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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE III

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(1767-1789.)

 

1.-Croix plantées sur les sommets de Valgelaye, pour guider les voyageurs; visite de Mgr d'Amat à Allos.
Les communications entre Allos et Barcelonnette ont toujours été difficiles, pendant l'hiver.

Pour ne pas s'exposer au danger des avalanches, les voyageurs suivent quelquefois les sommets de la montagne,
où les pieux solidement fixés de distance en distance et portant des numéros lisibles au toucher servent de point de repaire.
Mais on voit difficilement ces pieux, lorsque le jour est obscurci par des tourmentes de neige aussi redoutables que les bourrasques de la mer.

En 1767, un habitant du hameau de Morjuan, nommé Antoine Jaubert, voulant atténuer ce danger, planta des croix dont les bras se voyaient de plus loin et permettaient,
"par ce moyen, de se rendre plus facilement à Barcelonnette, dans la plus mauvaise saison".
Note (1)
La croix, signe d'espérance et de salut, fut donc désormais le guide des voyageurs, en ces lieux escarpés,
et la communauté d'Allos témoigna sa reconnaissance à Antoine Jaubert en lui faisant remettre une modeste somme d'argent,
"quoiqu'il n'eût rien demandé".

Mgr d'Amat de Volx, évêque de Senez (1757-1771), visita Allos en 1768.

Les consuls, les membres du conseil communal et les notables rivalisèrent avec la jeunesse pour lui faire une réception digne de leur foi et de sa haute dignité.
Le prélat trouva toute la population réunie sur le chemin de Colmars, non loin de l'église paroissiale d'Allos, et il put lire sur tous les fronts la joie la plus pure.
Les jeunes hommes, qui étaient sous les armes, le saluèrent par une décharge de mousqueterie.
"On dépensa huit livres de poudre, pour la bravade;
vingt quatre sols, pour chaque homme, pendant deux jours;
trente-six livres données aux domestiques du Seigneur Evêque
et six livres pour les violons qui ont accompagné la jeunesse à la suite de Monseigneur."

Cette note, empruntée à la délibération du 10 juillet 1768, nous dit, avec une agréable naïveté, comment, à cette époque, on recevait les évêques,
en cours de visite pastorale dans nos montagnes.

2-Incendie d'un quartier d'Allos; nouveau projet d'annexion au Dauphiné.
En 1769, un nouvel incendie détruisit les maisons d'un quartier d'Allos.
C'était pour la troisième fois, durant l'espace de cinquante ans, que les habitants du chef-lieu avaient à souffrir de ce fléau.
Un désastreux orage anéantit presque en même temps la récolte et amena une année de disette générale dans le pays.

Le conseil de la communauté envoya en députation à Senez Mes. Guirand et Pascalis de Valplane,
notaires, chargés de remettre à Mgr l'évêque "deux rapports des dommages causés par la grêle et par l'incendie"
et de solliciter son intervention pour obtenir une indemnité du roi.
Par un arrêt de son conseil d'Etat du 22 septembre 1771,
Louis XV accorda aux victimes de l'incendie et de l'orage de 1769 le produit des impositions de 1771 et de 1772,
dont la somme totale s'éleva à six mille deux cents francs.
Note (2)

Le projet de réunir la vallée de Barcelonnette au Dauphiné, dont nous avons déjà parlé, fut repris en 1769.
Une réunion des députés des douze communautés eut lieu à ce sujet, à Barcelonnette, le 12 du mois de décembre.
Il fut décidé qu'à cause de la gravité et de l'urgence de cette affaire il y avait lieu d'adjoindre un collègue à M. Caire, avocat à la Cour, député de la vallée,
et on choisit pour cette importante mission messire Pascalis d'Allos, prieur de Moulanès, dont le dévouement et le talent étaient bien connus.

Les craintes de la vallée étaient fondées.
Le duc de Choiseul, premier ministre de Louis XV (1758-1770), écrivait, en effet, à M. de Figeac, commandant des troupes de la vallée, qu'on voulait démembrer nos pays de la Provence.
Note (3)
On savait, d'ailleurs, que le gouvernement français cherchait alors à rentrer en possession du Comtat-Venaissin et que la cession de la vallée de Barcelonnette au Dauphiné
"était subordonnée, disaient les consuls d'Allos au conseil du mois de juillet 1770, à l'arrangement qui devait être pris entre la cour de France et celle de Rome",
au sujet de la reddition de la ville d'Avignon et du Comtat à la France.
Cette combinaison ne produisit pas le résultat attendu :
le Comtat-Venaissin ne fut annexé à la France qu'en 1791, et nos ancêtres furent heureux de rester unis à la Provence.

3.-La pêche dans les eaux du lac d'Allos; construction d'une barque.
La communaté d'Allos disposait du droit de pêche dans les eaux du lac de la montagne du Laus, même après la vente de cette montagne.

D'après les anciens usages, nul ne pouvait pêcher dans ce lac, sans l'autorisation formelle des consuls, ni avec des filets à mailles assez étroites pour prendre les truites pesant moins d'une livre.
Le poisson ne pouvait être vendu hors du pays qu'après avoir été mis en vente, à quatre sous la livre, devant la chapelle de Saint-Sébastien, à Allos, le vendredi, depuis neuf heures du matin jusqu'à midi.
Enfin, les pêcheurs devaient offrir un repas aux consuls, à titre honorifique !

Les articles de cette réglementation étant tombés en désuétude, surtout pendant les guerres de 1742 à 1748, furent remis en vigueur, avec quelques modifications, par une délibération de 1752 et surtout par le conseil du 30 janvier 1773.

Désormais, le droit de pêcher les truites du lac fut mis aux enchères et délivré au plus offrant.
Les consuls fixaient, avant chaque enchère, le prix du poisson, le jour et l'heure de la vente à Allos, et les pêcheurs devaient leur offrir douze livres de truites, au lieu d'un repas.

Cependant Marc-Antoine Amelly, originaire d'Allos, demeurant à Salon, obtint, en 1778, l'autorisation de pêcher dans le lac de son pays.
Il fit construire une barque à ses frais et il accepta les conditions qui lui furent imposées par un règlement en dix articles, préalablement soumis à l'intendant de la Provence.
La communauté, de son côté, promit de "se départir de son droit de pêche dans le lac, avec bateau, et de l'accorder exclusivement audit Amelly et à ses ayants-droits"; mais elle stipula, en même temps, que les habitants d'Allos pourraient toujours pêcher sans bateau, "en été, à la ligne, au feu et à l'hameçon, et, avec filets, pendant l'hiver".

4.-Le Villard veut être érigé en paroisse; le chaperon des consuls d'Allos.
Les habitants du Villard faisaient alors des démarches pour faire ériger leur hameau en paroisse.

Les consuls, en exposant ce projet, au conseil du 1er août 1773, s'y opposèrent ouvertement.
"Si cette érection avait lieu, disaient-ils, à l'exemple des habitants du Villard, ceux du Seignus et autres hameaux feraient la même demande, ce qui anéantirait totalement le chef-lieu."

Il s'éleva à ce sujet un procès entre Mgr l'évêque de Senez et les habitants du Villard, par devant l'official de Seyne.
Note (4)
Le conseil de la communauté déclara judicieusement qu'il ne délibérerait sur cette affaire qu'après le dénouement du procès, et le projet des habitants du Villard fut, plus tard, complètement abandonné.

En reproduisant plusieurs articles de la déclaration de Louis XIV qui régla la juridiction de la vallée, j'ai dit plus haut (chapitre Ier, IV° partie) que les consuls d'Allos, comme ceux de Barcelonnette, avaient le droit de porter le chaperon.
Note (5)

En effet, les membres du conseil du 8 août 1773 en parlent comme d'un privilège déjà ancien :
"Attendu, disent-ils, que les chaperons sont en très mauvais état et hors de service, les assistants au présent conseil ont délibéré qu'à la diligence des consuls il sera pourvu à des nouveaux, en velours, à l'instar de ceux de Barcelonnette."
Et, le 19 décembre de la même année, ils ordonnent au trésorier de payer " aux sieurs Matheron et Arnaud, marchands à Barcelonnette, deux cent quarante-six livres douze sols, montant des chaperons qu'ils ont faits pour la communauté d'Allos."

Le chaperon était l'insigne de l'autorité, comme aujourd'hui l'écharpe tricolore des maires.
Les consuls de Barrême, qui ne l'avaient pas encore en 1749, le demandèrent au Parlement d'Aix.
La Cour le leur accorda, comme un moyen de se faire reconnaître et respecter dans les fréquents passages de troupes, etc.

5.-Avènement de Louis XVI; messe de l'aurore; réfection des cadastres.
Louis XV mourut en 1774, après avoir régné cinquante-neuf ans.
Son petit-fils, qui n'avait pas vingt ans, lui succéda et prit le nom de Louis XVI.
Un de ses frères, qui monta sur le trône en 1814, sous le nom de Louis XVIII, portait le nom de comte de Provence, et Clotilde, l'aînée de ses soeurs, épousa Charles-Emmanuel, roi de Sardaigne, lorsque nos ancêtres, avec tous les habitants de la vallée de Barcelonnette, sollicitaient de ce prince un édit leur permettant, dans ses Etats, la vente des draps qu'ils fabriquaient.

Déjà, dit un historien de Nice,
Note (6)"les événements couraient vers la grande révolution";
mais, avant d'arriver à cette période tumultueuse de notre histoire, même dans les pays les plus calmes et les plus reculés, relatons encore une série d'actes et de faits où se reflète, comme dans un miroir, la véritable physionomie d'une population et d'une époque.

Les consuls représentent au conseil, assemblé le 13 août 1775, que, de temps immémorial, on a eu chaque jour, dans la chapelle des pénitents, une messe à l'aurore, depuis le 1er mai jusqu'au 1er octobre, pour les ouvriers de la campagne, les voyageurs et autres personnes à portée de l'entendre...;
que la rétribution de cette messe a toujours été payée par Me Pascalis du Laus, avocat en la cour, ou par ses auteurs; que cette messe a été absolument négligée, cette année, etc."

Le conseil après avoir entendu Marc-Antoine Pascalis, chargé d'assurer la fondation, et l'abbé Bourrillon, secondaire de la paroisse, qui devait dire la messe à l'aurore, reconnut que les honoraires de cette messe étaient insuffisants et ordonna, dès le lendemain, un acte de sommation pour les augmenter.

En attendant le résultat de cette sommation, les consuls firent rechercher l'acte de fondation qui était du 31 octobre 1714.
On le trouva à Turin,
Note (7) et, l'extrait légal en fut signifié à Me Pascalis.
La communauté le mit en demeure de " faire acquitter la messe de l'aube au taux que devait fixer Mgr l'évêque de Senez."

Les consuls d'Allos s'occupaient avec le même dévouement des intérêts matériels du pays.
Le 20 avril 1777, ils "représentaient au conseil que les cadastre et livre terrier de la communauté doivent être refaits de vingt ans en vingt ans, pour connaître la valeur des fonds, qui varie toujours, pendant cet espace de temps...;
que la commune ne peut donc pas différer de faire procéder à de nouveaux cadastres."

Le conseil, par l'intermédiaire de Joseph Guieu, premier consul, et de Me Guirand, notaire, confia cette importante entreprise à Me. Léautaud, avocat à Castellane, et André Fabre, notaire à Barrême.
La convention fut signée le 18 mars 1778.
Les deux experts s'obligèrent à refaire les cadastres, selon les conditions établies par la communauté, et celle-ci s'engagea à leur payer 3300 livres et promit de choisir, dans chaque quartier du territoire, des sapiteurs
Note (8) capables de les renseigner.
Empruntons au catalogue de ces honorables sapiteurs ou indicateurs quelques noms et prénoms, parmi lesquels les habitants actuels d'Allos pourront reconnaître leurs aïeux.
Pour le chef-lieu, André Guirand, maître chirurgien, et Honoré Sicard; au quartier du Villard, Pierre Guieu et Jean-Ange Michel; à Bouchiers, Jean-Baptiste Honorat et Laurent Pellissier, de Vacheresse; au Seignus, Jean Guirand et Jean-Pierre Gay; à la Foux, Jean-Jacques Arvel et Dominique Pascal, etc.

Léautaud et Fabre commencèrent les opérations sur le terrain, le 7 mai, et les continuèrent pendant l'été de 1779.
Ils furent un moment arrêtés par l'inertie et l'opposition des propriétaires des montagnes, qui refusaient de produire leurs baux, tant anciens que nouveaux; mais les membres du conseil, par une sommation énergique, triomphèrent de cet obstacle, et le nouveau cadastre était terminé, après un an de travaux, le 7 mai 1780.
Pour la première fois, la communauté consentit, à regret, que les biens fonds des chapelles, des confréries, etc..., fussent encadastrés.
Note (9)

6.-La bravade; les pouvoirs du premier consul.
La jeunesse d'Allos s'organisait alors militairement, à l'occasion des fêtes patronales, comme elle le fait encore quelquefois aujourd'hui.
"A l'honneur de la fête de saint Pierre, titulaire de la paroisse, lisons-nous dans la délibération du 20 août 1780, il a été formé une compagnie qui a fait une bravade , ledit jour de saint Pierre et le jour de Notre-Dame d'août, qui est la vogue du lieu, à l'occasion de laquelle on a dépensé, en poudre, la somme de quinze livres."
Le conseil de la communauté paya cette modeste somme,
" la jeunesse s'étant constituée en une dépense assez considérable, en uniformes."

Les consuls se plaignaient, en même temps, d'un procédé qui leur paraissait blessant.
Ils reprochaient aux marguilliers du Saint-Sacrement de leur avoir refusé les cierges qu'on avait coutume de leur offrir les jours de fête, pendant la messe et la bénédiction.
Les marguilliers répondirent " qu'il n'était point dû de torche, quand les consuls se trouvaient au banc destiné pour la magistrature, sans avoir les chaperons."
Note (10)
Mais cette justification ne parut pas suffisante à la cour consulaire et, par conséquent, ne termina pas le différend.

En 1777, un arrêt du Parlement de Provence apporta un changement notable dans l'exercice du pouvoir consulaire.
Il y est statué que, "sur la requête présentée à la Cour par le procureur général du roi...,
le premier consul a seul le droit de convoquer les assemblées municipales et d'y faire les propositions...
Il est fait inhibition et défense aux seconds consuls de convoquer les conseils et de faire les propositions, à peine de cinq cents livres d'amende."

C'est la concentration des principales attributions du consulat entre les mains d'un seul, au détriment des trois autres.
"Jamais, dirent nos pères, dans la délibération du 24 août 1777, le premier consul n'a eu ce droit dans la communauté."
La plupart des conseillers, de concert avec les consuls, (le premier excepté ) délibérèrent et firent des démarches pour faire retarder l'enregistrement de l'arrêt du 15 février 1777.
C'est ce qui explique pourquoi on ne le trouve dans nos registres qu'après la délibération du 15 mars 1778.

La communauté, n'ayant pu empêcher l'exécution de cet arrêt, essaya habilement d'en neutraliser les effets, en faisant élire le premier consul alternativement dans chaque quartier.

Voici, à ce sujet, un court exposé de ce qu'il y avait à faire et de ce qui fut fait :
"Depuis quelques temps, disait J.Jacques Girard, de la Foux, défenseur, le quartier de la Ville s'est injustement arrogé le droit d'élire annuellement le premier consul et le premier défenseur, contre l'ancien usage qui est observé dans la vallée de Barcelonnette....

" Dans la communauté du Châtelard, la Condamine s'étant aussi arrogé le droit d'avoir annuellement le premier consul et le premier défenseur, au préjudice de l'autre quartier, Sa Majesté, par lettres patentes, registrées au Parlement, vient de décider que le premier consul serait alternativement dans chaque quartier.

"Lesdites lettres patentes rendues pour le Châtelard doivent également décider pour cette communauté."

L'équité recouvra enfin une partie de ses droits, et, à partir de 1779, le chef-lieu renonça à son privilège d'avoir toujours le premier consul.
Mais il n'en fut pas ainsi pour le premier défenseur :
le préfet de Barcelonnette déclara que celui du quartier de la Ville devait précéder ceux des autres quartiers.

7.-Draps fabriqués à Allos; incendie du Seignus.
A cette époque, on fabriquait, chaque année à Allos, plus de douze cents pièces de drap.
Ce travail se faisait en grande partie à la main et pendant l'hiver.
C'était après l'élevage et le commerce des bestiaux, la principale industrie des vallées du Verdon et de l'Ubaye.

En vertu des lettres patentes et des arrêts du conseil du roi de l'année 1780, sur la police des draps fabriqués dans notre région, on établit à Barcelonnette un bureau composé d'un inspecteur royal des manufactures, d'un plombeur
Note (11)
et de deux gardes jurés.

A cause de la distance et de la montagne qui nous séparent de Barcelonnette, l'administration provençale eut le projet d'annexer Allos au bureau de Colmars, pour la vérification et le plombage des étoffes; mais nos pères protestèrent énergiquement contre ce projet, car, outre la dépense occasionnée par le transport des draps à Colmars, chaque particulier aurait eu à payer " un billet ou acquit-à-caution, comme étant sur les quatre lieues de la frontière."
Ils firent ensuite présenter au gouvernement un placet que le ministre renvoya à l'intendant de la Provence, à Aix, et celui-ci à Me Giraud, son subdélégué à Colmars.

Pendant que ce fonctionnaire étudiait cette affaire, on comprit, chez nous, que l'intendance voulait envoyer un simple préposé chargé de plomber sur les lieux et de rapporter son registre aux gardes jurés de Colmars.
La communauté renouvela aussitôt ses instances et ses protestations, déclarant
" qu'elle ne devait pas se détacher des prérogatives de la vallée de Barcelonnette, pour se joindre à la viguerie de Colmars, qui ne jouissait pas des mêmes privilèges."
Allos et Colmars, ajouta-t-elle, ont un commerce séparé et qu'on ne peut pas unir.
"Les étoffes de la viguerie de Colmars passent presque toutes dans les pays étrangers; celles de la vallée se vendent, la plupart, dans le Lyonnais et autres provinces du royaume, et il n'en passe presque point en Piémont...
Cette communauté (d'Allos) a un intérêt essentiel d'être séparée d'avec celle de Colmars et de conserver les droits qui lui sont acquis, comme membre de la vallée."
Note (12)

Ces droits finirent par être reconnus :
un bureau de plombage des étoffes fut établi à Allos, en 1782.
Jean-Jacques Arvel et Alexandre Pellissier en furent les premiers gardes jurés et ils entrèrent en fonction dès qu'ils furent munis des coins et des plombs nécessaires et qu'ils eurent prêté serment.
Le conseil ne pouvait les nommer que pour un an.
Leur bureau était à la maison de ville.

Le hameau du Seignus-Bas fut victime d'un incendie en 1782.

Nous connaissons ce sinistre événement par un détail de comptabilité
Note (13)
et une demande de secours adressée à la municipalité.
" A l'occasion de l'incendie arrivé le 30 septembre dernier, Marie-Rose Pascal,veuve de Dominique Guirand, une des incendiées, a été des plus maltraitées, au point qu'elle a perdu généralement tous ses effets et denrées, et même les murailles de sa maison se sont écroulées en plus grande partie; de manière que, cela joint à son triste état de veuve, elle est dans l'impossibilité de rebâtir sa maison, si la communauté ne la seconde de quelques secours."

Dans moins de trois quarts de siècle, notre pays fut donc affligé de cinq incendies, dont trois au chef-lieu,
un à la Foux
Note (14)
et le cinquième au Seignus.

8.-Payement des fournitures de guerre; maintien des privilèges.
Depuis longtemps, Allos et les autres communautés de Barcelonnette réclamaient à l'Etat le payement des fournitures qu'elles avaient faites à l'armée française, pendant les guerres de la succession d'Autriche.
Elles avaient reçu, il est vrai, vers 1751, un acompte de 18.000 livres, mais il leur en était dû 370.000, d'après la délibération du 26 décembre 1766.

Enfin, par un édit du 9 février 1784, Louis XVI fixa à 180.000 livres le prix de ces fournitures,
"en payements annuels de 10.000 livres, à prendre sur les deniers royaux, applicables, savoir :
le premier payement, en faveur des pauvres, et le restant en réparation des chemins et autres utilités communales".
Sur les 10.000 livres de la première annuité, les pauvres d'Allos ne reçurent que 550 livres, malgré la protestation des consuls, qui trouvaient cette répartition peu équitable.

Les habitants de la vallée veillaient sur le maintien de leurs privilèges.

En 1784, ils faisaient des recherches sur l'exemption de la milice accordée à leurs ancêtres et sur les moyens à prendre pour faire revivre cette faveur.
Le 8 février de la même année, la communauté d'Allos voulut se joindre au reste de la vallée pour le recouvrement d'un privilège important.

On préparait en même temps une réunion des douze communautés de la vallée, à Barcelonnette,
" à l'effet de délibérer sur les moyens à prendre pour empêcher une nouvelle confirmation du préfet, absolument destructive des privilèges de cette vallée".

Les membres du conseil communal d'Allos n'étaient pas moins catégoriques dans les instructions qu'ils donnaient à Me Maurin, leur délégué au conseil général de la vallée :
"Il demandera, de concert avec les autres communautés, à Mgr le prince de Beauveau, à ce qu'il lui plaise, à l'avenir, n'accorder aucune confirmation de préfet, si elle ne lui est demandée par une délibération unanime des communautés de la vallée, qui seront convoquées, à cet effet, la dernière année de l'exercice.
Note (15)

9.-Fondation d'une mission; suppression du bailliage.
Hyacinthe Pascalis de la Sestrière, père du commissaire des guerres, avait fondé une mission qui devait avoir lieu, à Allos, tous les dix ans.

Il avait affecté à cette oeuvre pie le revenu annuel d'un quartier de la montagne de Poussendriou.
Aux termes de son testament, cette parcelle de montagne pastorale était cédée à la maison des Religieux Capucins de Riez, chargés d'envoyer cinq Pères Missionnaires pour chaque mission; mais, en réalité, les officiers de la municipalité en percevaient le revenu annuel, qui était de 30 francs et, la dixième année, payaient 300 francs aux Capucins.
Ils s'occupaient même de tous les détails matériels de la mission.
Le 8 mai 1785, ils annoncèrent au conseil de la communauté qu'ils avaient déjà trouvé un logement pour trois missionnaires et le mobilier indispensable.
La mission commença le 11 du même mois et dura un mois.

Par lettres patentes du 17 novembre 1787, Louis XVI supprima les bailliages des communautés de la vallée de Barcelonnette, et ces lettres furent notifiées officiellement au conseil de la communauté d'Allos, le 24 mars 1788.

Les assistants à ce conseil comprirent qu'une brèche irréparable était faite à leurs privilèges séculaires.br>En effet, le baile rendait la justice sur les lieux; il était nommé par eux comme les consuls et les autres officiers municipaux.
La suppression de ce juge les mettait dans l'impossibilité d'obtenir justice, pendant la plus grande partie de l'année, ou de ne l'obtenir que moyennant des frais considérables de déplacement, dans les cas où la présence du juge sur les lieux est nécessaire.
"La communauté d'Allos, disaient ils, dans la délibération du 6 avril 1788, se trouve dans une position bien différente de celle des autres communautés de la vallée, par la montagne qui nous sépare et les neiges et les glaces qui interrompent toute communication pendant sept mois de l'année."
Ils supplièrent, en conséquence, le chancelier, l'intendant de la province et l'évêque de Senez
Note (16)
de faire rétablir, par leurs instances auprès du roi, le juge de la communauté ou de transmettre aux consuls en exercice le pouvoir du baile, comme la reconnaissance des tailles, les contestations parmi voisins sur les limites des propriétés, etc..., etc.,
Mais toutes ces démarches furent inutiles :
la juridiction des bailes disparut avec eux.

10.-Cahier des doléances; menace des brigands; confédération de la vallée du Verdon.
Par une circulaire du 2 janvier 1789, les consuls de Barcelonnette informaient leurs collègues d'Allos des démarches qu'il y avait lieu de faire afin d'avoir un député aux Etats généraux, pour y faire valoir les droits de la vallée.
Nos consuls répondirent que la communauté considérait ces démarches comme inutiles, dans ce moment, jusqu'à ce que la forme des Etats généraux fût réglée.
Cette assemblée n'inspirait donc pas une entière confiance à tout le monde, dans nos montagnes.

Le 25 mars de la même année, eut lieu, à l'issue des offices, sur la place du Portail-Bas,
(dit Portail de France, lorsque nous appartenions à la Savoie)
l'assemblée générale pour la rédaction du cahier de doléances, plaintes et remontrances de la communauté.
Il fut coté et signé par les consuls, ainsi que par Alexandre Pellissier, Clément Pellat, J-Joseph Michel et Jean-Hyacinthe Guirand, nommés à cet effet par l'assemblée, et ensuite confié à Jean Honorat, premier consul, et à J-Pierre Jaubert, notaire royal, qui acceptèrent la mission de le présenter, le 31 dudit mois, au conseil de la vallée de Barcelonnette.

Les habitants d'Allos se réunissaient de nouveau en assemblée générale, le 2 du mois d'août suivant, devant la maison de ville, par l'ordre des consuls et à la réquisition des défenseurs, afin de pourvoir à la défense du pays menacé d'une invasion de brigands.

Le danger, signalé par les consuls de Barcelonnette, de Digne, de Colmars, de Seyne et de Bellafaire, paraissait réel et imminent.
La vallée de Barcelonnette craignait d'être saccagée par une troupe nombreuse d'ennemis qui campainet sous les murs de Gap.
La place de Colmars venait de recevoir, par un porteur de Saint-André, une lettre des consuls de Digne, demandant du secours en hommes et en armes.
Allos demanda des fusils au commandant de Colmars, des balles et de la poudre à Barcelonnette.

Un plan de défense bien organisé s'imposait.
Sur la proposition de Pascalis de la Sestrière, on forma immédiatement deux compagnies, dont les capitaines, Pellissier et Jaubert, furent choisis à l'unanimité des voix, et on rédigea, séance tenante, un projet de confédération avec les communautés de Colmars, de Beauvezer, de Thorame-Haute et de Thorame-Basse.

Ce projet fut accepté sans discussion par toutes les communes intéressées et enregistré le 10 septembre 1789.
En voici les principaux article :
"Les compagnies d'Allos sont composées :
la première, des jeunes gens les plus alertes et de meilleure volonté, pour se rendre où besoin sera.
La seconde, dans laquelle on a compris les hommes moins jeunes et moins actifs, est destinée à se tenir en garde, au chef-lieu, et à servir de troupe auxilaire, au besoin.

"Chaque troupe sera toujours commandée par son chef particulier; mais, comme en cas de jonction il est important que ces compagnies réunies soient commandées par un seul chef, on choisira dans les cinq communautés une personne en état de conduire les opérations.
La confiance que la communauté d'Allos a en la personne de M. l'avocat Giraud lui font désirer que les suffrages de Colmars, de Beauvezer, de Thorame-Haute et de Thorame-Basse se réunissent en sa faveur.

"Comme il paraît essentiel, au moment des récoltes, de ne pas enlever les meilleurs bras à leurs foyers...,
il suffit que la communauté de Thorame-Basse établisse une vedette pour garder le défilé par où on peut la surprendre.
Colmars veillera sur le passage de Chasse, et Allos sur ceux de la Foux, Preinier et Valdemars.

" A la moindre alerte, la communauté attaquée dépêchera tout de suite aux communautés confédérées, et la compagnie des volontaires (jeunes gens ) de chacune marchera tout de suite à son secours.
Les tocsins et un coup de canon de Colmars pourront accélérer la jonction des milices bourgeoises."

Le commandant de Colmars ayant envoyé les fusils que les habitants d'Allos lui avaient demandés, nos consuls les firent réparer, avec ceux qu'ils avaient, moyennant la somme de 30 livres, payée à Antoine Michel et à Joseph Augier, maréchaux serruriers.
La compagnie des volontaires et celle des auxiliaires purent donc être armées tant bien que mal, à l'occasion de la menace des brigands , qui heureusement ne se réalisa point.

 

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(1) Délibération du conseil du 22 novembre 1767.
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(2) Louis XV avait accordé 7500 francs aux incendiés de 1718 et 43000 francs après l'incendie de 1748, que les habitants d'Allos appellent encore aujourd'hui :lou gran fua .
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(3) Délibération du conseil de la communauté d'Allos, 4 mars 1770.
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(4) Seyne appartenait au diocèse d'Embrun.L'officialité de cette localité était censée plus indépendante pour juger un procès qui intéressait l'évêque de Senez.
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(5) C'était, dit le docteur Honnorat, "un ornement que portaient sur l'épaule gauche les consuls des villes, les docteurs et certains magistrats, avant la révolution de 1789."(Dictionnaire provençal-français.)
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(6) Tisserand, t. II, p. 186.
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(7) L'administration savoyarde, en se retirant de la vallée de Barcelonnette, emporta donc même des actes passés devant notaire, un an après le traité d'Utrecht.
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(8) "Sapiteur, terme de droit, personne qui connaît les localités et que les experts sont autorisés à consulter." (Dictionnaire des Dictionnaires.)
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(9) D'après la délibération du 11 novembre 1781, le nouveau cadastre fut envoyé à Castellane, et la personne chargée de le rapporter à Allos eut " à payer 143 livres, savoir : 90 livres à Colombet, maître écrivain, pour mise au net; 45 livres pour le prix de trente mains de papier, employées au dit cadastre, à raison de trente sols l'une; 5 livres pour le port dudit papier d'Aix à castellane, et 3 livres pour la façon d'une caisse, pour porter le registre.".
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(10) Délibération du 5 mai 1782.
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(11) Employé chargé d'appliquer un petit sceau de plomb sur les étoffes, pour en marquer la provenance, l'aunage et la qualité.
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(12) Délibération du 3 févier 1782.
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(13) Délibération du 24 novembre 1782, autorisant le payement de 27 livres 8 sols, pour trois coups de vin fourni, par ordre des consuls, à l'occasion de l'incendie du Seignus-Bas.
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(14) Une maison fut, en effet, brulée dans ce quartier.
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(15) Délibération du 12 avril 1784.
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(16) Mgr de Castellane, qui mourut le 7 novembre 1788.
Son successeur, Mgr de Bonneval, n'arriva à Senez que le dimanche des Rameaux de l'année 1789.
Dans l'intervalle, M. Reynard, vicaire général, administrait le diocèse.
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