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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE II

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(1730-1767.)

 

1.-Réparation de la voûte de l'église d'Allos; revendication du chemin de ronde.
Nous avons dit que, pendant les guerres de 1690 à 1696, le clocher de Notre-Dame de Valvert avait été démoli et que sa chute avait ébranlé la voûte du sanctuaire.

Dans le cours des visites pastorales que Mgr.Soanen fit à Allos, en 1699 et en 1712, il ordonna de réparer cette voûte, dont le triste état pouvait causer la ruine de l'édifice, et décida qu'on emploierait à cette réparation les reliquats de comptes des confréries, les arriérés des services à la charge des chapelains et les offrandes des fidèles.

Conformément à l'ordonnance de leur évêque, les consuls d'Allos, de concert avec les notables de l'endroit,
"firent rendre compte aux marguilliers du Saint-Sacrement et de Notre-Dame de Valvert.
Ils recueillirent par ce moyen une somme d'argent assez considérable pour payer la dépense et s'entendirent avec un maître-maçon,nommé Joseph Classe, qui s'obligea moyennant la somme de 270 francs, pour son travail seulement, à faire la réparation", dont l'urgence était manifeste.
En effet, la voûte du presbytère
Note (1) était entr'ouverte; la pluie et la neige tombaient à côté du maître-autel, et c'est pourquoi, dans le conseil du 7 avril 1707, le prix fait convenu entre les consuls et le maître-maçon fut approuvé, malgré la multiplicité des affaires que la communauté avait journellement, à cause de la guerre.

Malheureusement, dans les temps troublés, la bonne volonté est souvent impuissante à faire ce que réclame le bien public.
L'église d'Allos était encore dans ce triste état en 1727.
C'est ce que nous apprend une délibération du 15 juin de cette année :
"La prorogation obtenue par la communauté pour l'interdit de l'église paroissiale étant bien près d'expirer, il est nécessaire de faire procéder aux réparations prescrites par Mgr. l'Evêque, afin d'éviter l'interdit."
On parvint enfin à reconstruire la partie de la voûte et des murailles du chevet de l'église les plus endommagées; mais cette reconstruction fut faite en grossière maçonnerie, et des pierres informes remplacèrent les colonnettes et les arceaux gracieux qui, heureusement, ont été rétablis de nos jours (1895) dans leur forme primitive.

En même temps, on achevait de démolir l'ancienne tour, pour édifier sur ses fondations la sacristie actuelle, qui n'est séparée que par un chemin de ronde d'une proprété appelée, alors comme aujourd'hui, le clocher.
Cette construction fut difficile à entreprendre et laborieuse dans son exécution, soit à cause de la mauvaise récolte de 1729, soit par suite d'autres malheurs publics.
Chose singulière, elle portait toujours le nom de clocher.
Le 2 septembre 1736, Joseph Guieu, vicaire perpétuel, disait au conseil de la communauté :
"Les murailles du clocher nouvellement construites souffrent beaucoup, à cause de la pluie, de la neige, etc., étant à découvert, outre qu'il est absolument nécessaire de faire la voûte qui doit former la sacristie, au bas dudit clocher."

Le vicaire perpétuel d'Allos se plaignait en outre, devant le conseil, de Marc-Antoine Augier,
" qui s'était approprié le chemin qui a été de tout temps autour de l'église, qui servait au passage de la procession paroissiale (dominicale) et au chemin royal, ainsi qu'au cimetière des enfants non baptisés."
Note (2)

La communauté revendiqua la possession du terrain qui servait au chemin de ronde et fit couvrir provisoirement la sacristie inachevée, en attaendant la construction de la toiture définitive qui ne fut décidée que dans la réunion du 30 mai 1737.

2-Vente définitive de la montagne de Preinier.
La communauté d'Allos avait, en même temps, à traiter une autre affaire importante, l'aliénation de la montagne de Preinier et de ses dépendances.
Cette montagne avait été vendue, le 17 avril 1716, à Pierre-Louis Laurens, au prix de 4000 francs.
Jean-Baptiste Spitalier et Louis Jacques, de Barcelonnette, firent une campagne contre cette vente, disant qu'elle avait été faite sans formalités, sans enchères et à un prix dérisoire.
Jean-Baptiste Gariel, consul, et Jean-Dominique Gariel, défenseur, leur répondirent, dans le conseil du 26 septembre 1734, que Laurens l'avait achetée pour Jean-Hyacinthe Pascalis et que le prix en fut réglé à cette somme modique pour indemniser le sieur Pascalis des dépenses considérables qu'il avait faites pendant son voyage et un séjour de quatre ans à Paris, pour solliciter la réunion de la vallée de Barcelonnette et de cette communauté à la Provence.

Malgré cela, la vente fut annulée par un arrêt de la souveraine Cour du Parlement de Provence, le 13 du mois de juin 1735, et la communauté condamnée au dépens.

Le Parlement de Provence ordonnait, en même temps, de mettre aux enchères la montagne de Preinier, ses quartiers et ses dépendances, avec la mise à prix de 6000 francs, offerte par le sieur Louis Jacques.

En exécution de cet ordre, le conseil fixa la vente au 25 juin 1737 et décida qu'elle aurait lieu selon les formes ordinaires, au plus offrant, en présence du baile, des consuls et des défenseurs.
Elle produisit 9000 francs, par conséquent un bénéfice de 5000 fr. pour la communauté.

3.-Entretien des chemins.
Il parait qu'à cette époque les rapports commerciaux entre la vallée de l'Ubaye et celle du Verdon étaient relativement considérables.
Nous lisons, à ce sujet, dans la délibération du 11 octobre 1739, que les membres du conseil appelèrent en ces termes l'attention de l'intendance de Barcelonnette sur l'état des chemins, entre Allos et Barcelonnette:
"Les chemins ont un besoin absolu de réparations, afin que tant les habitants que les voituriers de la haute Provence puissent continuer leur commerce, interrompu par la 'déformosité' desdits chemins."

Le conseil du 4 octobre 1746 décida enfin, sur l'ordre de l'autorité militaire, de faire réparer le chemin royal, "depuis le détroit jusqu'au sommet de la montagne", et de planter des pieux sur ladite montagne.
Les consuls proposèrent cette réparation, après avoir reçu avis de leurs collègues d'Entrevaux de l'arrivée de dix compagnies d'un bataillon qui devait avoir étape à la Foux.

4.-Contributions et exactions, pendant les guerres de la succession d'Autriche; les Austro-Sardes à Castellane; transport du foin d'Allos à Digne.
Cependant l'Europe entière avait pris les armes pour disputer ou pour défendre l'héritage de Marie-Thérèse.
C'étaient les guerres de la succession d'Autriche, dont nos ancêtres eurent à souffrir depuis 1742 jusqu'en 1748.

Le 22 juillet 1745, Leteiller, commissaire de guerre, ordonna aux habitants d'Allos de porter à Barcelonnette " six cents quintaux de foin et cent quatre vingt cinq mesures d'avoine, ' dans trois semaines pour tout délai ' ."
Cet ordre n'ayant pas eu assez tôt sa pleine et entière exécution, on envoya à Allos, dès le 22 août suivant, quatre grenadiers de contrainte pour défaut de fourniture.

Afin d'éviter les exactions militaires et civiles, on vota, quelques jours après (29 août) ,

"-une taille de cinq livres par once cadastrale :
-quarante cinq sols à percevoir dès le lendemain;
-trente sols, dès le 1er octobre prochain,
-et trente sols, dès le 8 du mois de juin aussi prochain.
De quoi tout, il sera payé :
=1° les deniers royaux échus et les six mois de l'an prochain;
=2° tous les intérêts des créanciers de la communauté;
=3° les honoraires du commandant, du préfet, du commissaire de guerre et autres débitures fixes."

Les impositions en argent et en nature furent bientôt suivies de l'impôt du sang.
Par ordre du comte de Lautrec, lieutenant général, commandant l'armée des frontières du Piémont, la communauté dut fournir, sans délai, deux compagnies de miliciens qui devaient se rendre incessamment à Larche.

Les consuls essayèrent, mais sans succès, d'obtenir que ces deux compagnies fussent chargées de la défense de la communauté d'Allos, "exposée autant que celle de Larche aux incursions des ennemis et si éloignée des autres communes de la vallée qu'elle ne pourrait les avertir à temps."
Note (3)

La sollicitude paternelle de Mgr. de Vocance, nouvel évêque de Senez (1741-1756) , faillit devenir funeste aux habitants d'Allos.
Il fit recommander aux communautés de son diocèse de mettre en réserve l'argent nécessaire pour payer les contributions de guerre qu'exigerait l'ennemi, en cas d'invasion.
Et, en effet, un corps d'armée austro-sarde, commandé par le général d'Orméa, arriva à Castellane, avant le 20 décembre 1746.
"Les vigueries de Barrême, d'Annot, de Moustiers et de Digne étaient envahies.
Ordre fut donné aux consuls des communes comprises dans leur ressort de se rendre à Castellane, pour y régler les contributions en argent et en subsistances qui devaient être fournies à l'armée."
Note (4)

Dans l'intérêt de ces diocésains, Mgr. de Vocance ne s'éloigna pas de Castellane, où résidait le général ennemi.
Le bon prélat craignait, non sans raison, qu'en présence d'un refus de contribution, motivé même par la privation de toutes ressources, l'armée ennemie ne se portât à de terribles excès, et il essaya de les prévenir.

Mais tel ne fut pas l'avis de M. de Latour, intendant de la province.
Le 18 décembre 1746, il écrivait à Pascalis de la Sestrière, commissaire de guerre, son subdélégué dans la vallée :

"Les consuls d'Allos demandent à emprunter pour payer des contributions à l'ennemi de l'Etat, au cas qu'il pénètre jusque dans ce village...
Une pareille conduite est très répréhensible.
Je vous prie de témoigner aux consuls combien je suis mécontent."

"Signé : LA TOUR DE GLENE."

Il devenait impossible d'obéir à toutes les prescriptions de l'autorité militaire.

Les communautés de la vallée, après avoir fourni, pendant l'automne de 1746, les huit mille quintaux de foin exigés par le maréchal de Bellisle, commandant de l'armée du roi en Provence, reçurent, dans les premiers jours du mois de janvier 1747, du marquis de Chevert, commandant les troupes entre le Verdon et la Durance, l'ordre de porter dans les magasins de Digne tous les foins et avoines, excepté ce qui serait nécessaire pour la nourriture des bestiaux destinés à la culture.
Cet ordre leur fut notifié par le subdélégué du général Chevert, Pascalis de la Sestrière, commissaire de guerre de la vallée, qui, pour accélérer le transport, réquisitionna non seulement les bestiaux des habitants, mais les habitants eux-mêmes, hommes, femmes, garçons et filles !

Pascalis de la Sestrière, originaire d'Allos, comme son nom l'indique, n'eut jamais, en sa qualité de commissaire de guerre, de mission plus douloureuse à remplir que lorsqu'il communiqua cet ordre inhumain à ses compatriotes.
Les membres du conseil de la communauté donnèrent, en cette circonstance critique, une preuve non équivoque de leur habileté, en se contentant de mettre à la disposition de l'autorité militaire les mulets dont ils pouvaient disposer
Note (5) et en s'adressant aux consuls de Barcelonnette et de Colmars pour gagner du temps et agir de concert avec eux.

Afin d'obtenir plus de régularité dans le transport des fourrages, l'intendance fit établir, en 1747, à Allos, ainsi que dans les autres communautés,
"une brigade de six ou sept conducteurs et de vingt mules ou mulets propres à soutenir une longue voiture."
Note (6)
Mais l'établissement de ces brigades n'ayant pas produit le résultat qu'on en attendait, l'intendant de Latour prescrivit une autre organisation:
" A l'avenir, dit-il, le transport des foins, pailles et avoines sera payé, à raison de six sols par quintal et par lieue; au moyen de quoi, les muletiers seront tenus de nourrir les mulets, ne seront plus assujettis aux brigades et ils seront assurés d'être payés exactement, à chaque voyage, dans les magasins où ils verseront les matières."

Lorsque le magasin de Barcelonnette fut suffisamment pourvu, le foin et l'avoine de notre vallée furent emmagasinés à Allos et à la Foux.
Par ordre du commissaire de guerre et de M. de Crupol, commandant les troupes de Barcelonnette, ces nouveaux magasins devaient contenir trois mille cinq cents quintaux de foin.

En même temps, on complétait l'organisation des deux compagnies bourgeoises
Note (7) que M. de Rignac, commandant le fort de Saint-Vincent, avait soumises à l'autorité de M. de Sabran, major de Colmars, lorsque la défense de la vallée du Verdon l'exigerait.
Sur l'ordre du même commandant, le conseil municipal fit construire un baracon ou cabanon au Laus, et le chemin d'Allos à cette montagne fut réparé, parce qu'on craignait d'être surpris par l'ennemi, de ce côté.

La communauté fournit, en outre, "vingt hommes, pour travailler aux chemins, depuis les Gleizolles, Maison-Méane, la redoute, jusqu'à Mélezen."
Elle mit pour condition qu'ils seraient remplacés de huit jours en huit jours.

La réparation de la route, en ces différents endroits, était urgente, parce que les Franco-Espagnols voulaient envahir le Piémont par le Col de la Madeleine et faire passer par là quarante grosses pièces de canon qu'ils avaient au plan de Fazzy.
Note (8)

La campagne de 1748 fut la dernière de cette guerre.La paix fut signée à Aix-la-Chapelle, le 18 octobre de la même année.
Mais, lorsque cet heureux événement fut connu de nos pères, ils souffraient des ravages d'un autre fléau, l'incendie du chef-lieu de leur communauté.

5.-Incendie d'Allos et de Notre-Dame de Valvert.
Cet incendie eut lieu le 15 novembre 1747.
Il fut si violent que l'église paroissiale, malgré son isolement devint la proie des flammes.
C'est ce que répondirent les consuls au commandant de Crupol, qui voulait emmagasiner beaucoup de foin à Allos, en 1748 :
Il n'y a plus dans la ville, dirent-ils, ni église, ni chapelle, ni granges, pour emplacer le foin, attendu l'incendie générale (sic), arrivée (sic) le 15 novembre dernier."

Lorsque le commissaire de guerre eut fait préparer l'évaluation des pertes considérables subies par les incendiés, son frère, messire Pascalis, prieur de Moulanès, se rendit à Paris.
Il plaida si bien la cause de ses infortunés compatriotes que Louis XV, par arrêt de son conseil du 4 juillet 1748, accorda un secours extraordinaire de 43000 livres.
Voici, d'après les registres du conseil d'Etat, ledit arrêt en sa forme et teneur :
"Le roi ayant été informé de l'incendie arrivé dans la ville d'Allos, vallée de Barcelonnette, la nuit du 15 au 16 novembre 1747, et voulant procurer un soulagement aux habitants de ladite ville qui ont souffert de cet accident et leur procurer le moyen de rétablir leurs habitations... Sa Majesté a ordonné et ordonne que, pendant treize années consécutives, à commencer la présente année 1748, le produit du tax de la capitation et du dixième, qui s'imposent annuellement sur les habitants de ladite ville, leur soit distribué...A la charge par lesdits habitants de continuer leur résidence à Allos et d'y rétablir leurs maisons incendiées."

Le roi enjoignit ensuite au sieur de Latour, premier président du Parlement, intendant de justice, de police et finance en Provence, de tenir la main à l'exécution de cet arrêté.
Le seigneur de Latour donna ses ordres à Jean-Dominique Pascalis de la Sestrière, son subdélégué à Barcelonnette, et ce dernier se transporta à Allos, où, le 3 novembre 1748, il régla, en présence des officiers municipaux, la répartition de l'indemnité royale de 43000 livres 14 sols, payable, chaque année, au moyen du produit des impositions de la communauté.

Ce don vraiment royal fut distribué à soixante et quatorze propriétaires et à quatre locataires.
Il égala les deux tiers des dommages causés par l'incendie.

On n'oublia ni l'église, ni les chapelles du chef-lieu.
L'état de répartition portait 1504 livres pour les réparations à faire au sanctuaire et à la nef de Notre-Dame de Valvert, et 1358 livres pour les chapelles de Saint-Sébastien et de Saint-Joseph.
Conformément à l'avis unanime des incendiés, cette dernière somme fut intégralement employée à Saint-Sébastien,
Note (9)" à condition que la confrérie des pénitents blancs ferait célébrer, chaque année et à perpétuité, une grand'messe, le 15 novembre, pour le roi et la famille royale, et qu'on supplierait Mgr. l'évêque de permettre qu'on donne, en ce jour, la bénédiction du Saint Sacrement."

Pour hâter la reconstruction de la chapelle de Saint-Sébastien, le conseil municipal promit d'anticiper le payement de deux annuités de l'indemnité de Louis XV, et il délibéra sur le projet de faire refondre la cloche qui avait été brisée pendant l'incendie.
Note (10)

Trois autres projets étaient, en même temps, l'objet de la sollicitude de la communauté :
la réparation de l'église paroissiale, la construction d'un clocher et l'acquisition d'une horloge.

Dès le 28 avril 1748, elle ordonnait aux consuls de se procurer le bois nécessaire pour la rédection du toit de Notre-Dame de Valvert, et, le 9 juin suivant, elle suppliait Mgr. l'évêque de Senez de ne pas exiger la reconstruction d'une muraille de cette église, avant qu'on eût replace le couvert.

6.-Une tour des remparts transformée en clocher; acquisition d'une horloge.
On se préoccupait surtout " de la construction d'un clocher, pour mettre les cloches à l'abri des injures de l'air et les placer de manière que leur son fût facilement entendu de tous les habitants de la paroisse..., et, Jean-Baptiste Paulet ayant consenti que le clocher fût placé sur la tour qu'il possède, dans la partie orientale de son jardin, à la condition neanmoins qu'il continuera de jouir de rez-de-chaussée de ladite tour, les assistants ont promis de lui payer, avant le 1er décembre prochain, la somme de cinquante livres."

On lit encore dans la délibération du 3 novembre 1748, que je viens de citer,
" que les 685 livres 8 sols 6 deniers provenant de l'indemnité accordée pour la perte du foin consummé par les flammes, dans la chapelle Saint-Joseph, ont été destinés à l'achat d'une horloge et à la construction d'un clocher".
Enfin les incendiés réunis déclarent qu'ils ajoutent à cette somme 584 livres.

Un maçon suisse, nommé Bouffe, construisit le nouveau clocher, moyennant 1150 francs et la fourniture de la chaux par la municipalité.
En même temps, Joseph Guirandy, maître horloger à Digne, préparait l'horloge tant désirée par la population.
Elle coûta 550 francs, non compris les frais de transport.

7.-Réouverture de la plâtrière du Laus
Lorsqu'on commença à réparer les désastres de l'incendie de 1747, le conseil municipal délibéra, à différentes reprises, sur les plâtrières de la montagne du Laus.
Il paraît que les habitants du hameau de Champrichard, qui avaient contracté, à prix fait, l'obligation de tenir l'une de ces carrières ouverte, étaient infidèles à leurs engagements.
Le conseil du 14 juillet 1748 chargea les consuls de les mettre en demeure de remplir leurs obligations incessamment, et, en cas de refus, de les poursuivre en justice, sans perdre un moment.

La situation était, en effet, tellement grave que le commissaire de guerre avait défendu aux habitants dont les cheminées étaient en mauvais état de faire du feu dans leurs maisons !
Afin de mettre un terme à cet état de chose, le conseil se réunit de nouveau, le 28 octobre suivant, pour examiner si le prix fait consenti par les habitants de Champrichard les obligeait encore ou non; lorsque l'un d'entre eux, Jean Rebattu,
" se présenta pour prévenir toute contestation.Il s'obligea à ouvrir la plâtrière, à la tenir ouverte pendant six ans, à partir du prochain mois de juin et à fournir du plâtre cuit à 7 sols le quintal ou le setier, au choix des habitants.
La communauté lui accorda quarante-cinq livres pour ouvrir ladite carrière et l'autorisa à prendre du bois à la forêt de Maunier."

8.-Un nouvel impôt.
Le 28 décembre 1749, les consuls d'Allos présentèrent au conseil de la communauté l'édit du roi qui établissait un impôt du vingtième sur tous les biens, dont le produit devait être versé dans une caisse générale pour l'extinction des dettes de l'Etat.
Ce nouvel impôt remplaçait celui du dixième établi par Louis XIV, pour les besoins de la guerre.
Il fut perçu en espèces par des agents royaux qui ne voulaient s'en tenir ni aux évaluations des affouagements, ni aux indications des cadastres sur le revenu des propriétés.

Cette manière de percevoir le nouvel impôt le rendit bientôt impopulaire.
Les communautés de Provence en demandèrent la transformation, par leurs remontrances de 1749 et de 1750, et il leur fut permis de faire percevoir le vingtième par leurs trésoriers, comme les autres impôts.

Au produit de la taille, qui s'élevait alors à Allos, à 1968 fr. 15 c., et à celui de la capitation ou impôt par tête, qui était de 713 fr.18 c., il fallut donc ajouter le vingtième du revenu des terres .
A partir de cette époque jusqu'en 1789, il n'y eut plus de changements notables dans les impositions payées par la communauté.

9.-Période de paix; revendication de la Chalenche et du Laus
Après l'incendie de 1747 et le traité d'Aix-la-Chapelle (1748), nos ancêtres purent enfin jouir des bienfaits de la paix.
"La vallée se trouve sans troupes",
disaient-ils dans la délibération du 2 février 1759.
La guerre de sept ans, il est vrai, n'était pas terminée; mais le théâtre de cette guerre était loin de nos contrées, et, s'il y est fait allusion dans nos archives, c'est à l'occasion des réjouissances publiques ordonnées par le duc de Villars, après la victoire remportée par l'armée française en 1757.
Cette période de tranquillité permit à la communauté de s'occuper avec soin de l'administration intérieure et de réaliser des projets très utiles.

Sur la demande motivée des habitants de Montgros, l'autorité communale mit en défense, à l'instar du défend de Vacheresse et sous les peines portées dans les statuts municipaux, le quartier nommé l'Ubac de Montgros.
Si cette mesure avait produit le résultat qu'en attendait la municipalité, les habitants du quartier auraient aujourd'hui des pâturages pour les gros bestiaux et du bois de construction sur place.

En 1757 et 1758, la communauté revendiqua la propriété de la Chalenche et s'occupa du rachat de la montagne du Laus et de ses autres dépendances.

Son droit sur le quartier de la Chalenche ne paraissant pas douteux, elle déclara à la veuve Gariel, qui le détenait, que ces terres vagues étaient occupées indûment depuis trente-huit ans
Note (11)

Le projet de recouvrer la montagne du Laus fut proposé et pour ainsi dire imposé par l'abbé Bourrillon.
Ce prêtre promit d'obtenir de la Cour d'Aix un arrêt autorisant la municipalité à racheter cette montagne par le remboursement des 16000 fr. payés par le premier acquéreur.
Il demanda pour cela 1000 francs, payables après l'obtention de l'arrêt.
Cette proposition troubla profondément le conseil, réuni pour l'entendre; les possesseurs des montagnes refusèrent de prendre part à la délibération, et Alexandre Pascalis, du Laus, attaqua violemment l'abbé Bourillon.
Il craignait qu'on l'envoyât à Aix comme député, pour provoquer l'arrêt qu'il avait promis.
Le conseil décida cependant, malgré ce violent orage, de soumettre le projet à deux avocats du Parlement.
Note (12)
Mais cette consultation demeura sans résultat pratique, et la communauté d'Allos n'a jamais pu recouvrer les montagnes qu'elle avait aliénées dans un temps de calamité publique.

10.-Suspension des élections consulaires; nouvelle loi municipale; élection restreinte.
Le 10 novembre 1747, Pascalis de la Sestrière, commissaire ordinaire des guerres et subdélégué de l'intendant de Provence, était à Allos.
Il fit comparaître devant lui les consuls existants :
Jean-Dominique Pellissier et Jean-Antoine Chaix ( les deux autres consuls étaient morts ),
pour leur donner des successeurs d'après leurs indications, et il annonça que cette manière de procéder au renouvellement de la cour consulaire serait maintenue jusqu'à ce qu'il plût au roi de rétablir la liberté de l'élection.
Cette liberté ne leur fut rendue que dix ans après.

La nomination des consuls par le roi, pendant dix ans, faisait pressentir un changement dans cette élection.
Et, en effet, le 10 juin 1764, par un arrêt de son Conseil d'Etat, Louis XV fixa la forme des conseils municipaux et la manière de procéder aux élections municipales dans la vallée de Barcelonnette.

Voici textuellement la partie historique de ce document :
" Vu par le roi, étant en son conseil, les règlements particuliers ou capitulations des dix communautés qui composent la vallée de Barcelonnette, et Sa Majesté ayant reconnu que les assemblées des conseils municipaux étaient sujettes à beaucoup d'inconvénients, attendu que tous les habitants peuvent y assister à la fois, ce qui les rend tumultueuses et contraires au bien de l'administration; à quoi Sa Majesté voulant pourvoir, elle a ordonné ce qui suit :

" Art.Ier. L'élection des officiers municipaux de toutes les communautés qui composent la vallée se fera, à l'avenir, le troisième dimanche du mois d'octobre de chaque année, et les officiers élus seront installés le 1er janvier suivant; après néanmoins, pour ce qui regarde la communauté de Barcelonnette, que le roi aura approuvé ladite élection, ainsi que cela a été pratiqué jusqu'à présent.

"Art. II. Le conseil ordinaire de la communauté de Barcelonnette sera composé, à l'avenir, des quatre consuls et des deux défenseurs en place, des quatre consuls et des deux défenseurs de l'année précédente et de dix-huit conseillers.

" Art. III. Les conseils ordinaires des communautés d'Allos, Saint-Paul et Jausiers seront composés des quatre consuls, des deux défenseurs en exercice et des quatre consuls et deux défenseurs sortant de charge et de dix-huit conseillers.

" Art. IV. Ceux des communautés de Larche, Meyronnes, Méolans, et Châtelard seront composés de deux consuls et des deux défenseurs en place, de deux consuls et deux défenseurs sortant de charge et de dix conseillers.

" Art. V. Les consuls et les défenseurs seront pris et choisis comme ils l'ont été jusqu'à aujourd'hui, et les conseillers, savoir, la moitié parmi les plus imposés et l'autre parmi les taillables indifféremment, pourvu toutefois que leur cote soit de la valeur de six cent livres tournois pour la communauté de Barcelonnette et de trois cent livres pour les autres...
..........
..........

"Art. X. En cas d'absence d'un ou de plusieurs membres qui doivent composer les conseils desdites communautés, celui de la ville de Barcelonnette pourra délibérer au nombre de vingt-deux;
ceux d'Allos, Saint-Paul et Jausiers, au nombre de quinze,
et ceux de Larche, Meyronnes, Méolans, Revel, le Lauzet et Châtelard, au nombre de douze,
à l'exception néanmoins des conseils qui se tiendront pour l'élection des officiers municipaux.

" Art. XI. Le conseil général de la vallée continuera d'être composé comme il l'a été jusqu'à présent."

Cet arrêt fut approuvé par le roi, en ces termes :
Note (13)" Nous l'avons autorisé et autorisons par les présentes lignes de notre main et nous mandons de le faire lire, publier, registrer et observer."
Il fut lu par le baile d'Allos et enregistré au conseil du 4 août 1765.

Le 20 octobre suivant, le commissaire des guerres déclara qu'il y avait lieu de le mettre à exécution pour la première fois, mais les membres du conseil se contentèrent de confirmer dans leurs fonctions les consuls et les défenseurs actuels.
En fin, ledit arrêt fut observé, dans toute sa teneur, à partir du 19 octobre 1766, avec cette particularité que chaque consul, défenseur et conseiller désignait son successeur, qui n'était définitivement nommé que par l'approbation du conseil.

Ce ne fut pas sans regret que l'on vit substituer cette élection restreinte à l'élection en assemblée générale, qui permettait à toute la communauté de nommer, chaque année, ses administrateurs et ses juges.

11.-Location d'une maison de ville; encore le transport des fournitures militaires; reboisement des montagnes.
Depuis longtemps, la communauté avait le projet de faire construire une maison de ville pour en faire le lieu des assemblées du conseil, le prétoire du baile-juge et des consuls et le dépôt des archives.
En 1745, les circonstances paraissaient favorables à la réalisation de ce projet, et on voulait ménager dans la maison à construire le logement du secondaire de la paroisse, qui était en location aux frais de la municipalité; mais les contributions de guerre et le passage des troupes avaient absorbé toutes les ressources du pays.
Le 20 janvier 1766, le conseil, réuni dans la maison de Joseph Guieu, vicaire perpétuel, délibéra de nouveau à ce sujet et chargea les consuls
" de louer un appartement convenable pour les assemblées du conseil, les audiences du baile et des consuls et les papiers de la communauté."
Note (14)

Dès lors, cessa d'exister, à Allos, un des vestiges les plus remarquables des temps passés :
l'usage de traiter les affaires communales sur la place publique, de rendre la justice aux portes de la modeste cité, sous un arbre ou sur un banc de pierre, comme faisaient les Hébreux, saint Louis, roi de France, sous le chêne de Vincennes, et les anciens juges de Barcelonnette, déclarant que le banc sur lequel ils étaient assis était leur tribunal.

Le 8 février 1767, Me.Laurens, subdélégué de l'intendant de Provence à Barcelonnette, envoya à Allos une circulaire dont les consuls donnèrent aussitôt connaissance au conseil.
C'était une ampliation des articles 7 et 8 de l'instruction du 15 décembre 1766, relative à la comptabilité des régiments en marche :

" Art. 7. Les régiments ne seront plus tenus de payer les voitures qui leur seront fournies en route; ils donneront seulement leur reçu aux officiers municipaux ou chefs des communautés.

" Art. 8. Les intendants des provinces feront payer aux chefs des communautés le prix desdites voitures par le trésorier de l'extraordinaire des guerres servant près de chacun d'eux."

Nos pères apprirent avec satisfaction ce changement dans le mode de paiement des moyens de transport fournis aux militaires, car ils réclamaient en vain, depuis vingt ans, l'indemnité qui leur était due de ce chef, depuis la guerre de la succession d'Autriche (1742- 1748).
Cette indemnité s'élevait, pour eux et pour les autres communautés de la vallée, à la somme de trois cent soixante et dix mille livres.

Le conseil général des députés de toutes les municipalités, réunis à Barcelonnette, le 15 novembre 1766, avait chargé l'abbé Pascalis, prieur de Moulanès, originaire d'Allos, l'abbé Laugier et Spitalier, de Barcelonnette, de poursuivre le payement de cette somme,
"moyennant l'abandon de dix pour cent, pour les cent mille premières livres; vingt cinq pour les secondes cent mille livres, et trente-cinq pour cent, pour les soixante et dix mille livres restantes, qu'ils ne pourront retenir qu'après que le payement du tout aura été dûment ordonnancé ".

On faisait alors des règlements aussi utiles que sévères pour empêcher le déboisement, et, si l'autorité compétente les avait fait observer jusqu'à nos jours, on ne serait pas obligé actuellement de faire des dépenses si considérables et de gêner les populations pour le reboisement des terrains en montagne.

M. de Montclar écrivait d'Aix, à ce sujet, le 10 décembre 1767, aux consuls d'Allos :
" Il vous était enjoint par divers arrêts du règlement de la Chambre des eaux et forêts, notamment par celui du 31 mai 1763, de veiller à ce qu'il ne soit fait aucun défrichement aux lieux penchants et ardus, ni au bord des rivières, ravins, torrents, et de dresser annuellement, dans le mois d'octobre, procès-verbal de ceux qui auront été faits.

" La déclaration du roi du 12 avril 1767 n'autorise les défrichements des terrains montueux et penchants qu'autant que les possesseurs desdits terrains en auront obtenu la permission de la Chambre des eaux et forêts, laquelle ne leur sera accordée qu'à la charge d'y faire une muraille ou haie vive plantée d'arbustes pour soutenir le terrain, à chaque toise de pente.
La même déclaration prononce condamnation de trois mille livres d'amende contre ceux qui défricheront des terrains ardus sans avoir la permission, ou sans avoir observé les susdites conditions."

 

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Notes : 14 notes dans ce chapitre.

(1) On appelait ainsi le sanctuaire parce que c'est dans cette partie de l'église que les prêtres ont leur place, pendant la messe et les autres cérémonies religieuses.
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(2) On arrivait donc par une porte particulière au cimetière des enfants morts sans baptême, qui était tout à fait séparé du cimetière proprement dit.
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(3) Registre des délibérations de la communauté d'Allos, 1746-1748.
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(4)Les opérations militaires dans les Alpes et les Apennins, pendant la guerre de la succession d'Autriche (1742-1748), in-8° publié, en 1886, par M. Henri Moris, archiviste des Alpes-Maritimes.
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(5) Il est dit, dans la délibération du 5 février 1747, qu'à cette époque les habitants avaient, presque tous, des juments poulinières..
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(6) Ce mot était alors synonyme de transport d'objets matériels.
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(7) Le 11 juin 1747, le conseil fit payer douze livres à Honoré Chaix, d'Allos, qui était allé chercher à Digne deux tambours pour les compagnies bourgeoises.
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(8) Opérations militaires dans les Alpes et les Apennins,par M. Henri Moris.
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(9) On n'osa pas réparer la chapelle de Saint-Joseph parce qu'elle tombait en ruine.
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(10) Le conseil déclara que cette chapelle, étant au centre du chef-lieu, était nécessaire surtout pour la prochaine mission.
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(11) La contestation relative à cette parcelle de montagne, appelée gastaille dans quelques anciens actes, a continué jusqu'à nos jours entre les nouveaux propriétaires du Laus et la commune d'Allos.
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(12) L'abbé Bourrillon était un prêtre instruit, mais insuffisamment pondéré.
Il défendit Soanen, au concile d'Embrun, avec tant d'ardeur qu'on l'accusa d'être lui-même janséniste.
Afin de n'être pas condamné, il quitta immédiatement Embrun et se réfugia à Paris.
Dans les dernières années de sa vie, il était curé de Clignon, où il mourut.
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(13) Cette date des lettres patentes de Louis XV, confirmant l'arrêt de son Conseil d'Etat, est devenue celle de cet arrêt, rendu le 2 juin 1764.
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(14) L'élection municipale annuelle, qui avait lieu jusqu'alors sur la place des aires, ou ailleurs, se fit également dans cet appartement.
Cependant l'installation des nouveaux officiers, fixée au 1er janvier, devait être faite devant la chapelle de Saint-Sébastien, en présence du baile, qui les déclarait consuls et défenseurs de la communauté, recevait leur serment et ordonnait à tous les habitants de leur obéir, pour le fait de leur charge et sous toutes les peines de droit.
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