Pas de route,un petit sentier obligeait les habitants à se déplacer à pied pour aller se ravitailler à la ville de Digne,distante de 28 kms.
Mais il y avait un école et les enseignants assuraient même les cours du soir.
Les enfants et les adultes avaient une bonne instruction primaire et aussi une sérieuse éducation.
En 1900, il y avait encore 35 élèves dans la classe.
Bien sûr,le travail était dur dans nos montagnes et le sol ingrat obligeait certains garçons et certaines filles à descendre en Provence avec le père ou le frère qui pratiquaient la tranhumance.
Considérés comme des gens travailleurs et économes certains s'y mariaient,mais ils revenaient souvent au village.
Quelques jeunes gens partaient "faire fortune en Amérique"; c'était encore le temps de la ruée vers l'or.
Plusieurs "Chavaillons" devaient connaître ce grand continent.
Ils revenaient après avoir économisé leur argent.
Le dernier parti était mon père, en 1905 avec ses deux cousins Jean et Julien DAUMAS;ce dernier n'est pas revenu...il repose au cimetière de Bischop en Californie.
Mon père revint en juin 1914 afin d'effectuer son service militaire,mais quelques mois après, la guerre était déclarée :
il connut Verdun,le chemin des Dames,Douaumont,les tranchées...
Démobilisé,il revint au village et prit un peu de repos.
Il se maria en 1921 et repartit deux ans plus tard avec maman et un bébé dans l'Idaho.
Ils revinrent en 1925, et j'ai vu le jour dans ces montagnes de Chavailles peu après.
L'école comptait une dizaine d'élèves.
Puis ce fut la guerre de 39/40 avec sa mobilisation générale, sa réquisition de voitures et de chevaux.
Notre jeunesse a été marquée par la peur de l'occupant car les maquis s'organisaient et dans nos montagnes, nous avions celui de La Colle.
Combien de repas maman a-t-elle servis à ces jeunes qui se "cachaient"...
Que sont-ils devenus...?
La vie continuait malgré tout. Des sessions ménagères permirent de regrouper les jeunes filles de Chavailles,Heyres,Chanolles et La Rouine,autour de Mademoiselle FERRAND,monitrice,qui organisait des cours de cuisine,couture ainsi que des moments de répétition de chants,danses et mimes.
Ces acquis s'exprimaient autour de feux de camps. Nous faisions partie de la JAC (Jeunesse Agricole Catholique).
Le profit de ces soirées nous permettait d'envoyer deux fois par an,un colis à chacun des six prisonniers de la commune.
Bien qu'éloigné de la ville,notre village était "vivant",égayé par notre jeunesse et celle des alentours qui nous rejoignait le dimanche.
Et pourtant,j'ai souvent été peinée d'entendre dire "c'est un coin perdu !"
Et certains d'ajouter "ravitaillé par les corbeaux"
Non, il n'est pas perdu !
Je reste toujours trés attachée à cette vallée qui m'a vue grandir, et à toutes ces personnes qui étaient si attachantes et ouvertes;certains étaient "sortis", comme on disait, car ils avaient vus d'autres horizons et leur conversation était souvent agrémentée de leurs souvenirs.
En 2006,je ne retrouve plus les champs de blé et les lavandes.
L'école est fermée et les maisons rénovées.
Mais le souvenir des anciens demeure.
Il reste la route qui nous emmène toujours vers ce silence au sein duquel on découvre le ciel bleu et la sérénité.
Dono Yvouno JAN.