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CHAPITRE VII

1.Les Sarrasins s'établissent au Fraxinet, d'où ils ravagent toute la Provence.

2.Ils se dirigent de préférence vers les montagnes, les uns par le Var et le Verdon, les autres par la Durance et l'Ubaye.

3.Vestiges de leur séjour dans la haute Provence ; une tombe sarrasine à Allos.

4.Ils perdent et reprennent le Fraxinet, pendant le règne du roi Hugues.

5.Etat lamentable de Barcelonnette, d'Allos et de toute la Provence.

6.Sa délivrance par le comte Guillaume et ses lieutenants.

  (885-1000.)

 

1. -Les Sarrasins, se souvenant des défaites que leur avait infligées Charles Martel, se contentèrent, pendant plus de cent cinquante ans (737-885), de faire une guerre de surprise aux habitants du littoral provençal.

De 885 à 889, un événement, peu important en apparence, fut le commencement d'une occupation sarrasine, qui dura presque un siècle et s'étendit non seulement jusqu'au sommet des Alpes, mais jusqu'en Bourgogne, en Italie et en Allemagne.

Vingt pirates jetés par la tempête sur les rochers du golfe de Sambracie, aujourd'hui golfe de Grimaud, s'établirent sur les hauteurs escarpées du bord de la mer, s'y fortifièrent et en firent une position inexpugnable, connue sous le nom de Fraxinet.

Grâce à leur situation, au bord de la mer, ils reçurent, dans peu de temps, de nombreux renforts d'Espagne, et il en fut ainsi, dans la suite, pendant tout le temps de cette terrible invasion ou de cette série d'invasions. " Toutes les invasions suivantes, dit M. de Rey, prirent pied d'abord au golfe de Grimaud, et nous ne voyons trace nulle part que les Maures soient entrés en Provence, pendant ce siècle, par un autre point."

" Enfin, nous les verrons plus tard, quand les populations se soulevèrent contre leur domination, se retirer vers le Fraxinet, qui fut le dernier siège de leur puissance, comme il avait été le premier."

Les villages du golfe de Grimaud eurent les premiers à souffrir de leur voisinage. La ville de Fréjus fut détruite, et ses ruines demeurèrent sans habitants aussi longtemps que Fraxinet appartint aux Maures. Antibes et Nice subirent le même sort ; l'abbaye de Saint-Pons fut brûlée, et la Turbie transformée en forteresse musulmane. Toulon, Pontevès, Vence, etc., furent saccagés.

2.- Avant d'aller plus loin, j'emprunte encore à M. de Rey quelques détails utiles sur la marche des ravageurs de nos campagnes et de nos villes : " Maîtres du pays qui forme aujourd'hui le département du Var Note(1) , dit-il, et ayant épuisé sa richesse, ils portèrent leurs ravages plus loin. Ils avaient près d'eux la belle contrée qui s'étend jusqu'au Rhône, et ils ne négligèrent sans doute pas de la parcourir et de la piller ; cependant leurs plus grands efforts semblent d'abord avoir été dirigés vers la région des Alpes.

" Les défilés et les bois favorisaient la guerre de surprises; leurs bandes peu nombreuses tombaient, à l'improviste, sur des villages sans défense, et peut-être aussi les rivalités de communes, comme le raconte Luitprand Note(2) , leur permettaient de s'immiscer dans les querelles intestines. Dans le plat pays, au contraire, ils devaient opérer à découvert et ils rencontraient des villes importantes, comme Aix et Marseille, capables de résister à des troupes de pillards. Telles furent , sans doute, les raisons qui portèrent les Sarrasins à entreprendre la conquête des Alpes, avant d'occuper toute la région au sud de la Durance.

" La chute des évêchés de Glandèves et de Senez dut suivre de près celle de Vence. La vacance de ces trois sièges, pendant le X° siècle, ou du moins l'ignorance où nous sommes du nom de leurs évêques, est une preuve de la présence des Sarrasins."

3. - La présence de ces barbares dans le diocèse de Senez, c'est le pillage, c'est le meurtre dans la vallée de l'Asse et dans celle du Verdon
Note(3) , jusqu'à Allos , car leurs bandes allaient partout , n'épargnant aucune ville , aucun village; bientôt tout le pays , au sud du Verdon , fut en leur pouvoir .

Pendant ce temps , d'autres Sarrasins remontaient la Durance et se dirigeaient également vers les montagnes des Alpes . Ils se signalèrent par la destruction de Riez , de Manosque et d'Apt , etc., et leur présence , dans cette dernière ville , en 896 , nous donne une date importante pour l'histoire de leurs invasions dans la haute Provence .

Peu à peu , ils ravagèrent les diocèses de Sisteron , de Digne , de Gap et d'Embrun .
En 916
Note(4) , cette dernière ville fut prise par trahison et la porte par laquelle y entrèrent les assiégeants a porté, depuis cette époque, le nom de porte sarrasine. L'archevêque saint Benoît fut massacré, avec les habitants de sa ville épiscopale. Saint Odilard, évêque de Saint-Jean de Maurienne, qui s'était réfugié chez saint Benoît, fut également massacré. Cet évêque et une partie de son peuple fuyaient devant d'autres barbares, les Hongrois, qui, à leur tour, traversèrent les Alpes, commettant partout des cruautés inouïes !

La simultanéité de cette invasion hongroise et de celle des Sarrasins portent M. Guillaume, archiviste de Gap, à croire que ces peuples barbares ont fait ensemble le siège d'Embrun.

La cruauté des Hongrois était telle que le même auteur se demande si elle "n'a pas donné lieu, dans nos pays, à la légende des Ogres", monstres imaginaires que l'on suppose se nourrir de chair humaine.

Par la prise d'Embrun, les Maures étaient maîtres de l'Embrunais, du Gapençais, de la vallée de Barcelonnette et de toute la Provence. Leur domination ne ressemblait pas à celle qu'ils exerçaient en Espagne, où ils avaient voulu établir un gouvernement régulier.Chez nous, ces féroces sectateurs de Mahomet étaient campés et, de préférence, sur les frontières, soit pour garder avec soin les défilés des Alpes, soit pour, arrêter et dévaliser les voyageurs.

"La très cruelle race des Sarrasins; dit un auteur de la Vie de saint Mayeul, arriva aux confins de l'Italie et de la Provence; et elle se livra à un affreux carnage sur les personnes de tout rang, de tout sexe et de tout âge, utriusque ordinis, sexûs et oetatis strages dedit".
C'est pourquoi la vallée de Barcelonnette a été occupée par eux pendant si longtemps et par des forces considérables.

Allos était, comme Barcelonnette, à la merci de la barbarie musulmane, quoique pour d'autres motifs.

Comme ce pays tient la tête de la vallée du Verdon et confine avec celle de l'Ubaye, il était exposé, à la fois, aux incursions des Sarrasins fixés dans cette vallée et aux attaques de ceux qui remontaient le Var et le Verdon. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient laissé dans notre territoire des vestiges de leur passage.
En effet, on a découvert, en 1878 une tombe sarrasine au Seignus-Bas, hameau d'Allos, dans la campagne des Guinans.

La Semaine religieuse de Digne a donné, le 4 septembre1881, d'intéressants détails sur cette découverte.
Le corps avait les bras étendus et les jambes repliées
Note(5) .
La tombe était couverte de briques rouges à crochet, mesurait 50 centimètres de côté.
La première de ces briques couvrait la tête ; la deuxième, la partie inférieure du corps ; la troisième et la quatrième, les bras, et la cinquième, le milieu du corps.
Cette dernière, par ses crochets, en sens inverse des autres, les retenait et, par elles, jetait l'eau hors de la tombe. Il y avait à côté du corps un vase de terre qui a été brisé et dont on n'a pas même conservé les débris.

On se demande, en lisant ces tristes pages, de notre histoire ce qu'était devenue l'épée de Charles Martel.

Pourquoi le gouvernement de cette époque ne faisait-il pas marcher, contre ces barbares envahisseurs, une force armée suffisante pour les jeter, dans les flots de la Méditerrannée, qui nous les avaient apportés ?

Mais Pépin et Charlemagne n'étaient plus !
Leurs successeurs n'avaient hérité ni de leur génie, ni de leur courage.
Grâce à leurs divisions et à leur faiblesse, Boson, beau-frère de Charles le Chauve, détacha la Provence de la couronne de France et il en fut proclamé roi.
Ce royaume, qui devait être le salut de cette province, en fut le fléau parce que les successeurs de Boson, au lieu d'employer, leurs armées contre les Sarrasins, qui la ruinaient et la noyaient dans le sang, les engagèrent en Italie, dans des expéditions finalement aussi désastreuses pour eux que pour leurs sujets.

Les Maures du Fraxinet dirigeaient de préférence; avons-nous dit, leurs attaques contre les villages et les campagnes, mais il ne tardèrent pas de modifier leur tactique.
Ils attaquèrent les villes, même les plus importantes, comme Aix et Marseille, et ils les réduisirent à un tel état de détresse que l'évêque de cette dernière cité alla, en pleurant, demander à l'archevêque d'Arles du pain et des vêtements pour ses chanoines et pour son peuple.

4. - Vers 922 , mourut Louis l'Aveugle , ainsi appelé parce qu'il avait eu les yeux crevés, en Italie , à l'âge de 25 ans .
Il porta , comme son père , Boson, et son successeur , Hugues , le surnom de roi de Vienne , car cette ville était alors le séjour des rois de Provence .
Leur autorité n'était réelle qu'à Arles , à Avignon et dans la vallée du Rhône ; ailleurs , ils ne régnaient que sur des ruines, sans cesse fouillées et renouvelées par de nouveaux barbares , qui ne cessaient de débarquer au golfe de Grimaud .

Le comte Hugues inaugura heureusement son règne par une victoire sur les Hongrois , qui descendirent la Durance et suivirent la voie romaine , passant à Alumniun (Notre-Dame des Anges) , Céreste, etc.,
Comme ses prédécesseurs , il alla guerroyer en Italie , où il trouva aussi les Sarrasins ; il comprit enfin qu'il fallait en finir avec eux et délivrer,à la fois , l'Italie et la Provence de ces barbares .
Il décida donc de les attaquer avec toutes ses forces et avec le secours de l'empereur de Constantinople , pour les déloger de leur forteresse réputée imprenable .

En attendant l'arrivée de la flotte grecque et le retour de l'armée provençale , qui était en Italie , les villes et les villages de ses Etats envoyaient leurs contingents .
Pour la région montagneuse , le rendez-vous était à Castellane ; pour le centre , à Draguignan , et pour le sud , à Fréjus .
Dès que la flotte de l'empereur de Constantinople fut arrivée , elle incendia les navires musulmans , en jetant sur eux du feu grégeois ; l'armée de terre s'ébranla , et le Fraxinet fut emporté d'assaut .

Malheureusement , le roi Hugues , qui avait su vaincre , ne sut pas profiter de la victoire .
Au lieu de poursuivre ses ennemis , il traita avec eux , les chargea de garder les défilés des Alpes , et il retourna en Italie avec son armée .
Sa nouvelle expédition fut malheureuse ; il revint en Provence et il alla mourir à Vienne , dans un monastère qu'il avait fondé .

Les Sarrasins reprirent la forteresse du Fraxinet , et leurs nouveaux ravages , depuis Fréjus jusqu'à Embrun , furent tels qu'il faut renoncer à les décrire , status lugendus non describendus ! comme on dit des nations infidèles , assises à l'ombre de la mort .
Ils saccagèrent surtout Fréjus , Grasse , Annot , Castellane , Taulanne et tout le diocèse de Senez .
Ce n'est qu'à la lueur de l'incendie, au bruit des armes ou aux cris des mourants , dit M. Guillaume , de Gap , dans ses Etudes sur les invasions sarrasines , que , pendant cette longue période , on peut suivre l'histoire de nos contrées .

5. - D'après Achard et M. de Rey, les Sarrasins "ont exploité les mines de fer de la Ferrière, près de Barcelonnette; ils y fabriquaient des armes, et l'on y retrouve encore le mâchefer de leurs forges " .Note(6)
Les propriétaires actuels des terres de ce quartier , toujours nommé la Ferrière , savent par leurs ancêtres qu'on a , autrefois , extrait du fer de ces propriétés , qui se trouvent non loin de Saint-Pons , sur le bord d'un petit torrent appelé la Valette .
La tradition confirme donc parfaitement ici l'affirmation des historiens, et les malheureux habitants de la vallée de l'Ubaye, qui avaient pu échapper jusque là au glaive de leurs oppresseurs, les voyaient forger les armes dont ils allaient les frapper impitoyablement à la première occasion !

Il y avait également des mines de fer à Maurin . Note(7)
L'histoire ne dit pas , il est vrai , si les Maures les ont aussi exploitées ; mais , quoi qu'il en soit , ils ont séjourné dans ce pays , puisqu'ils lui ont donné le nom qu'il porte encore aujourd'hui .

Rappelons enfin que la Maure , section d'Uvernet , rappelle d'une façon non douteuse , le souvenir de ces barbares .
Note(8)

Qu'étaient devenus, de leur côté, les survivants de la population d'Allos, qui partagea toujours la bonne et la mauvaise fortune de Barcelonnette ? Ils avaient, sans doute, demandé un abri à l'anfractuosité des rochers de leurs montagnes, car comment auraient-ils pu recourir à d'autres moyens de défense; étant dépouillés de toutes ressources et réduits à un petit nombre ?
C'est probablement alors que le pic de Prachastel, Pratum Castellum, a été habité.

Les mots Castellum et Castrum indiquent, en effet, un lieu fortifié.
Or, à quelle époque de leur histoire les habitants d'Allos ont-ils eu un besoin aussi urgent de se réfugier sur une hauteur à peu près inaccessible ?
Note(9)

Il est vrai qu'en parlant ainsi je pose le pied sur le terrain mouvant des conjectures ; mais mes lecteurs conviendront avec moi, je l'espère, que ces conjectures trouvent un solide point d'appui dans l'effrayante description que les historiens les plus autorisés nous font de l'état de la Provence, pendant la dernière période de l'invasion musulmane.
" Des villes importantes avaient été rasées les villages étaient détruits et les champs en friche. Les habitants qui avaient échappé au fer des envahisseurs erraient misérablement dans les forêts. Les bêtes fauves descendaient des montagnes dans les plaines ; des bandes énormes de loups attirés par les cadavres laissés sans sépulture, parcouraient librement les campagnes saccagées, dont ces monstres étaient les vrais maîtres après le passage des Sarrasins."
Note(10)

6.- La situation était depuis longtemps intolérable. Le pape Jean XII prêchait une sorte de croisade et engageait l'empereur 0thon Ier à marcher en personne contre les Sarrasins, lorsqu'un événement, qui eut un douloureux retentissement en Europe, produisit un soulèvement général des opprimés contre leurs barbares oppresseurs.
Saint Mayeul, célébre abbé de Cluny, natif de Valensole, tomba entre les mains de ces infidèles, en traversant les Alpes.
Il fut maltraité et les religieux de Cluny n'obtinrent sa liberté qu'en payant une énorme rançon .
Note(11)
Sa délivrance fut le signal de celle de la Provence.

Le comte Guillaume prit courageusement la direction du mouvement. Il parcourut lui-même à cheval les villes et les bourgades de ses Etats, appelant le peuple aux armes et excitant la valeur de ses vassaux, dont les plus connus étaient le baron de Castellane, qui bravait la fureur des sectateurs de Mahomet du haut de sa ville fortifiée, et Saint-Bevons, seigneur de Noyers, qui fit des prodiges de valeur à Pierre-Impie et emporta d'assaut, plus tard le petit Fraxinet ou Fraxinet de Villefranche.

Tous répondirent à l'appel qui leur était fait. Les Maures du Fraxinet, attaqués de toutes parts, furent vaincus et exterminés ou réduits en esclavage.
La Provence, définitivement délivrée, salua d'un long cri d'admiration le comte Guillaume et ses lieutenants et leur voua une éternelle reconnaissance.

Les populations des rivages de la Méditerranée , des bords du Rhône et de nos Alpes , unies dans un même enthousiasme , proclamèrent Guillaume leur libérateur.
Note(12)

Ce grand homme fut à la tête de l'armée et du gouvernement pendant près d'un quart de siècle. Il mourut à Avignon, en 992, assisté, selon son désir, de la présence et des prières de saint Mayeul.

La victoire et la mort du pieux et vaillant guerrier marquent la fin de la première partie de notre histoire, vers l'an mille, qui trouve nos pays pour ainsi dire ensevelis sous leurs ruines, mais les laisse libres et préparés par de terribles épreuves à une vie nouvelle, dont nous allons parler.

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(1) Invasions des Sarrasins en Provence,pp.107-108.
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(2) Prélat italien (920-972), évêque de Crémone, ambassadeur de l'empereur Othon et historien contemporain des invasions sarrasines.
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(3) L'auteur de l'Histoire hagiologique du diocèse de Gap prétend que les Sarrasins étaient fortement établis à Colmars, dans la vallée du Verdon, et que cette petite ville, appelée par eux Montmaur, était leur principal boulevard de la haute Provence.
Cet auteur ajoute,en conséquence,que,lorsque l'heure de la délivrance de la Provence eut sonné, le comte Guillaume, après avoir emporté d'assaut le Fraxinet, marcha vers Colmars, à la tête de son armée; qu'il défit complètement vingt mille hommes envoyés contre lui pour arrêter sa marche; qu'il revint, au printemps prochain, pour s'emparer enfin de cette place réputée à peu près imprenable et qu'il passa tous les Musulmans qui s'y trouvaient au fil de l'épée.
Tels sont les faits d'armes extraordinaires qui auraient eu lieu dans la haute vallée du Verdon, pendant l'occupation des Sarrasins. Je me contente de les indiquer, dans cette note, parce que le silence des historiens m'empêche de les considérer comme appartenant au domaine de l'histoire. Une fausse étymologie de Colmars, que Fournier, auteur de l'Histoire des Alpes-Maritimes, fait venir de ces deux mots :"Col-Maure", a pu seule faire croire à leur réalité.
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(4) "Les historiens alpins, dit M. Guillaume, sont unanimes à attribuer la prise d'Embrun aux Sarrasins. Tous en fixent invariablement la date en l'année 916."
Malgré cette unanimité,M.Guillaume, d'après des documents authentiques établissant que saint Odilard était encore évêque de Saint-Jean-de-Maurienne en 926, estime que la prise d'Embrun a eu lieu un peu plus tard et qu'elle se trouve limitée entre 926 et 930.
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(5) Les anciens peuples considéraient la terre comme la mère universelle du genre humain, et, en lui confiant les corps des morts,ils leur donnaient l'attitude des petits enfants dans le sein de leur mère. Ce rite funéraire, que l'on trouve établi dans des régions et à des époques bien différentes, doit son origine aux croyances religieuses. "C'est plus que la foi à une autre vie, a dit un philosophe,M. Troyon . C'est bien l'idée de la résurrection du corps."
Un savant hongrois M. l'abbé Wosinsky, curé d'Apar,a présenté au congrés scientifique international des catholiques, tenu à Paris en 1891, une savante étude sur cette question. La découverte, à Allos, d'une tombe sarrasine,dans laquelle se trouvait un corps replié, est donc un fait important à plus d'un titre, pour l'histoire de cette localité.
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(6) Les Invasions des Sarrasins en Provence, par M.de Rey, p. 117.
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(7) Ces mines, appelées fusines, dans le langage du pays, c'est-à-dire fonderies, sont sur la rive gauche de l'Ubaye, en face de l'église paroissiale, à peu de distance de l'importante carrière de marbre vert.
Il y avait même à Maurin une mine d'or, puisqu'on a recueilli, pendant plusieurs années,des paillettes de ce métal entrainées par les eaux d'une petite fontaine. Tout cela ne doit pas trop nous étonner. Les auteurs anciens: Posidonius, Strabon, Aristote ne disent-il pas que les commmerçants de l'Orient, par exemple les Phéniciens, visitaient les Alpes, les Cévennes, etc., où ils trouvaient, à fleur de terre, de l'or, de l'argent et d'abondantes mines de fer.
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(8) Ces noms, témoins muets, mais irrécusables, des invasions sarrasines, on les trouve ailleurs, dans les Basses-Alpes, par exemple : à Maure, près de Seyne ; à la Maurelière, de Senez ; à Barrême, dont les vieux Cadastres parlent cent fois de la Fontaine du Maure, au quartier de Valbonnette; à Serre du Maure, de Norante ; à Corbières, où il y a le Camp des Sarrasins; à Ganagobie, dont le plateau rappelle les Maures, etc., etc. Disons enfin que le nom d'un grand nombre de personnes, entre autres celui de Maurel, rappelle aussi la domination sarrasine.
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(9) Signalons ici une cause locale de cette lamentable situation :"En ces temps de guerre permanente, un seul régime est bon, celui d'une compagnie devant l'ennemi, et tel est le régime féodal.Voici dans chaque canton des bras armés, une troupe sédentaire, capable de résister à l'invasion; on ne sera plus en proie à l'étranger. Le paysan est à l'abri; on ne le tuera plus, on ne l'emmènera plus captif, avec sa famille, par troupeaux, la fourche au cou. Il ose labourer, semer, espérer en sa récolte; en cas de danger, il sait qu'il trouvera un asile pour lui, pour ses grains et pour ses bestiaux, dans l'enclos de palissades de la forteresse de son seigneur. " (Taine.) Malgré ses abus, le régime féodal fut donc un bienfait, une nécessité sociale du temps et qui donnait au peuple la sécurité. (Segond.) Or, la féodalité, qui s'établissait et se développait partout, du Xe au XIIe et au XIIIe siècles, n'existait pas ou était devenue impuissante dans les diocèses de Digne, de Senez, etc., et en particulier à Allos, puisque ce pays, comme nous le dirons bientôt, portait, à cause de cela, le nom de pays des alleux, c'est-a-dire dont les terres étaient libres de toute redevance.
La liberté dont jouissaient nos pays leur fut donc funeste en ces temps malheureux, et ils ne purent organiser aucune résistance sérieuse contre leurs implacables ennemis, tandis que les populations de la vallée du Jabron, de Castellane, etc., protégées par leurs seigneurs, résistèrent avec succés. L'historien Laurensi, parlant de cette dernière ville, nous apprend que sa baronnie (Histoire de Castellane, ch, XI) dura de 836 à 1262, par conséquent pendant 426 ans. Grâce à la féodalité, les habitants de Castellane furent donc préservés des horreurs de la dernière et de la plus longue invasion musulmane.
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(10) M.de Roy, Invasions des Sarrasins en Provence.
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(11) La rançon de saint Mayeul fut de mille livres d'argent,c'est-à-dire d'environ 80,000 francs de notre monnaie actuelle, somme qui en vaudrait aujourd'hui 700,000, dit Reinaud,auteur des Invasions des Sarrasins en France. p.201.
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(12) D'après M. de Berluc.Perussis, ce nom est celui de Guilhem Ier, comte de Forcalquier (968-992), fils de Boson, seigneur de Manosque.
Conrad le Pacifique, roi de Bourgogne, les aurait désignés comme comtes de Provence, pour ramener dans le giron provençal les diocèses de Sisteron, de Digne et de Senez, qui étaient devenus indépendants. Cette opinion a pour elle, ajoute M. de Berluc, les anciens auteurs et une charte de 1037, d'après laquelle la château de Manosque (aujourd'hui le Mont.d'Or) portait le nom de Puy de Bozon.
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