1.Juridiction des consuls d'Allos en matière criminelle et civile.
2.Le tribunal du juge établi à Allos par le comte.
3.Les consuls chargés d'administrer et de défendre le pays en temps de paix.
4.Les ouvrages de défense et les dégâts en temps de guerre exclusivement à la charge du trésor royal.
5.Les tours des remparts, la porte Boucheria, le port d'armes libre.
6.Suppression de quelques impôts; reddition des comptes du clavaire.
7.Des seigneurs d'Allos, de la délivrance des captifs.
8.Du transport des marchandises, des pâturages, des foires, des troupeaux, du sel, de l'irrigation des champs.
9.Syndicat et bailliage d'Allos.
Préliminaires de l'annexion à la Savoie.
(1385-1388.)
1. La partie la plus essentielle de la charte, du 12 août 1385 est la juridiction des consuls d'Allos. La juridiction souveraine, comme le mot l'indique, était celle du roi, ou du comte de Provence. La juridiction mixte ou moyenne donnait aux juges qui en étaient investis le droit de condamner les coupables des crimes non compris dans la juridiction souveraine et de tous les délits. Voici une série de faits criminels ou délictueux qui entraient dans l'exercice de la juridiction mixte ou consulaire : Les consuls d'Allos étaient donc des magistrats remplissant les fonctions ordinaires de la judicature. Les condamnations à la détention n'étaient pas dans les moeurs au moyen âge. "Dans nos anciens statuts, dit le docteur Honnorat, ce mot ban, bannum, signifie tantôt prohibition faite par la loi municipale et tantôt la peine imposée à ceux qui y contrevenaient . Dans cet article de la charte, le mot ban est pris dans ce dernier sens et il ne diffère de l'amende que par le nom et par la destination de la somme payée par les délinquants. Les arrêts étaient, nous l'avons déjà dit, une peine imposée à ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas payer ce qu'ils devaient.
Les consuls d'Allos jugeaient donc au criminel et au civil. Leur juridiction était vraiment universelle, dans ce sens qu'ils déclaraient et définissaient eux-mêmes leur compétence, tant en matière civile que criminelle , Veut-on savoir, dit encore l'auteur de l'Histoire de la Viguerie de Forcalquier, pourquoi les habitants d'Allos insistaient tant pour la juridiction de leurs consuls ? C'est qu'ils y avaient un intérêt majeur : ils ne payaient pas de lates au tribunal du consulat. La late, lata, était un droit que tout plaideur, soit demandant, soit défendant, était tenu d'acquitter, dans la caisse du fisc, dès l'introduction de l'instance. Les habitants d'Allos, ainsi que ceux de beaucoup d'autres communes, surent s'en affranchir. On les exempta de la late, Note(8) non seulement pour les procès portés devant le tribunal des consuls, mais encore pour ceux dont les officiers du comte connaissaient, pourvu toutefois que la demande fût reconnue par le défendeur.
2. A côté du tribunal consulaire, fonctionnait un autre tribunal, celui des officiers du comte, car, "indépendamment du bailli, continue M. Arnaud, il y avait à Allos un juge ayant avec lui greffier et clavaire ". On les appelait officiers mineurs, pour les distinguer du juge mage, des maitres rationaux, des archivaires, etc., qui portaient le nom d'officiers majeurs et avaient leur résidence à Aix.
La proximité de ces deux tribunaux, dans un petit pays, occasionna inévitablement des difficultés et même des conflits, dont les habitants avaient à souffrir. Ces empiétements furent signalés au sénéchal de Spinola, qui prit énergiquement la défense des consuls, mais d'une façon assez singulière. 3. - Le consulat était une institution administrative plus encore que judiciaire, ad consulendum et regendum .
En vertu de l'article 30 de la charte, les consuls réunissaient le conseil, désignaient le lieu de la réunion, etc., consilium mandare, tenere et celebrare . Ce privilège était-il nouveau ou bien simplement confirmé et renouvelé par le sénéchal ? Il est certain qu'il existait déjà à Colmars, car les assemblées populaires, dit M. Camille Arnaud, interdites dans presque toute la Provence, persistèrent à Colmars. Nos consuls, avons-nous dit, édictaient des bans, c'est-à-dire des prescriptions et prohibitions municipales, pour assurer la salubrité, la tranquillité et la sécurité dans le district : c'étaient les règlements de police de cette époque. Une de leurs fonctions les plus importantes était la garde et la défense du pays. Allos était un lieu fortifié, castrum, comme disent les chartes. Les droits et les devoirs des consuls, à ce sujet, sont parfaitement déterminés par l'article 49 de notre charte de 1385.
4. - Mais si les consuls seuls avaient la garde du pays en temps de paix, il n'en était pas ainsi en temps de guerre. La promesse faite à ce sujet par le sénéchal, au nom de Charles de Duras, est tellement formelle que, si lesdits habitants, par un abus de pouvoir ou par suite d'un concours de circonstances imprévues, payaient une partie de ces frais, ils avaient droit à une indemnité équivalente et même à une compensation de plein droit. Nos ancêtres pouvaient également réclamer des indemnités pour occupation, détérioration ou destruction de leurs biens, non par fait de guerre ou par l'ennemi, mais par les administrateurs locaux ou par les envoyés royaux faisant construire des tours, de nouveaux remparts, etc., ou réparant les anciens. L'article 20 de notre charte donne à ce sujet des détails qui ont leur importance. Cet intérêt était évidemment politique et il primait l'intérêt local. Mais quel avantage politique pouvait avoir un roi de Naples à posséder un bourg fortifié dans les Alpes? Pour le comprendre, n'oublions pas que ce roi était Charles de Duras, compétiteur de Louis II, qu'il voulait s'emparer de la Provence, qu'il était déjà maître du comté de Nice et qu'Allos était devenu, par conséquent, malgré son peu d'importance, place frontière de ce comté.
Le sénéchal de Charles fit aux habitants une concession très utile en les déchargeant temporairement d'un impôt dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. 5. Il leur permit aussi de transformer la partie supérieure des tours existantes et de celles que l'on pourrait construire, d'y ménager des habitations, de les louer à leur profit ou d'y déposer ce qu'ils voudraient. Note (14) Nous avons déjà fait remarquer incidemment que les consuls furent autorisés à établir une prison dans une tour voisine du Portail boucher ou bouchier, juxtà Portam brocheriam. Disons enfin, pour grouper ici tout ce que contient la charte touchant la défense militaire du pays et le droit individuel de légitime défense, que les habitants d'Allos supplièrent le roi de ne pas leur envoyer un capitaine, ni un autre chef militaire de quartier, à moins qu'il n'en fût prié par une demande formelle de leur part, et de les affranchir de toute défense du port d'armes. 6. - Le désir qu'avait le roi de contenter ses nouveaux sujets et la présence de son sénéchal portèrent nos ancêtres à solliciter la diminution des impôts, qui étaient difficiles à payer dans ces temps de troubles et de calamités publiques. Ils furent déchargés du fouage ou impôt par feu, ab hominibus loci de Alosio non exigat ulterius aliqua focagia. Si l'intervention du roi était nécessaire pour la réduction de l'impôt, les consuls avaient cependant une fonction aussi importante qu'honorable en matière fiscale : Ils se réunissaient, pour cela, avec leurs collègues, les consuls de Colmars, prêtaient serment entre les mains du bailli et procédaient ensuite à l'examen des comptes, en présence d'un délégué du tribunal du comte. Les fonctions judiciaires et administratives des consuls leur faisaient une situation très considérable dans la commune. Pour en finir avec la charte de 1385, sans oublier cependant aucune des libertés qu'elle apporta à nos pères, mentionnons les suivantes, à la fin de cette étude, peut-être déjà trop longue.
7. Y avait-il encore des membres de la noblesse d'Allos en 1385 ?
On peut répondre oui et non, en faisant la distinction que faisait saint Jean-Baptiste. Il n'y en avait pas parce qu'ils avaient fixé leur domicile ailleurs. On s'occupa ensuite des captifs, de leur délivrance et de leur rapatriement. Il leur fut également accordé que les juges du comte ou du roi ne pourraient prononcer la confiscation des biens qu'en présence de deux prud'hommes. 8. - Au moyeu âge, comme aujourd'hui, l'élevage et le nourrissage des bestiaux étaient la principale ressource d'Allos, et il y avait, paraît-il, surabondance de pâturages, puisque les consuls furent autorisés à les louer même à des étrangers. Les habitants demandèrent une entière liberté pour la vente et l'achat du bétail, ainsi que pour conduire leurs troupeaux dans un climat plus doux, pour les y faire paître pendant l'hiver. Le sénéchal leur répondit en prenant les dispositions suivantes: La même liberté est accordée a toutes les personnes de la localité pour le transport des marchandises qu'elles voudront vendre ou acheter, faire apporter des terres de Provence ou les y transporter sans qu'on puisse exiger d'elles aucune redevance sur les terres du roi. Nos pères demandèrent que la foire qui était fixée au quinze août, fête de l'Assomption de la Sainte Vierge, fût transférée au 8 septembre, fête de la Nativité. Le concours d'étrangers dont cette foire était l'objet était si considérable que le sénéchal autorisa les consuls à organiser une surveillance armée, chargée de veiller, le jour et la nuit, à la garde du chef-lieu et du territoire, avant, pendant et après ce concours. Note(18) Le sel nécessaire à l'alimentation des hommes et des animaux était apporté de Toulon, de Fréjus, de Nice, de Grasse ou d'ailleurs ; il était acheté par les habitants d'Allos à peu près comme ils achètent le tabac aujourd'hui. L'article 2 apporta un adoucissement sensible à cette gênante réglementation fiscale appelée l'impôt de la gabelle ; il permit de faire des provisions de sel et de le transporter où l'on voudrait, dans les montagnes des Alpes, par exemple à Barcelonnette, à Briançon, etc., mais avec défense formelle de ne jamais le fournir aux ennemis. L'agriculture ne fut pas oubliée dans cette charte, qui touche à tous les intérêts du pays.
Pour faciliter l'irrigation des champs, on permit aux agriculteurs d'amener les eaux par des rigoles qui traversaient ou qui suivaient les chemins publics. Les possesseurs des moulins et des foulons avaient également la liberté de faire passer par les voies publiques l'eau nécessaire à leurs usines. 9. - Disons, en terminant, ce que statua le sénéchal relativement aux syndicat et au bailliage. Les syndics étaient alors, en général, des fonctionnaires chargés de prendre soin des affaires de la commune. En dehors et à côté de l'administration municipale strictement réservée à la commune , dit l'auteur de l'Histoire de Barrême , étaient placés les agents de l'autorité souveraine , dont le principal était le bailli . Allos voulait être chef-lieu du bailliage de la vallée du Verdon ou bien avoir le droit de nommer son propre bailli. Telle est la charte de 1385 , la plus importante de notre histoire après celle de Raymond-Bérenger .
Raymond-Bérenger avait établi les bases et les principaux rouages de l'organisation communale. Ce prince mourut comme il avait fait mourir la reine Jeanne; il fut assassiné en Hongrie, en 1386 .
Ladislas, son fils, lui succéda, et nous allons voir, dans le chapitre suivant , comment , sous son règne , le comté de Nice fut annexé à la Savoie .
(1) Pignerationes factoe propria auctoritate ,gages dont le créancier s'emparait de son propre chef. (2) Dans les deux premiers articles, le sénéchal parle des habitants d'Allos, de Colmars et de Beauvezer, de Alosio, de Collomartio et de Bellovedere, comme si les privilèges énumérés dans sa charte étaient accordés à ces trois pays. (3) La condamnation à cette peine était un reste des coutumes barbares antérieures au moyen âge. (4) Hostagium seu ostagium tenere, hostager , se disait du débiteur contraint de stationner dans un endroit désigné jusqu'à ce qu'il eût satisfait son créancier. (5) Neque aliquibus petitionibus pro ostagiis, sive arresto teneri(art. 28). (6) Histoire de la Viguerie de Forcalquier, t. I, p. 227. (7) Liceat consulibus ipsis definire et declarare omnes causas pertinentes ad illos, criminales et civiles, irrequisito baiulo et omni alio regio officiali. (8) Quelques auteurs entendent par late " la taxe imposée au débiteur en retard ", et ils orthographient ce mot différemment, en l'écrivant comme latte, pièce de bois clouée sur les chevrons pour supporter les ardoises , les tuiles ou les planches . (9) D'après Augustin Fabre, les consuls d'Arles, voyant que les affaires litigieuses augmentaient, cédèrent leurs fonctions judiciaires à des officiers consacrés à l'étude du droit. (10) On lit dans l'Histoire de la Viguerie de Forcalquier: "Nous croyons que, très anciennement, à une époque dont il ne nous reste aucun document, les élections tant des conseillers que des officiers municipaux étaient faites par des assemblées auxquelles participait l'universalité des habitants; mais on supprima cette liberté et on lui substitua l'élection faite par les conseils, anciens et modernes, avec l'adjonction des cités, c'est-à-dire des prud'hommes. (11) Consules possint excubias quascumque necessarias pro custodia loci fieri facere et mandare quibuscumque... et omnes illi excubias facientes jurent in manibus dictorum consulum bene et legaliter excubias faciendi et si per illos contra factum fuerit puniantur. Nec dictus dominus rex aut sui officiales aliqas excubias mandent nisi tempore guerroe et quando per consules et homines ipsius loci fuerint requisiti.. (12) Dominus rex et sui successores teneantur defendere dictum castrum et homines ipsius castri et territorii ejusdem ab omnibus inquietantibus seu guerroe aut insidias inferentibus, sumptibus et depensis curioe supradictoe et casu quo oporteret dictos homines de Alosio pro custodia dicti loci aliquas expansas facere quod de juribus et proventibus dicti domini regis omnes ipsoe expensoe eisdem restituantur et ipsa jura et census et servicia atque proventus homines dicti loci sibi retinere possint usque ad satisfactionem expensarum ipsarum. (Art.10.) (13) Causantibus guerris quoe in Provinciam viguerunt et mortalitatibus ac pro fortificatione castri de Alosio quoedam proedia, prata, orti et hospicia fuerunt descripta sive devastata et quoedam etiam destruenda(Art. 20.) (14) In turribus factis et fiendis (sic), in fortificatione castri Alosii, possint homines dicti loci hostia sive portas et mansiones facere... Ita quod, proventus sive loquerium pertineat ad eosdem. (15) J'ai entendu souvent prononcer ces mots et je dois ajouter que, maintes fois, on leur donne un tour négatif, en disant par exemple, en présence d'un souffreteux, ès pas ou banc das consous. (16) Averia hominum de Alosio qui in Provincia causa uvernandi ire contingerit et redire causa estivandi in partibus montanorum, nullum pedagium, passagium, pulveragium nullumque ramagium…, solvere teneantur, etc. (Art.50.) (17) Pro aliquibus ,mercaturis ad partes Provincioe facerent deportare sive de partibus Provencioe ad partes montanorum ac pro aliquibus animalibus oneratis. (Art. 60.) (18) Consules ipsis nundinis durantitubus, ante et post omne tempore (sic), pro custodia ville, et territorii de Alosio, diurnam et nocturnam faciendam. (Art. 65.) (19) Transferre, portare vel portari facere possint trans colles, et ad loca videlicet Barcillonnioe, Briançoni et alia... Et pro sale possint homines de Alosio facere congregationem etiam pro libitu voluntatis. (Art. 21.) (20) Possint eligere homines ipsius loci quando eis placuerit, anno quolibet unum, vel duos, vel plures defensores qui habeant pupillos, viduas Alosii et singulares personas defendere ab omnibus injusticiis sumptibus universitatis. (21) Quod in ipso castro teneatur pro ipsa valle curia domini nostri regis et sit caput baiulioe et de casu quo nom esset caput baiulioe quod baiulus qui pro tempore fuerit in capite, in ipso castro de Alosio, ad nominationem Consulum et consilii ipsius loci et non aliter. (Art 67.)
On distinguait alors trois sortes de juridiction : la juridiction ou justice souveraine, merum imperium, la juridiction moyenne ou mixte,mixtum imperium, et la juridiction universelle, omnimoda juridictio.
A elle appartenait le jugement des criminels pouvant être condamnés à mort, à la mutilation, à d'autres peines corporelles.
Telle était, dit l'auteur de l'Histoire de la Viguerie de Forcalquier, celle des consuls d'Allos.
injures verbales, tirer le glaive du fourreau avec menace de frapper quelqu'un, coups de pierres, soufflets, saisie de gages sans autorisation de la justice,
Note(1) s'approcher de quelqu'un, pendant la nuit, sans lumière, blasphèmes contre Dieu ou contre sa sainte Mère ; empêchement du transport du blé ou d'autres choses nécessaires à la vie, obstruction volontaire des rues et des chemins publics, etc., etc.
Ils pouvaient siéger régulièrement et prononcer les jugements de leur compétence, en l'absence du bailli royal, le cinquième membre du consulat.
Ils avaient le droit de faire arrêter les délinquants, de les détenir, de les faire mettre aux entraves, compeditare, de les punir comme ils jugeaient à propos, pro arbitrio.
La charte
Note(2) leur donnait, à ce sujet, un pouvoir discrétionnaire presque illimité.
La prison n'était cependant pas chose inconnue, et Balthazard de Spinola accorda l'autorisation d'en faire une dans une tour des remparts, à côté de la porte dite Porta Brocheria ou Bocharia , Pourtaou Bouchia ou de la boucherie.
Cette prison était, comme on dirait aujourd'hui, un dépôt où certains accusés étaient retenus jusqu'au jour de leur condamnation.
Alors, s'ils étaient reconnus coupables de véritables crimes, les juges royaux les condamnaient à une punition corporelle, par exemple la mutilation ; on leur coupait un pied ou une main, et on les renvoyait . Note(3)
S'ils étaient reconnus moins coupables, les consuls leur infligeaient une punition pécuniaire.
Les peines pécuniaires ordinaires étaient le ban et l'amende, et , lorsque les condamnés ne les payaient pas ou refusaient de solder d'autres dettes, ils étaient condamnés aux arrêts.
De là, venait le nom de banniers qu'on donnait à ceux qui étaient commis à la garde des terres.
Les consuls d'Allos imposaient souvent la peine du ban à ceux qui avaient fait des dégâts dans les blés, les prés, les pâturages, damnum dantibus in segetibus, pratis, bladis et aliis defensibus dicti loci.
Le produit des amendes entrait dans la caisse du fisc, et celui des bans était partagé entre les banniers, le viguier et la commune.
Note(4)
A la demande du créancier, le tribunal condamnait le débiteur à rester jour et nuit devant le tribunal, ou sur une place publique, ou dans telle rue, jusqu'à ce qu'il eut payé ce qu'il devait ou fait cession de ses biens.
Cette peine, à laquelle les mauvais payeurs étaient souvent condamnés, était parfois très incommode.
Le sénéchal, après avoir entendu à ce sujet les doléances de nos ancêtres, décida que désormais, dans le district d'Allos, on ne condamnerait plus les débiteurs aux arrêts, au moins dans certains cas prévus par la charte.
Note(5)
Au civil, dit M. Camille Arnaud, leur tribunal était quelque chose d'approchant notre juridiction correctionnelle, laquelle ne connaît que des délits, laissant au jury le soin de statuer sur les crimes. Note(6)
Note(7) et qu'ils pouvaient publier partout des bans ou défenses, faire saisir et emprisonner les délinquants, en attendant qu'il fût décidé devant quelle juridiction ils devaient être renvoyés .
Il y avait des règles à ce sujet, sur lequel s'était établie une espèce de jurisprudence.
On était dans l'habitude de les affermer.
En 1535, à Forcalquier, l'adjudication des lates fut faite moyennant le prix de 2,210 florins!...
Il suffit d'énoncer ce fait pour faire comprendre les abus auxquels donnait lieu la perception d'un pareil impôt.
Les officiers du comte, officiales regii, commençaient des procédures et faisaient instruire des affaires qui étaient de la compétence des consuls, afin d'avoir droit aux émoluments que ces affaires procuraient aux juges , quod soepe fiunt , pro lucro sibi acquirendo .
Il déclara que si, désormais, le juge royal appelait indûment à son tribunal des délinquants relevant de la juridiction consulaire, ceux-ci pourraient, lorsqu'ils seraient régulièrement poursuivis devant le tribunal du comte, arguer de nullité et ne pas se soumettre aux peines qui leur seraient imposées.
C'était les autoriser à profiter de la rapacité ou de la maladresse des officiers du comte.
Note(9)
Ils avaient également le droit de convoquer les habitants en assemblée générale, chaque fois qu'ils le trouvaient à propos, congregationem mandare et fieri facere, quotiescumque eis placuerit.
Le pouvoir de réunir ainsi les habitants en assemblée populaire pour traiter les affaires de la commune, faire l'élection des conseillers, etc., était une prérogative considérable.
Cela résulte d'un acte de la reine Marie, régente de Louis II, du 8 février 1391, et d'une ordonnance royale publiée cent cinquante ans plus tard, à Chambord, en 1551, portant que le bailli de Colmars devait assister au conseil et aux assemblées des habitants , quand il leur convenait de se réunir pour traiter leurs communes affaires.
Note(10)
Cet auteur ajoute que les habitants d'Allos jouissaient de la même faculté .
Ils avaient la surveillance des poids et des mesures, de l'étalage des revendeurs, de la boucherie et la police des foires et marchés.
Ils s'occupaient de l'entrée des céréales, de l'incolat, c'est-à-dire de la situation des étrangers dans le pays, et ils faisaient garder la paix aux tapageurs.
Les consuls en avaient les clefs et, par leurs soins, une surveillance nocturne y était organisée, lorsque les circonstances l'exigeaient, afin de prévenir les surprises et d'appeler les habitants aux armes, en cas de danger.
Note(11)
Il y est stipulé qu'en temps de paix les consuls seuls peuvent commander le guet; que les habitants, requis par eux, doivent promettre, par serment fait entre leurs mains, de s'acquitter fidèlement du devoir qui leur est imposé ; qu'ils seront punis par lesdits consuls s'ils agissent contre leur serment, et enfin que les officiers royaux et le roi lui-même ne pourront ordonner le guet en temps de paix, à moins que les consuls et la population ne demandent leur intervention.
Le roi et ses successeurs étaient tenus de défendre les habitants d'Allos, ainsi que leur territoire contre les attaques de leurs ennemis et aux frais du trésor royal.
Note(12)
Le représentant du roi alla jusqu'à leur permettre d'opérer eux-mêmes cette compensation, en faisant des retenues sur les impôts dus au souverain, jusqu'à concurrence de la somme qui leur revenait !
Après les dernières guerres et les maladies dont la Provence venait d'être le théâtre, y est-il dit, on travailla aux fortifications d'Allos, et ces travaux rendirent nécessaire l'occupation des maisons, des jardins, ainsi que des champs voisins, et la démolition de quelques habitations.
Note(13)
Les propriétaires qui avaient subi ces dégâts ou qui avaient été dépossédés de leurs maisons furent déchargés des redevances foncières, c'est-à-dire de l'impôt du cens qu'ils devaient au gouvernement, car on fortifiait Allos dans l'intérêt du roi.
Nos pères le comprirent parfaitement, et ils en firent un argument pour obtenir les indemnités qu'ils sollicitaient ; le sénéchal n'en disconvint pas, et le notaire rédacteur l'inséra dans la charte.
Tenant compte des vexations et des lourdes charges qu'ils avaient à supporter à l'occasion des guerres et des fortifications d'Allos, il les dispensa, pour douze années, des vingt-cinq livres qu'ils payaient annuellement pour les cavalcades, attentis oppressionibus fortificationum et guerrarum.., hominibus de Alosio, viginti quinque libras gratiose remissis.
On pouvait, par conséquent, couvrir l'intérieur de ces tours, y pratiquer des ouvertures, etc.
Ajoutons qu'ils pouvaient aussi, et sans l'intervention des officiers royaux, en faire un lieu de réunion pour le conseil, en un mot en disposer selon leur volonté, prout eis placebit .
Le sénéchal répondit que l'autorité royale ne leur imposerait pas de chef militaire en temps de paix, mais qu'elle se réservait toute sa liberté d'action en temps de guerre, et qu'ils pouvaient porter les armes qu'ils voudraient, en particulier des couteaux de chasse et des sabres dans les champs, sur les routes et dans les forêts du territoire d'Allos, deferre eorum cultellos et alia ipsorum arma pro libitu voluntatis.
Nous avons dit comment ils furent dispensés de payer les cavalcades, pendant une période de douze années, et le sénéchal leur promit qu'ils ne payeraient désormais ni taille, ni prestation quelconque, en nature ou en argent, en dehors des impôts accoutumés.
ils étaient juges des comptes du clavaire.
Cette assemblée des consuls d'Allos et de Colmars, ayant au milieu d'eux un officier de la curie royale, était une petite cour des comptes.
Le premier fonctionnaire dont elle eut à examiner la gestion était l'ancien clavaire de la vallée du Verdon et il s'appelait Louis Gautier.
La décision des consuls, prononcée au nom du seigneur roi, nomine domini regis, dit la charte (art. 33), était définitive et il n'y avait pas lieu ordinairement de recourir à des juges supérieurs.
L'importance de cette situation était même devenue proverbiale, et aujourd'hui encore, à Allos, les anciens du pays disent de quelqu'un qui est estimé, considéré, influent,
" on dirait qu'il est au banc des consuls " , es ou banc des consous !
Note(15)
Il y en avait, en effet, puisqu'un article de la charte les obligea à contribuer aux charges communes, comme les autres propriétaires, et qu'un autre article reconnaît leur droit d'y percevoir les redevances féodales appelées services, trezains, lesdes, cens etc.
La vérité est donc qu'il y avait encore des nobles d'Allos, mais qu'il n'y en avait pas alors à Allos.
C'est pourquoi le sénéchal dispensa de l'obligation imposée par Raymond-Bérenger de choisir un consul parmi les seigneurs.
Il y avait donc alors des captifs, hélas ! et l'on s'occupait de leur délivrance.
Il fut stipulé dans la charte qu'il n'y aurait rien à payer pour leurs frais de retour, pro carreragio nihil solvere teneantur
Ce qu'ils demandaient leur fut accordé, excepté pour les cas où il y aurait lieu d'infliger une peine corporelle très grave, par exemple la mutilation.
Cette mesure était dictée par la prudence :
les prud'hommes étaient du pays et pouvaient donner de précieux renseignements aux juges royaux qui étaient des étrangers.
"Les troupeaux d'Allos qui vont hiverner dans la basse Provence et qui reviennent dans les montagnes pour y passer l'été auront le passage libre et gratuit sur toutes les terres du comte de Provence et de Forcalquier, et les conducteurs de ces troupeaux n'auront aucune indemnité ou redevance à payer, excepté pour les dégâts faits dans les blés, les vignes et les prés, etc...
Note(16)
On pourra également conduire ces bestiaux ailleurs, pour les vendre ou pour tout autre motif, malgré les défenses existantes ou qui pourraient être faites et qui seront non avenues pour les troupeaux d'Allos; mais il ne sera pas permis de vendre des bestiaux aux ennemis du roi ou de la patrie. "
Note(17)
L'organisation d'une patrouille nocturne et d'une milice diurne à l'occasion d'une foire témoigne évidemment de son importance.
Qui aurait songé à établir une milice quelconque pour maintenir l'ordre dans un simple marché !
Note(19)
On pouvait établir ces rigoles sans avoir demandé aucune autorisation, mais en ayant soin de ne pas rendre les chemins impraticables.
Cette liberté était d'autant plus précieuse que les habitants pouvaient, en vertu d'un autre article de ladite charte, établir des moulins et des foulons, molandina et paratoria, sans être obligés de payer aucune redevance.
Le syndicat était presque partout d'ordre administratif, et le consulat d'ordre judiciaire.
Chez nous, les syndics étaient spécialement chargés de défendre les orphelins, les veuves et, au besoin, toutes les autres personnes de la communauté.
Ils étaient donc les avocats des faibles et de toutes les victimes des injustices humaines, et ils devaient les défendre aux frais de la municipalité.
Leur nombre n'était pas limité : les membres du conseil, réunis avec les consuls, pouvaient en élire plusieurs ou un seul, pour un an seulement.
Note(20)
Note(21)
Cette demande fut acceptée à demi.
Les consuls et le conseil d'Allos nommèrent leur bailli.
C'est un des plus rares privilèges qu'on puisse rencontrer ; mais il ne dura que sept ans .
Il fut transformé, en 1392, par Amédée VIII , comte de Savoie , qui accorda une compensation dont nous parlerons plus tard .
Le sénéchal Spinola compléta cette organisation, en accordant des libertés et des privilèges particuliers à nos ancêtres , pour les attacher à la personne et à la dynastie de Charles de Duras .
Par exemple, quelqu'un ne payait pas une petite somme qu'il devait à son voisin.
Celui-ci allait chez lui s'emparait d'un objet de la valeur de cette somme, l'emportait en nantissement et n'avait plus rien à déméler avec son débiteur.
Le cas qui suit, accessus de nocte sine lumine, peint également les moeurs de cette époque.
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A partir du troisième article, au contraire, il ne s'occupe que d'Allos, et, si les noms de Colmars et de Beauvezer reviennent deux ou trois fois sous la plume de son notaire rédacteur, c'est incidemment et à cause de certaines difficultés que des communes voisines ont inévitablement à résoudre entre elles.
Pourquoi ces deux communes sont-elles si associées à celle d'Allos dans les deux premiers articles d'une charte dont les soixante-sept autres articles sont exclusivement consacrés à notre pays ?
Parce que ces deux articles sont la suite et le complément de la charte de Raymond-Bérenger, qui accorda le consulat à Colmars, à Allos et à Beauvezer.
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L'orthographe et la signification données par M. Camille Arnaud me paraissent préférables .
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Ils pouvaient donc être consuls sans être juges. (Histoire de Provence, t, II, p. 72.)
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Cependant il n'y eut pas uniformité sur ce point.
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Les près et les jardins dont il est fait mention dans cet article sont sans doute le Prè de la porte, propriété située près de l'ancienne porte du nord , Pourtaou de l'auro, et les jardins de la Rochette, qui touchaient les remparts du côté du nord, du couchant et du midi.
Les maisons qui furent rasées étaient probablement hors des murs d'enceinte et il y avait à craindre que l'ennemi ne s'y établit pour attaquer la place , ou bien on les acheta pour construire sur leur emplacement des tours adhérentes aux remparts.
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La distinction entre les tours existantes et celles que l'on devait construire est une preuve de plus de l'impulsion donnée à cette époque, dans notre région, aux travaux de défense militaire,
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Les consuls d'Allos avaient des places d'honneur à l'église et ils s'y rendaient en tenue ordinaire tous les dimanches et en chaperon, aux grandes fêtes.
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