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TOME II

QUATRIEME PARTIE

Depuis le traité d'Utrecht, en 1713, jusqu'à nos jours.

CHAPITRE V

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(1793 - 1796.)

 

1.-La circonscription militaire et le tirage au sort; les hommes d'Allos gardent les passages du Laus et de Rochecline; ceux de Clignon, le col de Champ.
"La guerre était partout :
sur le Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées, et les massacres de la Convention avaient soulevé plusieurs de nos provinces.

Pour faire face à tant d'ennemis, cette assemblée avait crée des régiments de volontaires, décrété la levée de trois cent mille hommes, établi la conscription militaire et le tirage au sort.

Le comité de salut public, qui dominait la Convention, alla plus loin :
il ordonna la levée en masse de dix-huit ans jusqu'à soixante.
Note (1)

Voici comment cet appel aux armes fut entendu par la communauté d'Allos :
"Lorsque le chef de légion de ce district (Barcelonnette) requit, le 20 août 1793, une force armée de cent hommes, pour se rendre à Barcelonnette ou à Jausiers, il en fut envoyé sur le champ vingt, depuis l'âge de seize ans jusqu'à trente cinq ans.

"Peu de temps après, Saint-Etienne et Saint-Dalmas ayant évacués, les Piémontais se montrèrent sur nos montagnes, aux environs desquelles ils enlevèrent même plusieurs troupeaux; et, sur les observations qui furent faites au chef de légion du danger imminent, où cette commune se trouvait, d'une incursion par la gorge du lac, le chef permit à la compagnie d'Allos de se retirer dans sa commune, pour y faire le service qu'exigeaient les circonstances.

"Cette compagnie, en réquisition permanente pour la garde de la gorge du lac, fit un service très pénible, avec un petit détachement tiré d'une seule compagnie du bataillon de la Drôme, qui reste dans cette commune."
Note (2)

"Cette délibération nous apprend aussi " les fréquentes apparitions, du côté du lac, de la part des brigands et les chocs journaliers de nos patrouilles avec celles des Piémontais, sur le col de Champ, limitrophe de notre térritoire."
Note (3)

C'est sans doute à cette époque que de nombreux mannequins de paille furent placés sur les hauteurs qui dominent le lac, pour faire croire aux troupes ennemies que ces lieux étaient gardés par des forces considérables.
On se souvient encore aujourd'hui, à Allos, de ce moyen ingénieux employé pour suppléer au petit nombre des défenseurs de nos foyers.

Non seulement notre petite force armée surveillait le passage de col de Champ, mais elle faisait même des reconnaissances dans la haute vallée du Var.
C'est après une de ces incursions que la communauté témoigna sa reconnaissance aux cinquante-cinq hommes qui en faisaient partie en payant 82 livres pour "dépense cibaire ", le soir du retour de l'affaire d'Entraunes, le dernier jour d'octobre, attendu que ce détachement se trouvait (composé), en majeure partie, des citoyens des hameaux qui avaient essuyé la neige toute la journée, ne pouvant se retirer chez eux."

Le gouvernement demandait souvent des contributions pour frais de guerre.
Nos pères, ayant répondu à un de ces appels par un envoi de 300 livres, demandèrent que cette offrande fut convertie en souliers.
Note (4)

Le maire d'Allos allait acheter, à Colmars et au Villard, des étoffes, de la toile et d'autres objets pour l'équipement des volontaires.

Aux frais d'armement, d'équipement et de provisions de bouche, il fallait encore ajouter les réquisitions de chevaux et de mulets.

On lit, à ce sujet, dans les registres du directoire du district de Barcelonnette:
"Le directoire nomme les citoyens Jean-Louis Cottoleng, enregistreur pour le canton de Barcelonnette, Jean-Jacques Aubert, administrateur pour celui de Méolans, Jacques-Honnorat André, pour celui de la Bréole, Joseph Guirand, médecin, pour celui d'Allos.

"Lesquels veilleront à ce que chaque canton fournisse son contingent, d'après les bases déterminées par la loi du 18 germinal.

"Cette levée sera faite dans le délai de trois jours qui suivra immédiatement la réception du présent, et le contingent de chaque canton sera rendu, avec tous les ustensiles militaires déterminés par ladite loi, le quatrième jour, au chef-lieu du district, pour se rendre ensuite au chef-lieu du département."

Le directoire ajoute que les municipalités et les administrateurs ou commissaires négligents seront dénoncés au Comité de salut public, dont le seul nom répandait l'effroi, et qu'ils sont expressément chargés d'accompagner l'envoi de chevaux et mulets.

2-La garnison de Colmars arrête les muletiers d'Allos.

Ajoutons que les soldats étrangers au pays maltraitaient quelquefois les habitants qu'ils devaient défendre.
C'est ce qui eut lieu à Colmars, dans de révoltantes circonstances :
"Quatre muletiers d'Allos, Dominique Gariel, Joseph Pellissier, Marc Sicard et Jean Gariel, arrivés aux portes de cette ville, avec quatorze mulets, dont dix chargés de vin et quatre d'huile ou d'eau de vie..., se proposaient de faire leur route, sans entrer dans la place; mais la sentinelle les obligea d'entrer, d'après la consigne donnée par le commandant de place.
A peine entrés, tous les mulets furent arrêtés par la garde."

Sur la plainte des muletiers, le maire de Colmars intervint entre la troupe et les voituriers.
Le commandant Borthon fut intraitable, et ses soldats confisquèrent le chargement des quatorze mulets.
La force ne tenait aucun compte du droit.
La violence foulait aux pieds la justice.
Note (5)
Les habitants d'Allos, réunis en assemblée générale pour délibérer sur cette révoltante iniquité et considérant que plusieurs fois déjà ils avaient été victimes de semblables excès, adressèrent leurs plaintes à Derbez-Latour, représentant du peuple, qui rédigea, à Manosque, un arrêté en leur faveur, avec ordre de le présenter à la municipalité et au commandant de Colmars.

3.-Le régime de la terreur; les suspects aux arrêts; les églises fermées; les cloches et les vases sacrés brisés; tout acte religieux interdit.

La France était alors la proie de l'anarchie :
c'était le règne de la terreur.

On donne ce nom à l'époque de la Révolution française pendant laquelle le tribunal révolutionnaire et l'échafaud étaient en permanence.
Note (6)
Cette lamentable période historique s'étend surtout depuis la proscription des Girondins (31 mai 1793) jusqu'à la chute de Robespierre (9 thermidor, c'est-à-dire le 27 juillet 1794).

"L'invention, l'organisation, l'application de la terreur, dit Taine,
Note (7)
appartiennent en propre " au Comité de salut public, crée par la Convention, le 6 avril 1793, et composé, successivement, de neuf, de douze et de seize membres.
Le meilleur d'entre eux, ajoute le même auteur, "avait réussi à décapiter en lui le sens commun et le sens moral."

"Une centaine de représentants, envoyés par le Comité de salut public, vont et se succèdent en province, avec des pouvoirs illimités, pour établir, appliquer ou aggraver le gouvernement révolutionnaire............

"Le représentant arrive en poste au chef-lieu, présente ses pouvoirs; à l'instant, toutes les autorités s'inclinent jusqu'à terre...
Il choisit cinq ou six sans-culottes de l'endroit, les forme en comité révolutionnaire et les installe en permanence à côté de lui."

Ce député disposait de tous les pouvoirs administratifs et judiciaires.
Nous en avons une preuve dans la délibération du conseil d'Allos du 20 fructidor an III (1794).
Le secrétaire donne lecture d'un arrêté d'Isnard, représentant du peuple, en mission dans les départements des Bouches-du-Rhône et des Basses-Alpes, conçu en ces termes :
Au nom de la République française une et indivisible, les fonctionnaires publics de la commune d'Allos cesseront sur le champ leurs fonctions; ils seront remplacés par les citoyens dont les noms suivent."

Il remplaça ainsi, par un simple arrêté, le maire, les officiers municipaux, le procureur, les notables ou conseillers, le juge de paix et son greffier.

A côté des comités révolutionnaires installés par les représentants du peuple, s'établissaient partout des comités de surveillance; c'était l'armée de la terreur chargée d'enrôler les exaltés et de frapper les suspects.
A Allos, comme ailleurs, les hommes les plus honorables étaient traités en suspects, dès que la municipalité ne leur accordait pas un certificat de civisme.
Le 23 thermidor an II (1793), " ce certificat fut refusé à Hyacinthe Gariel, fils d'Hyacinthe Gariel, homme de loi, par neuf voix contre quatre, sur treize votants."

Sur un simple soupçon, on privait les citoyens de leur liberté; tantôt en les condamnant, séance tenante; tantôt en les ajournant, c'est-à-dire en laissant l'ordre d'arrestation suspendu sur leur tête; tantôt en les consignant dans le territoire de la commune ou dans leur habitation, avec ou sans gardes.
Un de nos compatriotes, se trouvant dans ce dernier cas, ne pouvait sortir, même pour un instant, sans la permission du maire ou du juge de paix de l'endroit;
Note (8)
mais, heureusement, il n'y eut, chez nous, aucune condamnation à la peine capitale.

C'est sur le terrain religieux surtout que le terrorisme exerça ses violences dans nos montagnes.

Après le bannissement des pasteurs légitimes et la confiscation de leurs biens, les prêtres constitutionnels ne jouirent pas longtemps de la tranquillité acquise par leur serment schismatique.

Les cloches furent fondues et transformées en canons; les fêtes religieuses supprimées; la messe
" et tout acte religieux interdit, sous peine de mort."
Il n'y eut plus d'autre culte public que celui de la déesse raison, sous les traits de femmes éhontées.
Durant près de trois ans, les églises et chapelles demeurèrent fermées ou livrées à toutes sortes de profanations."
Note (9)

Pendant cette période néfaste de notre histoire, les délibérations du conseil municipal d'Allos, si riches depuis 1713, sont muettes pour ce qui a rapport à la religion, parce qu'elles étaient rédigées alors sous le regard inquisiteur des agents révolutionnaires.
J'ai pu leur emprunter cependant les faits suivants :
En 1793 et 1794, André Garcin sollicita et obtint un certificat de civisme.
Ce prêtre indigne ne put mériter ce certificat que par l'apostasie.
Ce n'est, en effet, qu'en renonçant au sacerdoce et à la religion que les curés constitutionnels, comme lui, pouvaient trouver grâce devant les tribunaux révolutionnaires.

"Les officiers publics de la Beaumelle, de la Foux et de Bouchiers n'ayant pas de maison publique pour leurs opérations ",
le conseil leur céda les presbytères.
"Attendu,
dit-il, que les ci-devant églises sont fermées...,
les ci-devant maisons curiales ou presbytères desdits lieux leur seront accordées jusqu'à ce qu'elles soient livrées pour l'institution publique."

Toutes les églises du canton d'Allos étaient donc fermées, le 16 thermidor an II (1793), mais la délibération portant cette date ne nous dit pas depuis combien de temps.

L'église paroissiale du chef-lieu était devenue un magasin à fourrage pour l'armée des Alpes et d'Italie.

Elle en était tellement remplie qu'on faisiat passer les trousses (appelées barrions à Allos ) sur la barre du Christ, poutre transversale placée à la naissance de la voûte, au-dessus de la sainte table.

La profanation des églises et la défense absolue de faire aucun acte public de religion imposaient aux âmes chrétiennes les plus douloureuses privations.

J'ai recueilli, en 1855, des lèvres d'une honorable mère de famille, Suzanne Guirand, née Augier, le récit des impressions de nos ancêtres lorsqu'ils furent témoins, pour la première fois, d'un enterrement sans aucune cérémonie religieuse.
"La population, me disait-elle, était dans la consternation.
Elle se transporta sur la place du Portail-Bas et, de là, sous les jardins, en face de l'église fermée et du cimetière, pour voir passer le triste cortège.
Chacun, ajoutait-elle, revint ensuite silencieusement dans sa demeure, les larmes aux yeux et en se disant avec une angoisse inexprimable :
qu'allons-nous devenir !"

Cependant on priait avec ferveur dans les familles; on recevait les sacrements de la pénitence et de l'eucharistie, quand un prêtre pouvait les administrer, au péril de sa vie :
on pratiquait donc la religion en secret.
Quelques personnes osèrent même la pratiquer ouvertement, dans différentes circonstances.
C'est ce qui eut lieu le jour de la Toussaint 1792 :
quatre femmes, héritières de la foi et du courage héroïque de Tante Trésor, décidèrent d'ouvrir l'église paroissiale, tandis que d'autres, non moins intrépides, priaient ostensiblement dans le cimetière.

En ce temps désastreux, l'esprit du mal trouvait, même dans les meilleurs pays, des hommes pervers, capables d'exécuter tous les ordres du comité de salut public.

A Allos, l'un d'eux porta sa haine contre les vases sacrés; il brisa notamment l'ostensoir à l'aide d'une clef, dont chaque coup faisait tomber, dit-on, un rayon de cet objet sacré.

4.-Prêtres réfugiés au Villard-Haut, à Baumes, aux Foulons

Un autre, non moins criminel, prêtait son concours aux brigands nommés sans-culottes qui poursuivaient les prêtres, pour les livrer au tribunal révolutionnaire.

Le principal théâtre de leurs exploits fut le Villard-Haut, où s'étaient retirés trois prêtres, oncles du célèbre docteur Honnorat et originaires, comme lui, de ce petit village.
Les moyens qu'on employa pour s'emparer de leurs personnes et les efforts constants que firent leurs parents et les membres de la famille Michel, leurs voisins, pour les préserver du danger, forment un des épisodes les plus touchants de notre histoire.

On logea d'abord les dignes prêtres dans un petit local contigu à l'écurie de la maison Michel, afin de les soustraire par ce moyen à tous les regards du dehors.
C'est là qu'ils prenaient leurs repas, et l'on a conservé longtemps la marmite et les autres modestes ustensiles dont ils se servaient.

Outre ce réduit, il y en avit un autre plus isolé et plus sûr.
C'était une excavation entre deux maisons, recouverte d'une grande pierre qui en faisait une sorte de tombeau.
On y a trouvé vers 1840, par conséquent après environ un demi-siècle, quatre toisons de bête à laine, de couleur marron, assez bien conservées, un chapeau de paille, etc.

Mais l'air était humide et malsain en cet endroit.
Il fallait en sortir de temps en temps, et il n'était pas facile d'en dissimuler l'ouverture, en y revenant précipitamment.

Un jour, les prêtres proscrits étaient dans la maison, avec leurs parents et leurs amis, lorsqu'ils virent venir les sans-culottes.
Sans perdre un instant, ils se réfugièrent au grenier, et l'on eut à peine le temps de les couvrir d'une assez grande quantité de foin, après avoir placé des planches sur leurs corps.
La précaution était nécessaire, car les sans-culottes fouillèrent partout avec fureur, surtout dans la meule de foin, et se retirèrent avec la conviction qu'il n'y avait personne sous les planches atteintes par la pointe de leurs piques.

L'effroi causé par cette visite durait encore lorsqu'un messager ami, arrivé au déclin de l'un des jours suivants, annonça les mauvais desseins que les brigands se proposaient de réaliser, dès le lendemain.

La famille Michel conseilla à ses hôtes de se réfugier dans une maison qu'elle possédait à Baumes, et elle promit de les suivre de près, car elle se croyait menacée comme eux.

Le départ s'effectua nuitamment et au milieu des alarmes.
On était obligé de porter les petits enfants, et, pour empêcher la plus jeune de pleurer, on lui disait que, si les brigands l'entendaient, ils viendraient les tuer tous !

Le séjour des prêtres de la famille Honnorat à Baumes leur sauva la vie; ils avaient là d'excellents voisins, et personne ne supposa qu'ils eussent demandé la sécurité à ce quartier isolé et presque sauvage.

En même temps, les hommes de ces différents quartiers étaient toujours soumis aux exigences d'un service militaire pénible et dangereux.
"Chaque soir, on les faisait partir pour aller monter la garde au Lauzon, entre les Tours, à Rochecline; tandis que ceux de Clignon allaient au col de Champ, comme nous l'avons déjà dit."
On avait construit une baraque et trois guérites à Champrichard,etc.
Note (10)

Nous devons l'exposé circonstancié de ces différents événements à une femme recommandable, nommée Marie Michel, mieux connue sous le nom de Tante Marion , qui faisait faire à ses nièces et à ses neveux de longues prières pour obtenir du bon Dieu de ne jamais voir des jours semblables à ceux de la Terreur !

5.-Les émigrés d'Allos.

Les prêtres français qui avaient pris le chemin de l'exil, pour conserver la liberté de dire la messe et de porter le costume ecclésiastique, sans s'exposer au danger de perdre la vie, ne furent pas épargnés :
on les poursuivit dans leurs biens et dans la personne de leurs parents.

Nous lisons dans le catalogue des émigrés du département des Basses-Alpes les noms et prénoms de nos compatriotes :
Alexandre Guieu, ex-curé, et Charles-François Dautane père et fils.
Ils n'étaient pas seuls, car, par un arrêté du district de Barcelonnette (29 vendémiaire an IV), Juste Guieu fils, juge de paix du canton d'Allos, et Jean Honnorat, un de ses assesseurs, devaient cesser de remplir les fonctions de juge et d'assesseur,
"attendu que l'oncle du premier et le frère du second ont été portés sur la liste des émigrés !"

Les archives municipales confirment cet arrêté, et, dans la réunion du conseil du 25 brumaire an IV, Alexandre Pellissier, officier municipal, déclare, conformément à la loi du 1er floréal, contre les émigrés, que son beau-frère, Jean-Jacques Arnaud, prêtre habitué au chapitre de Toulon, fait peut-être (!) partie de l'émigration, et il en informe l'administration du département pour avoir son avis.
L'avis ne se fit pas attendre :
l'administration départementale décida que l'allié d'un émigré même douteux ne devait pas être officier municipal.

Le 2 frimaire suivant, le même conseil avait pris indirectement la défense des émigrés d'Allos, contre leurs créanciers, en certifiant qu'aucun d'eux n'était insolvable, ni en faillite.

6.-Les cultivateurs privés de leur liberté; saisie des pailles et foins; emprunt forcé.

Les cultivateurs n'étaient plus libres de disposer de leurs récoltes; les vendeurs et les acheteurs ne pouvaient fixer eux-mêmes le prix des marchandises, et un emprunt forcé pesait sur tous les contribuables.

A Allos, comme partout ailleurs, en vertu d'une réquisition du Comité de salut public, tout possesseur d'avoine devait, dans le délai de huit jours, en faire le versement dans le magasin du district.

Le conseil général de la commune nomma dix commissaires chargés de faire le recensement des foins et pailles existant actuellement dans les différents hameaux.
Il fut établi, par leurs visites domiciliaires, que le canton possédait, le 5 vendémiaire an IV, dix mille sept cent quatre-vingt-quatre quintaux de foin et sept mille deux cent quatre-vingt-quatre quintaux de paille, dont les quatre cinquièmes étaient réquisitionnés et devaient être transportés dans les magasins militaires.

En exécution de la loi de la Convention nationale du 23 septembre 1793, un arrêté du district de Barcelonnette, parvenu à Allos le 26 octobre de la même année, établit, en quatre-vingt-onze articles, un tableau du plus haut prix des marchandises et denrées de première nécessité."
L'Etat était donc, dit Taine, l'unique dépositaire et distributeur des grains, qu'il achetait seul et qu'il vendait seul, au prix fixé.

Pendant le cours de l'an IV, le conseil d'Allos délibéra souvent sur un emprunt forcé.
L'administration des Basses-Alpes, disait-il, le 4 pluviôse, décide de transmettre, dans les vingt-quatre heures,
l'arrêté "portant classification des citoyens soumis à l'emprunt forcé, au percepteur de cette commune, lequel est tenu de procéder sur le champ au recouvrement".

7.-Mort de Robespierre; ouverture momentanée des églises.

Cependant, le régime de la Terreur diminuait d'intensité, après la disparition de ceux qui le personnifiaient.
"Robespierre, Saint-Just, Couthon, les Jacobins à principes sont guillotinés, le 28 juillet, dit Taine; désormais, l'édifice s'effondre par grandes lézardes...
La Convention l'abolit en droit; les cultivateurs vendent à leur volonté et à deux prix, selon qu'on les paie en assignats ou en argent; ils ont repris espoir, confiance et courage."
Note (11)
Nos pères, profitant de ce premier moment de détente, essayèrent de rendre leurs églises à l'exercice du culte.
On lit, à ce sujet, dans le registre des délibérations municipales :
"Le 9 ventôse an IV, à Allos, dans la maison commune, par-devant nous, Jean Guirand et Joseph Caire, officiers municipaux, se sont présentés les citoyens soussignés, habitant ce lieu d'Allos et aux hameaux voisins, composant la ci-devant paroisse; lesquels, d'après la connaissance qu'ils ont eue de la loi du 7 vendémiaire dernier, sur l'exercice et la police extérieure des cultes, qui vient d'être affichée et publiée, désirant se conformer à l'article 7 de la section 3 de ladite loi, ont déclaré faire choix de la chapelle placée au centre de ce lieu et qui servait ci-devant aux pénitents et appartenait aux mêmes particuliers, pour y exercer leur culte, en se conformant à tout ce qui est prescrit par ladite loi."
Note (12)

Comme le chef-lieu, les sections de la Foux, de la Beaumelle et de Bouchiers firent leur déclaration pour le choix d'une église, dès qu'elles eurent connaissance de la loi qui leur permettait, dans une certaine mesure, le rétablissement du culte.
Elles désignèrent naturellement leurs églises paroissiales, heureusement conservées;
Chose singulière ! les habitants du Seignus, qui appartenaient comme le Villard à la paroisse d'Allos, agirent en cette circonstance comme s'ils composaient une paroisse et déclarèrent qu'ils se proposaient de rouvrir leurs chapelles de Saint-Jacques et de Saint-Laurent.

L'empressement avec lequel les différentes sections d'Allos se réunirent, en cette circonstance, nous dit hautement que la religion était toujours vivante dans les âmes, malgré le long et violent orage révolutionnaire qui semblait l'avoir anéantie.
Mais l'on était loin encore de la véritable liberté religieuse !

 

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(1) Hubault, Histoire contemporaine, p. 84.
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(2) Délibération du 22 septembre 1793.
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(3) La tradition a conservé un souvenir très exact de ce que le conseil appelle des patrouilles.
Elle nous dit que les hommes d'Allos, en particulier ceux du Villard, montaient la garde à Rochecline, pour empêcher l'ennemi, qui arrivait par le col de Champ, de se diriger sur Clignon et Allos.
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(4) Délibération du 9 juin 1793.
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(5) Le commandant s'oublia jusqu'à menacer les voituriers de les faire arrêter et de les f;;;;;; au fort .
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(6) Mémoires du conventionnel Grégoire.
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(7) Taine, la Révolution, t. III, p. 232.
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(8) Notes historiques de Juste Guieu, avocat à Castellane et, plus tard, à Aix.
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(9) Histoire de Barrême, p. 101.
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(10) Cette baraque et ces guérites, construites à la réquisition du commandant de la vingtième demi-brigade, en garnison à Allos, coûtèrent 181 livres à la municipalité.
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(11) Taine, la Révolution, t. III, p. 515.
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(12) Les habitants d'Allos, du Villard, etc., ne choisirent pas Notre-Dame de Valvert parce qu'elle était devenue un magasin militaire rempli de foin et de paille.
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