CHAPITRE III.
1.Le Dauphiné convoite Barcelonnette et son district ; édit d'annexion en 1537. (1537-1559.)
2.Protestation contre cet édit et remontrance de 1713.
3.Documents sur Barcelonnette, Allos et Saint-Martin d'Entraunes depuis 1537 jusqu'en 1559.
4.Maintien des anciens privilèges, libertés, franchises, etc.
5.Edit de Villers-Cotterets.
6.Guerre en Piémont; traité de Crespy et convention de Cagnes ; exonération d'impôts.
7.Mort de Francois Ier et du duc de Savoie.
8.Traité de Cateau-Cambrésis; cession de Barcelonnette, d'Allos et de Saint-Martin d'Entraunes à la Savoie.
1.-La vallée de Barcelonnette était à peine rendue à la Provence, lorsque la province du Dauphiné essaya de la lui ravir, en obtenant par surprise un édit d'annexion. Dès que les habitants de la vallée et de ses dépendances eurent connaissance de cet édit, ils protestèrent énergiquement, et le roi prit en considération leurs justes doléances, comme on disait alors. Le récit de cet incident, qui n'est pas sans importance pour l'histoire de Barcelonnette, d'Allos et de Saint Martin d'Entraunes, est contenu dans une remontrance à Louis XIV à l'occasion d'une nouvelle demande d'annexion au Dauphiné, on 1713, après le traité d'Utrecht. "En 1537, François Ier passant par Embrun pour se rendre en Italie, on surprit de sa religion un édit par lequel ce prince, sans avoir entendu ni consulté personne, unissait la vallée de Barcelonnette au Dauphiné."
2. C'est la seule pièce que le Dauphiné rapporte. "Les députés du Dauphiné ont dissimulé encore que les justes remontrances des peuples furent favorablement écoutées et que l'édit n'eut point d'exécution : on en produit cinquante preuves authentiques, sans que le Dauphiné puisse rapporter un seul acte de possession, ni avant, ni après ce prétendu édit. "Votre Majesté est suppliée d'observer que ce fut au mois d'octobre 1538 que le commissaire député par le Dauphiné procéda à l'enregistrement de l'édit de 1537. Or, au mois de novembre de l'année 1538, l'édit ayant été révoqué, Honoré Arbaud, maître en la chambre des comptes de Provence, se transporta en la vallée de Barcelonnette et reçut l'hommage des habitants, au nom du roi François Ier.
".... Les députés de la province et du parlement du Dauphiné ont-ils donc bonne grâce de se parer d'un prétendu édit, surpris, informe, révoqué, pièce unique et solitaire, qui n'a jamais eu un moment d'exécution, pendant qu'on leur produit cette multitude de titres qui prouvent d'une manière si certaine que jamais Barcelonnette n'a été démembrée de la Provence, soit pour les subsides, soit pour le ressort, tant qu'elle a été sous la domination de nos rois."
Les signataires de la remontrance parlent, plus loin, de l'éloignement de la capitale du Dauphiné et des montagnes qui ferment leur vallée de ce côté, des frontières du Piémont jusqu'à la Durance. Ces montagnes, ajoutent-ils, sont couvertes de neige depuis la fin du mois de septembre jusqu'au mois de juin, et même pendant l'été un cavalier ne peut passer le col de Vars sans exposer sa vie. "Les communautés d'Allos, d'Entraunes et de Saint-Martin, qui sont les principales communes du vicariat, "Pour se rendre, au contraire, de Barcelonnette et de toutes les terres qui dépendent de son vicariat en Provence, il n'y a ni montagnes, ni rivières à passer. Ces motifs et plusieurs autres, qu'il n'y a pas lieu d'énumérer ici, portèrent la conviction dans l'esprit de François Ier. 3. L'organisation civile, judiciaire, etc… fut bientôt ou était déjà En 1538, Aymard de Bourchenu est nommé gouverneur de Barcelonnette et de son district, par lettres patentes du roi. En 1547, cette nomination est renouvelée par Henri II. Le 8 octobre 1539, Légier Coriolis est pourvu de l'office de juge de Barcelonnette et du district, et sa nomination devient définitive par un arrêt de réception du parlement d'Aix du 13 décembre suivant. Quant à l'exercice de la justice, on trouve, à la fin des remontrances du parlement d'Aix, un état sommaire des jugements rendus entre divers habitants de la vallée de Barcelonnette. Voici ceux qui concernet Allos : "Entre Jeanne Pascal, du lieu d'Allos, et Claude Guiran ( 28 janvier 1559, pièce 33 )." François Ier établit, en 1539, Esprit Pontis,capitaine châtelain En 1554, Blaise Touron succède, dans cet emploi, à Esprit Pontis. La même année, François de Catinel remplace le gouverneur de Barcelonnette, Aymard Bourchenu, et, après quelques années, il est remplacé lui-même par Pierre Antelmi ou Anselmi. "Pour ne rien laisser d'imparfait dans la réunion de cette vallée à la Provence, le même roi ( Henri II ) ordonna aux Etats de Provence de la comprendre dans leur affouagement, en l'année 1540, et, au mois de juin de l'année 1542, il pourvut de l'office de procureur du roi à Barcelonnette Honoré Pascalis. De leur côté, les habitants de notre district reconnurent, en 1542, les droits de cens et de cavalcades dus au roi comme successeur des comtes de Provence.
4. Par lettres patentes, adressées aux cours de Provence, en 1542, François Ier accorda en ces termes à nos pays, redevenus français, toutes les libertés dont jouissaient ses sujets de Provence : Ces lettres royales, scellées du grand sceau, renouvelaient les privilèges et les franchises que nos ancêtres avaient autrefois obtenus des anciens comtes de Provence et qui avaient été, depuis, maintenus par les ducs de Savoie. Henri II, fils et successeur de François Ier, confirma également, par lettres patentes du mois de mars 1547, les habitants de la vallée "dans tous leurs privilèges , immunités, foires franches, statuts, coutumes, libertés, franchises et exemptions, pour en jouir à perpétuité, en la forme et manière qu'ils en ont ci-devant joui et usé, jouissent et usent à présent."
5. Un édit de François Ier, publié à Villers-Cotterets en 1539, rendit obligatoire la langue française en justice et dans les actes notariés. Cet édit produisit son effet jusqu'à Allos, qui à cette époque, appartenait au royaume de France.
"Jusqu'alors, la Provence, dit M. de Berluc-Perussis, avait joui en cette matière de la liberté la plus absolue. Trilingue dès le temps de Strabon, elle l'était encore au XVI° siècle. Nos comtes eux-mêmes édictaient indifféremment leurs statuts en latin, en provençal ou en français. Nous avons été curieux de constater qu'elle était , avant l'édit de 1539, la langue écrite prédominante. Le livre des quittances trésorières de 1534-1535 nous fournit les chiffres que voici : "Ecrivent en latin : le recteur des écoles, cinq notaires, un chanoine et un particulier ; "En provençal, l'un des syndics, un commis des Etats, l'étapier de la garnison et deux particuliers, dont l'un tout en écrivant en provençal, signe en latin; par contre, un troisième, au bas d'un acte latin, signe en provençal ; " En français : le viguier, le notaire de la cour royale, un commis des Etats, deux solliciteurs au parlement et un clerc de procureur, ces quatre derniers demeurent à Aix ; un notaire, également d'Aix, écrit en français et signe en latin. "Comme on le voit, les trois langues vont de pair et font le meilleur ménage du monde, au point que plusieurs des signataires emploient deux d'entre elles concurremment. C'est ce qui eut lieu à Allos. Le même auteur fait remarquer qu'en 1625, à l'occasion d'un contrat de mariage, Esprit Pin et son père, François, ont signé Le père, François Pin, et le fils, Piny. "L'adoption de cette désinence, ajoute-t-il, est un retour au génitif, c'est-à-dire à la forme traditionnelle que les notaires employaient généralement lorsqu'ils rédigeaient leurs actes en latin…. A la suite de l'édit de Villers-Cotterets, les familles quittèrent , pour la plupart, la forme latine, et celles qui la conservèrent cherchèrent à la franciser, en substituant en finale l'y à l'i; c'est ce que fit Esprit Piny." De l'édit de Villers-Cotterets date le commencement de ce que nous appelons aujourd'hui l'état civil. François Ier chargea les curés de toutes les paroisses de France de tenir les registres des baptêmes, des mariages et des enterrements et d'en déposer une copie au greffe du bailli le plus voisin de leurs paroisses. L'édit de 1539 continua probablement d'être en vigueur chez nous, même après le traité de Cateau-Cambrésis, qui nous plaça de nouveau, en 1559, sous la domination de la Savoie. En effet, le duc Emmanuel-Philibert, par un édit de 1546, permit dans ses Etats le maintien des règlements qui, sans être en opposition avec les lois ducales, paraissaient appropriés aux besoins du pays, et Saint-Genis, après avoir loué cette autorisation, ajoute " que la célèbre ordonnance de Villers-Cotterets fit partager à la Savoie les progrès de la France". 6. Dès qu'on eut appris en Italie les résultats de l'invasion de la Provence, en 1536, et le retour des armées de Charles-Quint et du duc de Savoie, les Savoyards, se confiant trop, sans doute, sur les secours qu'ils pouvaient en retirer, coururent aux armes. Un général français, le comte de Saint-Paul, réprima aussitôt ce soulèvement et il refoula les insurgés jusqu'au pied du mont Saint-Bernard. L'année suivante, le général d'Humières, ayant reçu le commandement de l'armée d'Italie, traversa les Alpes, au mois de juin, avec un renfort de douze mille hommes. Les infortunés sujets de Charles III ne savaient plus à qui ils appartenaient. Le triste sort de la Savoie et du Piémont faillit être le nôtre, en 1540. Par la réalisation de ce plan de campagne, les Hautes et les Basses-Alpes seraient devenues le théâtre de la guerre. Le 18 septembre 1544, eut lieu le traité de Crespy-en-Laonnais, entre Charles-Quint et le roi de France. Le roi de France promettait , de son côté, de rendre au duc de Savoie la partie de ses Etats dont il avait fait la conquête, lorsque le duc d'Orléans prendrait possession du duché de Milan ou des Pays-Bas. Par une des clauses de ce traité, il fut convenu que le comté de Nice et, par conséquent, la vallée de Barcelonnette seraient l'objet d'une convention spéciale, entre le duché de Savoie et le gouvernement français. Aymard de Vaucluse et Henri de Courcelles, commissaires de François Ier, Ludovic de Prey et Jean de Villette, délégués de Charles III, furent chargés de préparer cette convention et ils se réunirent à Cagnes, en Provence. Mais le duc d'Orléans étant mort peu de temps après, l'empereur refusa d'observer l'engagement qu'il avait contracté envers lui. Un historien savoyard fait remarquer, en effet, que le Piémont fut le théâtre de véritables atrocités, de 1536 à 1558. Cela nous explique pourquoi les exonérations d'impôts furent fréquemment accordées, à cette époque, aux habitants de nos vallées alpines. "I…... "Quoi par lesdits Etats entendu, ils ont, d'un commun accord et sans aucune discrépance, dit et conclu que pour tous dommages, intérêts et dépens que lesdits de Barcilonne et de son ressort pourront avoir soufferts pour les choses susdites, ils seront encore exemptés pour cette année, tant seulement, jusqu'aux uns autres prochains Etats. II…. Pareillement se sont rendus plaintifs les députés pour la ville de Barcilonne, son ressort et le lieu d'Allos, de ce que hier, en opinant sur l'exemption des charges…… " Requérant pour cela de ce chef lesdits Etats, ayant égard (d'avoir égard) aux grandes folles (foules) et charges insupportables qu'ils ont depuis peu de temps encore souffertes et endurées………….
" Laquelle plainte entendue par lesdits Etats, ils ont tous d'un même accord dit, avisé et conclu que ladite ville de Barcilonne, son ressort et lieu d'Allos fourniront et seront redevables pour l'avenir desdites charges et affaires du pays…………. " Fors et excepté l'imposition d'un florin pour (par) feu, mis sur ledit pays, lesquels (desquels) lesdits Etats les ont exemptés et eximés pour cette année tant seulement et que, de ce, ils soient dits contents sans plus y revenir. "Et incontinent Peyron Caire, député pour ledit Barcilonne, qui hier se porta pour appelant, a renoncé à ladite appellation, par lui interposée, demandant acte leur être fait par nous greffiers et soussignés." Pendant qu'ils étaient réunis à la Provence sous François Ier et Henri II (1536-1559 ), nos pays sollicitèrent donc souvent, probablement tous les ans, l'exemption des impôts, à cause des lourdes charges qui pesaient sur eux. 7. Cependant nous étions menacés d'une nouvelle invasion. Il avait traversé plusieurs fois nos Alpes, et nous venons de voir comment Barcelonnette ainsi que ses dépendances furent l'objet de sa sollicitude et de la générosité de son administration paternelle. Il en fut de même dans tout le royaume : ce prince était aimé de ses sujets, malgré les lourdes charges qu'il leur imposa, pendant trente années de guerre contre Charles-Quint. Charles III, duc de Savoie, vécut encore pendant six ans après la mort de François Ier, n'ayant plus pour ainsi dire qu'un coin de terre pour y être enseveli. Charles-Quint abdiqua en 1555 et se retira en Espagne dans une maison qu'il avait fait bâtir pour lui, près d'un couvent. Deux ans avant sa retraite, Charles-Quint reçut à sa cour Emmanuel-Philibert, fils de Charles III, lui permit de combattre à ses côtés et lui donna même le commandement de ses armées. Cette éclatante victoire changea la fortune d'Emmanuel-Philibert. Dès l'an 1558, le nouveau duc de Savoie envahit la vallée de Barcelonnette, s'en empara " et exigea par la force des armes le serment des habitants. 8.Cette invasion de notre territoire , lorsque nous appartenions à la France, était le prélude de notre nouvelle annexion aux Etats Sardes, qui eut lieu en vertu du traité de paix signé à Cateau-Cambrésis, le 3 avril 1559. Voici les principales clauses de ce traité qui concernent notre histoire. Le roi de France promit en mariage sa sœur, Marguerite de Valois, au duc Emmanuel-Philibert et s'engagea à évacuer sans retard les Etats de Savoie. Le cardinal Mazarin fit en vain tous ses efforts pour obtenir le retour du comté de Nice à la Provence. Au mois de septembre de la même année, les Français évacuèrent Barcelonnette, Allos, Saint-Martin d'Entraunes et quelques autres châteaux qu'ils possédaient sur les bords du Var. Pendant le mois de janvier 1560, Emmanuel-Philibert s'embarqua à Marseille, avec Marguerite de Valois, son épouse, et se rendit à Nice pour témoigner sa satisfaction à la population fidèle de cette ville. A sa requête, il confirma toutes les franchises par lettres patentes du 20 décembre et accepta leur serment de fidélité. La naissance d'un prince le confirma dans la possession de ses Etats; les troupes françaises, qui occupaient encore plusieurs forteresses en Piémont, se retirèrent, et la paix demeura établie entre la France et la Savoie.
Notes ( 15 ) :
(1) On entendait par vicariat ou viguerie un district ou juridiction judiciaire et administrative.
(2) Le passage des rivières offrait alors de grandes difficultés parce que les ponts étaient très rares.
(3) Les auteurs ne sont pas d'accord sur la date de l'annexion ou plutôt du retour de Barcelonnette à la France.
(4) La nomination du gouverneur ou préfet était donc annuelle.
(5) Cette locution doit être prise ici dans le sens de district, circonscription.
(6) Un capitaine châtelain était le commandant d'un château-fort.
(7) Remontrances du parlement de Provence pour la réunion de la vallée de Barcelonnette à son ressort.
(8) Les dates de l'Histoire de Forcalquier, p.62.
(9) Histoire de Savoie, t. II, p.22.
(10) Histoire militaire de Piémont, par le comte de Saluces, t.II, p. 26.
(11) Archives des Bouches-du-Rhône, série C., n°1, folio 92.
(12) Les pétitionnaires font allusion aux efforts de leurs concitoyens pour faire annuler, en 1537, l'édit de François Ier qui les unissait au Dauphiné.
(13) Il s'agit ici sans doute de calamités postérieures à celles de 1536.
Encore la produit-il informe. En effet, on a supprimé de la procédure qui fut faite pour l'enregistrement de cet édit les protestations que firent les peuples de la vallée de se pourvoir vers le roi, pour lui faire leurs très humbles remontrances. Plusieurs consuls de différentes communautés refusèrent même d'en consentir l'enregistrement. Le procès-verbal en fait foi.
Note(1). sont encore séparées du Dauphiné par un autre rideau de montagnes, savoir : les cols d'Allos, de la Sestrière, de Talon, de Fours et de la Calliole, qui ne sont pas moins impraticables. Ainsi, pour aller à Briançon et à Grenoble, on est obligé de faire un long circuit, de prendre le détour par la Provence, d'aller jusqu'à Barrême, etc.
Note(2).
Les rivières du Var, du Verdon et de l'Ubaye, qui prennent leurs sources dans ledit vicariat et qui coulent en Provence, favorisent des chemins libres et faciles dans toutes les saisons. "
L'édit de 1537 fut rapporté, et nos pays réunis à la Provence.
Note(3) un fait accompli, dans le district.
Note(4).
Note(5).
"Sentence rendue entre Pierre Fournier, du lieu d'Allos, en la vallée de Barcelonnette, et Bernard Pascal, du même lieu ( 5 septembre 1556, pièce 25 ).
"Entre Julien Pascal, du lieu d'Allos, en la vallée, et Pierre Fournier, du même lieu ( 30 janvier 1557, pièce 26 ).
"Entre messire Mounet Pascal, chapelain, en l'église du lieu d'Allos, et Honoré Pascal, du même lieu ( 18 janvier 1559, pièce 32 ).
Note(6) et receveur de la viguerie de Barcelonnette.
Note(7).
"Nos très chers habitants de notre pays de Barcelonnette nous ont fait remontrer que, depuis le temps qu'ils ont été établis sous notre obéissance et du ressort de notre pays et comté de Provence et de notre cour du parlement dudit pays, séant à Aix, ils se sont toujours conduits comme bons et loyaux sujets…
A ces causes, voulons et ordonnons qu'ils jouissent des privilèges accordés aux autres habitants de Provence."
Note(8).
Note(9).
Note(10).
Peu de temps après, d'autres troupes françaises franchissaient le mont Genèvre, et le maréchal de Montmorency s'empara du château et de la ville de Suse.
Ce prince avait remis le commandement des débris de son armée au général de l'armée impériale , qui, même sans le consulter, signait des suspensions d'armes avec les chefs de l'armée française.
Un officier espagnol de grand mérite, Camille Colonna, proposa de former deux corps d'armée, dont les chefs auraient eu pour mission d'envahir simultanément les Alpes occidentales, de s'y établir dans quelques places pouvant servir de bases à leurs opérations militaires et d'échelonner leurs troupes sur le versant alpin, pour isoler l'armée de François Ier.
Heureusement pour nos ancêtres , le général en chef de l'armée impériale n'accepta pas ou n'eut pas les moyens de réaliser le projet hardi de Camille Colonna.
En vertu de ce traité, le duc d'Orléans, fils de François Ier, devait épouser, dans deux ans, la fille de l'empereur ou sa nièce, fille de Ferdinand, roi des Romains, et Charles-Quint lui promettait le Milanais ou les Pays-Bas.
L'acte qu'ils rédigèrent fut ratifié à Nice, le 6 décembre 1544.
Les Français devaient évacuer Barcelonnette, Allos et Saint-Martin dans un délai de quinze jours.
De son côté le roi de France, dit le comte de Saluces, était loin de vouloir se dessaisir de ce qu'il possédait dans les Etats de Savoie, et le traité de Crespy, au lieu d'établir une paix durable, devint la source d'une nouvelle guerre.
C'était pour tout le district de Barcelonnette un mauvais voisinage.
Les déserteurs, les maraudeurs et les bandits qui suivaient les armées, les vétérans licenciés, etc., se répandaient dans les pays voisins et s'y rendaient coupables, en temps de paix, de rapines et d'outrages nombreux, dans les familles isolées et dans les villages sans défense.
Voici, à ce sujet, deux délibérations des Etats de Provence, datées du 25 janvier 1540 et du 20 du même mois 1542.
Note(11).
A été baillée esdits Etats doléance par la partie des manans et habitants de Barcilonne et lieu de son ressort, contenant, entre autres chiefs (chefs), plusieurs pilleries, ruines, boulements, maltraitements qu'ils ont eus, ces années passées, tant par les gens de l'empereur que du roi notre sire, et plusieurs mises et dépenses qu'ils ont faites et souffertes (pour) poursuivre, envers le roi, qu'il fût son bon plaisir ordonner (d'ordonner) eux être du ressort de Provence et réunis à icelui ;
Note(12) pour laquelle poursuite ils tiennent encore un homme à la cour, à leurs dépens; concluant, par fin de leur dite doléance, qu'il plût à messieurs desdits Etats, les vouloir eximer et exempter de charges et subsides dudit pays, tant du fait de la garnison de Monsieur le comte que autres.
Par eux demandée pour une année, il aurait été par iceux Etats dit et arrêté que pour l'avenir ils seraient contribuables………….
Note(13).
Les Etats de Provence n'agréaient leurs requêtes que pour une année, les refusaient invariablement pour l'avenir, mais en somme ils accordaient fréquemment et peut-être toujours, comme le croient certains auteurs, les dispenses que nos pères leur demandaient.
Les habitants de Barcelonnette et de son ressort obtinrent par conséquent ce que François Ier n'avait pas accordé à la Provence elle-même, après l'invasion de Charles-Quint.
Le roi de France n'ignorait pas que l'armée de Charles-Quint en Italie devait envahir la Provence, lorsqu'elle fut écrasée par le duc d'Enghien, à Cerisoles, en 1544.
En prévision d'autres hostilités, il s'occupait des fortifications des rives du Var.
Il faisait reconstruire les remparts de Saint-Paul, et ces travaux furent poussés avec activité en 1546 et en 1547, lorsqu'il mourut à Rambouillet, en 1547 à l'âge de 53 ans, après trente-deux ans de règne.
Après avoir parlé des mesures douloureuses prises pour délivrer la Provence de l'invasion de Charles-Quint, en 1536, le grave historien de Castellane ajoute :
"On se soumit….
Tous les Provençaux applaudirent au projet du roi, et le nom de François Ier sera toujours en bénédiction dans toute la Province ".
Note(14).
En effet, il mourut à Verceil, en 1553, et, peu de temps après, cette ville fut surprise par les Français.
De tous ses Etats, il ne lui restait, depuis dix-sept ans, que quelques forteresses, dont la principale était Nice.
Ce prince puisa dans la religion une résignation et une fermeté qui l'élevèrent au-dessus de ses malheurs.
Il avait cédé la couronne impériale à son frère Ferdinand, les royaumes d'Espagne et d'Italie à son fils Philippe II; mais, du fond de sa retraite, il suivait les événements dont ses anciens Etats étaient le théâtre.
Il mourut en 1558, à l'âge de 58 ans.
Ainsi disparurent les deux puissants souverains de la France et de l'Allemagne et Charles, duc de Savoie, notre souverain, qui fut la victime de leur ambition et de leur inimitié.
C'est en qualité de général en chef de l'armée impériale que ce jeune prince vainquit le connétable de Montmorency, à Saint-Quentin, en 1557.
Déjà, Charles-Quint lui avait donné, en 1544, l'investiture du duché de Savoie et lui avait promis tous les privilèges accordés précédemment à Charles III, son père.
La vallée fut reprise presqu'en même temps par le roi de France, Henri II.
Le comte de Tende, lieutenant-général de Provence, se transporta sur les lieux, fit révoquer le serment fait au duc de Savoie et reçut le nouvel hommage des habitants, au nom du roi, comte de Provence."
Note(15).
Il fut convenu que six places fortes continueraient cependant d'être occupées et gardées comme otages par des garnisons françaises, jusqu'à ce que la princesses de France eût donné un héritier au duc de Savoie.
Il offrait pour cela, en échange, la ville de Genève et une indemnité pécuniaire; mais tout fut inutile; la maison de Savoie ne voulut jamais accepter ces propositions.
Il y reçut Antoine Audiffred, de Jausiers, procureur de toutes les communes du Val-des-Monts et de son district .
Ce prince prolongea son séjour dans cette ville jusqu'en 1561.
Malheureusement, d'autres causes de trouble dont nous allons parler agitaient déjà les esprits et allaient bouleverser les populations alpines et les nations voisines.
En Languedoc et en Provence, le viguier, vicarius, était un juge remplissant les mêmes fonctions que les prévôts royaux dans les autres provinces de France. A partir de 1559, dit Durante, les vigueries du comté de Nice furent changées en préfectures, ayant chacune un juge mage ou préfet.
Les uns la fixent à l'année 1536, les autres à 1537, etc.
Allos ayant toujours été uni à Barcelonnette, dans toutes les vicissitudes politiques, quelques auteurs ont fini par en parler comme s'il faisait partie de la vallée de ce nom.
Nous verrons plus loin qu'un capitaine commandait le château d'Allos.
Il était aussi quelquefois viguier ou bailli.
Mais le chargé d'affaires qu'ils avaient à la cour, à leurs frais, avait à s'occuper sans doute d'autres affaires importantes pour la vallée, etc.
On n'aurait pas pu parler ainsi, en 1542, des dévastations qui avaient eu lieu depuis six ans.