Choix de Lecture

CHAPITRE V.

1.La Gaule ravagée par les Barbares du Nord.

2.Irruption des Vandales en Provence.

3.Les Bourguignons dans les vallées de Barcelonnette, de la Bléone, du Verdon, etc.

4.Domination des Visigoths dans les mêmes régions.

5.Théodoric, roi des Ostrogoths, et les bergers des Alpes.

6.Domination des Francs.

7.Invasions des Lombards et des Saxons.

( 406 - 578 )

1.-Les Pères de l'Eglise et les historiens du Ve. et du VIe. siècle se déclarent impuissants à décrire les ravages des barbares en Gaules, à partir de l'an 406.

Saint Jérôme, qui appelle notre patrie la plus belle des provinces, fait entendre, sur son triste état, ce cri de douleur : "  Des Alpes et des Pyrénées, jusqu'au Rhin et à l'Océan, tout est dévasté... Toute la barbarie s'est donné rendez-vous aux funérailles de la plus belle de nos provinces "
Note (1)
Saint Prosper d'Aquitaine, plus laconique encore, se contente de dire que, " si toutes les vagues de l'Océan avaient inondé la Gaule, elles n'auraient pas fait tant de mal ".

La Provence eut sa large part dans ces calamités publiques, qui n'épargnèrent pas même les pays les plus reculés des Alpes.

2.Les Vandales arrivèrent de bonne heure dans le bassin du Rhône et promenèrent l'incendie, le massacre et le pillage non seulement sur les rives de ce fleuve, mais jusqu'à Embrun, qu'ils assiégèrent, en 433. Saint Albin, archevêque, et son peuple prièrent avec tant de confiance devant les reliques de saint Marcellin que le ciel vint à leur secours ; une croix flamboyante apparut dans les airs ; elle effraya les assiégeants, qui se retirèrent, et la ville fut sauvée. Pour se venger de cet échec et afin de trouver les subsistances dont ils avaient besoin, ils tournèrent alors leur fureur vers les vallées des environs, et il paraît certain que celles de Barcelonnette, d'Allos et de Colmars, de Seyne, de Digne, etc., n'échappèrent pas à leurs dévastations.

3.Après les Vandales, arrivèrent les Bourguignons. Ils avaient des moeurs moins barbares, surtout depuis leur arrivée dans la Gaule, où ils furent instruits de la religion chrétienne, qu'ils acceptèrent dans toute sa pureté. Il y eut ensuite scission parmi eux. Les uns donnèrent leur adhésion à l'hérésie d'Arius ; les autres demeurèrent véritables chrétiens. C'est au nombre de ces derniers que se trouvait sainte Clotilde, nièce de Gondebaud, un de leurs rois, et qui, ayant épousé Clovis, le convertit à sa religion.

Il est bien difficile de déterminer le temps pendant lequel nos ancêtres furent les sujets des rois bourguignons, parce que les historiens ne sont pas d'accord sur la date de leur arrivée en Provence. Les uns la reculent jusqu'en 434 ; les autres la retardent jusqu'en 474 et même jusqu'en 475
Note (2)
Avec la première opinion, ces barbares ont été nos maîtres pendant plus de quarante ans ; avec la deuxième, pendant cinq ou six ans seulement. Encore faudrait-il défalquer de ces quelques années le retour offensif et victorieux des Romains, qui, un moment, rétablirent leur autorité chez nous, en refoulant les Bourguignons sur la rive droite de la Durance. On divisait alors la haute Provence en Provence occidentale et en Provence orientale. Nous faisions partie de cette dernière, où la domination bourguignonne a duré beaucoup moins que du côté du Rhône.

Les Bourguignons s'établirent d'abord dans le pays des Allobroges, dont les principaux centres étaient Genève, Vienne et Grenoble. Le général romain Aétius leur abandonna cette contrée, à condition qu'ils se contenteraient de la moitié des terres et qu'ils laisseraient l'autre moitié aux habitants.

Ils s'avancèrent ensuite jusqu'à la Durance et jusqu'à ses affluents : l'Ubaye, la Bléone et le Verdon, et là encore ils partagèrent les terres de ces pays avec les habitants. Mais, parce qu'ils étaient les plus forts, ils s'emparèrent d'un tiers des serfs et des deux tiers des terres .
Note (3)
Ils n'enlevèrent donc pas aux anciens habitants tout ce qu'ils possédaient et ils ne les réduisirent pas en esclavage. Une de leurs lois, en effet, distinguait les sujets de leurs rois en Gaulois et en Bourguignons. Tels étaient les premiers barbares qui s'établirent dans nos montagnes, car les Vandales avaient passé comme un torrent débordé, dont le lit est sans eau, le lendemain de l'orage.

4.-En l'année 480, les Visigoths devinrent nos maîtres.
Après avoir ravagé l'Italie, ils arrivèrent dans la Gaule, sous la conduite de leur roi, Ataulphe.

Ce prince, remarquable par sa bravoure et ses talents, avait le projet de détruire l'empire romain et d'élever un empire visigoth sur ses ruines ; mais il y renonça, parce que ses sujets étaient trop barbares et qu'il ne pourrait pas les plier au joug des lois.

Euric, un de ses successeurs, s'empara d'Arles, en 480, et cette victoire entraîna la soumission de tout le pays compris entre la Durance, la mer et les Alpes-Maritimes.
Ces conquêtes furent approuvées par Odoacre, qui, en Italie, avait substitué son autorité à celle des empereurs.
Note (4)
Euric était chrétien, mais il appartenait à l'hérésie d'Arius, ainsi que ses sujets, et il persécutait les évêques catholiques.
En 481, il exila saint Fauste de Riez, sans doute parce que cet évêque avait publié un ouvrage contre les Ariens.

La persécution sévissait partout avec une violence inouïe. " Les Visigoths, dit un témoin victime de l'arianisme, enlevaient même les toitures et les portes des églises ; les ronces et les épines croissaient sur le seuil des maisons de Dieu . Les boeufs venaient se coucher au milieu des vestibules entr'ouverts, ou pénétraient dans l'intérieur, pour brouter l'herbe qui croissait entre les pavés des temples ."
C'est Sidoine Apollinaire qui nous a laissé ce sombre tableau .
Note (5)
La foi que nos pères avaient reçue de saint Nazaire, Celse, Pons, Domnin, Vincent, Marcellin, etc., passa donc par une douloureuse et dangereuse épreuve, à la fin du V° siècle, surtout sous le règne d'Euric, dont la puissance égalait le fanatisme pour l'hérésie arienne.

Dans ces tristes conjonctures, la foi catholique de nos pauvres montagnards, si violemment attaquée, reçut un secours providentiel dans la personne d'un pieux pèlerin, nommé saint Ours. Ce nouvel apôtre venait à son heure, car l'arianisme avait déjà fait beaucoup de mal. A la vue des âmes qui perdaient la foi, il cessa ses pérégrinations et il évangélisa plusieurs contrées des deux côtés des Alpes. La vallée de Barcelonnette garde fidèlement son souvenir, que quatorze siècles n'ont pu effacer.

Euric aimait la Provence et il y demeura jusqu'en 484, qui fut l'année de sa mort. Alaric, qui lui succéda, régna pendant vingt-trois ans. Il exila pour quelques temps saint Césaire d'Arles, à Bordeaux. Amalric, son fils, étant encore très jeune, ne put recueillir sa succession, et la domination des Visigoths, en Provence, cessa en 508, après une durée de vingt-huit ans.

5.Les Ostrogoths furent appelés dans la Gaule dans des circonstances particulières. Amalric était âgé de 5 ans lorsqu'il devint roi des Visigoths. Il n'était donc pas capable de conserver ce que lui laissait son père, encore moins de reconquérir ce qu'il avait perdu depuis la bataille de Vouillé. C'est pourquoi Théodoric, roi des Ostrogoths, qui était son grand-père, vint à son secours avec une puissante armée, pour chasser de la Provence et du Languedoc les armées de Clovis.

En récompense du service qu'il avait rendu avec le consentement des principaux chefs visigoths, il garda en propriété souveraine les terres de Provence appartenant aux Visigoths et il gouverna le Languedoc, au nom de son petit-fils, avec promesse de le lui rendre lorsqu'il serait en âge de gouverner lui-même.

Voilà comment Théodoric devint roi de la partie de la Provence que nous habitons.
Il était maître de toute l'Italie, d'une partie de l'Espagne, de la Gaule, etc., et il s'allia aux Francs, en épousant une soeur de Clovis.
Pendant son règne, qui dura trente-trois ans en Italie et dix-huit ans en Provence, il ne négligea rien pour rendre ses peuples heureux et, quoique arien comme ses sujets, il fit généralement respecter la liberté des catholiques.
La cruauté du barbare ne reparut en lui que vers la fin de sa vie, lorsque, sur de simples soupçons, il fit mourir Boèce et Symmaque dans les tourments, mais il paraît qu'il en mourut de douleur.

Cassiodore, qui fut successivement secrétaire et ministre de Théodoric, raconte, de la sollicitude de ce prince pour assurer le bonheur de ses sujets, un trait remarquable
Note (6)
qui ne peut être passé sous silence dans l'histoire d'Allos.
Note (7)
Alors, comme aujourd'hui, des troupeaux nombreux passaient la saison d'été dans nos montagnes des Alpes et l'hiver dans les environs d'Arles ou dans d'autres endroits de la basse Provence. Or, dans ces temps troublés, il n'y avait de sécurité ni pour ces troupeaux, ni pour les hommes qui les conduisaient. On volait souvent les bêtes à laine et on tuait les bergers. Le puissant roi des Ostrogoths, devenu notre roi, fut donc prié d'empêcher ces désordres, et il ne fut pas sourd à la prière de ses nouveaux sujets. Par ses ordres, un nommé Frédebond, Fridibundus, reçut des pouvoirs très étendus, soit pour prévenir le mal, soit pour le punir. Il concentrait en sa personne l'autorité des juges, des commissaires de police et des gendarmes d'aujourd'hui.

Théodoric mourut à Ravenne, en 526, laissant ses états à Athalaric, son petit-fils, âgé de 8 ans. Ce jeune prince prit les rênes du gouvernement, sous la régence de sa mère Amalasonte, princesse vertueuse et d'une intelligence cultivée. Athalaric étant mort, après huit ans de règne, Amalasonte épousa son cousin Théodat, fils d'une soeur de Théodoric. Ce fut un malheur pour elle et pour ses Etats ; Théodat, vicieux et cruel, la fit étrangler en 536. La punition suivit de près le crime ; pendant qu'il négociait avec les rois de France, Théodebert, Childebert et Clotaire, leur offrant la cession de la Provence et 20.000 écus d'or, pour obtenir leur intervention armée contre Bélisaire, général de Justinien, empereur d'Orient, il fut détrôné par les chefs goths et mis à mort en 536, avant d'avoir reçu la réponse définitive des rois francs. Vitigès, qui lui succéda, renouvela ses propositions, et la Provence, en cette même année, passa sous la domination française.

L'Empereur Justinien, faisant également cession de ses droits sur la Provence, approuva le traité pour s'attacher les rois francs et les détourner d'une diversion qu'ils pouvaient faire en Italie en faveur des Ostrogoths.

On avait alors chez nous des monnaies frappées au coin de l'empereur, mais il y avait en même temps des sous d'or des Goths, appelés sols d'or alaricains.

Avec le départ des Ostrogoths, finit la première période des invasions des barbares du nord en Provence. La deuxième période comprend la domination des Francs et les invasions des Lombards et des Saxons.

6.Aux termes du traité conclu entre les Ostrogoths et les rois francs, ces derniers avaient à partager la somme d'argent donnée et les terres de Provence, comme bon leur semblerait. Il paraît que Théodebert eut la plus grande partie de la Provence, soit par ce traité, soit par ce qu'il possédait déjà ; que Childebert eut au moins la ville d'Arles et les environs, et que Clotaire fut dédommagé en recevant une plus grande somme d'argent. D'ailleurs, ce roi, comme nous le dirons bientôt, allait devenir maître de toute la Provence et de tout le royaume des Francs.

Bien que toutes ces affaires eussent été réglées en 536, en fait, les Francs ne prirent possession de nos pays qu'en 537, et c'est ce qui nous fait comprendre pourquoi les historiens ne sont pas d'accord sur ces dates. " Les Goths (Ostrogoths), qui étaient aux garnisons de Provence, dit Honoré Bouche, sortirent en 537, pour faire place aux soldats des rois de France. "

La domination française, qui commençait en cette année, dura jusqu'au couronnement du comte Bozon, en 879, par conséquent pendant 342 ans. Elle se divise aussi en deux périodes : la période mérovingienne ou barbare, et la période carlovingienne ou civilisée. Nous n'avons à nous occuper que de la première, dans ce chapitre, en donnant les noms des principaux rois mérovingiens qui furent nos rois, depuis 537 jusqu'en 752, c'est-à-dire pendant 215 ans.

Théodebert (537-550), Théodebal (550-555) et Clotaire Ier (555-561) possédèrent la Provence orientale, c'est-à-dire la partie de la haute Provence que nous habitons
Note (8)

Gontran eut en partage la Bourgogne, Orléans et la partie orientale de la Provence (561-593). Pendant son règne, comme nous le verrons bientôt, les Lombards et les Saxons envahirent la Provence. Mommol, son général, infligea une sanglante défaite aux Lombards, dans le diocèse d'Embrun, et il battit les Saxons à Estoublon, dans le diocèse de Riez. Converti par un prêtre dont les vertus et les miracles édifiaient toute la Bourgogne, Gontran fut l'objet d'une telle transformation morale, dans les dernières années de sa vie, que le martyrologe romain le place au nombre des Saints et fixe sa fête au 28 mars, jour de sa mort.

Childebert II, son neveu, fils de Sigebert et de Brunehaut, lui succéda, en vertu du traité d'Andelot, comme roi de Bourgogne, de la haute Provence, etc . (593-596).

Thierry II (596-613), Clotaire II (613-628) et Dagobert, ami de saint Eloi (628-638), furent ensuite rois de Bourgogne et de toute la Provence.

Après Dagobert commence la série des rois fainéants, ainsi nommés parce qu'ils abandonnèrent le gouvernement de leurs Etats entre les mains des Maires du Palais. Quoiqu'ils aient été nos rois, je ne citerai pas même leurs noms, celui de Childebert III excepté, parce qu'il fut le dernier de la race des Mérovingiens et le dernier barbare parmi nos rois. Il fut déposé en 752 et remplacé par Pépin le Bref, qui fut sacré, à Soissons, par saint Boniface, archevêque de Mayence.

7. Un célèbre solitaire du VIe siècle, saint Hospice, pour s'approcher du ciel et s'isoler des iniquités de la terre, avait fixé son séjour au sommet d'une vieille tour, en face de la mer, non loin de Nice. Du haut de ce donjon, il fit entendre un jour ces paroles prophétiques aux populations qui venaient en foule écouter ses enseignements évangéliques :
" Les Lombards viendront dans la Gaule et ils dévasteront sept villes, parce que le peuple s'est fortifié dans le mal, parce qu'il n'y a plus personne qui pense au bien et le fasse ."
Note (9)

Et, en effet, les Lombards arrivèrent. Ils étaient peut-être plus cruels encore que les barbares qui les avaient précédés. Leurs multiples incursions en Provence eurent lieu sous le règne de nos rois Gontran et Sigebert. En 568, ils passèrent pour la première fois les Alpes et ravagèrent la basse Provence. En 570, ils se précipitèrent comme un ouragan du haut du mont Genèvre sur l'Embrunais, le Gapençais et les autres pays de la haute Provence, vainquirent en bataille rangée l'armée de Gontran, tuèrent le patrice Amat, qui la commandait, et emportèrent, au delà des monts, un immense butin.

Enhardis par ce succès et par l'amour du pillage, ils ne tardèrent pas de revenir pour la troisième fois ; mais Ennius Mommol, le fameux comte d'Auxerre, avait succédé au patrice Amat ; il les enveloppa, leur coupa la retraite, les tua en grand nombre et envoya les prisonniers au roi Gontran .
Saint Grégoire de Tours (liv.IV, 42) et Wenefride, diacre d'Aquilée, mieux connu sous le nom de Paul Diacre (liv.III,c.4), appellent l'endroit où fut remportée cette victoire Muscias Calmes.

Les auteurs ne sont pas d'accord pour désigner cet endroit : quelques-uns placent ce fait d'armes à Chamousse, à l'est d'Embrun ; MM. Charonnet et Longnon, au plan de Berbeno, aujourd'hui plan de Fazy ; d'autres enfin, avec M. Roman, de Gap, et M. Feraud, historien des Basses-Alpes, prétendent que Mommol a battu les Lombards près de Gleysoles, dans la vallée de Barcelonnette, appelée autrefois vallée de Mucio, Mucii ou Muncii.

La quatrième et dernière irruption des Lombards en Provence eut lieu vers l'an 576, sous la conduite de trois chefs : Amon, Zaban et Rhodan.

" L'armée d'Amon, dit Papon (t.II, P.61), ayant traversé le mont Genèvre, se répandit comme un torrent dans toute la haute Provence. "
Elle ravagea, par conséquent, les diocèses d'Embrun, de Gap, de Sisteron, de Digne, de Senez, etc.
Allos, qui n'avait peut-être pas subi les autres incursions de ces barbares, ne put échapper à la dernière.
Cette armée guerroya ensuite sur les bords du Rhône et dans la partie basse de la Provence, tandis que le terrible général Mommol battait Rhodan et Zabon, sur les bords de l'Isère et ailleurs. Amon, qui avait porté la terreur et la dévastation jusqu'à Nice, craignant d'être poursuivi et enveloppé par Mommol, voulut reprendre le chemin de l'Italie, faisant marcher devant lui les hommes et les bestiaux qu'il avait enlevés ; mais la quantité de neige qui couvrait les montagnes des Alpes l'obligea à abandonner son butin et lui permit à peine de passer avec ses troupes.

" Les Alpes devinrent un désert , dit Albert (Histoire du diocèse d'Embrun, p.41). Les habitants qui n'avaient pas pris la fuite furent massacrés. Ceux qui, pour éviter la fureur des barbares, s'étaient retirés sur les montagnes périrent de faim et de misère, dans les bois et parmi les rochers où ils s'étaient cachés. "
Telle fut l'invasion des Lombards, qui coïncida pour ainsi dire avec celles des Saxons, dont nous allons parler.

Ces barbares, qui étaient venus en Italie aux secours des Lombards, voulurent avoir part au riche butin que ceux-ci apportaient de leurs incursions au-delà des Alpes. Ils entrèrent en Provence, d'après Honoré Bouche, "  par le mont Genèvre, Embrun, Seyne et Digne, ou bien peut-être par le marquisat de Saluces, par Barcelone (Barcelonnette) et Colmars, long (suivant) les rivières du Verdon et celle de l'Asse..., puisque les deux historiens Grégoire de Tours et Paul Diacre assurent qu'ils vinrent à Estoublon ". L'auteur de l'Histoire de Barrême va plus loin et il affirme sans hésiter que les Saxons, arrivés par Saluces, Barcelonnette, Allos et Colmars, s'établirent à Estoublon, d'où ils infestaient les contrées voisines. On pourrait peut-être concilier les deux opinions, en disant que l'invasion saxonne, prévoyant qu'elle pourrait manquer de vivres dans des pays dépourvus de ressources, se divisa en deux parties, dont l'une passa par Seyne et Digne, et l'autre suivit les vallées du Verdon et de l'Asse.

Quoi qu'il en soit, les Saxons étaient tous réunis à Estoublon, lorsqu'ils rencontrèrent l'armée du roi Gontran. Le choc fut terrible, et le général Mommol fit un horrible carnage de ses ennemis.
Note (10)
Le combat ne cessa que par suite de l'obscurité de la nuit, et il allait recommencer le lendemain, lorsque les barbares, affaiblis par les pertes qu'ils avaient faites, consentirent à rendre tout ce qu'ils avaient pris, à délivrer tous les captifs, s'il leur était permis de retourner librement en Italie. Mommol accepta cette condition, et ce fut la fin de cette campagne.

A peine étaient-ils arrivés chez eux, qu'ils décidèrent de se soustraire définitivement à la domination des Lombards.

Ils partirent donc avec leurs femmes, leurs enfants et leurs bagages, pour se rendre dans leur pays d'origine, mais en passant malheureusement par la Provence, parce qu'elle leur était bien connue. Comme ils étaient très nombreux, ils traversèrent les Alpes, les uns du côté de Nice, les autres vers Embrun. Leur rendez-vous était à Avignon, et ils avaient choisi cet endroit parce qu'étant sujets du roi Sigebert, en ses terres d'Allemagne, ils croyaient avoir meilleur accueil et plus assuré passage en ce terroir d'Avignon, qui appartenait à ce roi.
" Mais, avant d'y arriver, ils firent d'incroyables dégâts par toute la Provence.Gens illa dit Grégoire de Tours (lib.VI,cap.6) vastat cuncta quoe reperit ."
Note (11)
Ils se dirigèrent ensuite vers l'Auvergne, lorsque Mommol leur fit payer, au passage du Rhône, plusieurs milliers d'écus pour les dégâts qu'ils avaient faits en Provence.

Honoré Bouche croit que ces barbares brûlèrent et rasèrent Cimiez, ancienne capitale des Alpes-Maritimes. Mais Sigone, dans son Histoire du royaume d'Italie (liv.I), M. l'abbé Dufaut, auteur de l'Eglise de Nice, etc., attribuent avec plus de raison la destruction de cette ville aux Lombards (576-577), car elle est une des principales cités que ces barbares devaient ruiner, d'après la prophétie de saint Hospice.

Un autre fléau vint ajouter ses désastres à ceux de la guerre. La peste ravagea quatre fois la Provence pendant le VI° siècle et mit le comble à la désolation, en dépeuplant un grand nombre de villes et de villages. C'est ce qui explique la rareté des documents historiques de cette époque.

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(1) Saint Jérôme, lettre 123e.
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(2) Papon dit, en parlant des diocèses d'Embrun, de Sisteron, de Gap, de Digne, de Senez, etc., "qu'ils étaient déjà sous la puissance des Bourguignons depuis l'an 474". Il partage donc l'opinion de ces historiens.
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(3) C'est Papon qui parle ainsi et il ajoute:"Cela prouve que la servitude de la glèbe était déjà établie dans cette partie de la Gaule avant l'arrivée des Bourguignons." (Histoire de Provence,t.II,p.42)
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(4) M. Longnon, la Gaule au VIe siècle,p.46.
M. l'abbé Guillaume,archiviste à Gap,Notes,t.I,p.475 de l'Histoire des Alpes-Maritimes, par Fournier.
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(5) Epitre VI,liv.II (Patrologie latine,t.LVIII,col.571.)
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(6) Lettres de Cassiodore sur l'histoire des Goths,livre IV,lettre 49.-Cassiodore fut ministre de Théodoric, d'Amalasonte, de Théodat,etc.
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(7) Allos possède,en effet,de belles montagnes pastorales, dont une seule,le Laus,nourrissait autrefois un troupeau de six mille bêtes à laine.Cette montagne,ainsi que celles du Vallonnet,de Talon et de Preinier ont été vendues, en 1894, à l'administration du reboisement.
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(8) Clotaire Ier devint roi de toute la Provence et même de toute la France, en 558.
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(9) Venient in Galliam Longobardi et vastabunt civitates septem.- Voir Paul Diacre,In Hist. Longobardorum,lib.II,cap.28.D'après plusieurs auteurs, Embrun,Gap,Avignon,Arles,Fréjus,Cimiez et Glandèves sont les sept villes désignées par saint Hospice.
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(10)Mummulus...multos ex eis interfecit ac, donec nox finem faceret, coedere non cessavit (Paul Diacre)
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(11) Histoire de Provence, par Honoré Bouche,t.Ier,pp. 667-668.retour

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