyna.     Asplenium viride.
Polygonum viviparum.     Asplenium septentrionale.
Rumex arifolius.     Botrychium Lunaria.
Daphne Mezereum.     Equisetum hyemale.

Le Genévrier commun, sous sa forme naine, cesse à 2200 mètres.
Nous avons rencontré deux exemplaires de Pin Cembro vers 2400 mètrtes à l'ubac de la tête de Monier, sur des pentes rocheuses où abondent les Marmottes.

Cette excursion doit être complétée par une exploration de la zone alpine supérieure.
De la cabane du Laus, on atteint aisément le col de la petite Cayolle (2642 mètres), le sommet et le petit lac du Garret, le pas de Lausson et le sommet du même nom (2755 mètres).
De là, on peut redescendre le long d'un ravin jusqu'à l'extrémité méridionale du lac d'Allos.
En outre de la plupart des espèces qui viennent d'être mentionnées, nous y avons recueilli :
Ranunculus Seguieri, R. glacialis, Viola cenisia, Cerastium latifolium, Arenaria ciliata, Geum reptans, Saxifraga bryoides, Sedum atratum, Artemisia spicata (l'une des espèces constituant le Génépi) , Adenostyles leucophylla, Androsace carnea, Juncus triglumis.
Par contre, nous n'y avons pas rencontré quelques espèces qui peuvent s'y trouver pourtant, mais que notre ami M.L. Legré a recueillies au sommet du Pelat ou dans son voisinage immédiat :
Cardamine alpina, C.resedifolia, Draba tomentosa, Thlaspi rotundifolium, Viola calcarata, Leontopodium alpinum, Saxifraga androsacea, Cirsium spinosissimum, Androsace helvetica, Pedicularis verticillata, Veronica fruticulosa.

Nous avons expliqué plus haut pourquoi ce n'est pas aux sources du Verdon qu'il faut chercher les espèces alpines de la haute vallée.
On en rencontrera beaucoup en remontant du fond de la vallée au col de Valgelaye; on n'en trouvera nulle part (dans cette vallée) en aussi grand nombre que dans le beau groupe de montagnes qui entoure le plus beau lac des Alpes françaises.

En résumé, la flore de la vallée supérieure du Verdon se décompose en :
1° Zone alpine supérieure, commençant vers 2400 mètres, à la limite supérieure du Pin Cembro.
2° Zone alpine inférieure, s'étendant de 2000 mètres environ à 2400 mètres, c'est-à-dire de la limite des forêts continues de Mélèzes à la limite supérieure possible du Pin Cembro (devenu malheureusement très rare dans le pays).
3° Zone subalpine, commençant vers 1300 mètres à l'ubac, vers 1600 mètres à l'adrech, avec des forêts d'Epicéas et de Mélèzes.
Le Pin sylvestre leur est associé dans les forêts qui ont été plus ou moins détruites.
Le Sapin s'y trouve à titre exceptionnel.
4° Zone forestière montagneuse élevée, caractérisée par les forêts de Hêtres ou de Sapins, s'étendant, suivant l'exposition, de 1000 mètres, plus souvent de 1300 mètres à 1600 mètres.
5° Zone forestière montagneuse inférieure, caractérisée par le Chêne rouvre; le Pin sylvestre tend à envahir tous les sols déboisés depuis cette zone jusqu'à la zone subalpine inclusivement.

Les longs détails que nous venons de donner intéressent les botanistes, mais ils n'ont, par eux-mêmes, aucun attrait pour les personnes étrangères à la science; notre but n'a pas été de les fatiguer, et nous nous excusons de l'avoir fait; mais ce nous est un devoir de dire quelques mots du but que nous poursuivons.
Ce n'est pas pour satisfaire une vaine curiosité ou pour accroître nos collections que, depuis de longues années, nous parcourons les montagnes de France.
Nous cherchons à retrouver, sous les transformations déterminées par l'homme, l'ordre de la nature.
Cet ordre est immuable.
Chaque espèce a sa place marquée par des lois auxquelles l'homme ne saurait rien changer, sans préparer sa propre ruine.
Ce n'est pas à dire que nous devions vivre à côté de la nature sans lui demander de nous nourrir, qu'il faille laisser envahir nos champs par le chiendent et les orties.
L'expérience apprit de bonne heure que certains végétaux se correspondent dans l'économie de la nature; les céréales remplacent les prairies naturelles sans troubler l'ordre; la Vigne, l'Olivier, l'Amandier remplacent les bois de Chênes verts; le Noyer et les arbres fruitiers remplacent le Chêne rouvre, sans porter le désordre dans la nature, car ces végétaux répondent aux mêmes exigences climatiques.

Mais lorsque les populations plus denses s'étendirent plus haut vers les montagnes, lorsque les troupeaux se multiplièrent, il fallut étendre les pâturages.
Les forêts qui couvraient les pentes furent entamées à la fois par en bas et par en haut.
Au pied des montagnes les limites de la zone cultivée s'élevaient peu à peu, repoussant de plus en plus vers le haut la limite inférieure de la forêt.
En haut, les bergers et les troupeaux réussissaient mieux encore à détruire la végétation arborescente et à étendre la zone des prairies.
La zone des forêts, réduite ainsi de siècle en siècle, a fini par disparaître sur des massifs très étendus.
Il est à peine douteux aujourd'hui que tout autour de notre Méditerrenée, ce berceau commun des civilisations européennes, la ruine successive des empires ait été précipitée par les abus de la vie pastorale.
Cette conviction s'est emparée d'une foule d'esprits éminents.
Depuis le XVI° siècle, savants et ministres d'Etat ont exprimé les mêmes craintes, ont tenté les mêmes efforts.
Il a fallu arriver jusqu'à la fin de notre siècle pour les réaliser dans une mesure beaucoup trop faible encore.

Mais, si la science révèle la cause du mal et si les gouvernements s'efforcent d'y remédier, les populations des montagnes les ignorent trop souvent, refusant d'ouvrir les yeux à l'évidence.
Pourquoi la commune d'Allos a-t-elle, depuis moins d'un siècle, perdu un tiers de sa population ?
Pourquoi en est-il de même de presque tous les villages des Alpes ?
C'est que là, comme en Palestine, comme en Turquie, en Grèce et en Espagne, comme dans notre Algérie (jadis le grenier de Rome ), les forêts ont été détruites.
Les montagnes sans forêts sont privées de vie; elles étendent le désert autour d'elles.
Nous n'avons pas à citer d'exemples aux habitants des Alpes; ils en ont partout sous les yeux.

Ce mal est-il sans remède?
Non!
L'homme, qui a accumulé les ruines autour de lui, peut réparer le mal qu'il a fait.
Le moment viendra sûrement où les agriculteurs de nos montagnes reconnaîtront l'impossibilité de lutter contre les céréales produites dans les plaines, que le fauchage des près aux hautes altitudes ne saurait être rémunérateur, que le libre parcours des troupeaux à travers les montagnes cause la perte de presque tout l'engrais; emporté par les pluies, il va fertiliser les plaines de la basse Durance et de la Camargue.

Les agriculteurs des Alpes apprendront qu'au lieu de demander aux arbres d'émonde un mauvais fourrage, ils doivent rétablir les anciens canaux d'irrigation, étendre les prairies qui fourniront plus de fourrages à utiliser sur place et permettront d'élever plus de bétail.
Il faut que la culture devienne intensive au lieu d'être extensive, qu'on demande à la terre ce qu'elle peut produire aux moindres frais, en plus grande quantité et de qualité supérieure.

Ce n'est pas le lieu d'insister sur l'augmentation de population dont cette révolution agricole deviendrait le point de départ.
Au lieu de voir les enfants quitter les vallées pour n'y plus revenir et les familles se disperser, les fils demeureraient auprès de leurs parents, améliorant le patrimoine, accroissant les revenus de l'héritage, et l'émigration s'arrêterait.

Si l'agriculture occupait la place qui lui revient dans nos vallées, nous verrions, développés dans chaque village, le commerce des bois et les industries annexes.
Aux scieries s'associeraient les fabriques de papier de bois; le sabotage, la fabrication des échalas, l'industrie des bois de charronage, du tournage, la fabrication des boîtes et des bibelots utiliseraient les bras et les intelligences, comme dans les vallées du Jura et de Suisse, et le bonheur reviendrait, avec le travail et la sécurité, dans ces vallées ruinées.

Nous n'oublions pas quel charme ce fut pour nous de trouver jadis, au coeur des forêts les plus profondes de la Scandinavie, des bûcherons sculptant, à la veillée, des meubles élégants pour l'agrément de leur foyer et pour la vente.

Sauver de la ruine de belles provinces de notre France, garder à de vaillants Français les champs de leurs pères, c'est le but que nous poursuivons de tous nos efforts.
Les générations prochaines verront peut-être le bien-être où nous ne voyons que sujets de désolation.
Ils béniront alors ceux qui auront lutté en faveur de la grande oeuvre de restauration des montagnes.

 

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Notes : 10 notes dans ce chapitre.

(1) Simon-Jude Honnorat, docteur en médecine. - Voir, plus loin, son nom parmi les hommes remarquables d'Allos .
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(2) M. Emeric, natif des environs de Castellane, botaniste distingué et contemporain du docteur Honnorat, écrivait, en 1838, la note suivante :
M. Cordier, professeur de géologie au Muséum d'histoire naturelle, qui avait depuis peu traversé le département des Basses-Alpes, dit, en 1828, au célèbre Cuvier, en ma présence, parlant de M. le docteur Honnorat et de moi, qu'il avait honoré d'une visite :
Ces messieurs de la Haute-Provence n'ont pas des cabinets où l'on ne trouve qu'un petit nombre d'objets d'histoire naturelle; mais ils ont des magasins.
M. Cordier avait raison, parce que, nous occupant à faire des collections et placés sur le point propice, il n'y a rien d'étonnant que des milliers d'individus d'un même genre soient à notre disposition...
Et que serait-ce si nous n'avions pas fait parvenir de pleines tonnes de fossiles à nos amis les Parisiens.
(Annales des Basses-Alpes, tome Ier. pp. 281, 282).
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(3) Chaînes subalpines, par M. Haug, page 124, note.
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(4) Notice géologique sur la vallée de Barcelonnette, publiée en 1898.
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(5) Le Loup a disparu de notre région, et le Sanglier n'y a existé que grâce au roman Paulus, que les lecteurs de la Croix n'ont sans doute pas oublié.
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(6) Auteur du Livre de la ferme et des maisons de campagne.
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(7) Le Grimpereau, appelé Cura partus ou partius, est continuellement occupé à saisir des insectes dans les trous de muraille des habitations.
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(8) M. Koltz affirme qu'une Mésange consomme trois cent mille oeufs d'insectes par an.
M. Tschudi rapporte qu'en quelques heures une Mésange nonnette nettoya un rosier qu'infestaient deux mille pucerons.
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(9) M.Ch.Flahaut, professeur de botanique à la Faculté des sciences de l'Université de Montpellier, a bien voulu écrire pour mes lecteurs la Flore de la vallée supérieure du Verdon.
Je le prie d'agréer l'expression de ma vive reconnaissance.
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(10) Ph.Zürcher, Annales de Géographie, VII, 1898, pp. 308-328.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. - Faune et Flore.
HOMMES REMARQUABLES.-
Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE IV

HOMMES REMARQUABLES.

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1.-Alexandre Piny, religieux dominicain, auteur de nombreux ouvrages.

Alexandre PINY, religieux dominicain, professeur de théologie et auteur de nombreux ouvrages de philosophie, de théologie et de piété, naquit à Allos, en 1640.
Son père, Esprit Piny, était notaire et originaire du quartier des Guinans, non loin d'Allos; sa mère appartenait à la famille Pascalis.

Il fit ses études à Draguignan et il se consacra à Dieu, dans la chapelle des Dominicains de cette ville.
Avec la collaboration de deux prédicateurs de son Ordre, il évangélisa la vallée de Barcelonnette et probablement son pays natal.
"Il y a eu, dit l'abbé Albert, dans le couvent (des Dominicains de Draguignan), de grands sujets, et il y en a encore aujourd'hui, qui se distinguent, par leurs talents et par leur zèle, dans le ministère de la chaire.
On parlera longtemps des RR.PP. Piny, Lions et Arnaud.
Le premier, natif d'Allos, est l'auteur d'une Théologie, qui est imprimée."
Note (1)

Il enseigna avec distinction la philosophie à Marseille et la théologie à Aix, où il reçut le diplôme de docteur, en 1672.

Ces succés ayant attiré sur lui l'attention de ses supérieurs, il fut appelé à Paris, où on lui confia la chaire du collège Saint-Jacques, illustrée par saint Thomas d'Aquin.
Il l'occupa pendant seize ans.

Il écrivait alors et il publia son Cours de Théologie,qui est la quintessence de la Somme de saint Thomas.
Déjà il avait publié un Cours de Philosophie,dont le seul défaut, d'après le P. Touron, est d'être trop élevé pour les esprits médiocres.

Ces travaux ayant affaibli sa santé, on lui offrit un repos relatif, dans le couvent de Saint-Honoré; mais là,comme à Saint-Jacques, il travailla sans relâche, pendant une deuxième période de seize ans.

Tous ceux que ses prédications et la sainteté de sa vie avaient touchés venaient achever leur conversion auprès de lui.
Il recevait les riches et les pauvres, les princes et le peuple, et il ne craignait pas de dire à tous de salutaires vérités.br>Il osa même, en 1699, se plaindre au roi de la misère du peuple.>
Note (2)

Alexandre Piny est l'auteur des ouvrages suivants :
1°.Cours de Philosophie selon saint Thomas.(5 volumes en latin).
2°.Cours de Théologie, résumé de la somme du Docteur angélique ( en latin).
3°.Vie de la Vénérable Madeleine de la Trinité.
4°.Eloge de la Bienheureuse Rose,etc. ( en latin ).
5°.La clef du pur amour.
6°.L'Oraison du coeur ou la manière de faire l'Oraison,etc.
7°.Les trois différentes manières de se rendre intérieurement Dieu présent.
8°.Le plus parfait, ou voies intérieures,etc.
9°.La Vie cachée, ou Pratiques intérieures.
10°.Poésies diverses.

Il mourut en odeur de sainteté, le 20 janvier, pendant l'hiver rigoureux de 1709.

2.-Pascalis, de la Sestrière, son frère et ses deux fils.

JEAN-DOMINIQUE PASCALIS père, d'abord procureur du roi à Barcelonnette, fut ensuite commissaire de guerre, subdélégué de l'intendant de la province et conseiller du roi.

Comme administrateur civil et militaire, il eut, pendant près d'un demi-siècle, une influence considérable dans les affaires heureuses ou malheureuses de notre pays.

En 1745, il offrait à la municipalité un moyen ingénieux pour doter la commune d'une maison de ville.
Deux ans après, il faisait la répartition de l'indemnité accordée par le roi aux victimes de l'incendie d'Allos en 1747.
En tout temps, il avait la difficile mission de faire payer les contributions de guerre, d'obtenir de l'Etat les indemnités duesaux habitants pour fournitures militaires.
Transféré, dans la suite, à Bayonne, il ne perdit pas de vue les intérêts de son pays natal.

Son frère, Charles Pascalis, prieur de la commanderie de Notre-Dame de Moulanès, fit aussi bénéficier son pays du crédit que lui donnaient ses talents, sa situation et la confiance de ses concitoyens.
Il fut envoyé à Paris, comme député, pour y négocier les payements promis depuis si longtemps par le gouvernement aux habitants d'Allos.

Le fils aîné de Jean-Dominique Pascalis lui succéda comme commissaire de guerre, et il devint commissaire ordonnateur de l'armée des Alpes, à Grenoble.
C'est en cette qualité qu'il forma à Allos deux compagnies, sous les ordres des capitaines Pellissier et Jaubert, et qu'il présenta, le 10 septembre 1789, un projet de confédération avec les communes de Colmars, de Beauvezer, de Thorame-Haute et de Thorame-Basse, pour la défense de la haute vallée du Verdon, menacée d'une invasion de brigands.

Antoine Pascalis, son frère cadet, fut d'abord enrôlé dans la garde royale, appelée garde du corps, prit part ensuite à différentes expéditions militaires et parvint au grade de général.

D'après la tradition, c'est le général Antoine Pascalis qui a fait bâtir ou transformer la maison qui a appartenu ensuite à la famille de Hyacinthe Gariel, conseiller à la Cour de Grenoble, et dans la cour de laquelle la municipalité a fait construire une fontaine depuis 1884.

Le général Pascalis était un fervent chrétien; il mourut à Marseille en odeur de sainteté.

3.-Jacques Arvel, de la Foux, chef de bataillon.

JACQUES ARVEL, chef de bataillon, né à Allos, en 1756, débuta dans l'armée, en 1792, en qualité d'adjoint à l'état-major général.

Il était capitaine dès l'année suivante, pendant laquelle il fit sa première campagne qui fut suivie, sans interruption, de sept autres campagnes dans l'armée d'Italie.

En 1798, le général Grouchy signa, au quartier général, à Turin, sa promotion au grade de chef de bataillon, et, le premier jour complémentaire de la même année,
Note (3)   il fut envoyé à Sisteron, pour concourir à la formation d'un bataillon auxiliaire des Basses-Alpes.

Il commandait le premier bataillon de la subdivision du département, lorsque son général lui ordonna de partir de Digne, le lendemain, pour se rendre à Chambéry.

Aux termes de cet ordre du jour, Jacques Arvel était un "ex-chef de bataillon des troupes piémontaises au service de la République française"; il avait donc été enrôlé, non en France, mais dans les Etats du duc de Savoie, lorsqu'ils furent envahis par les Français.
Il appartenait, en effet, d'après la tradition, à une famille originaire de la Foux d'Allos,
Note (4)   qui faisait le commerce à Turin.

"En 1800, il fut nommé commandant d'armes à Forli, chef-lieu d'une province d'Italie, avec la difficile mission d'exercer la police militaire, de maintenir l'ordre et de faire respecter les personnes et les propriétés."

Après cette huitième et dernière campagne, son corps d'armée ayant été transformé, il se retira dans ses foyers, pour y jouir de sa retraite.

4.-Hyacinthe Gariel, conseiller à la Cour de Grenoble.

JEAN-BAPTISTE-ANTOINE-HYACINTHE-CLAUDE GARIEL, conseiller à la Cour de Grenoble, naquit à Allos, le 4 juillet 1778, de Jean-Hyacinthe Gariel,avocat en la Cour, et de Marie-Thérèse Pascalis.

Il fut baptisé le jour même de sa naissance par Alexandre Guieu, vicaire perpétuel.
Son parrain fut son oncle Pascalis, de la Sestrière, commissaire des guerres, et sa marraine sa tante Thérèse Pascalis.

Il commença ses études de bonne heure, chez le secondaire de la paroisse, et il les continua, jusqu'à la rhétorique inclusivement, au collège de Draguignan.

Tonsuré par l'évêque de Senez, à l'âge de 10 ans révolus, il obtint de l'évêque de Fréjus une bourse qui lui permettait de faire à Avignon son cours de philosophie et de théologie.
Ses parents le destinaient donc à l'état ecclésiastique, lorsque les troubles avant-coureurs de la Révolution changèrent leurs projets et obligèrent le jeune Gariel à revenir, en 1791, dans son pays natal.

La sécurité relative dont il y jouit ne fut pas de longue durée.
En 1793, pour échapper aux dangers qui menaçaient les suspects, il demanda un certificat de civisme, qui lui fut refusé par le conseil municipal.
Note (5)
Il pria aussitôt son père, qui avait trouvé, dans un emploi à l'armée, un abri contre la persécution, de lui assurer ailleurs des occupations pouvant lui ouvrir une carrière.

"Mon père me répondit, dit-il dans ses mémoires, qu'il n'y avait plus d'autre état que l'art de guérir."
Il fallut donc, malgré une invincible répugnance, commencer l'étude de la médecine à Grenoble.
Mais les audiences des tribunaux avaient pour lui beaucoup plus d'attrait que les séances à l'amphithéâtre.
Afin de se procurer des ressources qui lui permissent d'embrasser une profession selon son goût, "il entra, en 1795, dans les bureaux de son oncle et parrain Pascalis, commissaire des guerres et ordonnateur de l'armée des Alpes.
Il était encore là, en 1798, comme chef de la correspondance, lorsque la conscription vint le saisir, et il rejoignit, à Turin, l'armée d'Italie.
Successivement, secrétaire du commissaire des guerres et de l'état-major du général Grouchy, il fut ensuite renvoyé dans ses foyers par le général Moreau, qui voulait éloigner de Coni, ville alors en état de siège, les bouches inutiles.

"Gariel revint à Grenoble, dans les bureaux de son oncle.
La carrière du commissariat des guerres lui était ouverte; mais, dit-il , ce que j'avais vu en Italie m'en dégoûtait.

"Le barreau, au contraire, l'attirait.
Il étudia donc le droit, tout en continuant de travailler dans les bureaux militaires, et, en 1801, il fut lauréat de l'école centrale de législation de Grenoble.
Vers la fin de 1802, il alla en Suisse, comme secrétaire de l'ordonnateur aux guerres, et il fut nommé inspecteur des services militaires à Berne.
C'est alors qu'il préluda aux luttes du barreau, en défendant éloquemment et avec succès un soldat traduit au conseil de guerre."
Note (6)

En 1804, Alexandre de Lameth, préfet des Basses-Alpes, le nomma maire d'Allos.
Nous avons déjà dit avec quelle énergie il travailla, pendant sa gestion, pour la conservation la restauration des forêts, ainsi que pour rétablir l'ordre dans l'administration de la commune.
Note (7)

Nous le retrouvons :
en 1813, juge au tribunal de Barcelonnette,
en 1816, procureur du roi à Briançon, et enfin,
en 1818, conseiller à la Cour royale de Grenoble.

La perspicacité avec laquelle il présidait les Cours d'assises fut bientôt remarquée.
Il prédit un jour aux juges qui acquittaient trop facilement un accusé :
"Vous aurez à punir bientôt un grand coupable."
L'avenir prouva la vérité de sa prévision.

Scrupuleusement dévoué à la royauté légitime, Gariel se démit de ses fonctions de conseiller en 1830, et il se retira à Allos, où il mourut en 1849.

Pendant cette dernière période de sa vie, il consacra son temps au bien de ses concitoyens, en les représentant au Conseil général des Basses-Alpes, et à l'étude des livres de sa riche et curieuse bibliothèque.

Il était d'une modestie et d'une érudition remarquables.
Il avait complété lui-même son instruction pendant les temps troublés de la Révolution.
Droit, littérature, poésie, antiquités, sciences politiques, langues étrangères, rien ne lui était étranger.
Nous avons de lui un code forestier qui a été publié, plusieurs manuscrits et divers poèmes.

Ses heureuses dispositions pour la poésie se manifestèrent de bonne heure.
Il est regrettable que la crainte de compromettre sa famille l'ait obligé à brûler plusieurs poèmes anti-révolutionnaires.

Un jeune prêtre qui l'aimait et l'admirait
Note (8)   écrivit sur la croix de sa tombe :

Il était cher au pauvre, au pieux, au savant;
Son nom inspire encor de la crainte au méchant.

Jamais éloge funèbre ne fut mieux mérité.
Avec Hyacinthe Gariel, sa famille disparut d'Allos.
Son neveu et héritier, Paul Gariel, avocat à la Cour d'appel de Grenoble, est mort en 1891, laissant deux fils, MM. Georges et Maurice Gariel.

C'est à l'obligeance de M. Georges Gariel que je dois les éléments de cette biographie.

5.-Simon-Jude Honnorat, savant naturaliste et lexicographe.

Docteur en médecine, savant naturaliste et lexicographe.

Simon-Jude Honnorat appartient à une ancienne famille d'Allos, dont on voit encore la maison, au hameau minuscule appelé Haut-Villard.
Il naquit le 3 avril 1783.

Il avait commencé ses études, lorsque la Révolution l'obligea à les interrompre.
A l'âge de 16 ans, il épousa Marie-Rose Véronique Gariel, soeur de Jean Baptiste Antoine Hyacinthe Claude Gariel.

A 18 ans, il étudiait la médecine à Grenoble, et il se livrait avec tant d'ardeur à l'étude de la botanique et de la chimie qu'il obtint les premiers prix à l'école centrale.

Il alla ensuite à Paris, pour continuer et compléter ces mêmes études.
Il prolongea son séjour pendant cinq ans et revint avec le titre de docteur.
Après son retour de Paris, il exerça la médecine pendant un an, dans son pays natal, et il vint ensuite se fixer définitivement à Digne.

En 1815, il refusa une sous-préfecture; mais il accepta, peu de temps après, les fonctions de directeur des postes à Digne, parce qu'elles n'étaient pas incompatibles avec ses travaux scientifiques.

En 1830, ses opinions politiques l'éloignèrent de l'administration des postes et le rendirent tout entier à ses chères études.

Il fut le principal fondateur des Annales des Basses-Alpes, et sa plume fournit un grand nombre d'articles à cette publication.

Son érudition pour tout ce qui regarde la langue,l'histoire et les productions du sol de la Provence est véritablement étonnante.
Il a cultivé avec persévérance et succès toutes les branches des sciences naturelles......

" Son herbier provençal est très complet et admirablement tenu; son cabinet d'histoire naturelle, très riche...;
sa collection d'insectes, fort belle.
Il en a découvert plusieurs espèces nouvelles :
c'est à lui que les amateurs doivent la connaissance du beau papillon Alexanor et de la Thais Honnoratii .
Sa collection des fossiles des Alpes est très curieuse.
La science a donné à quelques-uns le nom du laborieux docteur."
Note (9)

Mais l'ouvrage le plus important du docteur Honnorat est :
le DICTIONNAIRE PROVENCAL-FRANCAIS
ou DICTIONNAIRE DE LA LANGUE D'OC, ANCIENNE ET MODERNE,
en trois volumes in-4°,
" contenant :
1° tous les mots de ses différents dialectes que l'auteur a pu connaître (100.000), leur prononciation figurée, leurs synonymes, leurs équivalents italiens, espagnols, portugais, catalans, allemands, etc..., quand ils ont le même radical.
2° les radicaux, avec l'indication des langues qui les ont fournis et la liste des mots qu'ils ont concouru à former.
3° les prépositions et les désinences, avec l'explication du sens qu'elles ajoutent aux radicaux.
4° l'énumération des parties qui entrent dans la composition de chaque outil, instruments, machine, arme, habillement, etc....
5° les provençalismes et les gasconismes corrigés.
6° les origines des principales coutumes et institutions.
7° les dates des découvertes et des inventions les plus remarquables, avec le nom de leurs auteurs.
8° les noms provençaux, français et scientifiques des différents êtres dont se composent les trois règnes de la nature, avec les indications des genres, des ordres et des classes auxquels ils appartiennent, etc...

Rien ne nous dit mieux que ce titre les recherches innombrables, l'opiniâtre labeur, la patience à toute épreuve que ce grand travail a exigés.
L'auteur déclare qu'il a consacré près de quarante ans de sa vie à en recueillir les matériaux, et, pour les recueillir, il a dû connaître tous les dialectes du midi, toutes les langues néo-latines, etc, etc...

Le docteur Honnorat était donc un véritable savant, et il a eu, en outre, le mérite d'unir la modestie à la science.
Note (10)

Il a constamment refusé les invitations des sociétés savantes qui auraient voulu le compter parmi leurs membres.

L'amour de son pays l'a toujours retenu dans les Alpes, dont il est un des hommes les plus célèbres par ses talents et par ses oeuvres.

Il mourut à Digne, en 1850.

6.-Alphonse Guieu, avocat à la Cour d'appel d'Aix.

ALPHONSE GUIEU, avocat à la Cour d'appel d'Aix, naquit en 1812, à Castellane, ville natale de sa mère, Thérèse Poilroux.

Son père, Jean-Ange Guieu, né à Allos en 1768,
Note (11)   s'étant établi à Castellane, après son union à la famille Poilroux, y exerça les fonctions d'avoué depuis 1801 jusqu'en 1831.
Il appartenait à la branche aînée des Guieu, qui quitta la dernière le sol natal.
Note (12)
Les intérêts de sa famille, qui furent la cause de son exode, motivèrent plus tard son départ pour Aix, après un séjour de plus d'un quart de siècle à Castellane.

Alphonse, le seul survivant de ses enfants, trouva dans cette ville un milieu plus favorable à sa formation intellectuelle et professionnelle.

Après avoir complété ses études classiques, il suivit avec succès le cours de la faculté de droit, et il obtint le diplôme de licencié, à peine âgé de 20 ans.
Inscrit au tableau des avocats en 1835, il conquit bientôt au barreau une situation prépondérante.
En effet, en 1836, il était appelé, par délibération du conseil de l'Ordre, à faire partie du bureau des consultations gratuites; trois ans après, il était élu membre de ce conseil, et enfin, son talent grandissant toujours, il fut bâtonnier de l'ordre des avocats ( 1848- 1850).

Le gouvernement lui offrit alors, en février 1852, un mandat législatif; mais la crainte de s'éloigner de son père octogénaire, son amour pour la vie de famille et son dévouement à la profession d'avocat lui dictèrent un refus aussi correct que modeste.

L'éloge prononcé, le 4 novembre de la même année, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour impériale d'Aix, par le premier avocat général,
Note (13)   nous dit magistralement son genre de talent et la noblesse de son caractère :
"Il n'était pas nécessaire d'entendre longtemps Me.Guieu, dit M. Saubreuil, pour s'apercevoir que, chez lui, la parole avait rencontré un maître.
"Rien qu'à le voir, après quelques mots d'exorde toujours simple, esquisser sa cause à larges traits, tracer les grandes lignes de sa controverse, indiquer d'avance avec précision les enseignements qui s'en déduisaient comme d'eux-mêmes et, avec non moins de sûreté, les conséquences finales de ce beau plan de discussion, il était aisé de pressentir une intelligence supérieure, dominant son sujet et le maniant avec aisance, un esprit doué de la plus rare puissance de généralisation, discipliné par la méthode, assoupli par l'expérience; et, de même que dans un édifice bien ordonné, le péristyle fait deviner le monument, de même, sur ce premier exposé d'ordinaire assez développé, on pouvait se faire une idée du discours qui s'y mêlait avec une sorte de grandeur imposante.
"Mais alors il fallait suivre l'orateur.
Rien de ce qu'il avait annoncé n'était omis.
Après une narration, qui avait à la fois l'ampleur et la mesure voulues, chaque ordre de preuve arrivait à sa place, chaque argument prenait son rang, soldat fidèle, aguerri, rompu à la manoeuvre, et tout cet ensemble de dispositions formait comme un vaste corps de bataille, prêt à fondre sur l'ennemi, au premier signal, et à le vaincre.
"Et qu'on ne se figure pas qu'avec cette savante ordonnance les plaidoyers de Me Guieu eussent la froideur et la sécheresse des exposés didactiques.
Quelle variété ! Quel coloris, au contraire ! Comme la vie circule dans ses discours ! Comme la passion les anime, non la passion acrimonieuse, qui a son siège et puise son aliment dans les côtés inférieurs du coeur humain, qui n'engendre que l'invective ou la poignante ironie, mais cettenoble et sainte passion de la vérité, qui, dans les âmes généreuses, naît de la conviction, dont l'orateur a le droit de faire passer les élans dans son oeuvre et qui est en même temps la puissance et l'honneur de l'éloquence !
Note (14)
"Que dirai-je de plus ?
Pendant vingt ans, vous avez vu Me Guieu à l'oeuvre.
Le sophisme a t-il jamais rencontré un adversaire plus redoutable, la fraude une âme plus indignée, le droit un défenseur plus résolu et plus intrépide ?
"Me. Guieu s'était préparé de bonne heure par des études laborieuses à l'exercice de sa profession, et, peu séduit par l'attrait trompeur des triomphes prématurés, il avait volontairement retardé ses débuts, afin de les rendre plus dignes de lui.
Depuis, les rares loisirs qui lui sont restés, il les a consacrés encore à des lectures austères.
On ne saurait dire ce qu'il ignorait :
histoire, philosophie, systèmes économiques, sciences exactes, sciences physiques, arts mécaniques, architecture, constructions navales, industrie, commerce....
A l'entendre parler de tout avec tant d'autorité, on eût dit qu'il avait tout approfondi.
Aussi, quoi qu'il sût au besoin descendre aux plus humbles détails et en tirer partie, s'arrêtait-il de préférence aux principes.
C'est là surtout que son talent, si plein de sève, si robuste, si élevé, se déployait à l'aise et se montrait dans tout son éclat.

La vie de Me Alphonse Guieu s'est écoulée entre le palais et sa famille, qu'il chérissait.
La vie publique n'eut point d'attrait pour lui.
Une seule chose l'eût tenté sans doute un jour, c'est cette pourpre qu'il était digne de porter et sous laquelle il eût trouvé le repos avec la dignité.
La Cour eût été heureuse de l'accueillir, de s'éclairer de ses lumières, et la justice n'aurait peut-être pas à pleurer aujourd'hui un de ses plus purs, un de ses plus fervents disciples.
"Homme de bien, grand avocat, recevez ici, par ma voix, le dernier adieu d'une Compagnie où votre nom vivra comme l'image de la droiture, du savoir et de l'éloquence !"

Un certain nombre de savants mémoires et consultations de Me Guieu ont été imprimés.
Cette collection est une source précieuse d'enseignements et un modèle d'études pratiques pour les jeunes générations d'avocats.

Alphonse Guieu épousa, le 27 septembre 1847, Mlle. Marie Féraud.
Il a eu plusieurs enfants, dont la seule survivante est Mme Thérèse de Giraud d'Agay.

7.-Le général Pellissier, député de Saône-et-Loire à l'Assemblée nationale.

VICTOR-ADOLPHE PELLISSIER, général de division auxiliaire et député de Saône-et-Loire, appartient à une famille originaire du hameau d'Allos appelé Montgros.
Il naquit en 1811, à Mâcon, où Jean-Jacques, son père avait fixé sa résidence et s'était fait une position honorable dans le commerce.
Jean-Jacques Pellissier avait deux frères.
Le cadet le suivit à Mâcon.
L'aîné fut juge de paix à Allos,
Note (15)
et se fit remarquer par la prudence et la sagesse de ses jugements dont on parle encore aujourd'hui.
Jean-Jacques eut cinq enfants,
Note (16)
dont l'un, le futur général, reçut au baptême le nom de Victor-Adolphe et voulut être soldat, tandis que son frère Antoine se destinait à l'état ecclésiastique, devenait prêtre de Saint-Sulpice et aumônier d'une maison religieuse à Angers, après avoir passé de longues années au Canada.

Victor-Adolphe fit ses études au collège des Jésuites de Dôle (Jura), entra à l'Ecole Polytechnique en 1832, en sortit sous-lieutenant d'artillerie et fut envoyé à Metz.
En 1845, il était capitaine, et il fut chargé d'examiner les fortifications des Alpes.
C'est pendant le cours de cette inspection militaire qu'il visita, pour la première fois, le pays natal de son père.
Il était chef d'escadron en retraite, lorsque la guerre éclata, en 1870, entre la France et la Prusse.
Le patriotisme dont il était animé ne lui permettant pas de laisser son épée dans le fourreau, au moment où la France était exposée aux plus grands dangers, il reprit du service, malgré ses 59 ans, fut nommé colonel et général de brigade en 1870, général de division, en face de l'ennemi, en 1871.

Le 8 février 1871, les concitoyens du général Pellissier, persuadés qu'il saurait les défendre au Conseil général et à la Chambre des députés comme sur les champs de bataille, le nommèrent membre du Conseil général et député à l'Assemblée nationale.
Ils ne furent point déçus dans leurs espérances; le général savait, tour à tour, porter la parole et l'épée, et l'on ne peut lire sans émotion,notamment, le discours qu'il prononça à la tribune, le 19 juillet 1873, sur l'organisation du service religieux dans l'armée de terre :
"Messieurs, dit-il, le projet de loi présentement soumis à vos délibérations a pour but de remplir une lacune qui existait, depuis plusieurs années, dans notre organisation militaire et de donner satisfaction aux justes réclamations d'un grand nombre de citoyens français...,
qui demandent une institution pour faciliter à leurs enfants les moyens de conserver à l'armée les principes qu'ils ont reçus dans leur famille....
"La partie importante du culte religieux ne consiste-t-elle pas dans les instructions et les exhortations qui doivent entretenir et raviver dans l'âme les germes qui ont été déposés par une éducation religieuse ?
"Sans doute, le militaire pourrait entendre les instructions faites dans les églises paroissiales où il a accès.
Mais ces instructions sont-elles bien à son usage.
Que pourrait-il s'approprier dans ces enseignements adressés à une population si différente de lui par ses devoirs, ses moeurs et sa manière de vivre ?
"Et, d'autre part, éloignés de leurs confidents naturels, nos pauvres soldats n'ont-ils jamais besoin de ces épanchements intimes, de ces consolations particulières qui, dans les moments pénibles, aident à supporter l'existence ?
Le malheur, hélas ! n'épargne personne; à plus forte raison, doit-il atteindre ces malheureux jeunes gens, enlevés si brusquement à leurs habitudes et à leurs familles, qui, dans les premiers moments, ne pouvant en comprendre la portée, ne voient dans la discipline militaire que l'inflexible niveau de l'esclavage ?...
"C'est pour remédier à ces inconvénients que les pétitionnaires vous demandent la création de paroisses militaires et l'organisation du service religieux dans tous lieux de rassemblement des troupes.
"Messieurs, le principe de la liberté de conscience une fois admis et la liberté individuelle assurée, quel inconvénient trouvez-vous donc à ce que chacun fasse connaître ses idées (par la profession de sa foi et la fidélité à la religion) ?
"Pour assurer au sceptique l'incognito , faudra-t-il que le croyant mette sa conscience dans sa poche, et devrait-il renoncer aux avantages que lui procure le service religieux ?"

Le général Victor Pellissier aimait donc les soldats comme un père aime ses enfants, et il voulait leur assurer les conseils et les encouragements des aumôniers militaires, dans les épreuves qui les attendent, surtout à l'arrivée au régiment.

En 1872, il visita de nouveau les Alpes et séjourna à Allos, où il voulut voir tous ses parents.

Quoiqu'il ne fit plus partie de l'armée active, il s'occupait toujours, depuis l'amputation de l'Alsace et de la Lorraine, de l'organisation de la défense de nos frontières de l'Est.
Il était encouragé et aidé, dans cette patriotique entreprise, par deux de ses anciens camarades de l'Ecole Polytechnique :
les généraux Charreton, du génie, et de Cissey, ministre de la guerre.

En 1875, lorsque la France craignait une nouvelle agression prussienne, le ministre de la guerre fit appel à son dévouement pour organiser le 8° régiment territorial à Bourges.
Il accepta sans hésiter, ne voyant, dans ce qu'on lui proposait, que le bien de son pays, et il y consacra ses soins jusqu'en 1878, où il renonça définitivement au service militaire.

Le général Pellissier a écrit l'Histoire des Mobilisés de Saône-et-Loire (1870-71), et cet ouvrage lui a ouvert les portes de l'Académie de Mâcon.
Ses rapports avec Garibaldi, qui alors commandait, hélas ! les mobiles des Basses-Alpes, ne furent pas toujours faciles, surtout depuis le jour où il fit rendre à l'évêque d'Autun les chevaux qu'on lui avait pris :
c'était la lutte entre la justice et la spoliation.
Son corps repose dans le modeste cimetière du village de Chaintré, où il est mort en 1884.
Il laisse un fils adoptif, M. Saint-Remy Pellissier établi à Marseille depuis 1871.

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Notes:

(1) Histoire du diocèse d'Embrun, t. II, p. 383.
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(2) Cette démarche, qui honore le père Piny, étonna Louis XIV.
Elle a été faussement attribuée à Racine.
(Bulletin de la Société scientifique t. IV, p. 120, citant M. Tamizey de Larroque.)
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(3) Les mois étant tous de trente jours, dans le calendrier républicain, on ajoutait, après le dernier mois, cinq ou six jours appelés pour cela complémentaires, pour avoir 36 jours ou 366 pour l'année bissextile.
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(4) Vers 1780, Dominique Bourrillon et Jean-Baptiste Arvel, oncle et neveu, négociants et banquiers à Turin, léguèrent :
le premier, mille livres,
le second, deux mille quatre cents livres à l'église de la Foux,
sous la condition que ladite église serait rebâtie à neuf.
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(5) Séance du 2 thermidor an II.
Le refus fut voté par neuf voix contre quatre,
sur treize votants.
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(6) Archives de la famille Gariel, à Grenoble.
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(7) Voir plus haut, pages 433-434.
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(8) M. Signoret, curé de la Foux d'Allos, mort curé de Castellane en 1897.
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(9) Les auteurs de la Biographie des Hommes remarquables des Basses-Alpes, auxquels j\'emprunte cet éloge, écrivaient du vivant du docteur Honnorat, et c\'est contre son gré qu\'ils inscrivirent son nom dans le catalogue des célébrités bas-alpines.
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(10) Appelé en qualité de témoin en Cour d'assises, à Digne, deux ans avant sa mort, il s'y présenta si simplement vêtu que le président le prit pour un cultivateur illetré et l'interrogea en provençal :
D.-Temoui, voueste noun e prenoum ?
R.-Simoun-Jude Hounourat.
D.-Voueste agi ?
R.- Màngi dins mei septanta an.
D.- Vouesta demoura ?
R.- A Digne, boulevard Gassèndi.
D.- Vouesta proufessien ?
R.- Medecin de moun mestier.
D.- Seriez-vous M. le docteur Honnorat ?
R.- Oui, Monsieur le Président.

Ce trait peint parfaitement notre modeste et savant compatriote.

Simon-Jude Honnorat.Coll.musée de Digne.
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(11) Sa maison, aujourd'hui l'hôtel Pascal, est au nord de la Placette.
Il était aussi propriétaire du quartier Sainte-Brigitte, qu'il a possédé jusqu'en 1857.
Il visitait avec bonheur cette terre de ses aïeux et, lorsqu'il partait pour Aix, il la bénissait avec émotion, à la manière des patriarches.
Sa famille a fourni des notaires royaux et ducaux et des curés d'Allos pendant plus de cent ans.
Elle a eu, pendant plusieurs siècles, de fréquentes alliances avec les familles :
Piny, Pascalis, Honnorat, Poilroux, Pellissier et Feraud.
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(12) Les autres branches, dont l'émigration avait eu lieu antérieurement, s'étaient dirigées, paraît-il, vers Marseille.
Elles occupent une place d'honneur dans les chroniques de cette ville.
Jean-Louis Guieu était directeur de l'Hôtel-Dieu pendant la peste de 1720, et ce nom est gravé sur la colonne dite de la sanré, élevé en l'honneur des personnes qui se dévouèrent pendant la contagion.
A Aix, en 1789, on trouve Me. Guieu, avocat, qui devint plus tard conseiller à la Cour de cassation, à Paris.
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(13) M. Saubreuil, qui est devenu plus tard premier président de la Cour d'Amiens.
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(14) Un avocat général poursuivait à outrance un jeune homme qui s'était rendu coupable de vol dans le cas d'extrême nécessité.
Alphonse Guieu, justement étonné de la sévérité excessive du magistrat accusateur, qui revenait sans cesse à la charge pour obtenir une condamnation exemplaire, sans cesse à la charge pour obtenir une condamnation exemplaire, s'écria avec un geste superbe d'indignation :
Si vous le croyez coupable, jetez-lui la première pierre !"
Cette éloquente apostrophe, empruntée à l'Evangile, fit acquitter son client.
Il fit aussitôt une quête et lui en remit le montant, qui s'élevait à 40 francs.
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(15) Mme la comtesse du Chaffaut, née Pellissier, est sa petite-fille.
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(16) Trois garçons et deux filles, dont l'aînée, nommée Laure, épousa Etienne Guirand, originaire d'Allos, fabricant de draps à Vienne.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. - Faune et Flore.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE V

EGLISES et CHAPELLES.

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1.-Notre-Dame de Valvert, église paroissiale d'Allos.
Pourquoi a-t-elle été bâtie hors du bourg ?.

Notre-Dame de Valvert, Vallis Viridis, solitairement assise au sud d'Allos, sur un petit plateau où viennent expirer les pentes rapides de la Côte-Haute, doit son gracieux nom à ce verdoyant coteau et aux rives ombragées du torrent qui amène les eaux du lac dans le Verdon.
Elle est bâtie, dit M. Révoil, "sur une couche de ces roches friables qui forment la constitution géologique de ces contrées."
Les premières assises de ses fondations sont de niveau avec le lit du Chadoulin, qui les a plusieurs fois complètement dénudées.
Henri, auteur des recherches sur les antiquités des Basses-Alpes, dit qu'en 1788 une crue extraordinaire les avait mises à découvert.
L'orage de 1886,
Note (1) creusa même sous l'angle nord-ouest, dont la solidité fut heureusement assurée par la forte assise de béton sur lequel il repose.
La construction de Notre-Dame de Valvert en ce lieu est un problème historique difficile à résoudre.
Une tradition sept fois séculaire l'attribue à une souveraine de Provence qui, étant tombée de cheval en ce lieu et ne s'étant point blessée dans sa chute, voulut y faire bâtir une église.
Elle ajoute que cette souveraine est la Reine Jeanne.
Aucun document historique connu n'infirme cette assertion, dans sa première et principale partie; mais la Reine Jeanne ne peut pas avoir fait construire notre église paroissiale, puisque cette église existait déjà depuis deux cents ans, comme nous allons le voir bientôt.
La grande popularité de la souveraine de Provence et de Naples paraît avoir inspiré à nos ancêtres une reconnaissance qui est due à une autre reine ou à un autre souverain.
Une autre tradition fait remonter la construction de l'église d'Allos jusqu'au règne de Charlemagne.
Note (2)
Ce prince est mort en 814, mais plusieurs églises qu'il a fondées, en différentes contrées, n'ont été bâties qu'assez longtemps après son règne, soit à cause des invasions sarrasines, soit pour d'autres motifs.
Il n'est donc pas impossible que Notre-Dame de Valvert ne soit un don de la royale munificence de Charlemagne.

2.-Elle est classée parmi les monuments historiques.Elle remonte au XI° siècle.
Ecole d'architecture à laquelle elle appartient.
Ce qui la caractérise et la distingue des édifices religieux de la Provence.


L'église paroissiale d'Allos est classée parmi les monuments historiques.
Elle appartient au style roman, mais on voit poindre le style ogival ou gothique dans la voûte du sanctuaire.
Le savant auteur de l'Architecture romane du midi de la France estime que " sa construction est de la deuxième période du XI° siècle et antérieure, de quelques années, à celle de Seyne, ainsi qu'à la cathédrale de Senez, et qu'elle appartient à la même école d'architecture."
"C'est un monument remarquable, dit-il, par son plan, la régularité et la richesse de ses appareils et par les détails intérieurs et extérieurs :
moulures ou sculptures, qui le classent parmi les plus importants spécimens d'une école d'architecture complètement distincte de celle à laquelle on doit les plus beaux édifices religieux de la Basse Provence.
Elle est formée d'une seule nef de vingt mètres, d'un avant-choeur et d'une abside, qui portent sa longueur totale à vingt-huit mètres, dans oeuvre.
"Construite en pierres dures de grand appareil, divisée en assises régulières, elle repose sur une base moulurée qui ceinture ses faces extérieures et est couronnée par une sorte de doucine écrasée, sur laquelle vient s'amortir sa toiture.
"Quatre contre-forts, sur chaque face du nord et du midi, contrebutent la poussée des arcs-doubleaux, plein cintre comme la voûte.
"Ces arcs-doubleaux reposent sur des colonnes engagées aux trois quarts et surmontées de chapiteaux composés de figures et de feuillages.
"L'abside, plus basse que la nef, est précédée d'une travée qui a la même hauteur et qui est percée d'une grande baie, au midi.
Trois ouvertures de même forme ajourent cette abside.
"Ces fenêtres sont encadrées de moulures multiples à l'intérieur comme à l'extérieur.
Il en est de même pour les trois fenêtres percées , au midi, au milieu de chaque travée de la nef.
"A l'extérieur de l'abside, règne une élégante corniche, composée d'un cordon de dents de scie et d'arcatures reposant sur des modillons plats et de forme trapézoïde.
"La façade, dont la double pente formant pignon est couronnée d'un gros quart de rond, est percée d'un petit oculus placé très haut et d'une porte ornée de quatre colonnes surmontées par des chapiteaux composés de figures humaines et d'animaux d'un faire grossier, mais d'une exécution ferme et expressive et soutenant les archivoltes formées par de gros tores à demi engagés."

3.-Sa toiture primitive et son ancien clocher.

"La toiture ancienne devait être en dalles; elle a été remplacée par une couverture en plaches de mélèze.
Il ne faudrait pas songer à rétablir le système de couverture primitif.
On a employé le même procédé, pour préserver des infiltrations les chaperons des contreforts, disjoints par suite des désordres qui se sont manifestés dans cette partie de la construction.
"Un clocher, construit sur le flanc gauche de l'avant-choeur, à une époque qu'il est impossible de préciser (car il ne reste qu'une partie de son soubassement) , a été démoli à la fin du siècle dernier.
Note (3)
On a utilisé ces restes pour en faire une sacristie, et, à l'époque de ce dernier aménagement, on rétablit en maçonnerie grossière la partie extérieure de l'abside qui avait été dégradée par la démolition.
Telle est l'ordonnance générale de ce curieux et important édifice."
Note (4)
Comment a-t-on pu édifier un tel monument dans une vallée de nos Alpes, alors encore plus isolée qu'aujourd'hui ?
La conjecture la plus vraisemblable que l'on puisse faire à ce sujet, c'est que l'un des souverains ( ou des souveraines ) auxquels la tradition attribue Notre-Dame de Valvert l'a fait construire par des religieux maçons.
Au moyen âge, des religieux fixaient leur séjour dans les localités où il y avait des églises à bâtir et y demeuraient jusqu'à ce qu'elles fussent achevées.
Ils travaillaient uniquement pour Dieu et pour la religion, ne demandant que le pain de chaque jour.
Pour mériter le Ciel, ils consacraient leur vie à édifier des temples au vrai Dieu, sur la terre.
Plusieurs de nos belles et solides églises n'existeraient pas si les religieux maçons ne les avaient pas bâties.

4.-Sa restauration à la fin du XIX° siècle.

L'église d'Allos a beaucoup souffert, non seulement des injures du temps, mais des invasions de l'ennemi, des guerres de religion et surtout de la chute du clocher en 1696.
La voûte du sanctuaire ébranlée, celle de la nef endommagée ne furent ensuite qu'imparfaitement et grossièrement réparées.
Note (5)
Il était réservé à notre époque d'entreprendre et de mener à bonne fin la restauration complète, et selon le style primitif, de Notre-Dame de Valvert.
Note (6)
Les premiers travaux eurent pour objet " les deux contreforts dont la façade est flanquée, à droite et à gauche".
La réfection des socles et de la partie supérieure de ces contreforts, en pierres semblables aux pierres primitives, rendirent aussitôt à cette partie de l'édifice son aspect d'autrefois.
On répara ensuite les trois contreforts extérieurs de chaque façade latérale, qui avaient aussi subi des dislocations, surtout dans leur partie supérieure; les moulures et les glacis des fenêtres, la corniche extérieure, les chaperons des contreforts et enfin la moulure extérieure qui entoure l'église et dont une partie avait disparu.
M. Révoil avait surtout à coeur la restauration " de la corniche extérieure de l'abside et de l'avant-choeur, qu'il faut rétablir, disait-il, en ceinturant le tout avec la doucine, sur le bord de laquelle vient s'amortir la couverture".
Grâce à cette intelligente restauration, on voit aujourd'hui, comme au XI° et au XII° siècle, ladite doucine reposant sur une riche dentelure de pierres verticales et des arcatures
" supportées, dit encore M. Révoil, par des modillons plats et de forme trapézoïde".
Après la restauration extérieure (1894-1895) et la réfection d'une travée de la voûte, en 1896, les travaux furent interrompus, pendant trois ans.
Les autres travées de la voûte de la nef ne furent refaites qu'en 1899, lorsque le ministre eut approuvé le nouveau devis présenté par M. Révoil.
Note (7)

5.-Notre-Dame de Valvert était un prieuré-cure administré par un vicaire perpétuel.

La paroisse de Notre-Dame de Valvert était, avant la Révolution de 1789, un prieuré-cure administré par un vicaire perpétuel.
Un évêque de Senez nous dit,
Note (8) en ces termes, dans quel état elle se trouvait, au point de vue temporel :
"Le prieuré d'Allos est attaché depuis très longtemps à la mense épiscopale de Senez.
Il paraît, par les visites de Mgr de Clermont en 1551 et de Jean Clausse, son successeur, que Mgr de Quiqueran, évêque de Senez en 1545, a joui de la dîme de ce prieuré, et de même ses successeurs, jusqu'à Mgr du Chaîne, laquelle se payait en douzains de tous les grains, et à l'onzain des nadaus .
Note (9)
"Ce fut, en effet, Mgr du Chaîne qui changea la face de ce prieuré par une transaction entre le seigneur évêque et les consuls d'Allos, touchant la levée des droits décimaux, que le sieur évêque et ses devanciers ont accoutumé de prendre audit Allos, son terroir et district, comme membre uni et incorporé à la mense épiscopale, que ledit évêque baille, cède et quitte à ferme annuelle et perpétuelle aux consuls et communauté d'Allos, tous les droits décimaux qu'il est en coutume d'y percevoir, moyennant la somme de 800 livres, portée, à la Toussaint et à Pâques, dans le château épiscopal; avec institution de procureurs pour demander au Pape l'approbation dudit concordat, en conséquence duquel il y eut supplique et décret de Rome du 18 octobre 1659; ensuite bulle de commission pour vérifier la clause si res ita est, et pour approuver; puis actes faits par la camera du Pape, le 1er octobre 1660, qui furent suivis de sentence et publication, le 23 dudit mois, et enfin d'arrêt du parlement de Provence, le 26 février 1661.
Note (10)
"Le vicaire d'Allos avait, suivant la visite de 1602, 40 écus de rente en argent et, outre cela, des terres et des prés; mais, dans notre inventaire des chapellenies en 1699, n° 6, nous fimes, en présence du sieur vicaire et des sieurs consuls, le détail des terres, prés et rentes de la vicairie, qui monta à plus de 200 livres, et nous avons remarqué, depuis, que ce détail est encore plus grand, dans le cadastre de la communauté.
Telle était la situation temporelle de l'église paroissiale d'Allos et de son curé ou vicaire perpétuel.
Au point de vue surnaturel, Notre-Dame de Valvert a toujours été le pieux rendez-vous de prédilection des habitants d'Allos, et aujourd'hui, pendant qu'elle est en réparation, ils soupirent après le jour où il leur sera donné de s'y réunir de nouveau, tous les dimanches, depuis la fête de Pâques jusqu'à celle de la Toussaint.
Pour encourager leur confiance, Benoît XIV accorda une indulgence plénière aux fidèles qui visitent cette église le jour de l'Assomption, et la Sainte Vierge a répondu quelquefois à cette confiance par des guérisons miraculeuses.
Voici, à ce sujet, un fait bien circonstancié consigné dans nos archives :
Un jeune enfant de Colmars, "Jean-André Gautier, était atteint d'une maladie incurable et abandonné des médecins.
La femme qui le nourrissait, comme étant partie de ce chef-lieu d'Allos, fit voeu à Notre-Dame de Valvert, et incontinent l'enfant se trouva mieux et son oncle Gautier s'acquitta du voeu fait par la nourrice.
J'en suis témoin oculaire.
"GANDALBERT, Curé."

L'oncle du jeune enfant "prêtre de Colmars, bénéficier dans la cathédrale de Digne, offrit à Notre-Dame de Valvert un tableau et un cierge blanc, le 10 septembre 1651."

6.-Eglises succursales de la Foux, de Bouchiers et de la Beaumelle.

Les paroisses de la Beaumelle et de Bouchiers furent érigées par une ordonnance de Mgr de Villeserin du 6 octobre 1673.
Nous avons dit plus haut, en relatant cette érection suivant l'ordre chronologique, que, par respect pour l'église matrice, les fidèles de ces nouvelles paroisses étaient tenus de demander, chaque année, au vicaire perpétuel, la permission, - qu'il ne pouvait refuser - de faire la communion pascale dans leurs églises respectives et qu'ils devaient, le jour de la Fête-Dieu et de l'Assomption de la Sainte Vierge, assister aux offices et à la procession à Allos.
La paroisse de la Foux, quoique plus ancienne, paraît avoir été érigée dans les mêmes conditions de dépendance.
La fête patronale de la paroisse de la Beaumelle attire, chaque année, le 2 juillet, de nombreux pèlerins.
Ce pieux concours des habitants de la haute vallée du Verdon, qui viennent, de nos jours comme autrefois, prier Notre-Dame de Lumière, se confesser et communier, dans l'église qui lui est consacrée sous ce titre, inquiétait Soanen, l'évêque janséniste de Senez.
Heureusement, l'hérésie janséniste ne parvint pas à ébranler ce pèlerinage, et Notre-Dame de Lumière est toujours la consolation et l'espérance des fidèles de la région.
Dans la seconde moitié de notre siècle, des travaux considérables de reconstruction et réparation ont été faits dans ces trois succursales.
L'église et le presbytère de Bouchiers ont été construits en 1862 sur un nouvel emplacement, moyennant la somme totale de 10.457 fr. 64 c.
La bénédiction de la nouvelle église, dédiée à saint Antoine de Padoue et non à saint Antoine, ermite, comme l'ancienne, fut faite par M. Signoret, curé d'Allos, le 25 novembre 1862.
De 1865 à 1867, on employa 10.966 fr.93 c. pour la reconstruction partielle de l'église de la Beaumele, la construction d'un presbytère à la Foux et l'agrandissement de celui de la Beaumelle.
Enfin, en 1875, un clocher a été bâti à la Foux, à l'angle nord-ouest de l'église, au prix de 6.273 fr. 99 c.

7.-Chapelles et chapellenies.

La piété de nos pères se manifestait souvent par la fondation de nombreuses chapelles et chapellenies, dont le catalogue complet permettra au lecteur d'établir lui-même la double catégorie de celles qui ont disparu et de celles qui existent encore.

CHAPELLES D'ALLOS.

Saint-Sébastien, martyr, chapelle des Pénitents, appelée par les évêques de Senez chapelle de Secours pour la saison d'hiver.
Saint-Nom de Jésus, bâtie sur le terrain appelé encore aujourd'hui le Jésus.
Saint-Joseph, près du Portail-Bas, au nord de la Tour de la Chauchière.
Sainte-Marguerite, à l'intersection des chemins du Brec et du Villard.
Saint-Barthélemy, près du pont de Notre-Dame de Valvert; elle était déjà démolie en 1723.
Sainte-Trinité, bâtie au plan d'Allos.
Saint-Roch, sur le chemin de Colmars.
Saint-Esprit devait être construite au quartier des Aires; un évêque de Senez défendit de la bâtir.
Saint-Pierre, sur le chemin de Bouchiers; la plus ancienne chapelle d'Allos; autrefois église paroissiale.
Notre-Dame du Serret, bâtie du côté des Aires.
Notre-Dame de la Salette, près du Pré de la Porte.
Note (11)

CHAPELLES DES HAMEAUX D'ALLOS.

Saint-Sauveur, au hameau de Montgros.
Note (12)
Notre-Dame de Grâce, au quartier des Guinans.
Saint-Jacques et Saint-Philippe, au Seignus-Bas.
Saint-Laurent, diacre, martyr, au Seignus-Haut.
Sainte-Brigitte, au quartier de ce nom.
Saint-Joseph, au même quartier.
Sainte-Madeleine, au Villard-Bas.
Notre-Dame de la Fleur, au Villard-Haut.
Le Saint-Suaire et Sainte-Madeleine, à Champ-Richard.
Notre-Dame des Plans, au quartier du Brec.
Note (13)

CHAPELLES DES PAROISSES SUCCURSALES D'ALLOS.

Saint-Roch, à la Beaumelle, sur l'ancienne route d'Allos à Barcelonnette.
Sainte-Anne, au quartier de Primin.
Sainte-Madeleine, sous le rocher de la Baume.
Saint-Pancrace, au hameau du Collet.
Notre-Dame de Pitié ou des Sept-Douleurs, à la Foux.
Saint-Clément, près de l'église paroissiale de ce hameau.
Saint-Antoine de Padoue, à Chauvet.
La chapelle de la Sestrière.
Note (14)

CHAPELLENIES.

Saint-Honoré, Saint-Blaise, Sainte-Irène, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Jean l'Evangéliste, Saint-Sauveur, Saint-Laurent, Saint-Gervais, Saint-Etienne, Saint-Sébastien, la Sainte-Trinité, Notre-Dame de Consolation, Notre-Dame des Plans, Saint-Michel,
Note (15)
Saint-Joseph, Saint-Eutrope, Saint-Antoine de Padoue, etc.
Ces chapellenies furent fondées, pour la plupart, dans l'église paroissiale, Notre-Dame de Valvert.
Par ces pieuses libéralités, les fondateurs se proposaient non seulement de faire dire des messes, chaque année, ou chaque mois, ou chaque semaine, selon l'importance du bénéfice, mais encore de donner, dans la personne des chapelains, de précieux auxiliaires au clergé paroissial.
"La résidence ayant été attachée à tous les bénéficiers d'Allos, par la loi des fondateurs et par la pratique des siècles, disait Soanen, en 1712, nous ordonnons à tous les chapelains absents de venir résider dans les six mois prochains."
Mais, en 1723, ce prélat modifiait ainsi son ordonnance de 1712 :
Attendu "que le revenu de plusieurs bénéfices s'est diminué notablement par le laps de temps, nous ordonnons qu'entre les chapelains ceux dont le revenu sera de cent cinquante livres, après le service déduit, viendront résider personnellement à Allos."

 

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Notes:
(15 notes dans ce chapitre)

(1) J'étais alors curé de la paroisse de Barrême.
Je me rendis à Allos peu après l'orage, et j'examinai avec soin l'état des lieux avant le rétablissement de la route qui passait, à cette époque, devant l'église.
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(2) Voici, à ce sujet, le texte complet d'Henri, auteur des recherches sur les antiquités des Basses-Alpes :
La tradition fait remonter au règne de Charlemagne (768-814) la fondation de plusieurs églises de la Haute-Provence.
Celle de Notre-Dame de Digne, celles de Senez, de Seyne et d'Allos, toutes bâties sur le même modèle, sont de ce nombre.
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(3) Le clocher a été construit en même temps que l'église et démoli avant 1696.
Le procès-verbal de la visite de Soanen, évêque de Senez, à Allos, en 1712, ne permet aucun doute sur ces deus points :
Le clocher, autrefois d'une ancienne et belle structure qu'on a cru de Charlemagne, comme celui de Digne, fut démoli par un ordre trop précipité dans la guerre qui finit en 1696.
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(4) Rapport pour la restauration de l'église d'Allos fait, en 1893, par M. Révoil, architecte des beaux-arts, en résidence à Nîmes.
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(5) Procès-verbal de la visite épiscopale de 1712, citant celui de la visite de 1602, qui n'existe plus dans les archives de Senez.
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(6) Le devis estimatif de cette restauration, dressé par M. Révoil, fut approuvé par le ministre des beaux-arts, le 29 mai 1894.
Les dépenses s'élevaient à la somme de 18.842 francs.
Elles furent couvertes par les allocations et les fournitures suivantes :
1° Allocation du minitère des beaux-arts.....9.426 2° " du ministère des cultes........5.400 3° " de la fabrique;;;;;;;;;;;;;;;;;1.500 4° " de la commune..................1.500 5° Fournitures des bois pour échafaudages....1.026,67 Total :........18.852,67 .
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(7) Les dépenses des premiers travaux, évaluées à 18.852 fr.67 c. dans le premier devis, s'élevèrent à 20.076 francs.
Le second devis estimatif des travaux complémentaires prévoyait une dépense de 8.918 francs. Total : 28.994 francs.
Ce devis comprenait la réfection des deux travées de la voûte de la nef, comprises entre la façade principale et la première travée, déjà reconstruite, le repiquage des parements des pierres de la voûte pour enlever le badigeonnage à la chaux incrusté dans les anciennes pierres, la reconstruction du campanile, le remplacement des marches du perron d'entrée et la réfection de la couverture en planches de mélèze. (M. Révoil.).
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(8) Jean Soanen, visite pastorale à Allos en 1712.
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(9) Petits agneaux; terme emprunté à la basse latinité, nado, agnus. (Maigne d'Arnis.).
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(10) Malgré le décret de Rome et l'arrêt du parlement de Provence, les successeurs de Mgr du Chaîne, de Villeserin et Jean Soanen lui-même, contestèrent la validité de la transaction ou concordat, comme faite sans nécessité, ni utilité, sans le consentement du chapitre, comme un acte tout personnel fini avec Mgr du Chaîne; mais, ajoute Soanen, la présente guerre ayant aigri les esprits, nous avons sursis, pour nous régler sur la paix..
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(11) Les chapelles de la Sainte-Trinité, du Saint-Nom de Jésus, de Saint-Joseph, de Sainte-Marguerite et de Notre-Dame du Serret sont tombées en ruines de 1699 à 1747; celle du Saint-Esprit, fondée et dotée par Louis Julien, n'a jamais été construite.
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(12) On lit dans le procès-verbal de la visite de Jean Soanen à Allos, en 1712, une note intéressante relative à un bénéfice de cette chapelle :
Pour le service fondé par MrePierre Pellissier de Bologne, en son vivant aumônier du roi, dans son testament du 10 février 1651, - notaire Achard, à Digne - dont le capital est de quarante livres; Mre d'Entrages, conseiller au Parlement, son héritier, en est chargé, etc.
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(13) La chapelle de Notre-Dame des Plans a complètement disparu ; celles de Saint-Sauveur de Montgros, du Saint-Suaire et de Sainte-Madeleine de Champ-Richard, de Saint-Jacques et de Saint-Philippe du Seignus-Bas sont en ruines ; Notre-Dame de Grâce, Sainte-Madeleine du Villard et de Sainte-Brigitte ont été reconstruites depuis dix ans environ.
Cette dernière a été rétablie sur un emplacement nouveau et avec l'adjonction du vocable de Saint-Joseph.
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(14) La chapelle de Saint-Roch de la Beaumelle a été démolie de 1891 à 1893 et remplacée par un oratoire ; Sainte-Anne de Primin a existé jusqu'à nos jours, mais elle est actuellement abandonnée ; Saint-Pancrace, Saint-Clément, Notre-Dame des Sept-Douleurs ont disparu depuis longtemps; Saint-Antoine de Padoue n'a existé que comme bénéfice; la chapelle de la Sestrière, fondée par Jean-Ange Pascalis, n'a été bâtie qu'après l'année 1712 et elle s'était déjà écroulée en 1751.
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(15) Ce bénéfice était un des plus importants :
La rente, qui n'est aujourd'hui que de 300 livres, dit encore Soanen, en vaudrait plus de 400, si les terres n'étaient pas négligées.
Nous avons vu le titre primordial de la chapellenie de Saint-Michel, qui est du 16 janvier 1399, par Pierre Jaumard du Seignus.
Le fondateur oblige le chapelain à résider ; faute de quoi, il se réserve d'en nommer un autre, et le charge de trois messes par semaine.

Le procès-verbal de la visite de 1712 se tait sur un usage singulier que je mentionne cependant, mais sans en garantir absolument l'authenticité :
In die sancti Michaelis, faciunt unum cantare et omnes presbyteri qui in eo aderunt habebunt suum prandium cum tredecim pauperibus ; et post prandium dicunt una voce, saltando :
DIOU AGUE L'AMO DOU PAOURE JEOUMARD !

Dans la visite pastorale de 1699, Soanen, sans parler de ce chant ni de ce rondeau, dit que les charges du bénéfice sont une aumône à treize pauvres, un repas aux prêtres, etc.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. - Faune et Flore.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE VI

Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.

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1.-Les remparts d'Allos. Les tours du Portail-Bas, du Portail-Bouchiers, du Portail du Nord. La citadelle.
Allos était, autrefois, entouré de remparts dont les fondations sont apparentes en maints endroits.
Deux pans de ces vieilles murailles sont encore, aujourd'hui, debout :
l'un, au midi, à côté du clocher, est couvert de lierre;
l'autre, au couchant, est isolé, ayant, d'un côté, les aires et, de l'autre, la terre du Jésus.
Ces témoins d'un autre âge nous disent en quoi consistaient les moyens de défense de nos ancêtres et avec quelle solidité ils les avaient bâtis.
C'étaient de fortes et hautes murailles, percées de trois portes et flanquées de plusieurs tours.

Les portes, correspondant à trois des points cardinaux, se trouvaient, l'une au midi, l'autre au levant et une autre au nord.
Il n'y en avait point au couchant, le bourg étant à peu près inacessible de ce côté.
On appelait : la première, Pourtaou bas ou Porte de France;
la deuxième, Pourtaou Bouchier ,
et la troisième, Pourtaou de l'auro ou Porte haute.
La Porte de France a été démolie en 1858, pour faciliter l'entrée des charrois volumineux; la démolition du Pourtaou Bouchier remonte à 1850, et la Porte haute a vraisemblablement cessé d'exister en même temps que les remparts, c'est-à-dire depuis environ trois cents ans; mais elle a laissé son nom de Pré de la porte.

Dans le cours du XVIe siècle, les consuls d'Allos s'occupaient avec sollicitude des tours de nos remparts, soit pour faire réparer les anciennes, soit pour en faire construire de nouvelles, et les comtes de Provence s'intéressaient à ces travaux par de royales largesses dont nous avons déjà parlé.
Ils firent même, à ce sujet, des concessions assez extraordinaires, en permettant au conseil de la communauté d'avoir sa salle des délibérations et d'établir une prison dans une tour voisine de la porte dite Pourtaou Bouchier, et aux habitants de couvrir les autres tours, d'y pratiquer des ouvertures et d'y aménager des habitations à leur usage.

La démolition des remparts n'entraîna pas celle de toutes les tours, et deux d'entre elles ne sont jamais tombées sous le marteau démolisseur.
Ce sont celles qui avaient été construites pour la défense de la porte principale :
l'une, celle de gauche, est devenue propriété particulière, et l'autre a été transformée en clocher paroissial.

Une citadelle dominait l'enceinte fortifiée.
Quoiqu'il n'existe aucun vestige apparent de ce château fort, j'ai pu en déterminer l'emplacement, grâce aux extraits d'un vieux cadastre des biens qui appartenaient autrefois aux églises et aux chapelles d'Allos.
Note (1)
Il avait pour confronts :
au midi, les aires; au couchant, le rempart, lou Barri ; au nord, une terre appelée Jésus et Champ de Mars.
Ces indications si précises ne nous permettent pas de douter que la maison rustique dite maison des aires, ancienne propriété de feu Esprit Guirand, médecin, ne soit bâtie sur le terrain occupé jusqu'en 1631 par la citadelle, et j'estime que, si on faisait des fouilles en cet endroit, on découvrirait les substructions de cet ouvrage militaire.

2.-Forts de la Côte-Haute et de Peyroni. Tours de la Colette et de Vacheresse.

Hors des remparts, deux forts isolés, l'un au levant et l'autre au couchant, distants l'un de l'autre, à vol d'oiseau, de deux kilomètres, complétaient la défense d'Allos.
Celui du levant a donné son nom à la partie supérieure de la Côte-Haute;
Note (2)  celui du couchant était appelé Fort Peyroni.
Ces forts commandaient la vallée, et leur artillerie devait interdire à l'ennemi l'accès de la place du côté de Colmars, de Barcelonnette et de la haute vallée du Var.
Ajoutons que deux tours, également isolées, défendaient le quartier de Saint-Pierre, lorsque, pendant les calamités publiques, les habitants d'Allos se réfugiaient sur ce plateau.
Comme les forts d'Allos, l'une de ces tours était au levant, sur les limites de la forêt de Vacheresse et du terroir du quartier du Bruisset, et l'autre, au couchant, dans un champ du domaine de la Basse-Collette, appelé la Tourré, où l'on voit encore des restes de maçonnerie.
Tels sont les ouvrages de fortification de la vallée d'Allos, pendant les siècles passés.
Ils appartiennent au système de défense en usage chez les anciens, et cela les fait remonter à une époque très reculée.
En effet, " à l'origine, dit un auteur de nos jours, une ville fortifiée était simplement une ville ceinte de murailles surmontées de tours, percées de portes solides et ayant, au centre, un château fort ou citadelle ".
S'il n'est pas possible de dire avec précision l'époque de la construction des remparts d'Allos, nous pouvons préciser celle de leur démolition, qui fut imposée à la municipalité par le maréchal de camp de Montréal, en vertu d'une ordonnance de Louis XIII de 1626.
Note (3)

3.-Anciens chemins établis et entretenus aux frais de la communauté. Organisation de l'administration des ponts et chaussées. Suppression de l'impôts communal pour les chemins.

Les voies de communication étaient autrefois aussi nombreuses qu'aujourd'hui à Allos, mais elles étaient rudimentaires, subissant presque toutes les sinuosités d'un terrain montagneux.
Les ouvrages d'art n'y étaient pas inconnus, puisqu'il y avait le pont de l'Abrau, mais ils étaient rares.
La principale de ces voies partait du Détroit et aboutissait au col de Valgelaye.
Elle se bifurquait à Allos, où les voyageurs pouvaient choisir entre le chemin de la Foux et celui de Bouchiers.
Celui-ci eut pendant assez longtemps la préférence, mais le premier finit par l'emporter, et nous avons dit plus haut
(p.260 ) que le comte de la Roche le suivit, depuis la Foux, avec l'artillerie de Lesdiguières, lorsqu'il vintfaire le siège d'Allos.
Parmi les voies secondaires, on remarquait celle du Laus, aboutissant à Entraunes.
La communauté veillait avec soin à son entretien, à cause des carrières de plâtre de la Cayolle.
Les routes et chemins étaient généralement à la charge de la communauté, et cet état de choses a existé jusqu'à l'institution des ponts et chaussées.
Cette administration, créée par le roi Louis XIII, ne fut définitivement organisée que le 25 août 1804.
L'impôt perçu jusque-là par les municipalités pour l'entretien des routes fut supprimé par la loi du 4 avril 1806 et remplacé par un impôt sur le sel.
Note (4)

4.-Construction des routes du Détroit à Allos et d'Allos à Barcelonnette.

Le chemin partant du Détroit s'élevait alors en spirale vers le plateau de la Chapellenie, passait en amont de la source des Eaux-Chaudes, los Choudans,
Note (5)  et descendait dans le Verdon, au quartier des Plans.
Son tracé n'était pas moins irrégulier en amont d'Allos, sur les rives tourmentées du Verdon.
Il fut classé de bonne heure comme route départementale, et on songea ensuite à le rendre carrossable jusqu'à Allos, en l'établissant au-dessous des Eaux-Chaudes.
La réalisation de ce projet fut laborieuse, et, quand elle fut devenue un fait accompli, l'entretien de la nouvelle route coûta beaucoup plus que sa construction, à cause des éboulements causés par les orages, les longues pluies et les eaux torrentielles qui corrodaient le pied de la montagne.
Pendant près de deux quarts de siècle, on lutta contre ces obstacles...
On se décida enfin à faire ce qui aurait dû être fait primitivement, c'est-à-dire à construire la route dans le lit de la rivière.
Mais une route exposée aux eaux rapides du Verdon doit être protégée, dans toute sa longueur, par un solide enrochement, et la dépense prévue par les ingénieurs s'élevait à 109.000 francs.
Le conseil général imposa, en 1869, une réduction considérable, au préjudice de la nouvelle route, qui, trop rapprochée de la montagne, du côté d'Allos, est exposée au danger des avalanches, pendant l'hiver, et à la chute des pierres, pendant le dégel du printemps.
La construction de cette route ( 1881 ) a rendu beaucoup plus faciles les transactions avec les pays voisins et l'exportation des produits du pays.
Dix ans s'étaient à peine écoulés, après cet heureux événement, lorqu'on s'occupa des formalités prescrites pour changer notre route départementale n°10 en route nationale n°208, partant de la route n°207, près d'Entrevaux, et aboutissant à la route n°100, à Barcelonnette, en passant par Annot, Colmars et Allos.
Note (6)
C'est ce qui eut lieu par la loi du 18 janvier 1883, assurant une amélioration considérable aux arrondissements de Barcelonnette et de Castellane et même au département tout entier, en absorbant une partie de la route départementale n°10.
Cependant le changement de la route qui traverse le terroir d'Allos du sud au nord, en route nationale, n'avait pas encore apporté tous les avantages promis au pays, lorsque en 1889 l'administration des travaux publics et le ministère de la guerre entreprirent de faire communiquer les vallées de l'Ubaye et du Verdon par le col, resté jusqu'alors infranchissable.
L'entreprise était difficile, mais on travailla en même temps sur les deux versants de la montagne, en 1889 et en 1890, avec tant d'activité que les voitures purent aller de Barcelonnette à Allos de 1891 à 1892.
Ce qui doit nous faire encore mieux apprécier les avantages de la nouvelle route, c'est l'intérêt stratégique qui y est attaché.
En effet, "elle met en commmunication les fortifications de la vallée du Verdon avec celles de la vallée de Barcelonnette, qui pourraient ainsi, en cas de guerre, se donner un mutuel appui".
Note (7)
L'administration des ponts et chaussées a fait, en outre, une oeuvre louable en édifiant au bord de la route, sur le col de Valgelaye ou d'Allos, une maison de refuge spacieuse et habitée par un gardien, même pendant l'hiver, dans l'intérêt des voyageurs égarés ou arrêtés par les neiges.
"La route d'Allos ( à Barcelonnette ) est, sans contredit, une des plus belles et des plus pittoresques de toutes les Alpes françaises.
Note (8)
Elle remonte le Verdon, dont la rive droite surtout est partout verdoyante et entrecoupée de distance en distance par de petits torrents capricieusement creusés dans le roc, qui en rompent la monotonie.
Rien de plus gracieux que ces filets d'eau limpide, dorés par les rayons du soleil, à travers le feuillage des mélèzes, des platanes et des pruniers de Briançon.
A la Foux, le vallon s'élargit :
c'est une véritable vallée suisse.
Avant d'arriver à la Sestrière, la voie nationale serpente dans les près et s'élève jusqu'au col d'Allos.
Alors, un magnifique panorama charme le voyageur.
C'est l'imposant cirque de montagnes de la vallée de l'Ubaye.
Pendant qu'il descend, avec une allure parfois vertigineuse, à travers les pentes gazonnées de Valgelaye, le bois de Gâche, la gorge des Agneliers et les précipices de la Malune son regard, s'éloignant inconsciemment du danger, se promène émerveillé sur les coteaux boisés qui s'étendent sous le pic Pain-de-Sucre, depuis Baume-Longue jusqu'à Uvernet.
Elle est donc légitime l'admiration de l'auteur du Guide de l'Alpiniste, qui, renchérissant sur sa première impression, ajoute
" qu'à elle seule, cette route vaut le voyage de Nice, de Marseille, ou de Paris à Barcelonnette, et qu'Allos est admirablement situé comme centre d'excursions très agréables, mais qu'il est encore mal connu des touristes de toute nationalité".
Ce qui autrefois empêchait les touristes d'arriver chez nous, c'est que la montagne de Valgelaye était infranchissable en voiture et d'un accès difficile à cheval.
Ce qui les arrête encore aujourd'hui, c'est qu'il n'y a, sur notre nouvelle route, qu'un insignifiant service fait, dans la saison d'été, par un messager qui va à Barcelonnette le vendredi, pour en revenir le samedi.
Lorsqu'un courrier partira chaque jour de cette ville pour Allos, comme pour Saint-Paul et Larche, notre pays verra arriver, pendant l'été, de nombreux visiteurs, même avant l'achèvement du chemin de fer de Digne à Nice.
Note (9)

5.-Traîneux chasse-neige. Cables porteurs.

La route nationale n°208 est un bienfait, même dans la saison d'hiver, pour les habitants de la haute vallée du Verdon, non du côté de la montagne, où quelques rares piétons peuvent seuls s'aventurer, mais depuis le village de la Foux jusqu'à Thorame-Haute.
On peut en effet y faire circuler, non le traineau léger sur la neige solide, dont parle le poète Delille,
Note (10)   mais un large et lourd traineau, en forme de triangle, qui divise la neige et l'écarte de la voie.
Lorsque ce moyen de rendre nos routes praticables en hiver a été inauguré, il n'y avait qu'un seul traîneau dans la région, et, quand il arrivait à Allos, la neige était durcie par le froid et le piétinement.
Pour obvier à cet inconvénient, le conseil municipal d'Allos demanda, en 1881, un traîneau permanent, qui lui fut accordé par l'administration des ponts et chaussées et qui fonctionne très bien aujourd'hui.
On a établi, dans plusieurs hameaux d'Allos, des moyens de transport qui suppléent avantageusement, dans certains cas, aux charrois ordinaires, aux routes et aux chemins muletiers :
ce sont les câbles porteurs.
Ce système de charroi, dû exclusivement à l'initiative privée, coûte peu et il rend de notables services aux propriétaires ruraux.
Les cultivateurs qui peuvent l'employer économisent des ouvriers et des bêtes de somme ou de trait, surtout pendant la fenaison.
En quelques secondes, les roulettes légères du câble métallique, fixé, d'un côté, au bord d'un pré ou d'une forêt d'un difficile accès et, de l'autre, à côté d'un grenier à foin ou d'un bûcher, amènent des quantités considérables de bois ou de fourrages.
Quand les passants voient une de ces trousses franchir l'espace au-dessus de leurs têtes, il leur semble qu'ils voient un aigle des Alpes fendant l'espace pour s'abattre sur une proie.
Le Guide de l'Alpiniste fait espérer aux touristes qu'en visitant la vallée de Barcelonnette, pendant le mois d'août, ils pourront voir fonctionner les câbles porteurs.
Leur établissement ne remonte pas, chez nous, à un quart de siècle.
Le plus ancien est celui de l'Herbe-Blanche, qui fut établi en 1887, par la famille Michel, du Villard.
D'autres ont été ensuite placés à la Foux, à la Beaumelle, au Foreston, à Bouchiers, etc,...
Les habitants de nos Alpes auraient besoin, - pour les campagnes situées sur les hauteurs, - de câbles porteurs perfectionnés, pouvant monter et descendre les fardeaux, et même servir d'ascenseurs pour les personnes; mais ce progrès ne pourra se réaliser qu'avec le concours de l'Etat, qui ferait de la bonne administration en encourageant, par ce moyen et par d'autres, les agriculteurs à ne pas abandonner les terres de leurs pères.

6.-Organisation tardive du service des postes.

Un de nos compatriotes qui faisait le commerce en Turquie d'Asie, il y a un demi-siècle,
Note (11)   racontait que, dans la ville de Trébizonde, on déposait les correspondances dans une salle, où chacun venait prendre les lettres à son adresse.
C'est à peu près de cette façon que l'administration des postes était organisée dans la haute vallée du Verdon, vers la fin du dernier siècle, si nous en jugeons par les délibérations de la commune d'Allos.
Le 6 mai 1792, le conseil, après avoir constaté qu'un service de piéton avait été établi, en 1770, entre Allos et Colmars, délibère sur ce service qui était, dit-il, " de toute utilité et nécessité, puisque les dépêches de la commune passaient quelques fois les huit jours à la poste, et, nombre de fois, les lettres étaient égarées.
Mais, ajoute-t-il, le piéton, à qui la délivrance a été faite aux enchères, est illettré.
Plusieurs curieux ou trop pressés allaient au devant de lui et inspectaient tout ce qu'il apportait.
"Il n'avait ni sac, ni malle, et plusieurs fois les lettres et paquets sont arrivés mouillés par la pluie ou la neige.
Pour prévenir cet inconvénient, les officiers municipaux ont fait faire un sac à peau, qui se ferme à deux clefs."
Note (12)  Le conseil décida d'envoyer copie de cette délibération au directeur des postes de Colmars et aux administrateurs du directoire du département.
Dans une autre délibération, on nomma le citoyen Pierre Gilly commis (piéton ) , à la charge par lui :
"1° De se conformer à l'arrêté du directoire exécutif du 4 nivôse an V ;
"2° De porter à la poste ( à Colmars ) les lettres et dépêches de tous les citoyens du canton qui lui seront remises et de rapporter celles qui s'y trouveront et de les rendre de suite aux habitants du chef-lieu, et le plus tôt possible à ceux des hameaux; moyennant un sou pour chaque lettre ou paquet venant de la poste seulement, que chaque particulier sera tenu de lui payer, en sus de la taxe; à la réserve néanmoins des gazettes ou papiers publics, pour lesquels il ne pourra être exigé que douze sous par an par abonnement;
"3° De porter au bureau de l'enregistrement ( à Colmars ) les actes qui lui seront remis par les particuliers ou par l'huissier et de les rapporter, lorsqu'ils lui seront remis par l'enregistreur, moyennant un sou par pièce."
Le traitemnt fixe de Pierre Gilly, convenu entre lui et la municipalité, était de 44 livres.
Le 22 mai 1840, le conseil municipal demanda un facteur entre Allos et Barcelonnette, depuis le mois de juin jusqu'au mois de novembre.
L'administration des postes répondit par un refus, et le service continua d'être fait par un facteur qui, partant chaque jour de Colmars, était dans l'impossibilité absolue de desservir dix-neuf agglomérations d'habitants, disséminés dans une commune de 11.663 hectares de superficie.
Enfin, en 1857, Allos obtint une distributrice des postes et un facteur local.
Cette importante amélioration fut bientôt complétée par la conversion de la distribution en recette, en 1874; par l'adjonction à cette recette d'un bureau de télégraphe, en 1877, et d'un deuxième facteur communal.
A partir de 1879, " le courrier de Saint-André à Colmars arriva en voiture jusqu'à Allos, et, actuellement, deux courriers desservent la haute vallée du Verdon, l'un par Notre-Dame de la Fleur et l'autre par Thorame-Basse."
Note (13)
Les progrès du service postal ont donc été considérables, en ce dernier quart de siècle, mais il a fallu les attendre longtemps.

7.-Une brigade de gendarmerie remplace celle des douanes.

Une brigade de gendarmerie a été établie à Allos en 1855, deux ans avant la création de la distribution des postes, cinq ans avant le départ de la brigade des douanes, envoyée, ainsi que les autres brigades de la région, à la nouvelle frontière, tracée dans les Alpes, en 1860, après l'annexion de Nice et de la Savoie à la France.
Pendant plus d'un demi-siècle,   - depuis l'institution de la gendarmerie actelle ( 1790 ) ,
Note (14)  -    le gouvernement avait cru que la pacifique population d'Allos n'avait pas besoin de gendarmes, mais il a décidé de lui en donner une brigade, dès que la construction de nouvelles routes eut amené beaucoup plus d'étrangers et surtout un plus grand nombre d'Italiens dans notre vallée.

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Notes:
( ci-dessous les 14 notes de ce chapitre)

(1) Ancien manuscrit appartenant à la famille Pellissier Joseph, fils de Hyacinthe, du Seignus-Haut.
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(2) Ce plateau s'appelle et s'appellera toujours le Fort.
J'ai visité souvent, pendant ma jeunesse, la partie des fondations qui était à découvert.
Le propriétaire actuel du Fort a enlevé la plupart des pierres de cette maçonnerie et recouvert le reste de terre labourable.
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(3) L'ordonnance de Louis XIII était générale.
J'ai dit plus haut p.299
( Chapitre VI de la 3° Partie ) que le maréchal de Montréal profita de la courte durée de la domination française sur nos pays pour ordonner la démolition des fortifications d'Allos.
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(4) Les communes ont encore aujourd'hui à leur charge les chemins vicinaux.
Quand la commune d'Allos pourra-t-elle rendre carrossables les chemins du Brec, du Villard et du Seignus ?.
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(5) Ces dans ces eaux que les habitants d'Allos faisaient rouir le lin, qu'ils ont cessé de cultiver, depuis quelques années.
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(6) Comme les autres communes intéressées, la commune d'Allos délibéra, le 2 avril 1882, sur l'enquête réglementaire d'utilité publique.
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(7) Paroles prononcées par M. Garcin, représentant d'Allos, au conseil général, séance extraordinaire d'octobre 1880.
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(8) Guide de l'Alpiniste dans la vallée de l'Ubaye, par Coolidge, édité par la station de Barcelonnette, à l'occasion du Congrès du C.A.F, en 1898.
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(9) Le tronçon de Saint-André à Puget-Théniers, par Notre-Dame de la Fleur, n'est pas encore construit, mais déjà on travaille au tunnel de la Colle-Saint-Michel.
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(10) Voir les Trois Règnes de la nature.
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(11) M. Arnaud, de Thorame-Haute, alors consul belge à Trébizonde.
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(12) Le sac de peau coûta 6 livres et quelques sols.
L'une des deux clefs fut confiée au directeur des postes de Colmars.
Les officiers proposèrent de mettre l'autre entre les mains de deux conseillers d'Allos.
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(13) Par une anomalie difficile à comprendre, le courrier de Thorame-Basse, qui marche pendant le jour, s'arrête à Colmars en hiver, tandis que celui de Notre-Dame de la Fleur arrive chaque jour à Allos, pour en repartir, en toute saison, à 10 heures du soir.
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(14) Elle fut établie par un décret de l'Assemblée nationale du 22 décembre 1790, pour remplacer la maréchaussée.
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TOME II

CINQUIEME PARTIE

Description physique, productions.
Cours d'eau, lacs et glaciers.
Etude géologique des terrains. - Faune et Flore.
Hommes remarquables.- Eglises et chapelles.
Anciennes fortifications.
Routes, postes et télégraphes, instruction publique.
Dames de charité, bureau de bienfaisance.
Langue et religion.


CHAPITRE VII

Langue et religion.

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1.-Il y avait autrefois des écoles temporaires jusque dans les petits hameaux.
En compulsant les anciens documents des archives municipales, on voit qu'il y avait des écoles primaires au chef-lieu et dans les hameaux et que ces écoles étaient aussi nombreuses que celles d'aujourd'hui.
Aux approches de l'hiver, les chef de famille s'entendaient pour choisir dans le pays ou ailleurs un maître , qui, moyennant un modique traitement, s'engageait à réunir les enfants, pendant un nombre de mois convenu, pour leur apprendre à lire, à écrire, à calculer, etc.
Ces modestes instituteurs n'étaient pas sans doute munis des diplômes exigés aujourd'hui, mais ils savaient enseigner les éléments de la grammaire, de la géographie, de l'arithmétique, etc.
Ils apprenaient à leurs élèves la calligraphie, la lecture des vieux contrats, l'histoire sainte, l'histoire de France, le catéchisme, et les élèves intelligents qui fréquentaient ces écoles devenaient capables de faire une lettre, même une convention et de tenir les comptes usuels.
Note (1)
J'ai dit, plus haut, qu'en 1610 plusieurs habitants d'Allos, voyant la négligence des consuls à nommer un maître d'école, les menacèrent d'en "prendre un aux frais de la communauté ".
( Cliquez ici pour relire ce passage.)
Il fallait que la coutume dont ils demandaient le maintien fût bien établie pour qu'ils pussent en parler en ces termes.
L'auteur de l'Instruction publique à Barcelonnette
Note (2)   donne le texte d'une convention passée à Allos, en 1619, entre les habitants et le sieur Pons Guirand.
Note (3)
Il fait remarquer avec raison " l'importantance que l'on attribuait à la simple nomination d'un maître d'école pour une seule année".
"Tout cela, ajoute-t-il, après avoir mentionné plusieurs autres conventions passées à Saint-Paul, à Faucon, à Barcelonnette, etc.., nous montre un pays en pleine possession, depuis des siècles, d'une instruction primaire organisée jusque dans les plus petits hameaux."

2.-Allos a eu pendant longtemps une école de latin.

Les habitants d'Allos s'occupaient également de l'instruction secondaire.
La communauté s'engagea à payer 100 ducatons , c'est-à-dire 600 livres, monnaie de France, pour le collège de Barcelonnette, fondé en 1646.
En 1807, au contraire, elle repoussa absolument la demande de subsides pour cet établissement parce qu'il n'avait pas d'élèves de la haute vallée du Verdon.
"Les jeunes gens d'Allos, disait-elle, ne vont pas au collège de cette ville, qui existait avant la Révolution, ni à l'école secondaire établie depuis quelques années; au contraire, leurs parents sont obligés, à cause de la situation du pays, de se procurer des instituteurs à leurs frais."
Note (4)
Il y avait donc à Allos, avant 1807 et probablement depuis longtemps, une école de latin.
Cette école a continué d'exister jusqu'à nos jours, malgré quelques intermittences.
Elle a été dirigée, successivement, par MM. Vinay, Brun, Guirand, Barbaroux, etc.
M. Brun, jeune ecclésiastique comme son prédécesseur, avait dix élèves; M. Guirand, prêtre originaire du pays, en avait trente, se destinant presque tous à l'état ecclésiastique; M. Barbaroux, curé doyen d'Allos ( 1851 - 1868 ) , avait aussi une nombreuse école.
Note (5)
Il y a aujourd'hui, dans le canton d'Allos, une école enfantine et huit écoles primaires, dont deux au chef-lieu et six dans les hameaux.
L'école de latin n'existe plus.

3.-Association de Dames de Charité établie par les évêques de Senez.

Le 28 mai 1775, Mgr de Beauvais était dans nos murs en cours de visite pastorale, et il s'occupa notamment des oeuvres de charité à l'égard des pauvres.
J'emprunte ça et là au procès-verbal de cette visite les passages qui leur sont consacrés, parce qu'ils appartiennent au livre d'or des actions vertueuses de nos ancêtres :
Note (6)
"Sur les 3 heures de relevée, MM. le maire et consuls et principaux habitants se sont assemblés, dans notre appartement, et, après avoir conféré avec eux des différentes affaires concernant le bien de la communauté, nous leur aurions demandé quels étaient les moyens établis, dans cette paroisse, pour soulager les pauvres et surout les malades.
Ils nous auraient répondu qu'il n'y avait aucuns fonds destinés en leur faveur, mais que la charité des particuliers y avait suppléé par ses secours, qui jamais ne leur ont manqué, surtout lorsqu'ils ont été malades.
"Ayant témoigné à la communauté combien nous étions édifié de sa charité, nous lui aurions fait part du projet d'établir dans cette ville une société de Dames de Charité; mais, comme il n'y a point de revenu affecté pour cette bonne oeuvre, nous espérons que la communauté voudra bien joindre ses secours aux nôtres.
Notre confiance est fondée sur tout ce que nous avons appris, avec la plus grande satisfaction, de la charité de cette ville pour les malheureux.
"Notre proposition ayant été adoptée d'un consentement unanime, après avoir conféré avec M.le curé, nous avons établi Dames de Charité :
Mesdames Pascalis de la Sestrière, Pascalis du Laus, Pascalis de Valplane, Mesdames Pellissier, Guieu, Guirand, Jaubert et les demoiselles Valplane et Gariel, dont toute la paroisse connaît le zèle et la charité; lesquelles dames visiteront les malades, etc."
Le 30 avril suivant, le conseil municipal délibéra sur la proposition faite par le prélat et s'engagea à payer annuellement 100 francs pour les pauvres.
Il proposa, en outre, d'établir un mont de piété de blé, pour secourir les pauvres, dans les années de disette.
MM. Guirand, premier consul, Gariel, Pascalis, de Valplane, Pascalis, du Laus, et Guieu, furent chargés " de dresser un projet de l'établissement de ladite oeuvre pie".
Dix ans après, un autre évêque de Senez, Mgr de Castellane, s'occupa avec le même zèle de l'association des Dames de Charité, pendant sa visite pastorale à Allos, le 24 et le 25 juin 1785.
"Quelle n'a pas été notre satisfaction, dit-il, d'apprendre que le conseil de la communauté avait délibéré de donner annuellement 50 livres pour cette bonne oeuvre.....
Nous avons proposé, comme notre prédécesseur, de donner tous les ans la même somme que donnerait la communauté.....
"Nous avons proposé aux dames d'Allos de renouveler l'association des Dames de Charité.....
Nous avons choisi parmi elles deux infirmières, une lingère, une trésorière, etc....
Elles nous ont désigné des femmes distinguées par leurs vertus, dans les différents hameaux de la campagne, qui visiteront comme elles les pauvres, dans leurs maladies, et leur rendront compte de la situation de ces malades.
Nous avons laissé un règlement dont nous leur recommandons l'exécution."
L'association des Dames de Charité disparut, pendant la tourmente révolutionnaire, comme tant d'autres associations pieuses; mais la charité privée, qui, avant cette institution, pourvoyait aux besoins des pauvres malades, a su la suppléer, après sa disparition, et les femmes d'Allos méritent encore aujourd'hui les éloges que les évêques de Senez adressaient à leurs devancières, en 1775 et en 1785.

4.-Legs faits aux pauvres. Projet d'établir un hôpital. Etablissement d'un bureau de bienfaisance.

L'abbé Augier, orivinaire d'Allos, et sa soeur, Célestine Augier, voulurent doter leur pays natal d'un hôpital et instituèrent la commune héritière universelle de leurs biens par un testament olographe du 5 décembre 1866.
J'ai dit plus haut qu'un décret impérial du 15 mai 1873 autorisa l'acceptation du legs
Augier, mais que, déduction faite des frais et legs particuliers, la somme reçue par la commune se trouva réduite à 4.073 francs.
Un hôpital ne pouvant pas être fondé, on se contenta d'établir un bureau de bienfaisance.Ce bureau fut créé, en effet, par un décret du président de la République, le 17 août 1885, grâce à la donation faite par Colette Michel, le 3O septembre 1883, de l'universalité de ses biens aux pauvres d'Allos.

5.-Langue vulgaire. Spécimen du provençal tel qu'on le parlait à Allos. Particularités qui le distinguent.

J'ai dit avec quel soin les premiers habitants de notre pays gardèrent, pendant de longs siècles, leur langue maternelle et comment cette langue survécut à leur indépendance.
Cliquez pour revoir ce passage.
Note (7)
Je n'essayerai pas de suivre, à travers les siècles postérieurs à la victoire de Jules César et de son neveu, l'empereur Auguste, sur les peuplades des Alpes, les transformations que cette langue a subies, sous la domination romaine, pendant l'invasion des barbares du nord, des Sarrasins, etc.
Mais je me demande ce qu'il y a encore, de la langue gauloise, dans le provençal tel qu'on le parle aujourd'hui à Allos et quelles sont les particularités qui le distinguent.
Afin que mes lecteurs puissent constater eux-mêmes quels sont ces vestiges celtiques
Note (8)    et en quoi consistent ces particularités, je leur offre ici un spécimen de notre idiome vulgaire :

L'ESTIVALHA DAS TROUPEUS TRANSHUMANTS.

De tout tems, de troupèus de regas de la Bassa-Prouvença an estivà sus las mountagnas d'Aroues.
Un escabouet de sièi mila manjava la mountagna dou Laus, e d'autres escabouets parquejavon à
Taroun, à Preinié, à Poussendriéu, à la Sestriera, à l'Aguilha, à Vaudemars e Autapié.
Aquelas regas èron menaus
Note (9)    par de bailes, de souta bailes, de menaires e de pastres.
De grosses chins de garda, de la coumpagna, las preservavon dou dangié de la sauvajuna e das maufatans;
lous
Note (10)    ases carrejavon lou tapàgi e de prouvisiens; lous menouns, fièrs de pourtar au couel de larges
chambis
Note (11)    e de grosses redouns, marchavon en tèsta de l'aver.
L'estivailha coumençava par sant Jan e prenié fin quoura las nevaihaus de l'autoun enmantelavon las auturas.
Aloura, lou baile endicava lou depart, e lou menaire ensounalhava menouns, arets e feas
Contraction de feda<"#E7N/i>
( Docteur Honnorat.).')" onMouseOut="HideBulle()">Note (12)
    en etat de pourtar sounalha en Crau.
Tout aco es feni, despèi quauques ans.
Lou gouvernament a croumpà las mountagnas d'Aroues ( 1894 - 1896 ) ,
e l'aministracien fourestiera li semena de granas e li planta d'aubrilhouns, que se faran grands, se lou Bouen Diéu lous presta vida.

6.-La foi chrétienne, prêchée dans la vallée du Verdon par trois missions successives, n'a jamais cessé d'y être vivante.

La religion des Gallitae, comme leur langue, paraît avoir survécu à leur indépendance.
Rome, il est vrai, imposa ses lois et sa religion aux peuplades des Alpes, comme elle les imposait à tous les nouveaux sujets de son vaste empire; mais, pour la religion, elle se contentait souvent d'un changement superficiel :
les Gaulois vaincus donnèrent à leurs divinités les noms des divinités romaines, et ils gardèrent leurs croyances avec leurs anciennes cérémonies religieuses.
Il est donc probable que les pratiques du culte national des Gaulois Alpins ne disparurent entièrement qu'à la clarté de la foi chrétienne, comme les ombres disparaissent lorsque le soleil s'empare de l'horizon.
La vallée du Verdon, comme les vallées voisines, entendit la prédication de l'Evangile du Ier au IV° siècle, par les missions successives de saint Nazaire et de saint Celse, de saint Pons et de son ami Valère et de saint Domnin, apôtre d'Allons.
La foi implantée par ce triple ensemencement évangélique n'y a jamais été défaillante, malgré la domination des barbares du Nord, les ravages des Sarrasins, les horreurs des guerres de religion et les violences de la Terreur, pendant la Révolution française.
Par une disposition providentielle, juste compensation établie en faveur des habitants des hautes montagnes,
Note (13)   les nuages de l'erreur les enveloppent difficilement, et on dirait que les attaques dont leurs croyances sont l'objet les fortifient, comme le vent du Nord enracine plus profondément les arbres des forêts alpestres.
Et en effet, " sur les montagnes, l'âme se met à l'unisson des objets qui l'entourent ".(Ramond.)
"Au-dessus des nues et des tempêtes, elle trouve la sérénité, dans sa hauteur, et ne perd aucun rayon de la lumière qui l'environne." (Bossuet.)
L'Auteur de ces puissants moyens de conservation est admirable.
Mirabilis in altis Dominus !
En écrivant ces dernières lignes de l'histoire d'Allos, je souhaite que la lumière de l'Evangile éclaire toujours les habitants des rives du Verdon, et je dis à mes chers compatriotes, avec Montesquieu :
"La religion chrétienne, qui semble n'avoir pour objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci";
et avec Fénelon :
"Aimez et observez la religion; le reste meurt, elle ne meurt jamais."

 

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Notes : ( 13 notes dans ce chapitre )

(1) Les vieillards n'ont pas oublié que, pour exciter l'émulation, le maître faisait de temps en temps porter les compositions de ses élèves aux habitants voisins de l'école, qui étaient priés de classer selon leur appréciation, les dictées, les pages de calligraphie, etc.
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(2) M. François Arnaud, notaire.
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(3) Pons Guirand s'engageait " de bien duement et de tout son pouvoir instruire les enfants des particuliers, manants et habitants de la présente ville ( Allos ) qui iront au collège que ledit sieur Guirand, à tel effet, dressera en ladite ville, l'année prochainement suivante, commençant aujourd'hui ( 8 octobre 1619 ) et finisssant à la fin du prochain mois d'août ".
La teneur de cette partie de la convention n'indique-t-elle pas que Pons Guirand donnait l'instruction secondaire au moins à quelques uns de ses élèves ?
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(4) Extrait des délibérations du 13 et du 15 mai 1807, déjà cité.
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(5) C'est avec ou sans autorisation expresse que les prêtres ou d'autres ecclésiastiques dirigeaient l'école secondaire d'Allos.
En 1824, le recteur de l'académie d'Aix informa Mgr l'Evêque de Digne qu'il y avait cinq écoles non autorisées dans l'arrondissement de Barcelonnette, dont l'une à Allos, tenue par l'abbé Brun.
M. Barbaroux fut contraint de réduire le nombre de ses élèves, comme l'a voulu la loi de 1850.
Actuellement, les pères de famille sont obligés d'envoyer leurs enfants au petit séminaire, au lycée ou au collège d'Annot, même pour les classes élémentaires.
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(6) Ce procès-verbal, dicté à l'abbé Pontius, secrétaire du prélat, fut lu à haute voix, devant tous les fidèles assemblés dans l'église.
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(7) Rien ne se détruit plus difficilement qu'une langue...
Nous ne renonçons qu'avec peine aux mots qui ont été les premiers interprètes de notre amour pour nos parents, de leur tendresse pour nous et des besoins de notre enfance...
Voilà ce qui consacre une langue chez un peuple, en assure la durée; son abolition totale est l'ouvrage des révolutions et de plusieurs siècles. (Papon, t. II, pp. 112 -113.).
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(8) Je n'ose pas dire, comme M. Arnaud, de Forcalquier :
Nous parlons encore la langue de nos pères, car plus de la moitié de notre langue est celtique.
(Histoire de la Viguerie de Forcalquier,
t. I, p. 125.).
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(9) Le féminin au, aus, est particulier aux vallées du Verdon, de la Vaïre, du Haut-Var jusqu'à Entrevaux et de l'Asse jusqu'à Barrême inclusivement.
A Barcelonnette, à Seyne, au Puget, on dit menaîa, menaias ; à Digne, mena, menas , pour les deux genres, et, plus bas, menada, menadas..
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(10) Les articles le, la, les, se traduisent par lou, la, et, au pluriel, lous, las, à Allos, à Barcelonnette, à Sisteron, etc.
Du côté du midi et du sud ouest, au contraire, on dit les ou leis , même dans le canton de Colmars, limitrophe d'Allos.
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(11) La syllabe qui compose la première partie de ce mot est appelée chuintante ( du cri de la chouette ).
Cette substitution du ch au c dur est très fréquente, non seulement à Allos, mais à Seyne, dans les vallées de l'Ubaye et de la Durance jusqu'à Sisteron inclusivement.
Du côté du couchant et du midi, le chuintement s'étend plus ou moins complet jusqu'à Digne, où l'on prononce, chat,chouchar, etc.; mais il ne va pas juqu'à Entrevaux.
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(12) Contraction de feda
( Docteur Honnorat.).
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(13) Ces pics, clochers du monde où sonne la tempête,
Devant qui l'homme à peine ose lever la tête,
Tant Dieu lui paraît grand, tant il se sent petit !
( V. Hugo.).
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TOME II

CINQUIEME PARTIE


APPENDICE

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1.-VISITE DE Mgr Jean SOANEN.

EVEQUE de SENEZ
à Allos , du 19 au 25 septembre 1699.
Note (1)
Jean, par la permission divine et l'autorité du Saint-Siège, évêque de Senez, conseiller du roi en tous ses conseils et prédicateur ordinaire de Sa Majesté, savoir faisons que, l'an mil six cent quatre-vingt-dix-neuf et le dix-neuf septembre, pour exécuter le décret du Saint Concile de Trente, qui ordonne aux évêques de faire la visite de leur diocèse au moins tous les deux ans, dans les lieux les plus pénibles, et pour satisfaire à la tendresse que Dieu nous inspire pour notre cher troupeau d'Allos en particulier, nous nous y sommes rendu ledit jour, à soleil couchant, et nous y avons trouvé, en arrivant, M. le comte de Rossignoli, sénateur, pour Son Altesse royale à Nice, et député par le Sénat, conformément aux ordres du prince.

Ceux des consuls qui étaient dans le lieu ayant négligé, peut-être par oubli, de nous venir rendre leurs devoirs tous, ce soir-là, quoique notre visite leur eût été annoncée, huit jours devant, par notre mandement publié au prône, et le moment de notre arrivée encore plus marqué par le son des cloches, nous vinrent voir seulement le dimanche, sur les dix heures du matin,
Note (2)   chez le sieur Honoré Pascalis, official et recteur ou vicaire perpétuel de la paroisse, chez lequel nous prîmes notre logement, et tous les prêtres du lieu et du voisinage y étant venus en procession nous recevoir; nous sommes allé, sous le dais porté par les consuls, à l'église paroissiale, où, après avoir fait notre prière, donné une bénédiction au peuple et dit la première messe, nous sommes monté en chaire pour instruire nos ouailles, et ayant pris pour texte les paroles de l'Evangile du jour, quinzième dimanche après la Pentecôte,
Deus visitavit plebum suam "le Seigneur a visité son peuple", nous leur avons expliqué par cet Evangile même les dispositions et les fruits d'une visite épiscopales et les matières qu'il y faut traiter; et, à la fin de ce discours, nous avons exhorté et pressé, sous les menaces d'excommunication, tant les notaires vivants que les héritiers des défunts et autres personnes qui avaient des titres ou des reconnaissances certaines touchant les biens ou les services de l'église, de nous le révéler; après quoi, nous nous sommes retiré, vers le midi.

Ensuite nous sommes retourné, accompagné de notre clergé, dans la même église, où nous avons assisté à vêpres et à complies, et après cela, sur les remontrances tant du sieur Vicaire que de tous les gens de bien du lieu qui se sont plaints des désordres causés par les cabarets, nous avons parlé contre cet abus qui est pernicieux dans les laïques, mais qui serait encore plus criminel dans les prêtres, et, par cette raison, nous avons défendu à ceux-ci, sous peine de suspense ipso facto, la fréquentation des cabarets, conformément aux saints canons et aux ordonnances synodales de notre diocèse.
Après quoi, continuant notre visite, nous avons fait la prière pour les morts, tant dans l'église que dans le cimetière, et nous n'avons trouvé ni bière, ni représentation,
Note (3)   ni porte au cimetière, ni murailles assez rehaussées et même abattues en plusieurs endroits.
Nous avons encore visité le tabernacle, qui n'est nullement étoffé en dedans, et, après avoir donné la bénédiction du Saint Sacrement, nous avons fait la visite des vases sacrés et des ornements qui sont tels que s'ensuit.

Inventaire des Vases sacrés et des ornements.
Un ciboire sans pied, non doré au dedans, et un soleil aussi d'argent, dont le croissant n'est pas doré et le cristal tout brisé; un calice et patène d'argent fort bas non doré et qui appartient à la confrérie du Rosaire; une petite boîte d'argent, non dorée en dedans, pour porter le Saint Viatique aux malades de la campagne; un crucifix de bois, une grande croix d'argent assez belle quoique antique pour les processions, avec ses écharpes;
Note (4)   deux chandeliers de bois surdorés, six de laiton; deux anges dorés servant de chandelier; un encensoir et navette de laiton; une lampe de fer blanc fort indécente; trois bustes de reliques approuvées par nos prédécesseurs et par nous; deux coussins de damas rouges propres; un Te igitur fort déchiré; la pierre du maître-autel bien conditionnée; deux petits vases dorés avec des bouquets; une ancienne statue de la Sainte Vierge au fond de l'autel; un devant d'autel à fond rouge et fleurs blanches avec un galon et frange d'or faux, un autre damas vert très beau, un autre damas blanc, un autre tafetas rouge, un autre damas bleu à fleurs blanches, dentelle d'or faux; dix-neuf nappes d'autel et trois de communion; dix aubes avec leurs amicts et cordons; une chasuble rouge de camelot; une autre de velours cramoisi avec deux dalmatiques; une autre de damas blanc et deux dalmatiques; une autre de damas rouge sans dalmatiques; une autre de brocatelle rouge et blanche; une autre de camelot violet; une autre de camelot blanc, et toutes avec leurs étoles et manipules et bourses; six corporaux; quatorze voiles de toutes couleurs très propres, et un de réparé; trente-six purificatoires; deux burettes d'étain fort propres; trois écharpes, une de tafetas blanc, une bleue avec un galon, et une verte; une écharpe de velours rouge usée et antique; une autre de camelot noir gaufré; une autre chape de damas blanc; autre de damas rouge à fleurs blanches; autre de damas blanc fort propre; une autre chape de ligature, plusieurs bannières assez belles.

De là nous avons passé aux fonts baptismaux où nous avons trouvé une belle pierre toute d'une pièce, une bonne porte garnie de clous, mais sans serrure, les crémières et la cuvette en bon état, n'y manquant qu'une cuillère ou coquille pour verser l'eau.
De là nous avons vu les autels; le premier est celui du Saint-Rosaire, où est le tableau ordinaire, deux chandeliers, deux anges, deux coussins, un devant d'autel à fleurs rouges et vertes, quatre nappes, nulle pierre d'autel; puis à l'autel de Saint-Etienne, dont le tableau représente saint-Etienne, saint Eutrope et saint Blaise; nous n'avons trouvé qu'une nappe et un devant d'autel de toile peinte.
L'autel du purgatoire a une croix sans pied, une pierre d'autel, deux nappes, un devant d'autel de ligature de soie et de laine, deux coussins, un tableau du purgatoire.
A l'autel de Saint-Eloi, près de la chaire, nous y avons trouvé plusieurs indécences :
la corne de l'autel endommagée, nulle croix, nul chandelier, nul devant d'autel, une seule nappe.


Et le lendemain, lundi, 21 septembre, les consuls et les notables du lieu se sont rendus de bonne heure dans notre maison et nous ont fait des remontrances réitérées et des instances pressantes sur tous les besoins de la paroisse, sur la négligence de plusieurs chapelains, sur l'inexécution des fondations, sur l'irrégularité du divin service, sur les usurpations, aliénations et détériorations des biens d'église; ce qui nous a engagé à examiner tous ces divers chefs, dans un long détail; après lequel, nous sommes allé sur le midi dire la sainte messe, à la fin de laquelle nous avons conféré le sacrement de confirmation aux personnes que le sieur curé nous a présentées, tant de la ville que des hameaux.
Après midi, nous avons commencé de faire devant vingt ou trente témoins, les parties intéressées ou présentes ou dûment appelées, la discussion des chapelles du dehors, qui est telle que s'ensuit.

Inventaire des Chapelles du dehors.
1° Nous avons trouvé la chapelle de Saint-Pierre, qui est l'ancienne paroisse, dont les prieurs tirent son nom, et elle n'a pour son fond, au moins à ce qui nous a paru, que deux brebis dues par Pierre Honnorat à feu François.

2° Que par le dernier testament d'Antoine Pascalis, reçu par le sieur Honoré Pascalis, son héritier, est obligé de bâtir une chapelle au hameau de Chauvet et d'y faire dire une messe par semaine.
La chapelle n'est point bâtie, mais le service a été fait dans la chapelle susdite ( ? ) .
Il y une autre fondation de quinze livres de fonds qui sont dues par Joseph et Honoré Pellissier frères, comme héritiers de leur oncle Pierre, acte reçu par Honoré Pascalis.

3° Que maître Louis Julien a chargé son héritier de bâtir une chapelle, dans l'enclos de cette ville, sous le titre du Saint-Esprit, d'y faire dire deux messes par semaine, ce qui n'a pas été assez bien exécuté.

4° Que le sieur Jean-Ange Pascalis, par son testament reçu par Me Esprit Pini, confirmé par son dernier, sous le 22 juin 1695, a chargé ses héritiers de bâtir une chapelle à la Sestrière et d'y faire dire seize messes tous les ans.
Cette fondation est acquittée quant aux messes et non quant à la chapelle.

5° Que le sieur Esprit Pini, notaire, a établi, par son dernier testament, une messe pour le premier lundi de chaque mois, dans la chapelle de Notre-Dame de Grâce du Seignus; le service a été discontinué depuis le commencement de la guerre, à cause de la profanation de la chapelle.
Note (5)   Dans la même chapelle, il y a une autre fondation d'une messe par semaine, établie par Pierre Millou, depuis 1660, et le service n'a pas été fait.

6° Que Clément Pascal Chabus a établi une messe toutes les semaines, durant huit mois de l'année, dans la chapelle de Saint-Clément de la Foux, et une trêve obligée, pour la rétribution desdites messes.
Le service a été fait.

7° Que le feu sieur receveur Pierre Pascalis a ordonné, par son dernier testament, une messe par semaine, dans la chapelle de Notre-Dame du Serret, avec la rente de quatre écus pour le service desdites messes; le service en est discontinué, depuis huit ou neuf ans.

8° Que le feu sieur Esprit Gariel a chargé ses héritiers de faire acquitter douze messes, tous les ans, dans la chapelle de Sainte-Marguerite, et le sieur Paul Gariel, notaire, un des héritiers, a augmenté cette fondation de six messes par an.
C'est en tout dix-huit messes, et le service n'est point acquitté, depuis plusieurs années.

9° Que Jean-Ferdinand Roche a établi un service annuel, dans la chapelle de Saint-Barthélémy, le jour de la fête; pour rétribution, une émine de blé tous les ans; le service, dont les héritiers de Blaise Bourrillon sont chargés, n'a point été fait depuis longtemps; la chapelle est entièrement ruinée.

10° Que le feu Melchior Audemard a établi un service annuel, dans la chapelle de Saint-Roch, pour la fête, et, pour rétribution, quatre livres; le service est discontinué, depuis quelque temps.
Jean-Ange Pascalis a logé le capital.

11° Que les hoirs Audemard ont établi un service dans l'église paroissiale le jour de la Visitation, avec quatre livres de revenu, pour le service, qui se trouve discontinué, depuis quelques années.

12° Que les sieurs Jacques et Jean-Baptiste Pascalis frères ont laissé un capital de 143 livres pour faire dire des messes dans la chapelle du Nom-de-Jésus sur le revenu; le capital est entre les mains des héritiers; le service est discontinué, depuis quelques années.

13° Que Me Jean-Baptiste Amély a établi une grand'messe tous les ans, dans la chapelle de la Trinité, le jour de la fête, et pour rétribution une émine de blé.
Ce service n'a manqué que depuis deux ans que la chapelle est démolie.

14° Que Barthélemy Guieu d'Ebelle a établi une messe par mois, dans la chapelle de Sainte-Brigitte.
Ses héritiers en sont chargés et n'en ont rien fait, depuis longtemps.
Dans la même chapelle, un autre fonds de 28 livres 5 sols entre les mains du sieur Bourrillon prêtre;
et il est encore dû à Sainte-Brigitte sept brebis de capital par Guillaume Guiran, par contrat reçu par Pierre de Blieux, notaire, le 14 novembre 1660.

15° Que Pierre Milou, fils de feu Pancrace, a laissé une pièce de terre appelée les Lauves pour rétribution de quatre messes par an, la première semaine du mois d'août, dans la chapelle de Saint-Laurent, au Seignus, qui est en bon état.
Honoré Girieud Fleton occupe la terre, et l'on n'est point sûr du service.

16° Que feu Pierre Honnorat, dit Barrassi, a laissé dix écus en capital par son testament, pour dire trois messes, à dix sols chacune, dans la chapelle de Notre-Dame de la Fleur, au Villard d'Allos; acte reçu par Me Laurent Pascalis, notaire; et, dans la même chapelle, autre fondation par Pascal Honnorat, père du susdit Pierre; elle est de dix-huit sols de rente par an.

17° Que dans la chapelle de Sainte-Madeleine, il y a chaque année, le jour de la feste, une messe fondée par Pierre Michel, acte reçu par Me Laurent Pascalis.
Les héritiers en sont chargés.

18° Que dans la chapelle Saint-Sauveur de Montgros, il y a deux messes fondées, par an, à la charge des habitants qui ont le capital entre les mains; ce service est acquitté.

19° Que dans l'église paroissiale, il y a des confréries qui ont de petits revenus sans en jouir, surtout celle du Rosaire, avec des capitaux considérables sans rien produire depuis longtemps, faute d'avoir la liste de la confrérie, qui a été conservée par le sieur Hyacinthe Pascalis, depuis l'année 1687, avec les registres des baptêmes, mariages et mortuaires de feu son oncle, le prieur ou curé d'Allons.

20° Outre cela, Mme d'Entrages, de Digne, a entre les mains, depuis trente-cinq ans, quarante livres de capital léguées à l'église paroissiale par le sieur Pellissier, en faveur des prêtres habitués, pour quatre messes par an, à dix sols chacune.
Ce capital est dû, et quelque chose des intérêts.

Le mardi 22 septembre a été employé, matin et soir, en présence d'un grand nombre de témoins et d'officiers de la communauté, les parties intéressées bien appelées, à l'examen des chapellenies, comme s'ensuit.

Inventaire des chapellenies.
1° La chapellenie de Saint-Honoré, Saint-Sauveur et Saint-Jean-Baptiste, possédée aujourd'hui par le sieur Alexandre Pascalis, prieur de Saint-Lyons, sur le témoignage du sieur Pascalis et de plusieurs personnes dignes de foi qui l'ont attesté devant lui,
a une terre de deux sesterées au Verger,
une autre de six sesterées au Plan, au-dessous du chemin,
un pré en Autapie,
une terre d'une éminée ou deux, au pont du Verdon, au lieu dit les Sauverets, valeur d'un écu de rente;
une terre d'une éminée à l'Auche, qui confronte Joseph Pellissier avec le sieur Jean-Jacques Pascalis, de laquelle plusieurs témoins nous ont dit qu'on a changé les bornes;
une autre terre au pré de Landrieu, de cinq sesterées;
une autre dessous Saint-Pierre, d'environ une sesterée;
une autre à la Colette, de cinq éminées, proche Esprit, Curé (?);
une autre au Bruisset, proche François Chaix, d'une éminée;
une autre tenue en emphytéose, au Bruisset, par Me Laurent Pascalis, confrontant icelui de partout, moyennant cinq livres par an, acte de Me Paulet, notaire;
et une autre, audit Bruisset, tenue par les hoirs de Jean-Baptiste Gariel, moyennant trois livres dix sols de rente;
un pré à Chauvet à dix journées, avec deux petits coins de terre, en dedans; le tout de cinquante-quatre livres de rente, pour le moins,
plus une sesterée en deux pièces assez mauvaises, au Bruisset, près le chemin de Bouchiers :
tous ces biens ensemble, de ladite chapelle, faisant à peu près la rente de cent cinquante livres, selon l'aveu par écrit du sieur Pascalis.
Ladite chapelle est chargée de deux messes par semaine, jusqu'à plus ample information.
2° La chapelle de Saint-Jacques, possédée par le sieur d'Amici, vicaire d'Entraunes,
a deux pièces à la Beaumelle d'environ six sesterées en tout,
plus, dessous la Beaume, un tènement de biens, près, terres et bois, confrontant le Verdon et la Roche, au-dessus de la Reigeasse, sept journées de pré;
une autre terre à la Sestrière par emphytéose, de quinze livres de rente;
le tout vaut à peu près, de rente, nonante-neuf livres, et, quant à ses obligations, le chapelain ne dit aujourd'hui que deux messe, conformément à la sentence de feu Mgr de Villeserin.3° La chapelle de Saint-Eutrope et autres dénominations, possédée par le sieur César Pascalis, curé de l'Enchâtre,
a un tènement de près, situés en Charcueche, appelé le Jeas d'Engautau, avec un autre pré contigu appelé la Chaplone, les deux pièces faisant quinze journées d'homme,
plus un autre tènement de près appelés l'Adrech des Faucons, d'environ dix ou douze journées d'homme,
plus un pré de deux journées en Auriac, confrontant le chemin,
plus le clot de Laugiri, contenant quatre sesterées, situées au Bruisset;
une autre terre, confrontant le chemin royal et les sieurs Jean-Jacques Pascal et Pierre Vital, d'environ, cinq éminées;
une autre terre, confrontant François Pellissier, aux Charrières, d'environ trois éminées;
une autre terre, sous la chapelle de Saint-Roch, confrontant le chemin, qui a été échangée, pour un pré au Sapet, avec Joseph Olivier, ce qui est contre les règles, ayant été fait sans homologation de notre part;
une autre terre, confrontant Jean-Antoine-Pascal Brayon, au Bruisset, de deux sesterées;
une autre appelée Champ-Fleuri, d'environ trois éminées;
une autre à la Colette, d'environ cinq éminées;
une autre au même endroit, d'environ deux sesterées;
un petit morceau de terre gaste, à la montagne de Rougnone, de trente sols de rente, plus quatre livres cinq sols de rente, par convention faite avec les frères Gariel;
plus à la Beaumelle, une terre d'une sesterée et demie, joignant de tous costés, le capitaine Antoine de Blieux;
une autre d'une éminée, en Champ-Richard;
une autre aux Auches, entre celle de Laurent Pellat et de Joseph Bourrillon; cette terre, attestée par le sieur Pierre Pascalis, ancien vicaire, produisant deux témoins, et qui est occupée aujourd'hui par le sieur Jacques Pascalis.
Toutes lesquelles terres valent ensemble huitante-cinq livres, tous les ans.
Quant à ses obligations, selon l'usage suivant, le chapelain ne dit qu'une messe par semaine, et il y a eu près de dix ans sans service.4° La chapelle de Saint-Etienne, Saint-Blaise et Saint-Jean l'Evangéliste et autres, possédée aujourd'hui par le sieur Pierre Pascalis, ci-devant vicaire d'Allos,
a en fonds une terre appelée Pré-Batailler, de la contenance de quatre sesterées pour le moins,
un pré, ou bousquet, d'une journée,
un pré à la Sagne de deux journées,
un petit coin de terre au Fort, aujourd'hui d'une demi-éminée, et autrefois d'une éminée entière,
deux terres en emphytéose au Bruisset, aux Hormes, pour la rente de neuf livres, tenues par Louis Savy;
autre terre au pont de Maïs, d'environ deux sesterées;
une autre terre en emphytéose à la Peirière, tenue par les hoirs Jean Michel, d'une éminée de blé de rente;
un pré à la Chaup, d'une journée;
un pré à Serre-Tomé, quartier du Collet, d'une journée et demie;
une terre inculte à la Séchée, d'environ six sesterées,
plus un tènement, en Chauvet, de terres, prés et pâturages appelés l'Adrech de Grépouns et Gourre, d'environ six sesterées, et la gastaille, tant que contient, et tant le tènement que les prés font, de rente, quarante-deux livres, plus huit livres dix sols par convention avec les frères Gariel,
et le total de la rente de ladite chapelle monte à huitante-huit livres dix sols.
Quant à ses obligations et ses charges, il y a une messe chaque jeudi, sauf la sentence de messire du Chaîne de 1661, dont il sera parlé ci-après.5° Les chapelle de Notre-Dame du Plan, Saint-Michel et autres titres, possédées aujourd'hui par le sieur François Pascalis, curé de Faucon, sur des fonds, premièrement,
au delà de Rébions, une terre d'environ quatre sesterées, donnée en emphytéose au sieur receveur Louis Pini, de neuf livres;
autre terre dessous le cimetière, d'environ trois sesterées, qui a, de rente, treize livres dix sols;
autre terre à Sainte-Brigitte, d'environ huit sesterées en semence, en deux pièces,
avec un pré d'environ dix journées, aux Serres, quartier du Villard, valant soixante-huit livres de rente;
autre terre à Sainte-Aventurine, d'environ trois éminées, valant deux livres;
au Seignus, un grand tènement de terres et prés et bois appelé le bien de Saumas, vaut à peu près cinquante livres de rente, s'en trouvant une partie d'inculte;
à la montagne du Laus, un pré de quinze livres douze sols de rente;
à la Séchée, un grand tènement de terres et prés, arrenté dix-huit livres;
en Vaudemars, un pré d'environ douze journées, valant quarante-cinq livres de rente,
plus il y a, tout au près, un pré de quatre journées, de huit livres de rente,
plus au quartier des Guéridons à l'hubac appelé Serre-Tomé, deux morceaux de terre et un pré arrenté cinq livres;
au quartier de la Foux, à la Tardée, un pré de sept journées ou d'environ quarante livres de rente;
à l'Adrech de Poussendriou, un pré de sept journées de cinq livres de rente;
dans ladite montagne de Poussendriou, un pré pour les bergers, de vingt-quatre livres de rente.
Tout le revenu desdites chapelles monte, par an, à trois cent dix livres.
Les obligations ou charges sont une aumône à treize pauvres, le jour de Saint-Michel, un repas aux prêtres, attesté par plusieurs témoins, et quatre messes par semaine.6° La vicairie d'Allos, sous le titre de Notre-Dame de Valvert, possédée par le sieur Honoré Pascalis, notre official,
a pour fonds une terre appelée l'Adrech de Chauvet, qui, étant cultivée, peut valoir vingt-quatre livres de rente;
plus, au même endroit, deux autres terres, l'une tenue en échange, fait avec le sieur Jean Pascalis pour la rente de douze livres, et l'autre, confrontant le chemin public et le Rif de Ventarit, qui peut produire douze livres,
plus la pièce au portail de Bouchier;
autre pièce dessous le verger tant que contient;
autre propriété au plan Notre-Dame;
autre, appelée Sous-Rébions, de la valeur de nonante-six livres de rente;
autre terre, au Plan, en emphytéose, tenue par le sieur avocat Pascalis, de quatre livres dix sols de rente;
autre terre, au Taron de Lay, de sept livres dix sols de rente;
deux autres terres, au pont de Maïs, de pareille somme de sept livres dix sols.
Plus, la communauté lui donne, pour la dîme des agneaux, douze livres;
plus un autre pré à la Reyasse, de la valeur de trente livres de rente;
autre terre, à la Côte d'Haute, pasquier et bois;
plus un jardin, à la Galinière, devant l'église;
plus une éminée de terre sur la Baume, qui, étant cultivée, peut valoir trente sols par an, l'année qu'elle porte.
Somme totale du revenu deux cent cinq livres dix sols, sans y comprendre quinze livres qu'il reçoit de la Beaumelle et neuf qu'il reçoit de Bouchiers, parce que c'est une indemnité des oblations qu'il a abandonnées par l'abandonnement des églises succursales, sauf à la communauté (?) s'il y a d'autres revenus, non exprimés ci-devant, tant de la susdite vicairie que des susdites chapelles.A ce dénombrement des susdites chapelles et chapellenies, on doit adjoindre, comme un bien de l'église,
un pré sous le titre de Pré du Saint-Esprit, à la Tardée,
et un autre à Poussendriou, tenu par Jean-Antoine Pascal à feu Clément et qui peut valoir douze ou quatorze livres de rente; auquel revenu les sieurs consuls disposent partie aux prêtres qui assistent aux processions de la Pentecôte et aux trois porte-croix, et le reste pour eux-mêmes, se payant de leurs mains, de laur assistance aux processions;
plus un autre pré, dans la montagne de l'Adrech, des frères Gariel, appelé Pré de Dieu, pour lequel les sieurs Gariel donnent une rétribution aux prêtres qui assistent à la procession le jour de la fête-Dieu et le restant pour l'assistance des consuls.
Le mercredi 23 septembre, après avoir rendu justice aux personnes qui l'ont demandée, nous avons employé tout le jour à examiner les anniversaires fondés en l'église paroissiale, tels que s'ensuit.

Inventaire des Anniversaires.
Les hoirs de feu Claude Arnaud, de Méouilles, donnent, par an, trois sols.
Hoirs du sieur receveur Pascalis, vingt-deux sols, payables par Claude Pascal, tailleur, sur la maison qui était entre lesdits hoirs et Claude Pascal.
Jean Augier doit, par an, une livre dix sols imposés sur sa maison.
Hoirs Claude Reverdin doivent, sur la maison, trente sols.
Jean Chaix doit quarante sols par an; Claude et Pierre Chaix doivent payer pour lui.
Les hoirs de Sébastien Richard et, aujourd'hui , sa veuve doit douze sols.
Louis Gariel de Maximin avec Anne Vidale doivent, sur le jardin, huit sols par an.
Jeanne Guirande, veuve de Jean Michel, doit, par an, dix-huit sols.
Les hoirs de Marguerite Magnaude doivent, sur une maison, quatre sols.
Estienne Sicard doit, par an, douze sols.
Les hoirs du sieur Magnaudi doivent, par an, trente-quatre sols.
Les hoirs d'Antoine et Jean Gravier doivent trois livres.
Louis-Pascal Chabrier doit, par an, douze sols.
Louis Thomé doit six sols.
Pierre Moutet doit onze sols six deniers.
Barthélemy Guirand doit douze sols.
Pierre Fournier, d'Allos, doit six sols.
Les frères Michel, bailes, doivent, par an, neuf sols.
Claude et Jean-Honnorat Barrassis, doivent, par an, quatre sols six deniers.
Antoine Raphel doit, par an, quinze sols.
Jean-Honnorat Michelon doit dix-sept sols.
Jean Michel Roux (?) doit, par an, deux livres dix-huit sols.
François Pellissier, dit Gipier, doit, par an, neuf sols.
Honoré Pellissier, pour François Gay, doit six sols.
Joseph Maurel et André Michel doivent douze sols.
Les hoirs de Jacques Chaix Chassan doivent dix-sept sols.
François Chaix, à feu André, dit Bardot, doit dix-huit sols.
Pierre Sicard, tenancier des biens de Pierre Michelon, doit dix-huit sols.
Pierre Bourrillon, pour les biens d'Archimbaut, doit douze sols.
Les hoirs de Sébastien-Pascal Ponchu doivent huit sols.
Jean Guieu Falot doit, par an, une livre seize sols.
Joseph et Claude Jourdan, quinze sols.
Antoine Garcin, cousins, six sols.
Les hoirs Tunez, douze sols.
Antoine et Jean Arvel, trente-cinq sols.
Honnorat Barras, cousins, dix-huit sols.
Les hoirs d'Antoine Pellissier Chantel, quatre sols.
Joseph Bremond de Lustier, neuf sols.
Sébastien Milou, trois livres.
Alexandre et François-Pascal Julien, dix-huit sols.
Antoine et Honoré Girieud, dix sols.
Jean Garcin, cousins, douze sols.
André et Jean Girieud, trente sols.
Les soeurs Bastières, douze sols.
Joseph Bastier Pellat, trente sols.
Hoirs de Jean-Laurent Magnaudi, huit sols.
Jean-Pierre Pelat Patac, neuf sols.
Jean Pelat Cholé, treize sols.
Les hoirs de Louis Giraud, quinze sols.
Les hoirs de Barthélemy Barbaroux, douze sols.
Les hoirs de Claude Caire, trente sols.
Marc-Antoine Pascal, trente sols.
Jean-Pierre Gay, vingt-deux sols.
Frères Rebattu, six sols.
Les hoirs de Jean-Michel Roux, vingt sols;
Pierre Michel, dit Roux, vingt sols.
Blaise Goin, six sols.
Les hoirs d'Honoré Bernard, trente-six sols.
Les hoirs de Reynaud Gariel, six sols.
Pierre Michel, fils de feu François, doit, de rente, vingt-quatre sols; Jean Michel, son frère, en est chargé.
Jean-Antoine Pascal, fils de feu Claude, dit Brayon, doit à l'église, pour un petit coin de terre, dit le Vallaou, selon plusieurs témoins, quinze sols par an, réglé avec lui.
La dame Lucrèce Arnaud doit, pour une messe tous les vendredis, le capital qu'il faut retirer depuis plus de huitante ans, soixante ducatons, qui font deux cent seize livres.
Trois grandes messes durant dix ans par Pierre Paulet, plus une messe par an de Marguerite Arnaud, qui n'en a point fait dire durant treize ans.
Toutes lesdites sommes ci-dessus dues et justifiées devant nous, par actes, ou par témoins, ou de l'aveu des parties.

Ensuite, nous étant informé des églises succursales de la Foux, la Beaumelle et Bouchiers, nous avons trouvé que tout était en assez bon état, à peu de choses près.
Mais pour l'église paroissiale d'Allos, nous avons été pleinement convaincus par l'évidence du fait et par une inspection attentive de tous les articles que notre précédente visite n'avait été exécutée dans aucun de ses chefs, sans exception, non pas même dans les plus aisés et qui n'étaient de nulle peine.

Enfin, le jeudi 24 septembre, après avoir ouï plusieurs plaintes, reçu plusieurs requêtes, écouté les remontrances de notre promoteur, terminé plusieurs querelles et sacrifié nos soins de même que nos plus justes ressentiments à la charité pastorale, dans l'espérance de gagner tous les coeurs à Jésus-Christ;

Nous, Evêque, ayant invoqué le Saint-Esprit et même, pour faire toutes choses amiablement et de concert, ayant tenu plusieurs conférences, tant en public qu'en secret, avec M. le sénateur, qui nous a dit être venu ici pour soutenir les intérêts de la communauté, les gradués, les consuls, plusieurs notables du lieu, eu leur avis,
Nous avons ordonné et ordonnons que la communauté travaillera avec plus de zèle, pour l'avenir, aux choses plus pressantes pour la maison de Dieu, nous étant réduits par condescendance au plus étroit nécessaire des besoins indispensables :

qu'il sera fait un pied d'argent au ciboire, un calice et patène, le tout d'argent et doré dedans, de même que le dedans du ciboire et de la petite boîte pour porter le viatique aux malades de la campagne,
et le croissant du soleil, dont le cristal sera changé;
que le tabernacle sera étoffé en dedans,
sera acheté une lampe de laiton, pour brûler toujours devant le Saint Sacrement;
qu'il sera acheté un missel neuf, un te igitur lavabo et Evangile de saint Jean,
une chasuble, étole et manipule
et un devant d'autel de camelot noir;
que le marchepied de l'autel sera raccommodé et raffermi;
qu'on travaillera incessamment à recouvrer les livres de chant qui sont à Digne;
qu'il sera mis une serrure et une clef aux fonds baptismaux;
que les registres des baptêmes, mariages et mortuaires des années précédentes, tenus par l'ancien vicaire, seront remis entre les mains du moderne, et que les autres plus anciens, qui peuvent être entre les mains de quelques particuliers, seront remis de même sans délai.

Lequel vicaire, à l'avenir, tiendra deux registres originaux, l'un gardé par lui et l'autre, au bout de l'an, remis aux consuls ou dans nos archives, et les deux mêmes registres seront faits par les autres curés des églises succursales, pour la plus grande sûreté du public; qu'il sera fait deux confessionnaux, placés dans la nef, une bière et une représentation et un drap mortuaire et deux bancs honnêtes pour servir aux prêtres, dans le choeur.

Quant à la voûte du presbytère,
Note (6)   attendu l'indécence énorme causée par la chute des neiges près de l'autel, nous ordonnons qu'elle sera réparée, et, considérant en même temps la pauvreté du lieu, nous ordonnons aussi que tous les deniers, tant des reliquats des comptes de confréries que des arrérages du service manqué par les chapelains, comme nous le règlerons ci-après, seront employés à la réfection de ladite voûte; que de plus il sera mis, à l'entrée de l'église, en dedans, un tronc avec un écriteau  pour la réparation des voûtes; que tous les dimanches il sera fait une quête pour la même fin, durant la messe paroissiale, et qu'au surplus la communauté fasse ses efforts pour l'achever dans six ans; plus que les degrés de l'entrée de l'église, ainsi que les côtés de la muraille, vers le midi, seront réparés, que le cimetière sera fermé d'une porte à clef et que les murailles de pierre sèche (seront) relevées tout autour, pour empêcher la profanation des animaux.

Pourvoyant ensuite au divin service, Nous ordonnons que la messe de paroisse ne sera jamais dite qu'au maître autel, ni l'exposition du Saint Sacrement faite ailleurs, excepté le cas des neiges ou le temps de la réparation de la voûte, durant lequel  Nous désignons l'autel du Rosaire; que la grande messe pour les morts, tous les lundis, sera chantée, à l'avenir, successivement par les prêtres du lieu, tous les autres y assistant, et la rétribution sera partagée également; que tous nos mandements, lettres pastorales et ordonnances tant de synodes que de nos visites et autres, que nous envoyerons au lieu d'Allos, seront enregistrées, dans le greffe de notre officialité.

Quant à l'établissement d'un curé ou secondaire pour l'augmentation du divin service et pour le secours de tant d'âmes en des lieux si pénibles, considérant les difficultés présentes sur son entretien et, faute de justification entière du nombre suffisant,  Nous avons tout sursis, jusqu'à ce que   Nous ayons pu parvenir à trouver des expédients convenables.
Quant aux autels des confréries, nous ordonnons que celle du Rosaire se pourvoira d'une pierre d'autel, celle de l'autel de Saint-Etienne des choses nécessaires, n'y ayant qu'une nappe et un devant d'autel, celle du Purgatoire fera faire le nécessaire parce que tout y manque, à quoi les reliquats des comptes des confréries seront employés préférablement à tout; que les recteurs ou marguilliers desdites confréries rendront, à cet effet, sans délai, leurs comptes par devant nous et, à notre absence, devant notre official et les sieurs consuls; lesquels comptes, livres et autres titres seront remis aux marguilliers courants par les personnes qui les ont en main, et qu'alors le compte des arrérages sera réglé pour être appliqué, comme il a été dit ci-devant, à la réfection de la voûte, après le besoin pressant des confréries; que celle des pénitents travaillera peu à peu à rétablir son ancienne chapelle autant qu'il leur sera possible; que le sieur curé de Faucon y contribuera d'un tiers comme ayant un de ses titres dans icelle; que cependant les pénitents feront leurs exercices dans la chapelle de Saint-Joseph et la pourvoiront d'une pierre d'autel, l'ancienne ayant été ôtée par nous comme n'ayant jamais été sacrée.

Pour ce qui regarde les chapelles du dehors, Nous ordonnons que celles qui sont fondées, mais non pas encore bâties, telles que celles dont les héritiers d'Antoine Pascalis, de Louis Julien et de Jean-Ange Pascalis sont chargés,
Note (7)   ne le seront point sans notre permission expresse, pour en reconnaître bien sûrement l'utilité et la décence du lieu où elles pourraient être placées, et, en attendant, les messes fondées seront dites au maître autel de la paroisse.

Que pour les chapelles qui sont en pied, mais délabrées, il y en a de deux sortes :
les unes nécessaires aux hameaux, et celles-là seront rétablies aux dépens tant des revenus que des arrérages de leurs fondations, dont l'exécution sera suspendue jusqu'à l'entière réfection de la chapelle, comme, entre autres, celle de Notre-Dame de Grâce, du Seignus ; ce sera sur la fondation de Pierre Milou qui depuis longtemps n'est pas exécutée.
Les autres, qui ne sont pas nécessaires aux hameaux et qui sont en bon état, comme celle de Notre-Dame du Serret, seront conservées, et celles qui sont hors de la décence nécessaire, à moins qu'on ne les réablisse dans l'an, pour obvier à mille profanations et d'autres crimes, seront abattues au bout dudit an, comme celles de Saint-Barthélemy, de Saint-Roch, de la Sainte-Trinité, de Sainte-Marguerite, desquelles le service sera transporté au maître autel de l'église paroissiale ; et, entrant dans un plus grand détail, nous ordonnons que la chapelle que les hoirs de Louis Julien étaient obligés de bâtir ne le sera point, attendu l'incommodité du lieu causée par les vents et par la neige durant l'hiver, et que la dépense qu'ils auraient faite pour ledit bâtiment et pour les ornements, laquelle nous fixons à cinquante livres, sera employée à la réfection de la voûte du presbytère et de deux messes fondées par semaine transportées au maître autel ; que, pour la messe du sieur Esprit Piny, chaque mois, dans la chapelle de Notre-Dame de Grâce du Seignus, après le compte fait des arrérages, le tout sera appliqué au rétablissement de la chapelle qui est déjà commencée ; que, dans la même chapelle, les héritiers de Pierre Milou feront apparoir l'acquit du service qui ne paraît pas depuis vingt ans et les arrérages appliqués comme dessus ; que celle de Saint-Clément, de la Foux, se pourvoira d'une pierre d'autel ; que les quatre héritiers du sieur receveur Pierre Pascalis, chacun fera dire la messe trois mois et la payera avec bons acquits, le sieur Hyacinthe Pascalis représentant un d'iceux ayant remis ce qu'il avait déjà fourni à la décharge des autres duranr seize ans, et les autres produiront leurs acquits ; que l'héritier ou débiteur pour la chapelle Saint-Barthélemy, qui est Antoine Raphel, payera les arrérages du service manqué.

Quant à la chapelle de Saint-Roch, le sieur Hyacinthe Pascalis nous ayant promis de nous esclaircir du fond et des arrérages du service manqué, le règlera devant nous ou, à notre absence, devant notre official.
Quant au service des Audemards pour le jour de la Visitation, nous faisons grâce aux tenanciers sur les arrérages, attendu leur pauvreté; ce fonds est de dix-huit écus, et nous ordonnons que le service funèbre ne se fera que le lendemain de la feste.

Pour ce qui est de la chapelle du Nom de Jésus, nous chargeons le sieur vicaire d'aujourd'hui d'acquitter le service pour l'avenir, et les arrérages, montant quarante-deux livres pour six ans, seront employés aux réparations nécessaires pour la chapelle et le reste à la voûte de la paroisse; que, sur la chapelle de Sainte-Trinité, l'héritier André Amely payera deux ans d'arrérages qu'il doit et qui seront employés en messes.

Quant à la chapelle de Sainte-Brigitte, les héritiers Guieux, savoir Jean et Pierre-Jacques, la fondation portant sept sols par messe, payeront les arrérages du service négligé, qui ont été réglés à douze livres douze sols, applicables à la voûte de la paroisse; et, dans la même chapelle, le sieur Bourrillon, prêtre, conservant entre ses mains le fonds de trente-huit livres cinq sols, payera les revenus arrêtés jusqu'en 1670 :
trente une livre dix-huit sols, comme il conste par l'écritue du 24 mars 1671, et, depuis ledit temps jusqu'à présent, tous payements déduits, il payera pareille somme de trente-une livres dix-huit sols applicables à la voûte de l'église paroissiale ; que, pour la même chapelle, seront payés les arrérages de rente du capital de sept brebis dues par contrat reçu par Me Pierre Deblieux, notaire, le 14 novembre 1660 ; que, pour la chapelle de Saint-Laurent, au Seignus, Honoré Girieud fera conster du service fait de quatre messes par an, sinon les arrérages appliqués à la susdite voûte ; que, pour la chapelle de Notre-Dame de la Fleur, au Villard, les héritiers de Pierre Honnorat feront apparoir du service et,s'il y a des arrérages, ils seront appliqués à la réparation de la chapelle ; que, dans celle de Sainte-Madeleine, les héritiers de Pierre Michel prouveront aussi le service, et les arrérages seront pour la chapelle.
Et pour ce qui est du capital de quarante livres, léguées dans la chapelle de Saint-Sauveur, qui sont entre les mains de Madame d'Antrages de Digne, nous chargeons notre promoteur d'écrire bien honnettement à ladite dame pour savoir l'état des arrérages.

Quant aux chapellenies, nous ordonnons que tous les titulaires nous feront, dans l'an, de leur propre main, une reconnaissance de tous les biens, titres, rentes, emphytéoses, revenus et obligations du service de leurs chapelles ; que, pour mieux assurer ledit service en faveur de la communauté, elle fera faire un extrait bien collationné des livres originaux, lequel sera déposé dans ses archives, si mieux n'aime dans les nôtres.
Nous défendons très expressement sous les peines de droit à tous les titulaires de dégrader les bois ou de couper par le pied les arbres de leurs bénéfices ; et, pour obvier à la négligence des terres qui ont été laissées incultes et qui pouvaient être labourées, nous enjoignons à tous les titulaires de les faire cultiver à l'avenir, et, à faute de nous justifier de leur diligence, ils y seront contraints par toutes les voies de droit.
Et pour venir à un plus grand détail, nous ordonnons que le sieur Alexandre Pascalis, prieur de Saint-Louis, recteur de Saint-Honoré et de Saint-Sauveur, dira ou fera dire, dans Allos, ses deux messes, pour l'avenir, plus soigneusement, et payera, pour les arrérages du passé, trente livres, convenues amiablement avec icelui pour la décharge de sa conscience, et la susdite somme applicable à la susdite voûte sera payée, le jour du prix fait, comme il nous l'a promis, et le service tiendra dans l'état présent, jusqu'à ce que nous ayons approfondi le titre original du 6 novembre 1361, qui l'oblige à dire la messe tous les jours, à résider et à assister aux divers offices.

Le recteur de la chapelle de Saint-Jacques, qui est le sieur d'Amicis, dira ou fera dire, dans Allos, deux messes par semaine, suivant la sentence de M. de Villeserin, qui dit avoir vu un titre de 1405, et cela tiendra juqu'à ce que nous ayons examiné nous-mêmes ce titre pour discuter les obligations; après quoi, s'il n'est pas convainquant, nous nous en tiendrons au titre original du 14 octobre 1398, que nous avons attentivement examiné et qui charge le recteur de résider dans Allos, d'assister aux divins offices et de dire la messe tous les jours; faute de quoi, le juspatron nous en doit présenter un autre; les deux titres originaux de 1361, pour le recteur de Saint-Sauveur, et celui de 1398, pour le recteur de Saint-Jacques, étant entre les mains du sieur Pascalis Joseph, fils de maître Honoré Pascalis, notaire; et pour ce qui est des arrérages du sieur d'Amicis nous avons prouvé qu'il n'en doit point, son service ayant été fait.

Le recteur de Saint-Eutrope, qui est le sieur César Pascalis, n'ayant pas acquitté son service pendant dix ans au moins, nous l'avons condamné à soixante livres, applicables comme ci-dessus à la voûte de l'église, à moins qu'il ne justifie du contraire par de bonnes preuves.
Quant au service de la chapelle Saint-Etienne, pendant l'absence du sieur Honoré Pascalis, ci-devant titulaire, nous lui avons donné le serment sur lequel il nous a assuré avoir fait acquitter exactement ses obligations et ne rien devoir.

Pour ce qui est du recteur de Notre-Dame des Plans et de Saint-Michel, qui est aujourd'hui le sieur curé de Faucon, comme il a joui des fruits de toute l'année 1697, qui ne lui étaient pas entièrement dus, n'ayant pris possession que le 5 de juin, et que le sieur Jean-Antoine Piny a fait le service desdites chapelles plus de quatre mois, nous avons condamné le sieur curé de Faucon absent à payer au sieur Piny la somme de seize livres en tout, et le restant des fruits, depuis le premier janvier jusque au cinquième juin, se montant à cent livres, sera appliqué à la réfection de la voûte, sauf les preuves au contraire, dans six mois.

Et comme les titres, terres et obligations des trois derniers titulaires :
Saint-Eutrope, Saint-Etienne et Notre-Dame des Plans ont été mêlés et confondus, depuis cinquante ans ou environ, par leurs prédécesseurs, nous défendons pour l'avenir semblables partages et mélanges, sous les peines de droit, non seulement comme un trafic honteux, mais encore comme un prétexte grossier pour rejeter leurs obligations les uns sur les autres.
Sur quoi, laissant les choses dans l'état présent, nous ordonnons que les trois titulaires nous produiront, dans six mois, leurs titres, pour séparer leurs biens et leurs charges ; faute de quoi, après ledit temps, ils diront ou feront dire, à frais communs, les messes prescrites par la sentence de messire du Chaîne, en 1661, outre celles dont ils sont déjà chargés, et, en cas de refus, permettons aux consuls de faire saisir les revenus du refusant, jusqu'à concurrence des deniers nécessaires pour l'acquittement desdites messes.

A l'égard des anniversaires, nous ordonnons que les reliquats seront exigés avec soin ; chargeons les débiteurs de produire, dans deux mois, leurs derniers acquits, ou prouveront autrement le service; et du reliquat desdits anniversaires il sera célébré une grande messe pour tous les défunts jusqu'à ce jour, et le restant sera employé à la réfection de ladite voûte, aussi bien que les arrérages des comptes des confréries et du défaut des services des chapelains.
Et nous avons fait l'application de tous lesdits reliquats du passé en faveur de l'église paroissiale, non seulement à cause de l'impossiblité où nous sommes de faire dire tant de messes manquées, par un si peitit nombre de prêtres, que pour avancer plus tôt l'ouvrage pressant de l'édifice et pour soulager le public, dans les suites d'un cas fortuit, ce que nous accordons pour cette fois seulement et sans conséquence.

Plus, le sieur Pierre Paulet, notaire, n'ayant fait dire qu'une messe, des trente fondées, en payera dix-sept déjà échues et fera dire les autres à l'avenir.
Et quant au capital de soixante ducatons légué par dame Lucresse Arnaud, nous ordonnons qu'il soit retiré ou logé sûrement et les rentes exigées.
Et pour l'exécution desdits anniversaires, qu'on nous assute être dus depuis longtemps, comme aussi pour la distribution du courant au prorata du service, il sera établi un trésorier du nombre des prêtres de la paroisse à leur choix.
Et comme, pendant que nous dictions, on a révélé une chapelle non mentionnée ci-dessus, qui est érigée au forestage de Primin, sous le nom de Sainte-Anne, dont le fonds est de cent vingt livres seize sols six deniers, dus par Joseph Pelat, fils de Jean-Louis, contrat reçu par le sieur Joseph Piny, notaire, le 22 octobre 1696, sous l'expresse hypothèque d'une terre de deux sesterées désignées au contrat, nous ordonnons que ledit Joseph Pelat payera aux marguilliers de ladite chapelle les intérêts passés et à venir, à chaque fête de Saint-Michel, suivant leur destination.

Plus, considérant la difficulté qu'il y a de trouver des prêtres qui veuillent acquitter exactement le service des chapelains absents, nous avons taxé leurs messes à huit sols chacune, et lesdits chapelains feront conster à notre official de la fidélité de leur service par de bons acquits, à la fin de chaque année.

Pour ce qui concerne les églises succursales, nous chargeons les sieurs curés de faire achever les petites réparations qui manquent encore.

Et pour l'exécution de tous les articles de notre présente sentence, en ce qui regarde la communauté, nous chargeons les sieurs consuls de les acquitter dans un an, excepté la réfection de la voûte, à laquelle nous avons déjà donné un plus long terme, et, pour tous les autres chefs, nous chargeons notre promoteur d'y tenir la main.

Et sera notre présente ordonnance publiée au prône par les sieurs vicaire d'Allos et curés des succursales, à ce que personne n'en ignore.

Délibéré à Allos, en cours de visite, le 25me septembre 1699.

JEAN , Evêque de Senez.

Signés : L. de CAPEL.

DUPASQUIER.

BAUSSON, greffier.

 

2.-VISITE de Mgr Jean-Baptiste-Charles-Marie DE BEAUVAIS

à Allos, du 27 au 29 avril 1775.

L'an mil sept cent soixante-quinze et le vingt-sept du mois d'avril, nous, Jean-Baptiste-Charles-Marie de Beauvais, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique évêque et seigneur de Senez, etc.
Note (8)

Serions partis de la ville de Colmars, où nous avons été occupé, toute la matinée, pour pacifier et terminer les procès qui divisaient plusieurs personnes de la ville, sur les onze heures du matin, accompagné de M. Vachon, sacristain et official, de M. Raynard, chanoine, nos vicaires généraux, de M. de Richery, chanoine, et du sieur de Pontus, notre secrétaire. MM. le commandant, les officiers de la garnison, MM. le maire et les consuls s'étant rendus à la maison presbytérale, d'où ils nous ont accompagné, avec le prieur et tout le clergé, jusqu'au delà du fort de Savoie; les compagnies bourgeoises ayant précédé la marche, on nous a fait plusieurs décharges, tant de mousqueterie que de l'artillerie de la ville.
MM. les juges, gens de loi et tous les bourgeois nous ont également accompagné avec tout le peuple de la ville, qui tous nous ont témoigné, d'une manière la plus touchante, leurs sentiments.
La compagnie bourgeoise nous a accompagné jusqu'aux limites du terroir de Colmars, et entrons ( nous sommes entrés ) dans celui d'Allos avec les Messieurs dénommés ci-dessus
Note (9)   et les plus notables de cette ville, qui s'étaient rendus à Colmars pour nous faire visite et nous accompagner.

Dans notre route, nous avons trouvé une compagnie bourgeoise qui nous a salué d'une décharge de mousqueterie et nous a conduit, au bruit des tambours et de plusieurs instruments, jusqu'à l'église paroissiale.

M. le curé de la ville, avec tout le clergé, tant de la ville que des succursales, MM. le maire et consuls étant venus au devant de nous, suivis de tous les bourgeois et du peuple qui nous attendait sur le chemin, M. le maire nous a harangué, en nous témoignant, au nom de la communauté, toute la joie qu'elle avait de notre arrivée dans cette paroisse, pour laquelle nous avons des sentiments distingués et à laquelle nous prenons un intérêt particulier.

Après avoir remercié MM. le maire et consuls des dispositions de leur coeur à notre égard, nous avons assuré toute la communauté que nous aurions toujours à coeur tout ce qui pourrait contribuer à son bien et que, dans toutes les circonstances, nous lui donnerions des preuves de notre zèle et de notre attachement; avançant vers l'église, on a allumé un feu de joie, au bruit de la mousqueterie et des instruments.
M. le curé nous a présenté le goupillon, et, nous étant rendus à l'autel, nous avons fait notre prière.
Après avoir entendu la sainte messe, nous avons fait dire le catéchisme aux enfants des différents hameaux que nous avons trouvés bien instruits, et nous leur avons administré le sacrement de confirmation; ayant différé notre entrée solennelle au lendemain, étant arrivés plus tard que nous nous étions proposé.

Sortant de l'église, sur les trois heures après midi, nous nous sommes rendu à la maison presbytérale, où, après le dîner, nous avons conféré avec M. le curé des différents objets qui concernent le bien spirituel de la paroisse et lui avons demandé les connaissances dont nous avons besoin à ce sujet.

Sur les six heures, nous avons assisté à vêpres, toujours accompagné du clergé, de MM. le maire et consuls et notables de la ville ; après lesquelles, nous avons donné la bénédiction du Saint Sacrement et nous avons commencé d'examiner l'état de l'église, sacristie et autres choses qui concernent le service divin.
Revenus à la maison presbytérale, dans le même ordre, nous avons continué de prendre les connaissances relatives à notre visite, tant pour la ville que pour les succursales.

Le lendemain, 28 avril, sur les dix heures du matin, le clergé s'est rendu processionnellement à la maison presbytérale, où MM. le maire et consuls s'étaient déjà rendus.
M. le curé ayant fait préparer un tapis et un carreau, nous nous sommes mis à genoux et avons baisé la croix qu'il nous a présentée ; nous nous sommes ensuite placé sous le dais porté par MM. le maire et consuls en chaperon et nous nous sommes avancés processionnellement vers l'église, le clergé chantant le Veni Creator , et précédés de la compagnie bourgeoise, qui, au bruit des tambours et des instruments, a fait différentes décharges.

Arrivés à la porte de l'église, M. le curé nous a présenté le goupillon et nous a encensé , le clergé chantant l'antienne Sacerdos et Pontifex.
La prière faite au pied de l'autel, nous l'avons baisé au milieu et aux deux extrémités, et, après les antiennes et oraisons accoutumées, nous avons donné la bénédiction pastorale.

Nous avons ensuite célébré la sainte messe, après laquelle nous avons fait dire le catéchisme aux enfants de la ville, que nous avons trouvés très bien instruits, et, après avoir administré le sacrement de confirmation, ayant donné la bénédiction du Saint Sacrement, fait l'absoute, tant à l'église qu'au cimetière.
Revenus à l'autel, nous avons vérifié les reliques de sainte Claire et de sainte Victoire, le clergé chantant les antiennes et oraisons; nous les avons encensées et avons apposé sur les capsules le sceau de nos armes.
Procédant à la visite des fonts baptismaux, nous les avons trouvés en bon état ; il est cependant nécessaire de fermer quelques petites ouvertures aux dits fonts afin que l'eau bénite ne se répande au dehors.
Les confessionnaux doivent être réparés ou, ce qui serait mieux, refaits de nouveau.
L'ostensoir est hors d'usage, son pied étant celui du ciboire.
Il sera fait un ostensoir un peu plus grand.
Les deux calices, dont l'un appartient à la sacristie, l'autre à la confrérie du Rosaire, sont en état, ainsi que le tabernacle et l'autel.
La pierre sacrée sera fixée; les degré de l'autel ont besoin de réparations ; l'intérieur de l'église doit être reblanchi en entier tant dans la partie du sanctuaire que dans la nef.
Le pavé a besoin d'être réparé ; la porte de l'église doit être refaite ; les murailles de l'église, surtout du côté du midi, doivent être réparées, sans différer davantage, pour prévenir une détérioration plus considérable.
Les murailles du cimetière ont également besoin d'être réparées, surtout du côté du levant ; il doit être placé, à la partie du toit de la sacristie, une gouttière pour recevoir les eaux pluviales, qui, par ce moyen, auront leur issue du côté de la ville, où elles auront plus de pente, et la partie de la sacristie qui est humide sera préservée.

Revenus à l'église, nous avons visité les autels, qui sont assez propres, ainsi que la sacristie.
Les ornements, fournis par la communauté, qui a contribué pour les deux tiers, et par nos prédécesseurs, qui ont contribué pour l'autre tiers, consistent en une chasuble et dalmatiques de damas rouge ; une chasuble violette et verte de soie, deux chasubles blanches et deux rouges de camelot, deux dalmatiques noires aussi de camelot, une chape blanche de damas, trois aubes, dont une propre, deux nappes, deux corporaux et autres petits linges sont en très bon état.

Quant aux autres réparations, aux ornements, vases sacrés, batiments, tant de l'église paroissiale que des succursales, nous nous en rapportons à l'ordonnance de Mgr d'Amat, notre prédécesseur médiat, et au rapport pris en 1771.
Les huit anciennes aubes sont hors d'usage et doivent être remplacées, au nombre de six.
Il sera fait au moins quatre corporaux, deux douzaines de purificatoires, une douzaine de Lavabos, six essuie-mains, une douzaine de garnitures pour les étoles, une nappe pour la communion et deux pour l'autel.
A l'égard des bancs, nous ordonnons qu'ils soient mis dans un ordre de décence pour le service divin et plus commode pour les particuliers.

Ayant ensuite donné la bénédiction pontificale, nous sommes revenu dans le même ordre et sous le dais, porté comme ci-devant par MM. le maire et consuls, à la maison de M. le curé et accompagné de tout le peuple ; deux sentinelles ayant été placées par MM. les consuls depuis notre arrivée.

Sur les trois heures de relevée, MM. le maire et consuls et principaux habitants se sont assemblés dans notre appartement, où, après avoir conféré avec eux des différentes affaires concernant le bien de la communauté, nous leur aurions demandé quels étaient les moyens établis dans cette paroisse pour soulager les pauvres et surtout les malades ; ils auraient répondu qu'il n'y avait aucun fonds destinés en leur faveur, mais que la charité des particuliers y avait suppléé par ses secours qui jamais leur ont manqué, mais surtout lorsqu'ils ont été malades.
Ayant témoigné à la communauté combien nous étions édifié de sa charité et de l'attention particulière qu'ont eue nombre de personnes envers les pauvres et principalement envers les malades, nous leur aurions fait part du projet que nous avons formé d'établir dans cette ville, comme nous l'avons fait dans plusieurs paroisses du diocèse, une société de dames de charité qui se réuniraient pour prendre soin des malades et leur procurer tous les soulagements qui dépendraient d'elles, tant pour le spirituel que pour le temporel ; mais, comme il n'y a point de revenu affecté pour cette bonne oeuvre, nous espérons que la communauté voudra bien concourir avec nous et joindre ses secours aux nôtres.

Notre confiance à cet égard est fondée sur tout ce que nous avons appris avec la plus grande satisfaction de la charité de cette ville pour les malheureux.
Notre proposition ayant été acceptée d'un consentement unanime, MM. les administrateurs nous ont assuré qu'ils feraient part de notre projet au Conseil de ville, qu'ils ne doutaient pas que toute la communauté ne fût très sensible au zèle que nous avons témoigné pour secourir les pauvres malades et qu'ils étaient persuadés qu'elle joindrait bien volontiers ses secours aux nôtres pour cette bonne oeuvre.

Ayant conféré avec M. le curé sur les moyens qu'on pourrait prendre pour exécuter le dit projet et les personnes que nous pourrions choisir pour seconder nos intentions, nous avons établi pour dames de charité de cette paroisse :
Mesdames Pascalis de la Sestrière, Pascalis du Laus, Pascalis de Valplane, Pellissier, Guieu, Guirand, Jaubert et les demoiselles Valplane et Gariel, dont toute la paroisse connaît le zèle et la charité ;
lesquelles dames visiteront les malades et leur procureront les bouillons, tisanes et autres secours tant pour le spirituel que pour le temporel.
Sur les six heures du soir, nous avons été visiter les malades, accompagné des dames ci-dessus dénommées, qui nous ont témoigné la meilleure volonté et le plus grand désir d'entrer dans nos vues en se rendant utiles aux pauvres malades.
Les pénitents blancs sont venus ensuite processionnellement pour nous conduire à leur chapelle, où nous avons été avec le clergé et MM. le maire et consuls ; nous avons trouvé la chapelle en état et fort propre.
Nous étant informé si l'on y chante l'office régulièrement et avec décence, on nous a assuré que tout s'y passait dans l'ordre ;
nous étant informé également si l'on y célébrait la sainte messe le jour de dimanche et de fête et nous ayant été répondu qu'on l'y célébrait régulièrement,
nous avons ordonné, pour éviter le concours avec l'office de la paroisse, que celle de la chapelle serait dite à neuf heures, depuis Pâques jusqu'à la Toussaint,
et à neuf heures et demie, depuis la Toussaint jusqu'à Pâques, confirmant à cet égard les ordonnances de nos prédécesseurs.

Après la visite de la chapelle des pénitents, nous sommes retournés à la paroisse dans le même ordre que le matin et, après avoir donné la bénédiction du Saint Sacrement, nous avons fait lire à haute voix notre procè-verbal.

Quant aux succursales, fondations, permissions et comptes des marguilliers, nous nous réservons de statuer sur tous les objets, lors de notre première visite ; et, de tout ce que dessus, nous avons fait dresser notre procès-verbal, en présence de MM. les dénommés ci-dessus, maire et consuls, qui ont signé avec nous :

J.-B.-C.-M. , Evêque de Senez.

VACHON , Sacristain, V. G.
BAYNARD, Ch. V.G.
RICHERY, Ch.
Guieu, Curé.
GUIRAND, Consul.
Joseph GAY, Consul.
Jacques Gariel, Consul
Jean-Ange MICHEL, Consul.
Pierre PAUL.
Joseph CAIRE.
GUIEU, Greffier de la Communauté.
PONTUS, Secrét.

3.-HOMMES REMARQUABLES D'ALLOS.(supplément au chapitre IV de la cinquième partie.)

L'AVOCAT PIERRE GUIRAND , d'ALLOS.

Pierre Guirand, magistrat, humaniste et poète, était contemporain de Wendelin, de Gassendi, de Peyresq et d'André d'Arnaud, de Forcalquier.
Comme ce dernier, il ajouta " au culte du droit celui des lettres ".

Dans une étude parfaitement documentée sur Wendelin chez nous,
Note (10)   M. de Berluc-Perussis nous parle des travaux littéraires de Pierre Guirand et de l'oubli immérité dans lequel son nom a été enseveli jusqu'à nos jours :
"Cet auteur bas-alpin, dit-il, cet oublié qu'aucun biographe n'a encore honoré même d'une simple mention, semble avoir été le condisciple de notre André d'Arnaud à l'Université d'Avignon........
"On doit à André d'Arnaud les Joci, ouvrage fort recherché aujourd'hui des curieux........
"(Or) les Joci contiennent en prose et en vers de nombreuses pièces de Guirand et sont son oeuvre presque autant que celle d'Arnaud. "
M. de Berluc-Perussis dit, en outre, en parlant d'Arnaud :
" Son ami, l'avocat Pierre Guirand, d'Allos, lui envoie les dialogues de Textor, puis une nouvelle édition de Pétrone, et il invite l'érudit magistrat, qui avait fait, paraît-il, une multitude de restitutions dans le texte du vieux satirique, à les conférer avec l'ouvrage qui vient de paraître. "

Disons enfin que J.-Jacques Esmieu , auteur de la Notice historique sur la ville des Mées, nous a conservé, sous la rubrique :
Epigramme de Pierre Guirand, allosien, une pièce dont voici la première partie :

Felix urbs Medioe, Cereris, donisque Lyoei,
Frugum quam decorat copia magna simul.
Felix urbs Medioe siquidem Provincia nullam.
Urbem majoris fertilitatis habet,
Felix ipsa situ, sed felicissima cui sunt
Nobilitate graves, ingenioque viri.
Pierre Guirand mourut dans les années 1600 à 1606, environ un siècle avant Alexandre Piny.

 


LE GENERAL ANTOINE PASCALIS.

"Le général Antoine Pascalis était garde du corps quand la Révolution éclata.
"Après le 10 août, il ne songea pas à émigrer......
Ce fut au sein de nos armées qu'il chercha un refuge contre la terreur.
Il devint chef de bataillon dans l'armée des Alpes, sous le commandement de Kellermann.
"Bientôt après, nous le trouvons adjudant général dans l'armée d'Italie.
Là, il se fit remarquer par son éloquence militaire et son aptitude administrative.
Nommé sous-chef d'état-major,
ce fut lui qui rédigea la plupart de ces proclamations qui enflammaient nos soldats et que la France admirait dans les bulletins de nos
victoires
Note (11)........
"Il se distingua dans les deux campagnes d'Italie, durant lesquelles plusieurs places importantes lui furent confiées.
Il eut ensuite divers commandements dans le midi de la France, où sa double carrière militaire et littéraire a laissé des souvenirs encore vivants."

Le général Pascalis était poète et, lorsque l'heure du repos eut sonné pour lui, après la chute de l'Empire,
"il écrivit les poèmes de Fontainebleau et du Mont-Viso, deux oeuvres remarquables dont quelques fragments ont été publiés.
Il traduisit ensuite, en vers, les plus beaux passages de la Pharsale de Lucain et le poème des Tombeaux d'Ugo-Foscoli.
Il acheva également, à cette époque, sa tragédie de Dion de Syracuse, qui fut lue et remarquée par Talma.
Le grand tragédien aurait représenté, sur la scène du Théâtre Français, le héros de Syracuse, sans le danger politique que parut avoir cette pièce, sous la Restauration.
Talma était frappé des vers suivants, qu'il aimait à répéter :

"Je vois dans ce jeune homme un destin dont je tremble;
La République et lui ne peuvent vivre ensemble.
................................................................
"Hardi, sensible et fier, pourra-t-il dédaigner
Cette faveur du peuple et l'orgueil de régner ?
.................................................................
"Après cet ascendant qu'il nous a révélé,
Il faut qu'il soit le maître, ou qu'il soit exilé.


"Ne retrouve-t-on pas dans les vers du poète guerrier ce fameux jeune homme ( Bonaparte ) qui fut le maître au lieu d'être exilé !

"En France, le général Pascalis s'était lié avec Delille, Marie-Joseph Chénier et Bernardin de Saint-Pierre ; ces relations durèrent jusqu'au jour où elles furent dénouées par la mort.......
Il me semble voir encore, à Aix, où il s'était retiré, ce grand et beau vieillard au visage mâle et ombragé de ses blancs cheveux, debout dans son cabinet de travail, entouré de livres rares, de quelques tableaux de maître, récitant à sa famille quelques-uns de ces grands vers à la manière de Corneille.

"Louise COLET, août 1849."

4.-Curés, Procurés, Secondaires ou Vicaires d'Allos.

1287. Etienne, prieur d'Allos et official de Senez.
1569. Jean Pascalis, vicaire forain à Allos, de Mgr l'évêque de Senez.
1578. Antoine Arnault, vicaire perpétuel.
1627. Claude Audoul, vicaire.
1630. Jacques Colombi, vicaire perpétuel.
1654. Jean-Jacques des Amicis, de Michaelis Halec.
Note (12)
Dahon Jean-Clary, secondaires, procurés, etc.
1652. Pierre Chaix, vicaire perpétuel, docteur en théologie.
1659. Charles Pascalis, vicaire perpétuel, prieur et commandeur de Notre-Dame de Moulanès.
1659. Honoré Gandaubert, curé.
Note (13)
1664. Jean Chaix et Pascalis, curés, c'est-à-dire procurés.
1700. Pierre Pascalis, vicaire perpétuel, donne sa démission en faveur de son neveu Honoré Pascalis.
1798. Honoré Pascalis, nommé vicaire perpétuel le 25 novembre 1698, résigna son bénéfice en 1719.
1719. Joseph Guieu, bachelier en théologie, neveu d'Honoré et de Pierre Pascalis.
Comme ses oncles, il résigna son bénéfice de vicaire perpétuel en 1772, en faveur de son neveu Alexandre Guieu.
1772. Alexandre Guieu émigra en 1792 et revint en France au mois de mai 1797.
N'ayant pas été maintenu dans ses fonctions de curé d'Allos,
Note (14)   il fut nommé curé de la Garde de Castellane et il mourut, dans cette ville, en 1811.
1792. Ambroise Pellissier, du Seignus-Bas, procuré assermenté.
1803. André-Pierre Bès, ancien dominicain, fut nommé curé d'Allos peu après le concordat.
1812. N....., Agnel de Maurin, mourut à Allos en 1814.
1814. N....., Robert, de Larche, fut transféré d'Allos à Barcelonnette en 1823.
1823. Jean-Jacques Reynaud, du Laverq, mourut le 14 octobre 1823.
1823. Joseph Reynaud, des Serennes, fut transféré en 1847 à Saint-Paul, où il mourut en 1856.
1847. Jean-Jacques Ebrard, de Barcelonnette, fut successivement curé de Seyne et de Turriers.
1850. Etienne Barbaroux, de Thorame-Haute, devint ensuite curé de Seyne, curé de Castellane et enfin vicaire général.
1858. Joseph Signoret, des Sérennes, devint également curé de Seyne et curé de Castellane, où il mourut en 1897.
1863. François Caire, du Châtelard, fut nommé, l'année suivante (1864), curé de Barcelonnette.
1864. Jean-Dominique Reynaud, de la Condamine, qui est aujourd'hui curé de Barcelonnette.
1877. Jean-Baptiste Millou, de Barcelonnette, actuellement curé de Jausiers.
1881. Fortuné Tiran, de Tournoux, mort à Allos en 1884.
1884. Clément Caire, du Châtelard, actuellement curé de Barrême.
1894. J;-Baptiste Borel, des Thuiles.

5.-Maires d'Allos.

1726. Jean-Hyacinthe Pascalis.Note (15)
1748. Hyacinthe Pellissier.
1750. Honoré Pascalis.
1751. Pierre-Jacques Pascalis.
1756. Alexandre Pascalis, du Laus.
1758. Pierre Pellissier.
1780. Joseph Guirand.
1794. (an 3). Michel Michel.
1796. (an 5). N. Pellissier.
1798. (an 7). Joseph Caire.
1799. (an 8). Jacques Gariel.
1800. (an 9). N. Guirand.
1801. (an 10). Alexandre Pellissier
1802. (an 11). Jean Honnorat.
1803. (an 12). Hyacinthe-Marie Gariel, conseiller à la cour de Grenoble.
1806. N. Augier.
1813. N. Rebattu.
1830. J.-Jacques-Laurent Gaubert.
1840. Pierre Pascal.
1843. Hyacinthe Pellat.
1846. Joseph Pellissier.
1856. Désiré Boyer, notaire.
1886. Sébastien Reynaud.
1888. Antoine Reynaud, notaire.


 

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Notes : ( 15 notes dans ce chapitre )

(1) Cette visite dura donc six jours, compris le jour de l'arrivée et celui du départ.
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(2) Faut-il attribuer le peu d\'empressement des consuls d\'Allos à la situation qui leur était faite par la différence de nationalité ?
En effet, ils étaient alors sujets des ducs de Savoie, et Mgr Soanen fait remarquer, dans une visite ultérieure (1712),
que la différence du souverain était alors la cause de tristes changements dans cette paroisse.
Peut-être aussi les consuls d\'Allos redoutaient-ils la sévérité du prélat janséniste.
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(3) Catafalque.
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(4) La confrérie des pénitents d'Allos a conservé l'usage d'attacher une écharpe à sa croix processionnelle.
Cette écharpe qui ombrage l'image de Jésus-Christ sur la croix, est blanche, rouge ou violette, selon les règles liturgiques..
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(5) Le prélat fait allusion sans doute à la guerre de 1690 à 1696.
En effet, le général marquis de Parellis saccagea Allos en 1690, après son insuccès contre Colmars.
Le 13 octobre 1690, le Conseil général d'Allos, réuni dans la chapelle du Saint-Nom de Jésus, déclare qu'on ne peut pas établir une nouvelle taille ou impôt, vu les bruslements et divers saccages que les habitants ont soufferts.
Enfin, en 1695, les troupes dites de MMes de Jullien et de Berri, hommes et chevaux, prirent leurs quartiers d'hiver à Allos, même dans les hameaux.
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(6) Le prélat ne pouvait dire plus clairement que l'on donnait alors le nom de presbytère, presbyterium, à l'endroit où se plaçaient les prêtres pendant la messe et les autres saints offices.
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(7) En se reportant plus haut, aux numéros 2, 3 et 4 de l'inventaire des chapelles du dehors, le lecteur verra que les héritiers de Jean-Ange Pascalis devaient faire bâtir la chapelle de la Sestrière, ceux de Louis Julien la chapelle du Saint-Esprit, dans l'enclos d'allos, et ceux d'Antoine Pascalis celle de Saint-Antoine de Padoue, à Chauvet.
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(8) Ses biographes nous apprennent qu'il ressemblait à Fénelon par la physionomie et par son éloquence douce et pénétrante.
Le jeudi saint de l'année 1774, il ne craignit pas de reprocher au roi Louis XV les scandales de la Cour.
Il fut député de Paris, extra muros, aux Etats-Généraux de 1789;
il n'était plus évêque de Senez, depuis 1783.
L'abbé Galard a publié ses sermons et ses oraisons funèbres.
(Paris, 1807 , 4 vol. in 12 ) dont la plus remarquable est celle de Louis XV.
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(9) Les vicaires généraux et autres dignitaires.
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(10) Wendelin chez nous.
Bulletin de la Société scientifique et littéraire des Basses-Alpes.
( tome IV , pp . 159 - 166 ).
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(11) L'auteur auquel j'emprunte ces notes biographiques ajoute :
Nous avons sous les yeux de ces morceaux d'éloquence militaire écrits de la main du général Pascalis, auxquels la main de Napoléon n'a changé, ça et là, que quelques mots".
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(12) De Amicis et de Michaelis étaient également vicaires d'Entraunes.
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(13) L'an 1659 et le 1er octobre, Mre Honoré Gandaubert,
Prêtre de Colmars, a commencé de faire le service dans l'église paroissiale de Notre-Dame de Valvert d'Allos,
au nom et au relèvement de messire et révérendissime Charles Pascalis, docteur en droit,
pronotaire apostolique, prieur du prieuré de Notre-Dame du Moulanès et vicaire perpétuel de ladite église de Notre-Dame de Valvert.
Cette note que j'emprunte textuellement au registre, nous apprend qu'à cette époque, le prêtre que l'on appelait curé était vicaire remplaçant, etc..,
et que le titulaire que nous appelons aujourd'hui curé, était le vicaire perpétuel !
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(14) On accuse à tort Alexandre Guieu d'avoir fait badigeonner l'église paroissiale.
On lit, en effet, dans les procès-verbaux des réunions du conseil municipal du 19 août et du 30 novembre 1781, que Mgr l'Evêque de Senez, Mgr de Beauvais, dans sa dernière visite pastorale, engagea la communauté à faire blanchir l'église pour la rendre plus claire et plus décente...., et offrit de concourir pour la portion le concernant ( le tiers de la dépense )...
Le conseil municipal a délibéré et chargé les consuls de traiter avec François Zenery, blanchisseur italien.

La dépense totale s'éleva à 206 francs, dont 126 livres pour la main d'oeuvre et 80 livres six sols pour cordages et autres fournitures.
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(15) Dans les archives municipales, J.-Hyacinthe Pascalis, Hyacinthe Pellissier, Honoré Pascalis, Pierre-Jacques Pascalis, Alexandre Pascalis, Pierre Pellissier et Joseph Guirand sont appelés bailes; michel Michel, N. Pellissier, Joseph Caire, Jacques Gariel et N. Guirand, officiers publics ou présidents ; Alexandre Pellissier et les suivants, maires.
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